Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.404/2007
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1C_404/2007

Arrêt du 7 mars 2008
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

Office fédéral des routes (OFROU), 3003 Berne,
recourant,

contre

A.________,
intimé, représenté par Me Iana Mogoutine Castiglioni, avocate,
Service des automobiles et de la navigation de la République et canton de
Genève, route de Veyrier 86, 1227 Carouge.

Retrait du permis de conduire,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du
9 octobre 2007.

Faits:

A.
Le 26 juin 2007, le Service genevois des automobiles et de la navigation
(SAN) a retiré pour dix-huit mois le permis de conduire de A.________; entre
le 20 janvier et le 16 février 2007, à l'entrée de Bellevue, l'intéressé
avait dépassé à huit reprises la vitesse autorisée (60 km/h); ces
dépassements allaient de 24 à 37 km/h. A.________ avait fait l'objet d'un
avertissement le 14 juin 2000, puis de trois retraits de permis de 2 mois (17
janvier 2000), 1 mois (5 décembre 2003) et 6 mois (22 août 2006) pour des
infractions graves. Par application de la lex mitior, l'art. 16c al. 2 let. d
LCR n'a pas été appliqué, certains antécédents datant d'avant l'entrée en
vigueur du nouveau droit. Toutefois, en raison du cumul d'infractions, il y
avait lieu de s'écarter du minimum légal de douze mois prescrit à l'art. 16c
al. 2 let. c LCR.

B.
Par arrêt du 9 octobre 2007, le Tribunal administratif genevois a rejeté le
recours formé par A.________: trois des excès de vitesse constituaient des
infractions graves (dépassement de plus de 30 km/h). Le concours de huit
infractions justifiait une majoration de la durée minimale du retrait. Le
recourant n'invoquait pas de besoin professionnel déterminant.

C.
Par acte du 15 novembre 2007, l'Office fédéral des routes (OFROU) forme un
recours en matière de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif.
Il conclut à l'annulation de cet arrêt et au prononcé d'un retrait définitif
du permis de conduire en application de l'art. 16d al. 3 LCR.
Subsidiairement, il demande le renvoi de la cause au SAN afin de déterminer
si A.________ est incorrigible ou inapte à la conduite; dans cette
perspective, le permis de conduire devrait être retiré à titre provisoire en
application de l'art. 30 OAV. A titre de mesure provisionnelle, l'OFROU
demande qu'il soit interdit à l'intimé de conduire un véhicule automobile
durant la procédure.
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. A.________ conclut à
l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours. Il conclut à l'octroi
de l'effet suspensif, mais dans le sens d'une suspension de la mesure de
retrait de permis.
Par ordonnance présidentielle du 14 décembre 2007, les demandes de mesures
provisionnelles et d'effet suspensif ont été rejetées.

Considérant en droit:

1.
La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF,
est ouverte contre une décision de dernière instance cantonale au sujet d'une
mesure administrative de retrait du permis de conduire.

1.1 Selon l'art. 89 al. 2 let. a LTF, si le droit fédéral le prévoit, les
unités subordonnées aux départements fédéraux ont qualité pour recourir
contre les décisions susceptibles de violer la législation fédérale dans leur
domaine d'attribution. Selon l'art. 10 al. 4 de l'ordonnance sur
l'organisation du DETEC (Org DETEC, RS 172.217.1), l'OFROU a qualité pour
recourir au Tribunal fédéral contre les décisions rendues en dernière
instance cantonale en matière de circulation routière. Les autorités
cantonales sont tenues de lui notifier ces décisions.

1.2 L'intimé estime que les conclusions de l'OFROU seraient nouvelles et donc
irrecevables en vertu de l'art. 99 al. 2 LTF, puisqu'elles n'auraient pas été
présentées devant la cour cantonale. De même, les faits allégués à l'appui de
ces conclusions - soit la prétendue incapacité de conduire un véhicule
automobile - seraient également nouveaux car ils n'ont pas été allégués par
les parties en instance cantonale. Une admission du recours de l'OFROU
violerait par ailleurs l'interdiction de la reformatio in peius.

1.2.1 L'autorité fédérale n'ayant eu connaissance de la procédure qu'après
notification de l'arrêt cantonal, on ne saurait lui reprocher, comme le fait
l'intimé, de ne pas avoir présenté plus tôt ses conclusions, ni allégué les
faits à l'appui de celles-ci. Par ailleurs, l'autorité compétente qui dispose
d'un droit d'intervention afin d'assurer une application uniforme du droit
fédéral peut requérir, dans ce cadre, une modification de l'objet de la
contestation, soit en l'occurrence le prononcé d'un retrait de sécurité en
lieu et place d'un retrait d'admonestation. Pour la même raison,
l'interdiction de la reformatio in peius, applicable devant la cour cantonale
(art. 69 al. 1 de la loi genevoise sur la procédure administrative), ne l'est
pas devant le Tribunal fédéral. Le droit d'être entendu des intéressés doit
toutefois être respecté (art. 29 al. 2 Cst.).

2.
L'OFROU relève les antécédents de l'intimé; celui-ci mettrait délibérément en
péril sa vie et celle des autres usagers de la route, et devrait être
qualifié de conducteur incorrigible au sens de l'art. 16d al. 3 LCR. A tout
le moins, un examen d'aptitude devrait être ordonné en application de l'art.
14 al. 2 let. d LCR, et le permis retiré à titre préventif.
L'intimé relève que depuis son dernier excès de vitesse le 16 février 2007,
il n'a commis aucune infraction aux règles de la route; le pronostic serait
donc favorable. Tant le SAN que le Tribunal administratif auraient apprécié
correctement les faits.

2.1 Conformément à l'art. 16 al. 1 LCR, le permis de conduire doit être
retiré lorsque l'autorité constate que les conditions légales de sa
délivrance, énoncées par l'art. 14 LCR, ne sont pas ou plus remplies. Ainsi,
le permis doit notamment être retiré pour une durée indéterminée à la
personne qui, en raison de son comportement antérieur, ne peut garantir qu'à
l'avenir elle observera les prescriptions et fera preuve d'égards envers
autrui en conduisant un véhicule automobile. Cette dernière disposition
reprend la règle de l'art. 17 al. 1bis aLCR, qui prévoyait notamment que le
permis devait être retiré pour une durée indéterminée si le conducteur
n'était pas apte à conduire pour des raisons d'ordre caractériel.
Un retrait du permis fondé sur cette disposition n'est possible que s'il
existe des indices suffisants que l'intéressé conduira sans observer les
prescriptions et sans égard pour autrui (ATF 125 II 492 consid. 2a p. 495).
Un retrait de sécurité en raison d'une inaptitude caractérielle se justifie,
même en l'absence d'un état pathologique, s'il ressort du comportement
extérieur du conducteur que celui-ci ne présente pas la garantie d'observer
les prescriptions et de respecter autrui lorsqu'il est au volant,
c'est-à-dire lorsqu'un pronostic défavorable doit être posé quant au
comportement futur de l'intéressé. L'art. 16d al. 1 LCR est notamment
applicable lorsqu'un conducteur a violé délibérément les règles de la
circulation routière de manière réitérée, de sorte que son comportement le
fait apparaître comme susceptible de ne pas respecter, consciemment ou non,
ces règles et de ne pas avoir égard à autrui (même arrêt; arrêts non publiés
1C_99/2007 du 13 juillet 2007 et 1C_307/2007 du 17 décembre 2007).
La décision de retrait de sécurité du permis de conduire constitue une
atteinte grave à la sphère privée de l'intéressé; elle doit donc reposer sur
une instruction précise des circonstances déterminantes (ATF 133 II 284
consid. 3.1; cf. en ce qui concerne le retrait justifié par des raisons
médicales ou l'existence d'une dépendance: ATF 129 II 82 consid. 2.2 p. 84;
127 II 122 consid. 3b p. 125). Le pronostic doit être posé sur la base des
antécédents du conducteur et de sa situation personnelle (ATF 125 II 492
consid. 2a p. 495). En cas de doute, il y a lieu d'ordonner un examen
psychologique ou psychiatrique (arrêt 1C_321/2007 du 17 décembre 2007,
consid. 3.2).
2.2 En l'espèce, l'intimé s'est vu retirer un permis de conduire étranger, en
janvier 2000, pour s'être endormi alors qu'il circulait sur l'autoroute. En
juin 2000, il a reçu un avertissement pour un dépassement de vitesse sur
l'autoroute. Au mois de décembre 2003, son permis étranger lui a été retiré
pour un mois, pour un dépassement de 30 km/h de la vitesse sur autoroute. Au
mois d'août 2006, un retrait de six mois a été prononcé, pour un dépassement
de 30 km/h de la vitesse autorisée en localité, puis pour conduite en état
d'ébriété (1,25 ? de taux d'alcool). Les huit excès de vitesse - dont trois
de plus de 30 km/h - ayant donné lieu à la décision du SAN du 26 juin 2007
ont été commis dès le 20 janvier 2007, soit neuf jours seulement après la
restitution de son permis.
A l'évidence, les différentes sanctions prises contre le recourant n'ont eu
aucun effet sur son comportement. Il existe donc des raisons de penser qu'il
n'y a pas de garanties suffisantes qu'à l'avenir l'intéressé observera les
prescriptions et fera preuve d'égards envers autrui. Cela imposerait un
retrait du permis pour une durée indéterminée, au sens de l'art. 16d al. 1
let. c LCR; contrairement à ce que soutient l'intimé, il ne s'agit pas là
d'une norme potestative qui permettrait à l'autorité de n'infliger au
préalable qu'un avertissement. En négligeant de s'interroger, dans un tel
cas, sur l'aptitude à conduire de l'intimé, et en omettant d'établir
clairement les faits sur ce point, le SAN puis la cour cantonale ont violé le
droit fédéral.

2.3 L'admission du recours entraîne l'annulation de l'arrêt cantonal. L'OFROU
conclut principalement à ce que le Tribunal fédéral prononce lui-même un
retrait de sécurité de cinq ans au minimum. Une telle mesure ne saurait être
prise que dans les cas évidents (cf. par exemple arrêt 6A.7/2000 du 17 mai
2000, dans lequel l'intéressé avait clairement déclaré qu'il entendait
persévérer à violer les règles de la circulation). En l'espèce, il y aura
lieu d'instruire sur l'aptitude caractérielle de l'intimé, et celui-ci devra
pouvoir participer à l'administration des preuves sur ce point. La cause doit
dont être renvoyée au SAN, pour nouvelle décision.

2.4 L'OFROU demande aussi, en cas de renvoi à l'autorité de première
instance, que le permis soit retiré à titre provisoire en application de
l'art. 30 OAC. Aux termes de cette disposition, le permis d'élève conducteur
ou le permis de conduire peut être retiré à titre préventif lorsqu'il existe
des doutes sérieux quant à l'aptitude à conduire de l'intéressé. Cette
disposition institue une mesure provisoire destinée à protéger les intérêts
menacés jusqu'à l'issue de la procédure principale portant sur un retrait de
sécurité. L'expertise ordonnée dans cette procédure doit être exécutée dans
les meilleurs délais, afin que le permis puisse être restitué au plus vite à
son titulaire s'il n'y a pas lieu de prononcer un retrait de sécurité (cf.
ATF 125 III 396 consid. 3 p. 401). Lorsqu'il existe des indices d'inaptitude
suffisants pour justifier l'ouverture d'une procédure portant sur un éventuel
retrait de sécurité, les conditions d'un retrait préventif sont en principe
remplies.
La cause étant renvoyée au SAN, il appartiendra également à cette autorité,
en tant qu'instance de décision sur le fond, de prononcer un éventuel retrait
provisoire durant la procédure: l'autorité de première instance est en effet
mieux à même d'apprécier, dans le cadre de la pesée des intérêts, si l'intimé
peut être considéré comme une source de danger particulière pour les autres
usagers de la route (ATF 125 II 492 consid. 2b p. 495); par ailleurs, c'est à
la même autorité qu'il appartiendra le cas échéant de rapporter la mesure
provisoire s'il apparaît, après expertise, qu'elle n'était pas justifiée (ATF
125 II 396 consid. 3 p. 401).

3.
Le recours doit par conséquent être admis; l'arrêt attaqué est annulé et la
cause est renvoyée au service genevois des automobiles et de la navigation
pour nouvelle décision, après avoir le cas échéant soumis l'intimé à une
expertise. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis
à la charge de l'intimé, qui succombe. Il n'est pas alloué de dépens (art. 68
al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée au
Service des automobiles et de la navigation du canton de Genève pour nouvelle
décision au sens des considérants.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge de l'intimé
A.________.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Service des automobiles et de
la navigation et au Tribunal administratif du canton de Genève.

Lausanne, le 7 mars 2008

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz