Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.100/2007
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2C_100/2007 /svc

Arrêt du 25 juin 2007
IIe Cour de droit public

MM. et Madame les Juges Merkli, Président,
Yersin et Karlen.
Greffière: Mme Rochat.

X. ________,
recourant, représenté par Me Yvan Jeanneret, avocat,

contre

Département des institutions du canton de Genève, case postale 3962, 1211
Genève 3,
Commission cantonale de recours de police des étrangers du canton de Genève,
case postale 3888, 1211 Genève 3.

Expulsion et refus d'autorisation de séjour,

recours en matière de droit public contre la décision
de la Commission cantonale de recours de police des étrangers du canton de
Genève du 14 février 2007.

Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:

1.
Ressortissant péruvien, né en 1965, X.________ est arrivé en Suisse en 1992.
Il y a épousé, le 21 août 1992, une ressortissante suisse, et obtenu de ce
fait une autorisation de séjour régulièrement renouvelée jusqu'au divorce,
prononcé le 21 mars 1999.

En 1995, suite à une plainte de deux jeunes filles au pair, X.________ a fait
l'objet d'une procédure pénale pour viol et contrainte sexuelle, qui a été
classée fautes de charges suffisantes.

Par jugement du 5 juillet 2000, le Tribunal correctionnel du district de
A.________ a condamné X.________ pour actes d'ordre sexuel commis sur une
personne incapable de résistance et abus de détresse à la peine de 20 mois
d'emprisonnement et à 10 ans d'expulsion avec sursis pendant 5 ans, ainsi
qu'à une indemnité pour tort moral de 10'000 francs. Cette peine a été portée
à 3 ans de réclusion, par arrêt de la Cour de cassation pénale vaudoise du 24
septembre 2001, le jugement étant confirmé pour le surplus. L'intéressé a
bénéficié d'un régime de semi-liberté en fin de peine, puis, dès le début du
mois de décembre 2002, d'une libération conditionnelle.

Par arrêté du 28 octobre 2002, le Département de justice, police et sécurité
du canton de Genève a prononcé l'expulsion de X.________ pour une durée
indéterminée. L'instruction du recours formé par l'intéressé contre cette
décision a été suspendue.

Le 5 avril 2003, X.________ a épousé Y.________, de nationalité suisse, mais
possédant également la nationalité allemande. Ce n'est toutefois qu'au début
de l'année 2005 que l'épouse, qui travaillait jusqu'alors à Munich et avait
toujours vécu en Allemagne, a rejoint son époux à Genève, où ils font
désormais ménage commun.

Le 7 décembre 2004, l'Office cantonal de la population a refusé de délivrer à
X.________ une autorisation de séjour à la suite de son second mariage.
Celui-ci a également recouru contre ce prononcé. Par décision du 19 mai 2005,
la Commission cantonale de recours de la police des étrangers (ci-après: la
Commission cantonale de recours) a joint les deux recours et les a rejetés.

Par arrêt du 9 janvier 2006 (2A.409/2005), le Tribunal fédéral a admis le
recours de X.________ et renvoyé l'affaire à la Commission cantonale de
recours, pour qu'elle examine l'expulsion du recourant sous l'angle de l'art.
5 al. 1 annexe I de l'Accord du 1er juin 1999 entre la Confédération suisse,
d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part,
sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0142.112.681), dès lors que
l'intéressé avait en principe un droit au regroupement familial en raison des
dispositions de l'Accord.

2.
Par décision du 14 février 2007, la Commission cantonale de recours, après
avoir entendu le recourant et son épouse, a rejeté le recours de X.________
contre son expulsion administrative et le refus d'autorisation de séjour, en
considérant que ces mesures respectaient le principe de la proportionnalité.
Elle a retenu en bref qu'à la suite des faits dénoncés dans une nouvelle
plainte pénale pour contrainte sexuelle en décembre 2006, l'intéressé
présentait bien une menace actuelle pour l'ordre public car, en dépit du
classement de cette plainte, son attitude et son comportement laissaient
présager un risque de récidive.

X. ________ forme un recours en matière de droit public contre cette décision
et conclut à son annulation, sous suite de frais et dépens. Il demande au
Tribunal fédéral « de dire et constater que les conditions d'une mesure
d'expulsion, de même que les conditions de refus de délivrer une autorisation
de séjour ne sont pas réunies ». Le recourant a également présenté une
requête d'assistance judiciaire complète.

La Commission cantonale de recours et le Département des institutions ont
renoncé à se déterminer sur le recours et se réfèrent à la décision attaquée,
de même que l'Office fédéral des migrations.

Par ordonnance du 1er mai 2007, la demande d'effet suspensif présentée par le
recourant a été admise.

3.
3.1 L'arrêt attaqué ayant été rendu après l'entrée en vigueur de la loi du 17
juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), la procédure est régie
par le nouveau droit (art. 132 al. 1 LTF).

Marié avec une ressortissante suisse, ayant aussi la nationalité allemande,
le recourant a en principe droit à une autorisation de séjour pour
regroupement familial selon les art. 4 et 7 ALCP et 3 de l'annexe I dudit
Accord, de même qu'il peut se prévaloir de l'art. 7 de la loi fédérale sur le
séjour et l'établissement des étrangers (LSEE: RS 142.20). Son recours est
donc recevable comme recours en matière de droit public (art. 83 lettre c al.
2 et 4 LTF a contrario).

3.2 Dans son arrêt précédent du 9 janvier 2006 (2A.409/2005), le Tribunal
fédéral a retenu qu'il existait un intérêt public évident à l'éloignement du
recourant en raison de la gravité de la faute commise, qui lui a valu une
condamnation à une peine ferme de trois ans de réclusion. Par ailleurs, le
dossier ne contenait aucun élément suffisant pour exclure avec une
vraisemblance suffisante tout risque de récidive. L'affaire a cependant été
renvoyée à la juridiction cantonale qui n'avait examiné le cas du recourant
que sous l'angle de l'art. 7 LSEE, moins favorable que l'art. 5 al. 1 annexe
I ALCP, dans la mesure où il ne prévoit pas l'existence d'une menace actuelle
pour l'ordre public. Il y a lieu dès lors de déterminer si, dans sa nouvelle
décision, la Commission cantonale de recours a appliqué correctement cette
disposition de l'Accord.

3.3 Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, les limites posées
au principe de la libre circulation des personnes doivent s'interpréter de
manière restrictive. Ainsi, le recours par une autorité nationale à la notion
de l'ordre public pour restreindre cette liberté suppose, en dehors du
trouble de l'ordre social que constitue toute infraction à la loi,
l'existence d'une menace réelle et d'une certaine gravité affectant un
intérêt fondamental de la société (cf. ATF 130 II 176 consid. 3.4.1 p. 182;
129 II 215 consid. 7.3 p. 222 et les arrêts cités de la CJCE du 27 octobre
1977, Bouchereau, 30/77, Rec. 1977, p. 1999, points 33 - 35; du 19 janvier
1999, Calfa, C-348/96, Rec. 1999, p. I-11, points 23 et 25). En outre, les
mesures d'ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées, aux
termes de l'art. 3 § 1 de la directive 64/221/CEE, exclusivement sur le
comportement personnel de celui qui en fait l'objet. Des motifs de prévention
générale détachés du cas individuel ne sauraient donc les justifier (ATF 130
II 176 consid. 3.4.1 p. 183; 129 II 215 consid. 7.1 p. 221 et l'arrêt cité de
la CJCE du 26 février 1975, Bonsignore, 67/74, Rec. 1975, p. 297, points 6 et
7). En outre, d'après l'art. 3 § 2 de la directive 64/221/CEE, la seule
existence de condamnations pénales (antérieures) ne peut automatiquement
motiver de telles mesures. Les autorités nationales sont tenues de procéder à
une appréciation spécifique, portée sous l'angle des intérêts inhérents à la
sauvegarde de l'ordre public, qui ne coïncide pas nécessairement avec les
appréciations à l'origine des condamnations pénales. Autrement dit, ces
dernières ne peuvent être prises en considération que si les circonstances
les entourant laissent apparaître l'existence d'une menace actuelle pour
l'ordre public (ATF 130 II 176 consid. 3.4.1 p. 183; 129 II 215 consid. 7.4
p. 222). Le risque de récidive doit donc s'apprécier au regard de l'ensemble
des circonstances, en particulier selon la nature et l'importance du bien
juridique menacé, ainsi que la gravité de l'atteinte potentielle qui pourrait
y être portée (ATF 130 II 493 consid. 3.3 p. 499, 176 consid. 4.3.1 p. 185).

En l'espèce, le recourant a, par son comportement au mois de décembre 2006,
levé tous les doutes que l'on pouvait avoir au sujet de sa prise de
conscience de la gravité des actes qu'il avait commis autrefois et de
l'efficacité du suivi psychiatrique dont il a bénéficié, déjà en détention et
jusqu'à la fin du délai d'épreuve de quatre ans fixé lors de sa libération
conditionnelle, soit jusqu'à fin décembre 2006. La condamnation à trois ans
de réclusion pour actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de
discernement faisait déjà suite à une procédure pénale pour viol et
contrainte sexuelle, classée faute de charges suffisantes en 1995. Le fait
que la plainte du 16 décembre 2006 pour contrainte sexuelle ait également été
classée le 7 février 2007 ne permet cependant pas d'en conclure que le
recourant ne représente pas une menace pour l'ordre public. Bien que
l'intéressé n'ait pas la même version des faits, il admet toutefois qu'après
son service, il a pris en charge une passagère prise de boisson pour la
ramener chez elle dans son véhicule privé. Il est monté dans son appartement
et lui a fait des massages. La plaignante a déclaré que ces massages avaient
une connotation sexuelle, mais que X.________ y avait mis fin lorsqu'elle lui
avait fait part de son refus d'aller plus loin. Ces nouveaux éléments
démontrent que le recourant parvient difficilement à contrôler ses pulsions
sexuelles en présence de femmes qui ne sont pas en état de se défendre et à
mesurer la portée de ses actes, qu'il juge lui-même anodins, ainsi qu'il l'a
relevé devant la Commission cantonale de recours pour expliquer les raisons
de son silence à ce propos, lors de sa première audition devant l'autorité
judiciaire du 9 janvier 2007. Au demeurant, contrairement à ce qu'il soutient
devant le Tribunal fédéral, il n'est pas pertinent, pour retenir l'existence
d'un risque de récidive, que la nouvelle plainte pénale a été classée, dès
lors que le comportement personnel de l'intéressé peut également réaliser les
conditions d'une menace actuelle (ATF 130 II 176 consid. 3.4.1 p. 183).
Dans ces circonstances, l'autorité intimée a retenu à juste titre que le
recourant représentait une menace réelle et actuelle pour l'ordre public.

3.4 Au regard de la pesée des intérêts en présence, l'expulsion du recourant
n'apparaît pas non plus disproportionnée ou contraire à l'art. 8 CEDH.

Arrivé en Suisse en 1992, à l'âge de 27 ans, le recourant n'a pu y demeurer
qu'en raison de son mariage avec une Suissesse, puis de sa condamnation
pénale. Il a connu sa seconde épouse durant sa libération conditionnelle,
mais il ressort des procès-verbaux d'audition que celle-ci a eu des
hésitations à s'installer en Suisse avec son époux, dont elle connaissait la
situation, et qu'elle n'a quitté son travail en Allemagne qu'après deux ans
de mariage. Rien n'indique par ailleurs qu'elle soit bien intégrée en Suisse
et qu'elle désire vraiment y demeurer. Pour le reste, le recourant a certes
toujours travaillé comme chauffeur depuis sa libération conditionnelle, mais
il ne jouit pas d'une intégration sociale et professionnelle particulière en
Suisse. Quoi qu'il en soit, l'intérêt privé du recourant à pouvoir demeurer
en Suisse avec son épouse ne l'emporte pas sur l'intérêt public à son
éloignement, non seulement en raison de la nature et de la gravité des
infractions commises, mais aussi des risques de récidive constatés encore
récemment.

4.
4.1 Au vu de ce qui précède, le recours, manifestement mal fondé, doit être
rejeté selon la procédure simplifiée de l'art. 109 al. 2 et 3 LTF.

4.2 Le recourant a présenté une demande d'assistance judiciaire, mais il est
douteux, au vu des pièces produites à l'appui de cette demande, qu'il ne
dispose pas de ressources suffisantes. La question peut toutefois demeurer
indécise, dès lors que les conclusions de son recours paraissaient vouées à
l'échec et que les conditions pour admettre la demande d'assistance
judiciaire ne sont ainsi pas remplies (art. 64 al. 1 LTF). Les frais
judiciaires doivent donc être mis à la charge du recourant (art. 65 al. 1 et
2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 1'500 frs est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Département des institutions du canton de Genève et à la Commission cantonale
de recours de police des étrangers du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office
fédéral des migrations.

Lausanne, le 25 juin 2007

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: