Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Staatsrecht 1P.87/2007
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1P.87/2007 /col

Arrêt du 12 juin 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aeschlimann et Fonjallaz.
Greffier: M. Rittener.

A. ________,
recourant, représenté par Me Henri Carron, avocat,

contre

Office central du Ministère public du canton du Valais, route de Gravelone 1,
case postale 2282,
1950 Sion 2,
Tribunal cantonal du canton du Valais,
Cour pénale II, Palais de Justice, 1950 Sion 2.

procédure pénale; appréciation des preuves,

recours de droit public contre le jugement de la Cour pénale II du Tribunal
cantonal du canton du Valais du 28 décembre 2006.

Faits:

A.
Par jugement du 15 mai 2006, le Tribunal des districts de Martigny et
St-Maurice a condamné A.________ à une peine de 9 mois d'emprisonnement pour
violation de la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup; RS 812.121) et l'a
acquitté de l'accusation d'escroquerie au sens de l'art. 146 CP. Il a
notamment retenu les faits suivants:
En mai 2003, A.________ a conclu avec la société B.________ un contrat
portant sur la culture de 18'000 m2 de chanvre devant être utilisé dans la
production d'huile essentielle. Alors qu'il était censé livrer la totalité de
la récolte à B.________, il en a détourné une partie pour en tirer des
produits stupéfiants destinés à la vente. Le 15 octobre 2003, la police a
séquestré dans des locaux occupés par l'intéressé à Vernayaz et Martigny plus
de 1700 kg de plantes entières de chanvre en phase de séchage, 340 kg de
petites branches de chanvre sec et 200 kg de plantes entières de chanvre
frais. Le 6 novembre 2003, la police a découvert dans un autre local,
appartenant à C.________, trente cartons de 100 lt et douze cartons de 80 lt
de branchettes de chanvre avec sommités florales, cinquante et un sachets de
200 g de têtes ainsi que des résidus stockés dans trois cartons de 100 lt et
un tonneau. Cette marchandise provenait également des détournements opérés
par A.________. Confronté à une version différente de ce dernier - qui
soutenait en substance que B.________ l'avait chargé d'entreposer des plantes
de chanvre dans ses dépôts, tout en reconnaissant en avoir détourné une
partie pour l'offrir comme stupéfiant - le Tribunal de district l'a écartée.

B.
A.________ a formé un appel contre ce jugement devant la Cour pénale II du
Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal). Il a
également requis le versement des  dépens qui lui avaient été octroyés, ce
qui lui a été refusé en raison de l'effet dévolutif complet de l'appel. Par
jugement du 28 décembre 2006, le Tribunal cantonal a rejeté l'appel,
considérant en substance que les explications de l'intéressé sur la présence
de chanvre dans les locaux susmentionnés n'étaient pas crédibles et qu'il ne
faisait pas de doute que les produits saisis étaient destinés à être vendus
comme stupéfiants.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Il se plaint d'arbitraire dans
l'appréciation des preuves (art. 9 Cst.) et d'une violation de la présomption
d'innocence (art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH). Il invoque en outre une
application arbitraire des dispositions cantonales de procédure relatives à
l'effet dévolutif de l'appel et à l'octroi de dépens. Le Tribunal cantonal a
formulé des observations. Le Ministère public se réfère aux considérants de
l'arrêt attaqué et conclut au rejet du recours. A.________ a présenté des
observations complémentaires.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision attaquée ayant été rendue avant le 1er janvier 2007, la loi
fédérale d'organisation judiciaire (OJ) demeure applicable à la présente
procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 132 I 140 consid. 1.1 p. 142; 131 II 571 consid. 1
p. 573; 130 I 312 consid. 1 p. 317 et les arrêts cités).

2.1 Le pourvoi en nullité au Tribunal fédéral n'étant pas ouvert pour se
plaindre d'une appréciation arbitraire des preuves et des constatations de
fait qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83) ni pour invoquer une
violation directe d'un droit constitutionnel ou conventionnel, tel que la
maxime "in dubio pro reo" consacrée aux art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH
(ATF 121 IV 104 consid. 2b p. 107; 120 Ia 31 consid. 2b p. 35 s.), la voie du
recours de droit public est ouverte à cet égard (art. 84 al. 2 OJ). Dans la
mesure où l'arrêt attaqué confirme sa condamnation à une peine
d'emprisonnement, le recourant a qualité pour contester ce prononcé (art. 88
OJ).

2.2 Pour être recevable, un recours de droit public doit cependant contenir
un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques
violés et préciser en quoi consiste la violation (art. 90 al. 1 let. b OJ).
Lorsqu'il est saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral n'a donc pas à
vérifier de lui-même si l'arrêt entrepris est en tous points conforme à la
Constitution. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et
suffisamment motivés dans l'acte de recours. Le recourant ne saurait se
contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux
(ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261, 26 consid. 2.1 p. 31; 125 I 71 consid. 1c
p. 76).
En l'espèce, dans la dernière partie de son écriture, le recourant
"s'interroge" sur les raisons qui ont poussé le Tribunal cantonal à statuer
le 28 décembre 2006, ce qui l'a empêché de se prévaloir des dispositions de
la loi sur le Tribunal fédéral et de la nouvelle partie générale du code
pénal, entrées en vigueur le 1er janvier 2007. Il ne forme toutefois pas de
grief clair à cet égard et il ne précise pas quel droit constitutionnel
aurait été violé. Ce moyen ne répond donc pas aux exigences susmentionnées,
de sorte qu'il doit être déclaré irrecevable.

3.
Le recourant se plaint d'une violation du principe de la présomption
d'innocence et d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et la
constatation des faits.

3.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne
résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en
considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne
s'écarte de la solution retenue en dernière instance cantonale que si elle
est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le
sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de
la décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans
son résultat (ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 217 consid. 2.1 p. 219,
57 consid. 2 p. 61; 129 I 173 consid. 3.1 p. 178).
L'appréciation des preuves est en particulier arbitraire lorsque le juge de
répression n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de
preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen
important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base
des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 129 I 8
consid. 2.1 p. 9). Il en va de même lorsqu'il retient unilatéralement
certaines preuves ou lorsqu'il rejette des conclusions pour défaut de
preuves, alors même que l'existence du fait à prouver résulte des allégations
et du comportement des parties (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30). Il ne suffit
pas qu'une interprétation différente des preuves et des faits qui en
découlent paraisse également concevable pour que le Tribunal fédéral
substitue sa propre appréciation des preuves à celle effectuée par l'autorité
de condamnation, qui dispose en cette matière d'une grande latitude. En
serait-il autrement que le principe de la libre appréciation des preuves par
le juge du fond serait violé (ATF 120 Ia 31 consid. 2d p. 37 s.).
3.2 La présomption d'innocence est garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et par
l'art. 32 al. 1 Cst., qui ont la même portée. Elle a pour corollaire le
principe "in dubio pro reo", qui concerne tant le fardeau de la preuve que
l'appréciation des preuves. En tant que règle de l'appréciation des preuves,
ce principe, dont la violation n'est invoquée que sous cet angle par le
recourant, signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de
fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble
des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable
quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124
IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Le Tribunal fédéral ne
revoit les constatations de fait et l'appréciation des preuves que sous
l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208
consid. 4 p. 211; 120 Ia 31 consid. 2d p. 37 s.). Il examine en revanche
librement la question de savoir si, sur la base du résultat d'une
appréciation non arbitraire des preuves, le juge aurait dû éprouver un doute
sérieux et insurmontable quant à la culpabilité de l'accusé; dans cet examen,
il s'impose toutefois une certaine retenue, le juge du fait, en vertu du
principe de l'immédiateté, étant mieux à même de résoudre la question (cf.
arrêts non publiés 1P.454/2005 du 9 novembre 2005, consid. 2.1; 1P.428/2003
du 8 avril 2004, consid. 4.2 et 1P.587/2003 du 29 janvier 2004, consid. 7.2).
3.3 En l'occurrence, le recourant persiste à dire que le chanvre retrouvé
dans ses locaux était séché pour le compte de B.________, ce qui est
contredit pas les déclarations du gérant et d'une ouvrière de cette société.
Il ressort en effet de leurs explications que les installations de B.________
étaient largement suffisantes pour procéder au séchage et qu'il n'avait
jamais été question que le recourant emporte des plantes dans ses locaux pour
effectuer lui-même cette opération. Dans ces conditions, on ne voit pas en
quoi il était insoutenable de retenir que les grandes quantités de chanvre
retrouvées dans les locaux en question avaient été détournées, étant précisé
que les considérations du recours sur la qualification juridique de ce
comportement ne relèvent pas de l'appréciation des preuves. En ce qui
concerne le chanvre saisi dans le local de C.________, le recourant répète
qu'il n'était pas au courant de ce stockage effectué par D.________ et il
affirme qu'il n'avait jamais consenti à la vente de cette marchandise comme
stupéfiant. Il ne démontre cependant  pas en quoi l'autorité intimée aurait
fait preuve d'arbitraire en écartant sa version des faits. Les raisons ayant
conduit l'autorité à privilégier les déclarations de D.________ à cet égard
n'apparaissent du reste pas manifestement insoutenables et, s'il est vrai
qu'elles sont exposées succinctement, le recourant ne se plaint pas d'un
défaut de motivation. Quant à la volonté du recourant de vendre cette
marchandise comme stupéfiant, il n'apparaît pas arbitraire de considérer
qu'elle ne faisait guère de doute, étant donné que l'intéressé connaissait la
haute teneur en THC des plantes saisies - ainsi que leur qualité et leur
attractivité comme stupéfiant - et dans la mesure où il avait entrepris de
les faire conditionner en cartons et en petits sachets. Le fait que les
autorités aient restitué la marchandise à B.________ n'est pas déterminant à
cet égard, le séquestre ayant été levé dans la mesure où l'utilisation licite
du chanvre par cette société était garantie, moyennant notamment un contrôle
de la police cantonale. Pour le surplus le recourant ne démontre pas que, sur
la base de l'ensemble des éléments de preuve soumis aux juges cantonaux, il
était manifestement insoutenable ou, autrement dit, absolument inadmissible,
de retenir ces faits. Il y a donc lieu de constater que l'autorité intimée
n'a pas procédé à une appréciation arbitraire des preuves, de sorte que ce
grief doit être rejeté.

4.
Le recourant reproche également au Tribunal cantonal d'avoir arbitrairement
rejeté un incident qu'il avait soulevé au sujet de l'effet dévolutif de
l'appel. Lors des débats qui se sont tenus devant cette autorité le 12
décembre 2006, il avait en effet demandé, à titre de question préliminaire,
que soient déclarés définitifs et exécutoires les chiffres 4 et 13 du
jugement de première instance relatifs à son acquittement de l'infraction
d'escroquerie et à l'octroi d'une indemnité de 2'700 fr. à titre de dépens.
Dans la mesure où le Tribunal cantonal n'a pas remis en question cet
acquittement et les dépens y relatifs, le recourant n'a plus d'intérêt à
contester le rejet de l'incident précité. Il affirme toutefois que cette
décision l'aurait contraint à plaider de nouveau en ce qui concerne
l'escroquerie et il reproche à l'autorité intimée d'avoir fait preuve
d'arbitraire en ne lui octroyant pas de dépens pour ce travail.
Conformément à l'art. 193 ch. 2 du code de procédure pénale du canton du
Valais (CPP/VS; RS 312.0), le Tribunal cantonal ne pouvait pas modifier le
jugement au préjudice du recourant, dès lors qu'aucun appel n'a été déposé
par le ministère public ou la partie civile. Cette disposition consacre le
principe de l'interdiction de la reformatio in pejus, ce que le recourant,
assisté d'un avocat, ne pouvait ignorer. Le fait que l'incident ait été
rejeté en raison de l'effet dévolutif complet de l'appel en droit valaisan
n'y change rien, cet effet étant limité par le principe susmentionné (cf.
Gérard Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, 2e éd., Genève, Zurich et
Bâle 2006, p. 756). De même, s'il n'apparaît pas d'emblée exclu que
l'autorité d'appel puisse revoir la qualification juridique d'une infraction,
elle ne pouvait pas condamner le recourant pour une infraction écartée par le
premier juge (Gérard Piquerez, op. cit, p. 757 s. et les références). Dans
ces conditions, l'utilité pour le recourant de plaider à nouveau sur
l'infraction pour laquelle il avait été acquitté en première instance est
pour le moins douteuse; elle n'a en tout cas pas été démontrée. Au demeurant,
la décision querellée n'apparaît pas arbitraire dans son résultat. En effet,
le recourant n'allègue pas que son mandataire ait fait davantage que de
répéter les arguments déjà développés en première instance sur ce point et il
ne se plaint pas du fait que l'allongement de la plaidoirie de son avocat ait
provoqué un accroissement de ses frais de défense dans une mesure
significative. Par conséquent, il y a lieu de considérer que la décision de
l'autorité intimée de ne pas octroyer de dépens supplémentaires au recourant
n'est pas arbitraire, de sorte que ce grief doit lui aussi être rejeté.

5.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est
recevable. Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais de la
présente procédure (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à
l'Office central du Ministère public et à la Cour pénale II du Tribunal
cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 12 juin 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: