Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.107/2007
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2C_107/2007

Arrêt 22 janvier 2008
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler et Aubry Girardin.
Greffier: M. Addy.

X. ________ SA,
recourante, représentée par Me Olivier Rodondi,
avocat,

contre

Y.________ SA,
intimée, représentée par Me Olivier Boschetti,
avocat,

A.________ SA,
autorité d'adjudication, représentée par Me Denis Esseiva, avocat,

Marchés publics,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud du
30 mars 2007.

Faits:

A.
A. ________ SA est une société reconnue d'utilité publique; elle gère la
collecte et le traitement des déchets de 74 communes du Nord vaudois. Jusqu'à
récemment, elle avait confié le ramassage de ces déchets sur une base
contractuelle aux sociétés X.________ SA et Z.________ SA.

Dans le souci de rationaliser la récolte des déchets et de répondre aux
exigences de la nouvelle usine d'incinération Tridel, à Lausanne,
A.________ SA a décidé de réorganiser une partie de ses activités et a mis en
soumission, dans la Feuille des avis officiels du canton de Vaud du 6 octobre
2006, le marché public suivant: "collecte hebdomadaire et transport des
ordures ménagères dans les communes du Nord vaudois à l'aide d'un système de
collecte intégrée (IES) à chargement latéral, livraison des bennes de déchets
dans les gares de Chavornay et d'Yverdon-les-Bains." Le marché concerne 56
communes et porte sur un volume de déchets estimé à 3'900 tonnes par an,
selon les informations contenues dans le règlement de procédure (ch. 1.3). Ce
texte règle également les conditions de participation (ch. 2). Il énonce les
critères d'aptitude (ch. 3.6) et d'adjudication, la pondération de ceux-ci
(cf. ch. 3.7), ainsi que la manière de les noter (ch. 3.8) et d'évaluer les
offres (ch. 3.9). Les autres informations importantes relatives au marché
sont consignées dans un cahier des charges, qui prévoit notamment que les
soumissionnaires doivent récolter les déchets à raison d'un passage
hebdomadaire par commune (ch. 5.1.4), mais que leur offre doit aussi chiffrer
les coûts supplémentaires engendrés par une collecte bi-hebdomadaire, comme
cela est déjà le cas dans les communes de Grandson, Montagny et Yvonand (ch.
7); le cahier des charges précise encore que les soumissionnaires doivent
mettre à disposition de l'adjudicateur un chauffeur et deux chargeurs pour
l'exécution de leur mandat (ch. 5.4.3) et qu'ils peuvent, en principe,
proposer des variantes d'exécution si celles-ci sont chiffrées et décrites au
même niveau de détail que les prestations de base (ch. 9). Le dossier d'appel
d'offres a été élaboré par l'adjudicateur avec le concours de la société
E.________ SA.

Trois soumissions ont été déposées dans le délai imparti, soit celles des
sociétés X.________ SA, pour un montant de 408'900 fr., Z.________ SA, pour
un montant de 435'000 fr., et Y.________ SA pour un montant de 670'140 fr. Ce
dernier soumissionnaire a également proposé, à titre de variante, d'établir
un planing permettant de collecter le même jour les déchets auprès des
déchetteries communales disposant d'employés pouvant aider au chargement,
afin de limiter l'équipage nécessaire pour ces tournées au seul chauffeur
éventuellement accompagné d'un chargeur et d'économiser de la sorte des frais
de personnel; le prix offert pour la variante se monte à 613'641 fr.

A l'issue d'une séance de clarification qui s'est tenue le 30 novembre 2006,
il est apparu que la soumission de Y.________ SA comprenait, aussi bien pour
l'offre de base que pour la variante, une plus-value de 248'511 fr.
correspondant au coût engendré par une collecte bi-hebdomadaire des déchets
dans l'ensemble des 56 communes concernées et non seulement dans les communes
de Grandson, Montagny et Yvonand; comme les participants à la séance ont
admis qu'aucune commune supplémentaire ne souhaitait une collecte
bi-hebdomadaire, la plus-value n'avait plus lieu d'être; les montants offerts
par ce candidat ont dès lors été corrigés et ramenés à respectivement 383'580
fr. pour l'offre de base et 365'130 fr. pour la variante.

Les trois soumissions en lice ont chacune reçu une note de 13 points pour les
critères d'aptitude et ont été admises à participer à la phase d'adjudication
où elles ont été notées comme suit:
Candidat        Critères d'adjudication
Note
Prix (60%)                  Prestations proposées (30%)               Réf.
(10%)

Total
Note
prix
Organisation de la collecte
(20 %)
Gestion des
ressources
(20 %)
Situations
exceptionnelles
(20%)
Note finale
prestations

Y.________
365'130
5.00
4
3
3.8
2
4.3
X.________
408'900
3.56
4
5
3
4.0
4
3.7
Z.________ SA
435'000
2.96
3
4
3
3.2
3
3.0

Par décision du 1er décembre 2006, A.________ SA a informé X.________ SA que
son offre n'avait pas été retenue et que le marché avait été adjugé à
Y.________ SA pour le prix de 365'130 fr.

B.
X. ________ SA a recouru contre la décision précitée du 1er décembre, en
concluant à l'annulation de celle-ci ou, subsidiairement, à sa réforme et à
l'attribution du marché à elle-même. Pour l'essentiel, elle a fait valoir que
l'adjudication violait les principes de la transparence de la procédure, de
l'intangibilité des offres, de l'interdiction des rounds de négociation et de
l'égalité de traitement entre concurrents, aux motifs notamment que les
critères n'étaient pas correctement présentés dans l'appel d'offres, que la
notation ne tenait pas compte des critères d'aptitude, que le marché avait
été adjugé sur la base d'une variante d'exécution non conforme au cahier des
charges et anormalement basse et que l'adjudicateur avait modifié après
l'ouverture des offres la soumission retenue. X.________ SA requérait
également la mise en oeuvre d'une expertise à l'appui de ses allégués.

A. ________ SA et Y.________ SA ont conclu au rejet du recours.

Par arrêt du 30 mars 2007, le Tribunal administratif du canton de Vaud
(ci-après: le Tribunal administratif) a rejeté le recours et confirmé la
décision attaquée. En bref, il a estimé que le grief relatif à la non prise
en considération des critères d'aptitude dans l'évaluation finale était
tardif, que la variante d'exécution proposée par l'adjudicataire était
conforme au cahier des charges, que la suppression de la plus-value de
248'511 fr. se justifiait pour pouvoir comparer les offres sur des bases
homogènes et que les éléments au dossier permettaient de se convaincre que le
prix adjugé n'était pas anormalement bas sans qu'il soit nécessaire
d'ordonner une expertise sur ce point.

C.
Dans une même écriture, X.________ SA forme un recours en matière de droit
public et un recours constitutionnel subsidiaire contre l'arrêt précité du
Tribunal administratif. Elle se plaint d'une violation de son droit d'être
entendue et, sur le fond, reprend une partie des griefs soulevés en procédure
cantonale, en invoquant la violation des principes de l'égalité de
traitement, de la bonne foi et de l'interdiction de l'arbitraire. Elle
conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause au
Tribunal administratif pour nouvelle décision dans le sens des considérants,
sous suite de frais et dépens.

A. ________ SA conclut à l'irrecevabilité des recours, subsidiairement à leur
rejet, tandis que Y.________ SA renonce à déposer une détermination et
déclare se rallier aux conclusions prises par l'adjudicateur. Le Tribunal
administratif se réfère à l'arrêt attaqué et conclut au rejet des recours.
Par ordonnance du 2 mai 2007, le Président de la IIe Cour de droit public du
Tribunal fédéral a rejeté la requête d'effet suspensif présentée par
X.________ SA. Le 21 mai suivant, A.________ SA a informé le tribunal qu'elle
avait passé le même jour le contrat avec l'adjudicataire.

Considérant en droit:

1.
1.1 Il découle de l'art. 83 let. f LTF que le recours en matière de droit
public n'est recevable contre les décisions en matière de marchés publics que
si la valeur du mandat à attribuer est supérieure ou égale aux seuils
déterminants prévus à cet effet et si, cumulativement, la décision attaquée
soulève une question juridique de principe (cf. ATF 133 II 396 consid. 2.1 p.
398). L'existence d'une question juridique de principe ne doit être admise
que de manière restrictive. En particulier, la seule circonstance que la
question soumise au Tribunal fédéral n'ait encore jamais été tranchée ne
suffit pas à réaliser cette condition. Il faut encore qu'il s'agisse d'une
question juridique dont l'importance pratique est telle qu'elle nécessite
d'être éclaircie par la plus haute instance judiciaire (cf. arrêt 2C_116/2007
du 10 octobre 2007, consid. 4.2). Conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, il
incombe au recourant de démontrer la réalisation de cette condition dans un
cas particulier, sous peine d'irrecevabilité de son recours (cf. ATF 133 II
396 consid. 2.2 p. 398 s.).

En l'espèce, le recourant soutient que les questions litigieuses, à supposer
qu'elles aient déjà été tranchées, méritent un nouvel examen au vu de leur
importance. Cette argumentation toute générale relève de la pétition de
principe et n'est pas conforme aux exigences de motivation découlant de
l'art. 42 al. 2 LTF. Au demeurant, la présente affaire met en jeu des
principes (égalité de traitement entre concurrents; transparence de la
procédure; intangibilité des offres; portée du droit d'être entendu en
matière de marchés publics) qui ont déjà fait l'objet d'une abondante
jurisprudence (cf., entre autres références, ATF 130 I 241; 125 II 86 et les
arrêts 2P.322/2006, du 14 août 2007; 2P.97/2005, du 28 juin 2006; 2P.6/2006,
du 31 mai 2006; 2P.130/2005, du 21 novembre 2005; 2P.282/2002, du 11 juin
2003; 2P.139/2002, du 18 mars 2003; 2P.164/2002, du 27 novembre 2002). En
réalité, c'est uniquement leur application au cas d'espèce qui est
véritablement litigieuse. Or, seuls des motifs sérieux et objectifs de nature
à entraîner une modification de la jurisprudence pourraient justifier le
réexamen de ces principes, comme une connaissance plus approfondie des
intentions du législateur, un changement important des circonstances
extérieures déterminantes ou l'évolution générale des conceptions juridiques
ou des moeurs (cf. ATF 127 II 289 consid. 3a p. 292 s.; 126 I 122 consid. 5
p. 129; 126 V 36 consid. 5a p. 40; 125 I 458 consid. 4a p. 471 et les arrêts
cités). La recourante ne démontre toutefois ni même n'invoque aucun motif de
ce genre à l'appui de ses allégués.

Partant, son écriture est irrecevable en tant que recours en matière de droit
public.

1.2 En revanche, le recours est en principe recevable comme recours
constitutionnel subsidiaire aux conditions des art. 113 ss LTF. En
particulier, X.________ SA dispose de la qualité pour recourir au sens de
l'art. 115 LTF, notamment d'un intérêt juridique. Que le contrat ait été
conclu avec l'adjudicataire après que le Tribunal fédéral a rejeté la requête
d'effet suspensif présentée par la recourante ne rend en effet pas le recours
sans objet: en un tel cas, les conclusions en annulation prises par la
recourante se transforment automatiquement en conclusions constatatoires sur
l'illicéité de la décision attaquée de nature à ouvrir le droit à des
dommages et intérêts (cf. ATF 131 I 153 consid. 1.2 p. 157; 125 II 86 consid.
5b p. 97 s.). En outre, il faut admettre qu'avant la conclusion du contrat,
la recourante avait des chances raisonnables d'obtenir le marché en cas
d'admission de son recours: en effet, elle était alors placée en deuxième
position dans l'évaluation et, contrairement à ce que soutient A.________ SA,
son offre n'était pas entachée de vices à ce point graves et évidents qu'ils
justifiaient d'emblée son exclusion de la procédure. Du reste, si tel avait
été le cas, on s'étonne que l'adjudicateur n'eût pas rendu plus tôt une
décision de cette nature à son égard. Par conséquent, contrairement à ce que
soutient la société adjudicatrice, la recourante dispose d'un intérêt actuel
et pratique à recourir, en ce sens qu'une admission de son recours peut
éventuellement lui donner droit à une indemnité (sur les cas où la qualité
pour recourir doit être niée faute d'un tel intérêt, cf. arrêt 2P.261/2002,
du 8 août 2003, consid. 4).

1.3 Le recours constitutionnel subsidiaire peut être formé pour violation des
droits constitutionnels (art. 116 LTF). Le Tribunal fédéral n'examine
toutefois la violation des droits fondamentaux ainsi que celle de
dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué
et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF par renvoi de l'art. 117 LTF).
Cette dernière disposition reprend le principe d'allégation (Rügeprinzip) que
la pratique relative au recours de droit public avait établi en relation avec
l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. message concernant la révision totale de
l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, in FF 2001, p. 4000
ss, p. 4142 ad art. 100). Ainsi, dans un recours pour arbitraire fondé sur
l'art. 9 Cst., le recourant ne peut se contenter de critiquer l'arrêt attaqué
comme il le ferait dans une procédure d'appel où l'autorité de recours peut
revoir librement l'application du droit. Il doit au contraire préciser en
quoi cet arrêt serait arbitraire, ne reposerait sur aucun motif sérieux et
objectif, apparaîtrait insoutenable ou heurterait gravement le sens de la
justice (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4 p. 254; 133 III 393 consid. 6 p. 397
et les arrêts cités). C'est dans cette mesure que seront examinés les griefs
de la recourante.

1.4 Pour le surplus, le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis
par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF). Il peut néanmoins rectifier
ou compléter les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été
établis en violation du droit au sens de l'art. 116 LTF (art. 118 al. 2 LTF).

2.
2.1 Dans un premier moyen, la recourante soutient qu'en refusant d'entrer en
matière sur ses critiques concernant les documents d'appel d'offres (en
particulier le fait que, selon elle, les critères d'aptitude devraient
impérativement être pris en considération, à côté des critères
d'adjudication, lors de l'évaluation finale des offres), le Tribunal
administratif a violé son droit d'être entendue et adopté une position
insoutenable, contraire à la jurisprudence.
Comme l'ont estimé les premiers juges, les documents de l'appel d'offres qui
contiennent les conditions fixées par l'adjudicateur pour la qualification
des candidats font partie intégrante de l'appel d'offres, si bien qu'en vertu
du principe de la bonne foi, les éventuels vices les affectant doivent être
contestés, sous peine de forclusion, à ce stade déjà de la procédure, dans le
délai de dix jours dès leur remise, à l'instar de ce qui est prévu pour
recourir contre l'appel d'offres lui-même (cf. ATF 130 I 241 consid. 4.2 p.
245; 125 I 203 consid. 3a p. 205 ss). Certes, convient-il, en principe, de
réserver les effets de la forclusion aux seules irrégularités qui sont
particulièrement évidentes ou manifestes, car l'on ne saurait exiger des
soumissionnaires qu'ils procèdent à un examen juridique approfondi de l'appel
d'offres et des documents de l'appel d'offres, vu leurs connaissances
généralement limitées en la matière et le délai relativement court qui leur
est imparti pour déposer leurs offres (cf. ATF 130 I 241 consid. 4.3 p. 247).
En l'espèce, toutefois, le règlement de procédure du 28 septembre 2006 remis
aux candidats pour préparer les soumissions énonçait clairement les critères
d'aptitude et d'adjudication ainsi que leur pondération; en particulier, il
n'y avait aucun doute possible sur le fait que les critères d'aptitude
servaient seulement à vérifier que les candidats avaient les qualifications
nécessaires pour prendre part au marché, mais ne seraient pas pris en
considération pour noter les soumissions au stade de l'adjudication
proprement dite, seuls les critères d'adjudication étant pris en compte dans
le résultat final (cf. ch. 3.6 à 3.9 du règlement). A cet égard, le cas
d'espèce se distingue notablement de l'ATF 130 I 241 précité, où le Tribunal
fédéral avait estimé qu'un diagramme d'évaluation remis par l'adjudicateur
avec les documents d'appel d'offres devait encore pouvoir être contesté après
l'adjudication, car sa complexité et sa spécificité ne permettaient pas
d'emblée d'en discerner la portée.

Dans ces conditions, le Tribunal administratif pouvait sans arbitraire et
sans violer le droit d'être entendu de la recourante estimer que celle-ci
était tenue, dans le délai de dix jours dès leur remise, de contester les
documents d'appel d'offres litigieux au sujet de la non-prise en
considération des critères d'aptitude dans le résultat final. L'intéressée
indique qu'elle n'a pas eu suffisamment de temps à disposition pour lire ces
documents avec attention et remplir son offre. Outre qu'il est purement
appellatoire et irrecevable, cet argument n'est guère crédible et frise même
la témérité.

Au demeurant, à supposer même que le grief ne fût pas tardif, la recourante
ne démontre pas d'une manière conforme aux exigences de motivation déduites
de l'art. 106 al. 2 LTF la prétendue existence d'une règle imposant à
l'adjudicateur de procéder à l'adjudication sur la base d'une appréciation
globale mêlant les critères d'aptitude et d'adjudication. Cette thèse
n'apparaît, au surplus, guère convaincante, les dispositions vaguement citées
par la recourante n'étant en tout cas pas de nature à l'accréditer (cf. art.
24 et 37 du règlement cantonal du 7 juillet 2004 d'application de la loi du
24 juin 1996 sur les marchés publics [RLMP-VD; RS VD 726.01.1]).

2.2 Dans un deuxième moyen, la recourante fait valoir que l'adjudicateur et,
à sa suite, le Tribunal administratif, ne pouvaient pas corriger spontanément
l'offre de l'intimée et supprimer la plus-value de 248'511 fr. inscrite pour
tenir compte des prestations supplémentaires liées à une collecte
bi-hebdomadaire des déchets. En procédant à cette correction, elle estime que
les autorités ont violé les principes en matière de marchés publics
garantissant l'égalité de traitement entre concurrents, l'intangibilité des
offres et l'interdiction des rounds de négociation.

Selon les faits constatés par le Tribunal administratif, la variante proposée
par Y.________ SA et retenue par l'adjudicateur comprend déjà, comme celle de
la recourante, les coûts liés à l'exigence de collecter deux fois par semaine
les déchets dans les communes de Grandson, Montagny et Yvonand. Autrement
dit, la plus-value litigieuse concerne seulement l'hypothèse dans laquelle
les 53 autres communes visées par l'appel d'offres exigeraient elles aussi
une récolte bi-hebdomadaire des déchets. Or, toujours selon les faits
ressortant de l'arrêt attaqué, établis notamment sur la base des déclarations
des personnes ayant participé à l'élaboration du dossier d'appel d'offres
(soit les représentants de E.________ SA), le dossier de soumission remis aux
candidats n'est sur ce point pas clair: il demande en effet à ceux-ci de
chiffrer la plus-value au cas où "toutes" les communes concernées voudraient
une récolte bi-hebdomadaire des déchets, alors qu'en réalité, les parties
s'accordent à considérer qu'une telle éventualité n'entre en ligne de compte
que pour les communes de plus de mille habitants, soit précisément les seules
trois communes précitées pour lesquelles cette prestation a bien été prise en
compte dans la variante adjugée à Y.________ SA. Le Tribunal administratif a
dès lors estimé que la correction litigieuse ne s'apparentait pas à un round
prohibé de négociation, mais était justifiée afin, comme l'a expliqué
l'adjudicateur, de pouvoir comparer les offres concurrentes sur une base
homogène.

Certes n'allait-il pas de soi, au vu de l'importance du montant en jeu, de
procéder sans autre examen à la correction effectuée par l'adjudicateur. Pour
autant, cette solution n'apparaît pas insoutenable au vu des circonstances
particulières mises en exergue par les premiers juges, à savoir l'ambiguïté
du dossier d'appel d'offres sur le nombre de communes susceptibles d'exiger
une récolte bi-hebdomadaire des déchets et le risque limité voire quasiment
nul que des communes autres que Grandson, Montagny et Yvonand ne formulent
une telle demande. On peut ajouter que le besoin d'éclaircir ces points avec
l'intimée découlait aussi du fait que, selon l'arrêt attaqué, les deux autres
soumissionnaires en lice assuraient déjà la collecte des déchets des communes
concernées sur la base d'un contrat passé avec A.________ SA; bénéficiant
d'une meilleure connaissance du marché que l'intimée, ils ont donc pu lever
les ambiguïtés des documents d'appel d'offres et établir leur soumission en
toute connaissance de cause; ils n'ont du reste mentionné aucune plus-value
liée à l'éventualité d'une collecte bi-hebdomadaire des déchets, selon les
faits constatés, ce qui démontre qu'ils étaient conscients, au contraire de
l'intimée, qu'une telle éventualité était peu probable voire nulle compte
tenu des besoins effectifs des communes à desservir.

2.3 La recourante soutient qu'en se contentant de comparer l'offre de
l'adjudicataire avec celle de ses concurrents, le Tribunal administratif a
méconnu l'art. 36 RLMP-VD, car cette disposition, dans sa version actuelle,
ferait obligation, pour savoir si une offre est anormalement basse,
d'examiner celle-ci "par rapport à la prestation". La disposition litigieuse
a la teneur suivante:

"Si pour un marché donné, des offres paraissent anormalement basses par
rapport à la prestation, l'adjudicateur, avant de pouvoir exclure ces offres,
demande par écrit les précisions qu'il juge opportunes sur la composition de
l'offre [...]."

Il est douteux que le grief soit articulé conformément à l'art. 106 al. 2
LTF, la recourante formulant une argumentation appellatoire, sans démontrer
en quoi le Tribunal administratif aurait appliqué arbitrairement l'art. 36
RLMP-VD. Quoi qu'il en soit, on ne voit pas que cette disposition
interdirait, pour déterminer si une offre est anormalement basse, de la
comparer avec des offres concurrentes. C'est même, en principe, d'une telle
comparaison que naît le soupçon qu'une offre est anormalement basse par
rapport à la prestation. Or, comme l'a constaté le Tribunal administratif,
l'écart de prix entre l'offre retenue et celle de la recourante n'est pas
particulièrement important (de l'ordre de 10 %). Par ailleurs, cet écart
s'explique, toujours selon les premiers juges, par l'organisation du travail
choisie par l'adjudicataire dans sa variante qui lui permet de réaliser une
économie importante sur ses coûts de personnel. Cette motivation est
convaincante et résiste pour le moins au grief d'arbitraire.

2.4 Dans un dernier moyen, la recourante fait valoir que l'arrêt attaqué
viole les principes de la bonne foi et de l'égalité de traitement, au motif
que le Tribunal administratif aurait retenu d'une manière erronée que son
offre était entachée de certains vices de nature à justifier, sinon
l'exclusion de la procédure, du moins une décote. Ce grief n'est pas motivé
d'une manière conforme à l'art. 106 al. 2 LTF (cf. supra consid. 1.2). Au
demeurant, les premiers juges n'ont pas attaché une importance déterminante
aux informalités constatées, ayant même expressément laissée ouverte "la
question de savoir si la recourante aurait dû ou non être exclue pour avoir
modifié les conditions générales" (arrêt attaqué, consid. 6c/cc in fine).

2.5 Par conséquent, dans la mesure où il est recevable, le recours
subsidiaire est en tous points mal fondé.

3.
Il suit de ce qui précède que le recours en matière de droit public est
irrecevable et que le recours subsidiaire doit être rejeté dans la mesure où
il est recevable.

Succombant, la recourante supportera un émolument judiciaire (art. 65 et 66
LTF) et versera une indemnité de dépens réduite à l'intimée (art. 68 al. 1 et
2 LTF), qui s'est déterminée sur la requête d'effet suspensif, mais s'est
bornée, sur le fond, à renvoyer à la prise de position de A.________ SA. En
revanche, en sa qualité d'organisation chargée d'une tâche de droit public,
cette dernière n'a pas droit à des dépens (cf. art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en matière de droit public est irrecevable.

2.
Le recours constitutionnel subsidiaire est rejeté dans la mesure où il est
recevable.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge de
X.________ SA.

4.
X.________ SA versera une indemnité à titre de dépens de 2'000 fr. à
Y.________ SA.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des par-ties, au
Tribunal administratif du canton de Vaud, et à A.________ SA.

Lausanne, le 22 janvier 2008

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Merkli Addy