Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.88/2007
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_88/2007

Arrêt du 26 novembre 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Jomini.

Parties
Haute Ecole Pédagogique commune aux cantons de Berne, Jura et Neuchâtel -
HEP-BEJUNE, agissant par son Conseil de direction,
recourante,

contre

A.________,
intimée, représentée par Me Alain Steullet, avocat,

Objet
rapports de travail de droit public,

recours en matière de droit public contre l'arrêt de la Chambre administrative
du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 28 mars 2007.

Faits:

A.
Les cantons de Berne, du Jura et de Neuchâtel sont parties au "Concordat
intercantonal créant une Haute école pédagogique commune aux cantons de Berne,
Jura et Neuchâtel (HEP-BEJUNE)", du 5 juin 2000 (ci-après: le Concordat).
L'art. 2 du Concordat décrit la Haute école pédagogique (ci-après: la HEP)
comme une "institution du degré tertiaire chargée de la formation initiale des
enseignantes et enseignants de l'école enfantine, de l'école primaire, des
écoles du niveau secondaire 1 et du niveau secondaire 2, de la formation
continue de l'ensemble du personnel enseignant". Le Concordat définit la HEP
comme un "établissement intercantonal de droit public doté de la personnalité
morale" (art. 3 al. 1). La République et canton du Jura a adhéré au Concordat
le 15 novembre 2000. L'enseignement a débuté à la HEP en août 2001.

B.
Le Concordat contient des normes relatives au statut du personnel enseignant de
la HEP (formateurs/formatrices), qui ont la teneur suivante:
Art. 27 - Conditions de travail et de rémunération
1 Le Comité stratégique peut, sur proposition du Comité de direction, et après
consultation du Conseil des formatrices et formateurs, édicter un règlement
dérogeant aux statuts cantonaux, dans les domaines suivants:
a) nombre d'heures d'enseignement et nombre de semaines de cours;
b) cahier des charges des formatrices et formateurs;
c) conditions de rémunération, dans le but de les harmoniser.
2 Les droits acquis individuels sont garantis.
Art. 28 - Statut harmonisé
1 A terme, le Comité stratégique arrête un statut harmonisé qui s'applique aux
personnes nouvellement engagées.
2 Il peut mettre les formatrices et formateurs déjà engagé-e-s au bénéfice du
statut harmonisé, pour autant qu'il leur soit plus favorable.
Le Comité stratégique (organe suprême de la HEP, selon l'art. 11 du Concordat)
a adopté le 2 juillet 2001 un règlement transitoire fixant les modalités
d'engagement du personnel enseignant ainsi que son statut jusqu'à l'adoption
d'un statut harmonisé (règlement transitoire R.11.26.27). Ensuite, le 15
septembre 2005, le Comité stratégique a adopté un règlement concernant le
statut général du personnel (règlement R.11.26), qui est entré en vigueur le
1er août 2006. Le chapitre II de ce règlement (art. 6 ss) est consacré au
"début des rapports de service". L'art. 7 prévoit que le recteur est
l'"instance d'engagement" des formateurs (ou formatrices). L'engagement
définitif fait l'objet, en vertu de l'art. 10 al. 2 du règlement R.11.26, d'un
contrat d'engagement qui relève du droit public.
Le Comité stratégique a encore adopté un règlement concernant les formateurs et
les formatrices, qui est aussi entré en vigueur le 1er août 2006 (règlement
R.11.28), ainsi que des directives concernant les modalités d'application de ce
règlement (directives D.11.28.1).

C.
Les formateurs de la HEP qui y travaillaient déjà avant l'entrée en vigueur du
nouveau statut, le 1er août 2006, ont reçu quelques mois auparavant une
proposition individuelle de contrat d'engagement. A.________, qui faisait
partie du corps des formateurs de la HEP depuis 2001 et qui, auparavant,
enseignait à l'Institut pédagogique jurassien, a reçu sa proposition de contrat
le 30 janvier 2006. Le recteur de la HEP lui a expliqué par lettre que le
contrat proposé s'inscrivait dans le passage du régime des anciens statuts
cantonaux au nouveau statut unique, les rapports de service devaient être
transformés dans la perspective de leur continuation sur une nouvelle base
uniforme permettant d'atteindre l'égalité de traitement des formateurs, qui
n'était pas assurée sous le régime des statuts cantonaux.
A.________ a adressé au Conseil de direction de la HEP une opposition à cette
proposition de contrat d'engagement. Le 3 mai 2006, le Conseil de direction a
refusé d'entrer en matière parce qu'il n'y avait pas de décision administrative
susceptible d'opposition et de recours. Le 2 juin 2006, A.________ a recouru
contre ce refus auprès de la Chambre administrative du Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura. Elle a notamment pris des conclusions tendant à
ce qu'il soit constaté que l'art. 3 al. 1 let. b des Directives concernant les
modalités d'application du Règlement concernant les formateurs et formatrices
(D.11.28.1) était contraire au Concordat et à la Constitution fédérale, "en
tant que cette disposition prévoit qu'une période d'enseignement de musique
instrumentale est égale à 1,4 heure de travail" (selon les Directives, une
période - soit 45 minutes - d'enseignement ordinaire est en revanche égale à
2,2 heures de travail). Elle a également demandé à ce qu'il soit ordonné à la
HEP de lui soumettre "une proposition de contrat d'engagement et de fiche
d'engagement pour 2006 prévoyant que pour un taux d'engagement de 35 %, 120
périodes de musique instrumentale correspondent à 220,8 heures de travail, de
sorte que le nombre d'heures de travail figurant sous rubrique A2 (sic) de la
fiche d'engagement est réduit au nombre de 106". Sa dernière conclusion tendait
à ce que la HEP lui soumette "un contrat d'engagement prévoyant un échelon n°
14 sur l'échelle des traitements".
La fiche d'engagement pour 2006 soumise à A.________ contenait les données
suivantes:
Paramètres d'engagement du statut harmonisé:

A. Tâches de formation (enseignement et encadrement)
A1 Tâches courantes d'enseignement
Domaines/disciplines
UDP 184.8 heures (84 périodes)
Instruments 134.4 heures (2 groupes)
UFAC 33.6 heures (1 groupe)

A2 Tâches d'encadrement des étudiants:
Visites de stages 72 heures
Direction des mémoires 40 heures
Activités non créditées 60 heures

B/C Formation continue et
tâches institutionnelles: 131.20 heures

Total des heures: 656 heures (34.5 % EPT)

Divers: 9.5 heures (0.5 % EPT)

Contrat de base à durée indéterminée selon statut harmonisé: 35 %

D.
Par un arrêt rendu le 28 mars 2007, la Chambre administrative a admis le
recours de A.________, dans la mesure où il était recevable. Elle a par
conséquent annulé la décision du Conseil de direction de la HEP du 3 mai 2006,
puis renvoyé l'affaire au Conseil de direction pour qu'il modifie la
proposition d'engagement adressée le 30 janvier 2006 à A.________ (dans la
procédure cantonale: la recourante) en ce sens qu'une période d'enseignement de
musique instrumentale doit correspondre à 1,84 heure de travail, et pour qu'il
se détermine sur la requête de la recourante tendant à bénéficier de l'échelon
n° 14 sur l'échelle des traitements.
En substance, la Chambre administrative a retenu que le litige portait sur des
prétentions découlant des rapports de service d'un agent public. Elle a
considéré que la voie de l'action de droit administratif, subsidiaire à celles
de l'opposition et du recours (art. 168 Cpa), n'était pas ouverte car la
proposition de contrat, par laquelle le Conseil de direction faisait
application du règlement R.11.28 pour transformer le statut de la recourante,
revêtait un effet contraignant pour cette dernière; l'acte en cause,
"détachable" du contrat, avait donc les caractéristiques d'une décision
administrative, au sens de l'art. 2 al. 1 let. a Cpa, et il était soumis à un
contrôle juridictionnel par la voie du recours de droit administratif cantonal.
Sur le fond, la Chambre administrative a examiné les prétentions de la
recourante, au sujet du "taux de conversion" des périodes d'enseignement de
musique instrumentale en heures de travail, sous l'angle des droits acquis (en
se référant en particulier aux art. 27 et 28 du Concordat). Elle a notamment
considéré ce qui suit (consid. 3.4 p. 14):
"Quand bien même la recourante est appelée à remplir d'autres tâches pour la
HEP, il s'ensuit néanmoins que la rémunération qui lui est versée pour
l'activité (à temps partiel) qu'elle exerce à la HEP est en partie déterminée
par le taux de conversion appliqué aux leçons de musique. En effet, si la
recourante dispense, sous le nouveau régime, le même nombre de leçons de
musique instrumentale qu'auparavant, son horaire sera réduit, de sorte qu'elle
gagnera moins. Elle subira en effet une diminution de revenu de 24 % pour
chaque leçon de musique (0.44 : 1.84). Le seul moyen de compenser cette perte
serait de travailler davantage, soit en dispensant plus d'heures de musique,
soit en accomplissant des tâches supplémentaires, ou en faisant l'un et
l'autre. Il y a là manifestement une atteinte aux droits acquis garantis par le
Concordat aux formateurs déjà engagés (art. 27 in fine du Concordat). On doit
en effet admettre que les droits acquis dont il est question à la fin de cette
disposition portent sur les trois domaines énumérés juste avant aux lettres a,
b et c de l'article 27, à savoir: le nombre d'heures d'enseignement, le nombre
de semaines de cours, le cahier des charges et les conditions de rémunération.
Or, ici, l'application du statut harmonisé est défavorable à la recourante en
ce qui concerne le nombre d'heures d'enseignement, respectivement son cahier
des charges et/ou les conditions de rémunération, puisqu'il a pour effet de
l'obliger à travailler davantage pour garder un salaire d'un même niveau. Dès
lors, le Comité stratégique ne pouvait pas, par la directive incriminée, mettre
les formateurs déjà engagés, à l'instar de la recourante, au bénéfice de ce
statut harmonisé, puisqu'il leur était défavorable (art. 28 al. 2 du Concordat
a contrario)."
La Chambre administrative a en outre considéré qu'elle n'avait pas à statuer
sur les conclusions relatives au classement à l'échelon n° 14 sur l'échelle des
traitements, la HEP devant se prononcer à ce sujet dans le cadre de la nouvelle
proposition d'engagement.

E.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la HEP (par son
Conseil de direction) demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu le 28
mars 2007 par la Chambre administrative. Elle soutient que des faits
déterminants ont été établis de manière inexacte et elle se plaint d'une
application incorrecte du droit concordataire à propos des droits acquis des
formateurs, d'arbitraire ainsi que d'une violation du droit d'être entendu.
Elle critique essentiellement le choix de la juridiction cantonale de voir dans
sa proposition de contrat d'engagement une décision susceptible de recours.
A.________ conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.
La Chambre administrative s'est déterminée dans le même sens.

F.
Par ordonnance du 24 mai 2007, le Président de la Ire Cour de droit public a
admis une requête d'effet suspensif présentée par la HEP (la recourante, dans
la procédure fédérale).

G.
Le Juge instructeur du Tribunal fédéral a entendu les parties lors d'une
audience d'instruction le 14 mai 2008. Les parties ont ensuite pu produire des
pièces complémentaires et déposer une écriture finale. Elles n'ont pas modifié
leurs conclusions.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis.

1.1 La décision attaquée a été rendue dans une cause de droit public, au sens
de l'art. 82 let. a LTF, les rapports de travail entre la HEP et ses formateurs
étant régis par le droit public. La voie du recours en matière de droit public
(art. 82 ss LTF) est donc en principe ouverte. Le recours a été formé en temps
utile (cf. art. 100 al. 1 LTF).

1.2 La qualité pour recourir en matière de droit public est réglée à l'art. 89
LTF. Selon l'alinéa 1 de cette disposition, il faut d'abord avoir en principe
participé à la procédure devant l'autorité précédente (let. a). Deux autres
conditions sont prévues: le recourant doit être particulièrement atteint par la
décision ou l'acte normatif attaqué (let. b) et il doit avoir un intérêt digne
de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).
L'art. 89 al. 1 LTF s'applique au recours des particuliers (contrairement à
l'art. 89 al. 2 LTF). Or, en l'espèce, l'auteur du recours est un établissement
de droit public, qui n'agit pas véritablement au même titre qu'un particulier
car les rapports de travail ne sont pas régis par le droit privé mais bien par
le droit public. Néanmoins, la jurisprudence retient que, dans les
contestations pécuniaires relevant du droit de la fonction publique, un
établissement ou une collectivité public peut être touché de façon analogue à
un employeur privé, et que par conséquent la qualité pour recourir peut lui
être reconnue dans le cadre de l'art. 89 al. 1 LTF (ATF 134 I 204 consid. 2.3
p. 207).
En l'occurrence, il est manifeste que la HEP, qui a participé comme partie
intimée à la procédure devant le Tribunal cantonal, est particulièrement
atteinte par la décision attaquée, qui la contraint à revoir les conditions
d'engagement d'une collaboratrice, et qu'elle a un intérêt digne de protection
à l'annulation de cette décision. Si la HEP devait se conformer aux injonctions
de la Chambre administrative, elle serait éventuellement amenée - pour
maintenir au même niveau les prestations globales de l'école en matière
d'enseignement de la musique - à augmenter le temps de travail et la
rémunération d'un autre formateur, qui accomplirait les tâches dont l'intimée
serait déchargée. De son côté, l'intimée avait saisi le Tribunal cantonal en
faisant notamment valoir qu'avec les nouvelles conditions d'engagement, "la
prestation qui auparavant représentait un poste complet [serait] considérée
désormais comme une fraction de poste". En d'autres termes, la même prestation
d'enseignement serait donc globalement, selon elle, moins payée. Dans ces
conditions, on peut considérer que la contestation a un caractère ou des
conséquences pécuniaires. La qualité pour recourir doit donc être reconnue à la
HEP sur la base de l'art. 89 al. 1 LTF.

1.3 L'art. 83 let. g LTF dispose que le recours en matière de droit public est
irrecevable "contre les décisions en matière de rapports de travail de droit
public qui concernent une contestation non pécuniaire, sauf si elles touchent à
la question de l'égalité des sexes". Comme cela vient d'être exposé, il ne
s'agit pas en l'espèce d'une contestation non pécuniaire. La clause d'exclusion
de l'art. 83 let. g LTF ne s'applique donc pas. Encore faut-il que la valeur
litigieuse de 15'000 fr. soit atteinte (art. 85 al. 1 let. b LTF), ou bien
sinon que la contestation soulève une question juridique de principe (art. 85
al. 2 LTF). Le dossier ne contient pas beaucoup d'éléments clairs pour le
calcul de la valeur litigieuse, c'est-à-dire la différence de salaire pour un
"poste complet" (selon l'ancien régime) et pour une "fraction de poste" (selon
le nouveau régime), en reprenant le raisonnement de l'intimée. Il ressort du
contrat d'engagement que l'intimée est née en 1963; on peut présumer qu'elle
est disposée à enseigner encore plusieurs années à la HEP. La différence de
salaire annuel, sur plusieurs années, équivaut globalement sans doute à une
somme supérieure à 15'000 fr. Il convient enfin de relever que l'on peut être
en présence d'une contestation pécuniaire, dans le domaine des rapports de
travail de droit public, même quand aucune partie ne prend des conclusions en
paiement d'une somme d'argent; il peut par exemple en aller ainsi quand un
employé de l'Etat demande l'annulation de son licenciement et sa réintégration,
le litige concernant alors un droit patrimonial ayant une valeur exprimable et
estimable en argent.

1.4 L'arrêt attaqué est une décision de renvoi: la Chambre administrative a en
effet renvoyé l'affaire au Conseil de direction de la HEP, avec des
injonctions. Une telle décision ne met pas fin à la cause et elle est donc
qualifiée d'incidente. Or, en vertu de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, pour que le
recours au Tribunal fédéral soit recevable directement contre la décision
incidente, il faut qu'elle puisse causer un préjudice irréparable. La
jurisprudence admet le risque d'un tel préjudice pour la collectivité publique
(souvent une commune) qui doit se soumettre aux injonctions du Tribunal
cantonal sans pouvoir ensuite attaquer la nouvelle décision qu'elle est tenue
de rendre (cf. ATF 133 II 409 consid. 1.2 p. 412). La situation est analogue
dans le cas particulier, puisque l'arrêt attaqué contraint la HEP à modifier
une proposition d'engagement sur un point qui n'est pas de détail (prévoir
désormais qu'une période d'enseignement de musique instrumentale correspond à
1,84 heure de travail). La voie du recours au Tribunal fédéral est donc
directement ouverte, dans cette mesure, contre l'arrêt du Tribunal cantonal,
nonobstant sa nature incidente.
En revanche, on ne saurait voir une véritable injonction dans le second élément
du dispositif de l'arrêt attaqué, le renvoi de l'affaire au conseil de
direction de la HEP pour qu'il se détermine sur la requête de la formatrice
intimée tendant à bénéficier de l'échelon n° 14 sur l'échelle des traitements.
Quoi qu'il en soit, d'après le recours, la contestation ne porte pas sur ce
second élément, de sorte qu'il ne sera pas examiné par le Tribunal fédéral.

1.5 Il résulte de ce qui précède que les conditions de recevabilité du recours
en matière de droit public sont remplies. Il y a ainsi lieu d'entrer en
matière.

2.
La recourante reproche à la Chambre administrative d'avoir mal interprété
l'art. 27 al. 2 du Concordat qui dispose que "les droits acquis individuels
sont garantis". Selon elle, la notion des droits acquis ne s'étend pas aux
modalités d'organisation du travail à fournir par les formateurs; aucune
disposition du Concordat ne précise la notion des droits acquis dans un sens
particulier, de sorte que leur contenu et leur étendue ne pouvaient pas être
déduits directement des normes concordataires. Préalablement, la recourante
critique l'application de la théorie de l'acte détachable, en vertu de laquelle
la Chambre administrative a admis l'existence, à propos des droits acquis,
d'une décision susceptible de recours.

2.1 Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du
droit fédéral, y compris le droit constitutionnel fédéral (art. 95 let. a LTF).
En vertu de l'art. 95 let. e LTF, le recours en matière de droit public peut
également être formé pour violation du droit intercantonal.
La recourante peut donc se plaindre en l'espèce d'une violation des
dispositions du Concordat au sujet des droits acquis - en l'occurrence des art.
27 al. 2 et 28 al. 2 du Concordat, qui ont selon elle été interprétés d'une
manière erronée. Dans l'arrêt attaqué, la Chambre administrative a précisément
appliqué ces normes du Concordat. Comme le législateur qui adopte un nouveau
statut pour les agents de l'Etat doit respecter certaines garanties
constitutionnelles (découlant des art. 8 et 9 Cst. - cf. infra, consid. 2.3.2),
notamment dans l'institution d'un régime transitoire, la contestation peut
également porter sur l'application de ces normes constitutionnelles (grief de
violation du droit fédéral).

2.2 Selon l'arrêt attaqué, le statut harmonisé adopté par les organes de la HEP
- qui comporte un règlement concernant le statut général du personnel
(règlement R.11.26), un règlement concernant les formateurs (règlement R.11.28)
et des directives sur les modalités d'application - ne respecterait pas,
s'agissant de la formatrice intimée, la garantie des droits acquis (art. 27 al.
2 du Concordat) ou l'interdiction de prévoir un statut moins favorable (art. 28
al. 2 du Concordat).
Ce statut harmonisé est entré en vigueur en août 2006. Pour un formateur déjà
engagé par un institut ou établissement cantonal avant la création de la HEP,
l'application des dispositions concordataires sur les droits acquis suppose une
comparaison entre le statut du personnel dans cet institut ou établissement
cantonal d'une part (avant le Concordat), et le statut harmonisé d'autre part.
Les art. 27 et 28 du Concordat ne protègent à l'évidence pas des "droits
acquis" qui résulteraient le cas échéant du règlement transitoire de 2001
(R.11.26.27), voire de décisions prises par les organes concordataires durant
cette période transitoire qui a commencé à la rentrée d'août 2001. En outre,
même si des éléments des anciens statuts cantonaux ont été conservés durant la
période 2001-2006 (par exemple en matière de rémunération), cela ne signifie
pas que la réglementation transitoire avait prévu cette solution parce qu'elle
s'imposait au titre des droits acquis.
Comme le relève la recourante, le passage au nouveau statut implique un
changement juridique important, puisque les rapports de service créés par un
acte de nomination ont été remplacés par des rapports de service réglés dans un
contrat. Avec le passage au régime contractuel, il faut concevoir un système
où, en l'absence d'un nouvel acte de nomination, il existe tout de même un acte
administratif définissant concrètement les éventuels droits acquis résultant du
précédent statut, acte qui puisse être contesté par le formateur concerné
devant une autorité de recours - comme pouvaient l'être les décisions prises
dans le cadre du précédent statut. Il importe en effet qu'une protection
juridique suffisante soit accordée à l'agent de l'Etat qui se prévaut de droits
acquis ne résultant pas d'un contrat mais d'un régime défini par des normes du
droit public et des décisions administratives; cette protection juridique
devrait a priori être mise en oeuvre par la voie ordinaire du recours (de
droit) administratif, lorsque des actes relevant du droit public sont
contestés. On pourrait théoriquement imaginer que l'ancienne autorité de
nomination - dans l'administration cantonale jurassienne - rende une décision
en constatation, qui lierait les organes du Concordat. Cette solution ne
s'impose pas d'emblée dans une situation où un régime transitoire valable
plusieurs années a été prévu (2001-2006 en l'occurrence) et où la HEP en tant
que telle est compétente, depuis le début du régime transitoire, pour organiser
l'enseignement.
La solution retenue en l'espèce par la Chambre administrative, à savoir
l'existence d'un acte "détachable" de la conclusion du contrat, permet
précisément aux deux intéressés, la HEP et la formatrice intimée, d'utiliser
les voies ordinaires de la procédure administrative pour invoquer, ou contester
l'existence, des droits acquis. Il n'y a pas lieu, dans le présent arrêt, de
rappeler avec précision les fondements et la portée de la théorie des deux
niveaux, ou des actes détachables (cf. à ce propos PIERRE MOOR, Droit
administratif, vol. II, 2e éd., Berne 2002 p. 376 ss; MINH SON NGUYEN, Le
contrat de collaboration en droit administratif, thèse Lausanne 1998, p. 267
ss); l'arrêt attaqué donne du reste certaines indications à ce sujet. Il ne
s'agit en effet pas de décider si cette théorie doit être généralement reçue
dans la pratique administrative suisse. Il ne s'agit pas non plus d'examiner si
d'autres éléments des propositions de contrat d'engagement de la HEP revêtent
le caractère d'une décision administrative "détachable"; aussi l'argumentation
de la recourante, qui s'oppose à ce que la proposition de contrat en tant que
telle soit considérée comme une décision, n'a-t-elle pas à être discutée. Il
convient en effet uniquement de déterminer si, du point de vue de la protection
juridique, il est adéquat d'appliquer cette théorie afin de permettre à
l'intimée de se prévaloir d'une décision sur la question des droits acquis,
dans ces circonstances particulières où le régime de la nomination est remplacé
par le régime contractuel (l'arrêt attaqué parle de "transformation de rapports
de service existants", à distinguer de la "création initiale des rapports de
service"). Or, comme les cantons ont la compétence, en matière d'organisation
de leurs écoles normales (ou des institutions qui leur ont succédé), de définir
leurs règles de procédure administrative, et que la solution retenue ne
compromet pas l'application des garanties générales de procédure du droit
constitutionnel fédéral (art. 29 et 29a Cst.), on ne voit aucun motif de
critiquer l'arrêt attaqué en tant qu'il retient l'existence d'un acte revêtant
le caractère d'une décision au sens de l'art. 2 al. 1 let. a Cpa, soumis à un
contrôle juridictionnel par la voie du recours de droit administratif. En
résumé, la portée de cet acte est limitée: la HEP statue uniquement sur la
question des droits acquis résultant d'un précédent statut, en tant que
successeur de l'ancienne autorité de nomination (un organe de l'administration
cantonale jurassienne), pour une formatrice déjà engagée sous le régime
précédent.

2.3 Dans les rapports de travail de droit public, en principe, le fonctionnaire
n'a pas droit au maintien de ses conditions générales d'engagement telles
qu'elles existaient au moment où il a été nommé; le régime qui lui est
applicable suit les modifications que le législateur apporte au statut, sous
réserve de la protection des droits acquis, lesquels constituent l'exception.
Il y a, premièrement, droit acquis lorsque la loi déclare explicitement
conférer tel droit ou, par diverses formulations, fixer un droit une fois pour
toutes. La seconde catégorie de droits acquis se rapporte aux arrangements que
l'administration et le fonctionnaire peuvent passer (cf. PIERRE MOOR, Droit
administratif, vol. III, Berne 1992, p. 211/212; à ce propos, également, ATF
134 I 23 consid. 7.1-7.2 p. 35). En l'espèce, il n'est pas question d'un
arrangement particulier, ni d'un accord entre l'administration cantonale
jurassienne, voire la HEP, et l'intimée. Les droits acquis invoqués par
l'intimée devraient donc trouver leur fondement dans un acte normatif.
2.3.1 En posant la règle selon laquelle "les droits acquis individuels sont
garantis", l'art. 27 al. 2 du Concordat ne définit pas avec précision le
contenu de ces droits acquis. On peut seulement déduire du titre de cet article
qu'ils concernent le cas échéant les "conditions de travail et de rémunération"
(titre de l'art. 27 du Concordat).
Quand bien même la garantie des droits acquis individuels (al. 2) se trouve
dans le même article (art. 27) que la définition du contenu du règlement que le
comité stratégique de la HEP est chargé d'édicter en matière de conditions de
travail et de rémunération (al. 1), cela ne signifie pas que dans chaque
domaine à réglementer (nombre d'heures d'enseignement, nombre de semaines de
cours, cahier des charges des formateurs, conditions de rémunération), les
prescriptions des anciens statuts cantonaux équivalent à des droits acquis pour
les formateurs déjà engagés. Du reste, l'art. 27 al. 2 du Concordat ne renvoie
pas directement à l'al. 1, et l'interprétation de cette disposition selon les
méthodes littérale et systématique ne permet pas de conclure que les auteurs du
Concordat auraient voulu, par exemple, que le nombre d'heures d'enseignement
selon l'ancien statut soit considéré comme un droit acquis, ni que le cahier
des charges d'un ancien formateur ne puisse pas être modifié. Sur ce point, le
Tribunal cantonal retient à tort que puisque l'art. 27 al. 1 du Concordat
décrit le contenu de la future réglementation harmonisée (let. a, b et c), il
réserve également des droits acquis dans tous les domaines concernés.
Quant à l'art. 28 al. 2 du Concordat, il donne au comité stratégique la
compétence de mettre les formateurs déjà engagés "au bénéfice du statut
harmonisé, pour autant qu'il leur soit plus favorable". Cette disposition
n'énumère cependant pas les critères permettant d'évaluer si le statut
harmonisé est plus ou moins favorable que le statut du canton d'origine. Telle
qu'elle est rédigée, cette disposition n'impose pas une comparaison détaillée,
ou séparée, de chaque élément du statut d'enseignant formateur, selon l'ancien
et le nouveau régime, avec la conséquence que l'on retiendrait, sur chaque
point, la solution la plus favorable (on pourrait penser par exemple au nombre
de périodes d'enseignement hebdomadaires, à la durée de chaque période, à la
durée globale des vacances, à la durée de chaque période de vacances, à
l'importance de la décharge pour certaines tâches spéciales, à la rémunération
globale, à la rémunération des heures supplémentaires, aux conditions de
formation continue, etc.). Il faut en déduire que l'application de l'art. 28
al. 2 du Concordat suppose soit une appréciation globale des deux statuts -
avec la difficulté, voire l'impossibilité pratique de déterminer lequel est en
somme objectivement le plus favorable -, soit une comparaison des éléments
fondamentaux du statut; en d'autres termes, l'introduction du statut harmonisé
ne pourrait être différée à l'égard d'un ancien formateur que si sur un point
essentiel, il apparaissait clairement moins favorable. On doit donc constater
que l'art. 28 al. 2 du Concordat ne crée pas de droits acquis clairement
définis et ne confère pas directement des prétentions précises aux formateurs
concernés.
Il n'est en outre pas prétendu par les parties, dans la présente contestation,
que des droits acquis seraient consacrés par une norme du droit cantonal
jurassien, ou par une disposition d'un règlement adopté par les organes du
Concordat.
2.3.2 La jurisprudence retient qu'en l'absence d'une définition spécifique des
droits acquis (dans la loi ou un arrangement particulier), les agents de l'Etat
ne peuvent invoquer, à l'encontre d'un nouveau régime adopté par le
législateur, que les garanties générales tirées de l'égalité de traitement, de
l'interdiction de l'arbitraire et des règles de la bonne foi (art. 8 et 9
Cst.). Il en découle notamment que les prétentions pécuniaires ne peuvent pas
être modifiées, supprimées ou réduites, au détriment de certains fonctionnaires
ou de certaines catégories d'entre eux, sans une justification particulière
(cf. ATF 118 Ia 245 consid. 5b p. 256; 106 Ia 163 consid. 1c p. 169). Il faut
tenir compte, dans ce contexte, de l'existence de régimes transitoires, qui
prévoient des modalités particulières d'application du nouveau droit,
satisfaisant au principe de la proportionnalité (cf. BLAISE KNAPP, La
modification des conditions de service et les droits acquis des agents publics,
in Mélanges Alexandre Berenstein, Genève 1989, p. 330).
2.3.3 Dans le cas particulier, la contestation porte sur la détermination du
"taux de conversion appliqué aux leçons de musique": la Chambre administrative
a imposé, dans l'arrêt attaqué, l'application d'un taux de 1.84 au titre de
droit acquis de la formatrice intimée, tandis que la HEP veut appliquer un taux
de 1.4.
Il ressort du dossier que ce taux de conversion concerne exclusivement la
formation en instrument (dans la fiche d'engagement 2006 reproduite dans l'état
de fait, le deuxième élément de la rubrique A1, la discipline "instruments").
L'enseignement est dispensé à des groupes de 4 étudiants (avec certaines
périodes en solo et certaines périodes en groupe). Pour le formateur, un groupe
représente 48 heures ou périodes. Dès lors que l'intimée doit enseigner le
piano à deux groupes, le total des périodes données est de 96 (2 x 48); en
appliquant le coefficient 1.4, on obtient le chiffre de 134.4 figurant dans la
fiche d'engagement. Les autres tâches courantes d'enseignement ("unité de
développement de la personne [UDP], "unité de cours facultatifs [UFAC]), les
tâches d'encadrement des étudiants, les périodes de formation continue et les
tâches institutionnelles ne sont pas évaluées en fonction du taux de conversion
de 1.4. En définitive, l'application de ce taux de conversion ne concerne
qu'une partie limitée de l'activité de cette formatrice (134.4 heures sur
665.5, soit environ 20 %); en d'autres termes, l'application du taux de 1.84
n'aurait qu'une influence modeste sur l'organisation globale du travail, du
point de vue du temps consacré aux diverses tâches.
2.3.4 La recourante fait valoir que la notion de droits acquis ne s'étend pas
aux modalités d'organisation du travail à fournir par les formateurs. Selon
elle, son comité stratégique ne peut pas baisser le salaire des formateurs mais
il est habilité à modifier les paramètres principaux qui caractérisent leur
travail. Comme la HEP est issue de la fusion de trois écoles normales
cantonales qui n'assuraient pas le niveau tertiaire de la formation destinée
aux futurs enseignants, la restructuration des programmes des cours et des
modalités de dispensation de l'enseignement constituait une nécessité. D'après
le recours, l'art. 27 du Concordat accorde au comité stratégique la compétence
de décider de ces changements dans la structure de l'enseignement, aussi bien
au niveau global de l'institution qu'au niveau individuel de chaque formateur.
La HEP expose aussi que la différenciation des taux de conversion des heures
annuelles en périodes d'enseignement est liée au critère du groupe-classe: il
est tenu compte du fait que certains formateurs dispensent leur enseignement au
sein d'un groupe de 25 à 30 étudiants (ou de 12 à 15 étudiants), alors que
d'autres formateurs, notamment dans le domaine de l'enseignement de la musique,
donnent des cours individuels ou en petits groupes de 3 à 4 étudiants.
Toujours selon le recours, contrairement aux statuts précédents, le nouveau
règlement (R.11.28) ne définit plus d'horaire de travail pour les formateurs
mais les astreint au contraire à accomplir différents types de tâches convenues
individuellement, qui équivalent, pour un poste à plein temps, à 1'900 heures
annuelles. Il est dès lors difficile d'effectuer une comparaison directe entre
la charge de travail correspondant à un poste de formateur à plein temps selon
le règlement transitoire (R.11.26-27, abrogé le 1er août 2006 - qui prévoyait
que les formateurs restaient soumis au statut cantonal pour ce qui concernait
le temps de travail) et la charge de travail déterminée selon le nouveau statut
uniforme.
Dans sa réponse au recours, l'intimée ne critique pas véritablement cette
description des enjeux de la nouvelle organisation de l'enseignement et de
l'harmonisation des statuts. Elle ajoute cependant que, d'après elle, le seul
but du nouveau taux de conversion est de permettre à la HEP de faire des
économies.
2.3.5 Si, comme cela ressort du dossier, l'application du taux de conversion de
1.4 est effectivement moins favorable pour l'intimée que le régime appliqué
durant la période transitoire 2001-2006, cela ne signifie pas pour autant que
le nouveau statut serait, en tant que tel, moins favorable que le statut
cantonal (Institut pédagogique jurassien). Le régime transitoire décidé par la
HEP ne peut pas conférer des droits acquis au sens des art. 27 et 28 du
Concordat (cf. supra, consid. 2.2), et c'est donc à une comparaison globale
entre le statut harmonisé et le statut cantonal qu'il faut procéder (cf. supra,
consid. 2.3.1). Dans ce cadre, on ne peut à l'évidence pas déduire du seul
élément invoqué par l'intimée (le taux de 1.4) que, d'un point de vue général,
les conditions de travail et de rémunération des formateurs dispensant (entre
autres enseignements et tâches) des cours de musique instrumentale sont moins
favorables dans le statut harmonisé. La réorganisation de la formation des
futurs enseignants, par rapport au système des anciennes écoles normales,
comporte sans doute également des avantages. De toute manière, il ne ressort
pas clairement du dossier que le statut harmonisé serait, en l'espèce,
globalement moins favorable. Dans ces conditions, l'art. 28 al. 2 du Concordat
n'impose pas, à lui seul, l'application d'un taux de conversion différent (plus
élevé) pour l'enseignement de l'instrument et l'intimée ne saurait se
prévaloir, à ce propos, d'un droit acquis.
Il reste donc à examiner si les garanties constitutionnelles (art. 8 et 9 Cst.)
imposaient une autre solution, à savoir un régime transitoire garantissant,
après l'établissement du nouveau statut, l'application d'un taux de conversion
de 1.4 pour l'enseignement de la musique instrumentale.
Cette mesure intervient dans un processus qui, après une période transitoire,
doit aboutir à l'harmonisation de trois statuts cantonaux paraissant assez
différents les uns des autres. Dans ce contexte, une interprétation extensive
de la notion de droits acquis, dans le sens proposé par l'intimée, pourrait
empêcher la réalisation de l'objectif général d'harmonisation, avec la mise en
place d'un nouveau système d'enseignement et la suppression progressive
d'inégalités de traitement entre formateurs.
Il n'a, d'après le dossier, jamais été reproché à la HEP d'agir contrairement
aux règles de la bonne foi. Les cantons concordataires et les organes de la HEP
ont invoqué des motifs objectifs justifiant d'une part l'évolution des tâches
des formateurs, et d'autre part le régime particulier pour l'enseignement de la
musique instrumentale (qui, on le rappelle, ne représente dans le cas
particulier qu'une des tâches de l'intimée). Il ne s'agit manifestement pas de
faire supporter des économies aux seuls formateurs enseignant la musique
instrumentale, tandis qu'aucune contrainte financière ne serait prévue dans les
autres branches. Les choix faits par les organes du Concordat ne paraissent pas
manifestement insoutenables ni abusifs. Comme cela a été exposé plus haut
(consid. 2.3, 2.3.2), le législateur a le droit de faire évoluer le statut des
enseignants des écoles publiques; sur le point litigieux, cette évolution ne
viole ni le principe d'égalité, ni l'interdiction de l'arbitraire (à propos de
la portée de ces garanties constitutionnelles dans ce contexte, cf. notamment
KATHRIN KLETT, Verfassungsrechtlicher Schutz "wohlerworbener Rechte" bei
Rechtsänderungen, thèse Berne 1994, p. 179/180).
Dès lors, en reconnaissant l'existence de droits acquis dans le cas
particulier, la Chambre administrative a mal appliqué les art. 27 al. 2 et 28
al. 2 du Concordat, de même que les garanties constitutionnelles pertinentes.
Les griefs de violation du droit fédéral et du droit intercantonal apparaissent
donc bien fondés.

2.4 Il s'ensuit que le recours de la HEP doit être partiellement admis. L'arrêt
attaqué doit en effet être annulé non pas dans sa totalité, mais en tant qu'il
annule "la décision du Conseil de direction de la HEP-BEJUNE du 3 mai 2006" et
qu'il renvoie l'affaire à ce Conseil de direction "pour qu'il modifie la
proposition d'engagement (...) en ce sens qu'une période d'enseignement de
musique instrumentale doit correspondre à 1.84 heure de travail". Il n'y a pas
lieu de prendre une nouvelle décision sur le fond ni de renvoyer, à ce propos,
l'affaire au Tribunal cantonal (art. 107 al. 2 LTF); sur le point litigieux en
effet, l'intimée ne peut en effet pas se prévaloir de droits acquis qui
devraient être constatés dans une décision administrative (cf. consid. 2.2).
Comme la contestation ne porte pas sur le renvoi de l'affaire au Conseil de
direction "pour qu'il se détermine sur la requête de la recourante tendant à
bénéficier de l'échelon n° 14 sur l'échelle des traitements" (cf. supra,
consid. 1.4), cet élément de l'arrêt attaqué n'a pas à être annulé.
Les décisions (accessoires) de la Chambre administrative sur les frais et
dépens de la procédure cantonale de recours doivent elles aussi être annulées.
L'affaire doit être renvoyée à cette autorité pour nouvelle décision sur ce
point.

3.
Les frais judiciaires doivent être mis à la charge de l'intimée, qui succombe
(art. 65 al. 1 et art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à
la collectivité publique recourante, qui a au demeurant procédé sans être
représentée par un avocat (cf. art. 68 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis, dans la mesure où il est recevable, et
l'arrêt rendu le 28 mars 2007 par la Chambre administrative du Tribunal
cantonal de la République et canton du Jura est annulé:
- en tant qu'il annule la décision du Conseil de direction de la HEP-BEJUNE du
3 mai 2006,
- en tant qu'il renvoie l'affaire au Conseil de direction de la HEP-BEJUNE pour
qu'il modifie la proposition d'engagement adressée à A.________ le 30 janvier
2006 en ce sens qu'une période d'enseignement de musique instrumentale doit
correspondre à 1.84 heure de travail, et
- en tant qu'il statue sur les frais et dépens de la procédure cantonale.

L'arrêt attaqué est maintenu en tant qu'il renvoie l'affaire au Conseil de
direction de la HEP-BEJUNE pour qu'il se détermine sur la requête de A.________
tendant à bénéficier de l'échelon n° 14 sur l'échelle des traitements.

L'affaire est renvoyée à la Chambre administrative pour nouvelle décision sur
les frais et dépens de la procédure cantonale.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de A.________.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante, au mandataire de
l'intimée et au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura.

Lausanne, le 26 novembre 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier:

Féraud Jomini