Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.99/2007
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2007
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2007


1C_99/2007 /col

Arrêt du 13 juillet 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Fonjallaz et Eusebio.
Greffière: Mme Truttmann.

Office fédéral des routes, Division circulation routière, 3003 Berne,
recourant,

contre

A.________,
intimé,
Service des automobiles du canton de Vaud,
avenue du Grey 110, 1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

retrait de permis de conduire,

recours en matière de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif
du canton de Vaud du 21 mars 2007.

Faits:

A.
A. ________, né le 7 septembre 1965, menuisier-ébéniste indépendant, est
titulaire d'un permis de conduire pour voitures. Il a fait l'objet de deux
retraits de permis, l'un de 4 mois en 1998, l'autre de 16 mois en 1999, dans
les deux cas pour ivresse au volant.

B.
Le 5 mai 2006, vers 00h25, A.________ a été interpellé par la police à la
route du Pavement, à Lausanne, lors d'un contrôle de circulation. Il ne
portait pas son permis de conduire sur lui. Soupçonné de conduite en état
d'ivresse, il a été conduit à l'Hôtel de police, où il a été soumis à deux
tests à l'éthylomètre qui se sont révélés positifs. Une prise de sang
effectuée à 1h45 a révélé un taux d'alcoolémie de 2,30 ? au moins.

C.
Par décision du 26 juillet 2006, le Service des automobiles du canton de Vaud
(ci-après: le Service des automobiles) a ordonné le retrait du permis de
conduire de A.________ pour une durée de cinq mois.

A. ________ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif
du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif). Il reprochait au
Service des automobiles de ne pas avoir tenu compte de l'art. 11 CP. La durée
du retrait devait selon lui être ramenée de cinq à trois mois.
Le 9 août 2006, le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a
condamné A.________ pour ivresse au volant qualifiée et pour ne pas avoir été
porteur du permis de conduire, à un mois d'emprisonnement avec sursis pendant
quatre ans et à 800 fr. d'amende avec délai d'épreuve et de radiation de
quatre ans également.
Par arrêt du 21 mars 2007, le Tribunal administratif a rejeté le recours
déposé par A.________ et a confirmé la décision rendue le 26 juillet 2006 par
le Service des automobiles. Il a estimé qu'un retrait de cinq mois
n'apparaissait pas disproportionné et que les conditions de la responsabilité
restreinte n'étaient pas remplies.

D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'Office fédéral
des routes (ci-après: OFROU) demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt
rendu par le Tribunal administratif le 21 mars 2007 et de renvoyer la cause
au Service des automobiles pour qu'il ordonne une expertise médicale en vue
d'établir si A.________ est apte à conduire des véhicules automobiles au sens
de l'art. 14 al. 2 let. c LCR et qu'il examine d'office s'il est nécessaire
d'ordonner une mesure préventive. Si l'expertise médicale devait établir que
A.________ n'est pas inapte à conduire, ordre est donné au SAN de prononcer
un retrait d'admonestation de cinq mois à son encontre conformément à l'arrêt
du Tribunal administratif du 21 mars 2007. L'OFROU se plaint d'une mauvaise
application des art. 14 al. 2 let. c  et 16d al. 1 let. b LCR.
Le Tribunal administratif se réfère à l'arrêt attaqué et conclut au rejet du
recours. Le Service des automobiles s'en remet à l'appréciation du Tribunal
fédéral.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision attaquée ayant été rendue après le 1er janvier 2007, la loi sur
le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF) est applicable à la présente
procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).

2.
La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss de la
loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) est ouverte contre les
décisions prises en dernière instance cantonale au sujet de mesures
administratives de retrait du permis de conduire.
A teneur de l'art. 89 al. 2 let. a LTF, en relation avec l'art. 10 al. 4 de
l'Ordonnance du 6 décembre 1999 sur l'organisation du Département de
l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (Org
DETEC, RS 172.217.1), l'Office fédéral des routes (OFROU) a la qualité pour
recourir.

3.
3.1 Aux termes de l'art. 16d al. 1 let. b LCR, qui met en oeuvre les principes
posés aux art. 14 al. 2 let. c et 16 al. 1 LCR, le permis d'élève conducteur
ou le permis de conduire est retiré pour une durée indéterminée à la personne
qui souffre d'une forme de dépendance la rendant inapte à la conduite. Il
résulte notamment de l'art. 17 al. 3 LCR qu'après un tel retrait, le permis
ne pourra être restitué à son titulaire, passé l'éventuel délai d'épreuve
prévu par la loi ou imparti par l'autorité, qu'à certaines conditions. En
règle générale, l'automobiliste devra apporter la preuve de sa guérison par
une abstinence contrôlée d'une année au moins. Le retrait de sécurité porte
ainsi une atteinte grave à sa personnalité. C'est pourquoi, en vertu d'une
jurisprudence développée avant l'entrée en vigueur de la novelle du 14
décembre 2001 mais qui reste valable sous le nouveau droit, l'autorité
compétente doit, avant de décider d'un tel retrait, éclaircir d'office et
dans chaque cas la situation de la personne concernée. En particulier, elle
doit dans tous les cas examiner d'office ses habitudes de consommation
d'alcool ou d'autres drogues. L'étendue des examens officiels nécessaires,
notamment l'opportunité d'une expertise médicale, est fonction des
particularités du cas d'espèce et dépend en principe de l'appréciation de
l'autorité de retrait (ATF 129 II 82 consid. 2.2 p. 84 s. et les références).

3.2 Le retrait de sécurité fondé sur l'art. 16d al. 1 let. b LCR suppose une
dépendance. L'existence d'une dépendance à l'alcool est admise si la personne
concernée consomme régulièrement des quantités exagérées d'alcool, de nature
à diminuer sa capacité à conduire des véhicules automobiles, et se révèle
incapable de se libérer ou de contrôler cette habitude par sa propre volonté.
La dépendance doit être telle que l'intéressé présente plus que tout autre
automobiliste le risque de se mettre au volant dans un état ne lui permettant
plus d'assurer la sécurité de la circulation. La notion de dépendance au sens
des art. 14 al. 2 let. c et 16d al. 1 let. b LCR ne recoupe donc pas la
notion médicale de dépendance à l'alcool. La notion juridique permet déjà
d'écarter du trafic les personnes qui, par une consommation abusive d'alcool,
se mettent concrètement en danger de devenir dépendantes au sens médical (ATF
129 II 82 consid. 4.1 p. 86 s. et les références).

3.3 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en matière d'alcoolisme, un
examen de l'aptitude à conduire doit être ordonné lorsqu'un conducteur
circulant en étant pris de boisson présente une alcoolémie de 2,5 ? ou plus,
indépendamment des autres circonstances, soit même si, en particulier, il n'a
pas commis d'infraction de cette nature dans les cinq ans qui précèdent. En
effet, les personnes avec un taux aussi élevé disposent d'une tolérance à
l'alcool très importante qui indique en général une dépendance à cette
substance (ATF 129 II 82 consid. 4.2 p. 87; 126 II 185 consid. 2e p. 191). Il
en va de même pour le conducteur qui circule avec une alcoolémie de 1,74 ? et
récidive, une année plus tard, avec une concentration d'alcool dans le sang
d'au moins 1,79 ? (ATF 126 II 361 consid. 3c p. 365).

4.
En l'espèce, l'OFROU se plaint d'une violation de l'art. 16d al. 1 let. b
LCR. Il reproche à l'autorité cantonale de s'être contentée de confirmer le
retrait d'admonestation de cinq mois prononcé par le Service des automobiles,
sans ordonner d'expertise médicale visant à examiner l'aptitude à conduire.
Selon l'OFROU, l'autorité cantonale aurait cependant dû y procéder pour deux
motifs: d'une part, le conducteur présentait une alcoolémie d'au moins 2,3 ?
et d'autre part, il s'agissait de la troisième conduite en état d'ébriété
avec des taux d'alcool très élevés en l'espace de dix ans.

4.1 Dans le cas particulier, le prélèvement effectué a révélé un taux minimal
de 2,30 ? et un taux maximal de 2,54 ?, la valeur moyenne s'élevant ainsi à
2,42 ?.
Selon la jurisprudence, le principe de la présomption d'innocence ne trouve
pas application en ce qui concerne la question de savoir à partir de quelle
concentration d'alcool dans le sang un retrait de sécurité du permis de
conduire doit être ordonné. Il en va différemment en matière de condamnation
pour conduite en état d'ébriété et de retrait d'admonestation du permis de
conduire, qui suppose une violation fautive des règles de la circulation, en
raison des buts différents poursuivis par ces institutions (ATF 122 II 359
consid. 2c p. 363). Il en découle que la mesure d'alcoolémie la plus élevée
peut être prise en compte (ATF 129 II 82 consid. 4.3 p. 87 s.). Le Tribunal
fédéral a ainsi conclu, dans deux arrêts, à des retraits de sécurité en
partant de concentrations d'alcool dans le sang moyennes (ATF 125 II 396
consid. 2b p. 399 et arrêt 6A.106/2001 du 26 novembre 2001 consid. 3c/bb).
Dans le cas particulier, le conducteur n'a certes pas circulé sous l'effet de
l'alcool durant les cinq ans qui ont précédé le contrôle d'alcoolémie positif
en question. Ni le taux minimal, ni le taux moyen n'atteignent non plus la
valeur des 2,5 ? fixée par la jurisprudence.
Cela étant, il faut observer que les taux sont très proches de cette limite
et que le taux maximal le dépasse même. L'on ne saurait dès lors exclure
qu'il s'agit là d'un signe d'une dépendance alcoolique.
Au demeurant, la jurisprudence qui vient d'être rappelée (cf. consid. 3.3)
signifie simplement qu'un taux de 2,5 ? justifie à lui seul un examen de
l'aptitude à la conduite. Or, comme on l'a vu (cf. consid. 3.1),
l'opportunité d'un tel examen s'apprécie selon l'ensemble des circonstances.
Or, en l'occurrence, l'alcoolémie de l'intimé était très élevée lors des deux
précédents retraits de permis (respectivement 1,72 ? et 2,32 ? minimum),
intervenus en 1998 et en 1999. Cet élément, cumulé à une nouvelle conduite en
état d'ébriété avec un taux minimal proche de la limite des 2,5 ?, est dès
lors de nature à accroître l'éventualité d'une dépendance à l'alcool.
Dans tous les cas, il se justifiait donc ordonner un examen de l'aptitude à
conduire de l'intimé. En omettant d'y procéder, l'autorité cantonale a violé
le droit fédéral, de sorte que le grief doit être admis.

5.
Il s'ensuit que le recours doit être admis et la décision attaquée annulée.
L'intimé, qui succombe, supporte l'émolument judiciaire (art. 66 LTF). Il
n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision attaquée annulée. La cause est renvoyée
au Service des automobiles afin qu'il ordonne un examen de l'aptitude de
l'intimé à conduire au sens de l'art. 14 al. 2 let. c LCR et qu'il examine
d'office s'il est nécessaire d'ordonner une mesure préventive.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Service des
automobiles et au Tribunal administratif du canton de Vaud.

Lausanne, le 13 juillet 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: