Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.348/2007
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1C_348/2007

Arrêt du 21 décembre 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Jomini.

A. ________,
B.________, 
recourants,
tous deux représentés par Me Jean Anex, avocat,

contre

Département des infrastructures du canton de Vaud, Service des routes, avenue
de l'Université 3,
1014 Lausanne, intimé,
représenté par Me Jean Jacques Schwaab, avocat,
place Pépinet 4, 1003 Lausanne,
Commune de Chessel, 1846 Chessel, partie intéressée.

projet routier H144,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud du
14 septembre 2007.

Faits:

A.
Le Service des routes du Département des infrastructures du canton de Vaud a
élaboré un projet de construction de route (au sens des art. 11 ss de la loi
cantonale sur les routes [LRou]) pour un nouvel axe routier de transit entre
la région de Villeneuve (canton de Vaud) et le canton du Valais, au-delà du
Rhône. Ce projet porte la dénomination "projet routier H144". Il consiste,
plus précisément, à créer une nouvelle route principale de première classe
entre Rennaz (jonction à la route cantonale vaudoise RC 780) et l'entrée sud
des Evouettes (jonction à la route cantonale valaisanne RC 302). La longueur
totale de la route est de 4'300 m, dont 3'957 m sur le territoire du canton
de Vaud. Plusieurs ouvrages d'art sont prévus (viaduc sur l'autoroute A9 et
la RC 780, galerie couverte à Crebelley, pont sur le Grand Canal, viaduc sur
le Rhône et le canal Stockalper). La route comprend deux voies de circulation
de 3.75 m chacune, sans accès latéraux à l'exception d'un giratoire
intermédiaire. Elle ne serait pas ouverte au trafic agricole ni cycliste
(trafic non mixte).
Le projet routier H144 a été mis à l'enquête publique du 20 avril au 21 mai
2002. Comme il doit faire l'objet d'une étude d'impact (cf. ch. 11.2 de
l'annexe à l'ordonnance relative à l'étude de l'impact sur l'environnement
[OEIE; RS 814.011]), un rapport d'impact était au dossier. Ce rapport
(ci-après: RIE) contient notamment un chapitre "Justification du projet" qui
se réfère à une "étude multicritère" réalisée en 1999, où "plusieurs
variantes ont été comparées et optimisées" (p. 25 du RIE). Un résumé de
l'"étude multicritère" et des variantes examinées y figure également, avec
les conclusions d'un "comité de pilotage" recommandant un tracé correspondant
à celui du projet mis à l'enquête publique (p. 25 à 29 du RIE).

B.
A.________ et B.________ ont formé opposition au projet lors de l'enquête
publique. Ils sont ensemble copropriétaires de trois parcelles contiguës,
représentant environ 6 ha, sur le territoire de la commune de Chessel, qu'ils
exploitent pour des cultures fruitières. D'importants travaux de drainage
avec des installations de pompage et d'arrosage ont été réalisés à cet effet.
La route projetée empiéterait sur ces terrains (dans la partie nord de la
parcelle n° 275 et dans la partie sud-ouest de la parcelle n° 310).
Ces deux opposants ont critiqué le tracé retenu, qui couperait leur domaine
en deux parties, sans correctif proposé pour les réseaux de drainage et
d'irrigation, et sans point de passage entre ces deux parties. Ils ont estimé
que le projet routier était inutile et surdimensionné, puis notamment dénoncé
des atteintes à la forêt et au milieu naturel.

C.
Le 26 mai 2005, le Département des infrastructures (ci-après: le département
cantonal) a adopté le projet routier H144, partie vaudoise, en levant les
oppositions, dont celle des consorts A.________ et B.________. Cette
décision, intitulée "décision finale relative à l'étude de l'impact sur
l'environnement", reprend les préavis de tous les services, cantonaux et
fédéraux, qui se sont prononcés durant la procédure. Elle contient en outre
une réponse à chaque opposition. Elle se réfère par ailleurs à une
autorisation de défricher, concernant une surface globale de 19'072 m²,
accordée pour ce même projet routier le 10 janvier 2005 par le service
cantonal des forêts, de la faune et de la nature (du Département de la
sécurité et de l'environnement).

D.
Les consorts A.________ et B.________ ont recouru contre ces deux décisions -
décision finale et autorisation de défricher - auprès du Tribunal
administratif du canton de Vaud.
Quatre autres recours, dirigés contre le projet routier H144, ont été
instruits simultanément par le Tribunal administratif jusqu'au 11 septembre
2007. A cette date, le juge instructeur a ordonné une disjonction des causes.
Auparavant, le juge instructeur avait notamment ordonné une expertise,
confiée à l'ingénieur Pedro de Aragao, pour "déterminer si la méthodologie
appliquée dans l'étude multicritères comparative répondait aux standards
techniques généralement reconnus, si l'ensemble des paramètres déterminants
avait été pris en compte et si les choix évoqués par les recourants
paraissaient opportuns et faisables". L'expert a déposé son rapport le 22
mars 2007 ("Expertise portant sur l'étude de comparaison de variantes et sur
le choix du tracé"). Le Tribunal administratif a tenu une audience à Roche le
26 mars 2007, suivie d'une inspection des lieux. A cette occasion, le rapport
de l'expert a été remis aux parties. Les recourants ont encore pu déposer un
mémoire (observations finales) le 2 juillet 2007.

E.
Par un arrêt rendu le 14 septembre 2007, le Tribunal administratif a rejeté
le recours formé par les consorts C.________, en disant que les deux
décisions relatives au projet routier H144 (décision finale dans le cadre de
l'étude d'impact et autorisation de défricher) étaient maintenues.

F.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF),
A.________ et B.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du
Tribunal administratif et, subsidiairement,  de renvoyer l'affaire au
Tribunal administratif pour complément d'instruction et nouvelle décision
dans le sens des considérants. Ils se plaignent, sur plusieurs points, de
violations de garanties de procédure. Ils dénoncent également une mauvaise
application de certaines normes du droit fédéral de l'aménagement du
territoire.
Le département cantonal conclut au rejet du recours. Le Tribunal
administratif se prononce dans le même sens. La commune de Chessel, partie
intéressée, a renoncé à déposer des déterminations.

G.
Par une ordonnance du 1er novembre 2007, le Président de la Ire Cour de droit
public a rejeté la requête d'effet suspensif présentée par les recourants.

Considérant en droit:

1.
La décision attaquée a été rendue dans une cause de droit public, au sens de
l'art. 82 let. a LTF sans qu'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF ne
soit réalisée, de sorte que la voie du recours en matière de droit public est
ouverte. Les recourants, copropriétaires d'immeubles sur lesquels la route
litigieuse devrait empiéter, ont qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF).
Il y a lieu d'entrer en matière.

2.
Avant d'exposer leurs griefs, les recourants présentent des "remarques
relatives à l'état procédural du dossier de la procédure cantonale et des
actes judiciaires qui le composent". Ils demandent en particulier au Tribunal
fédéral de vérifier que chaque dossier transmis par le Tribunal administratif
soit "vraiment complet" et se trouve "dans l'état où il était avant la
disjonction [...] du 11 septembre 2007". Les recourants font valoir que cette
disjonction aurait été illicite et inconstitutionnelle si elle avait eu pour
effet "d'amputer le dossier d'une partie de ses éléments et composants".
Après que sa décision finale du 26 mai 2005 a fait l'objet de recours, le
département cantonal a transmis au Tribunal administratif un exemplaire du
dossier du projet routier H144. Ayant d'abord instruit les différents recours
de manière jointe, le Tribunal administratif a lui-même classé certains actes
de la procédure dans un seul dossier (dossier principal, avec la référence
AC/2005/0118). Après la disjonction des causes, ce dossier principal est
devenu le dossier du recours des consorts C.________. Quant au dossier du
recours des consorts A.________ et B.________, contenant les actes de
procédure déposés par ces recourants, il porte après la disjonction le n°
AC/2007/0200.
L'arrêt rendu par le Tribunal administratif dans la cause des consorts
C.________ a également fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral (cause
1C_330/2007). Invité à produire le dossier de cette cause ainsi que le
dossier de la présente cause (1C_348/2007), le Tribunal administratif a remis
au Tribunal fédéral les pièces qu'avait produites le département cantonal,
ainsi que ses deux dossiers AC/2005/0118 (dossier principal) et AC/2007/0200.
Le Tribunal fédéral, après avoir pris connaissance des dossiers cantonaux,
n'a aucun motif de suspecter une transmission incomplète des pièces. Les
recourants, qui n'ont pas présenté d'autre requête à ce propos, sont réputés
admettre que les vérifications nécessaires ont été effectuées, ce point ne
faisant en définitive pas l'objet d'une contestation.

3.
Les recourants critiquent à plusieurs égards le déroulement de la procédure
devant le Tribunal administratif. Ils reprochent en particulier au juge
instructeur d'avoir fixé une audience avant la clôture de l'instruction, de
n'avoir pas permis aux parties de présenter des observations sur l'expertise
de Aragao en connaissance de cause à l'occasion de la visite des lieux,
d'avoir prévu que certains délais pour déposer des déterminations n'étaient
pas prolongeables, d'avoir prononcé in extremis une disjonction des causes,
d'avoir agi de manière précipitée à la fin de l'instruction, enfin d'avoir
rejeté diverses requêtes incidentes, tendant notamment au renvoi d'une
audience. Ils se plaignent également de ce que l'expert du Tribunal
administratif ne les a pas entendus. Ils invoquent les art. 29 Cst., 30 Cst.
et 6 par. 1 CEDH en dénonçant des violations de la garantie d'indépendance et
d'impartialité des tribunaux, de la garantie du procès équitable et du droit
d'être entendu. Dans le cadre de ces griefs, les recourants présentent
également des critiques contre le département cantonal, qui n'aurait pas
répondu dans sa décision finale à tous les arguments invoqués par les
opposants, ainsi que contre les auteurs de l'"étude multicritère" de 1999,
qui n'auraient pas entendu les représentants des milieux agricoles.

3.1 Les recours au Tribunal fédéral doivent être motivés, en ce sens qu'ils
doivent exposer au moins succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit
(art. 42 al 2 LTF). Dans la mesure où le recours en matière de droit public
est formé pour violation des droits fondamentaux, l'art. 106 al. 2 LTF
prévoit pour sa motivation des exigences qualifiées, qui correspondent à
celles prescrites par l'ancien art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 133 II 249
consid. 1.4.2 p. 254; 133 III 439 consid. 3.2 p. 444; 133 IV 286 consid. 1.4
p. 287). Le Tribunal fédéral, qui n'est pas une juridiction d'appel,
n'examine pas d'office si la décision attaquée est conforme aux règles de
droit applicables; il incombe donc au recourant d'expliquer de manière claire
et précise en quoi cette décision pourrait être contraire aux droits
fondamentaux invoqués.

3.2 Lorsque les recourants critiquent, sous l'angle du droit d'être entendu,
la décision du département cantonal ou l'élaboration de l'"étude
multicritère", ils ne se plaignent pas d'une violation, par le Tribunal
administratif, des garanties de procédure. En particulier, ils ne font pas
valoir que la juridiction cantonale aurait refusé à tort de sanctionner la
violation par l'autorité administrative de certaines prescriptions de nature
formelle. Or le recours au Tribunal fédéral n'est recevable que contre la
décision de l'autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d
LTF); les griefs ne peuvent donc pas être dirigés contre une décision d'une
autorité inférieure.

3.3 Les recourants reprochent à l'expert du Tribunal administratif de ne pas
les avoir entendus avant qu'il ne dépose son rapport. Or ils n'expliquent pas
de manière claire sur quelle base juridique ils auraient pu exiger cette
audition, la garantie du droit d'être entendu par l'autorité, selon les
exigences minimales du droit constitutionnel, ne comprenant à l'évidence pas
le droit de s'exprimer devant l'expert pendant l'élaboration de l'expertise.
Ce grief, insuffisamment motivé, est irrecevable (art. 42 al. 2 et 106 al. 2
LTF).

3.4 Les griefs visant le Tribunal administratif lui-même, ou son juge
instructeur, sont quant à eux manifestement mal fondés. A la lecture du
mémoire des recourants, on comprend qu'eux-mêmes ou leur mandataire auraient
souhaité, à différentes étapes, une organisation différente des mesures
d'instruction. Ils paraissent s'être forgé, sur cette base, une impression
défavorable du tribunal. Or, en vertu de la jurisprudence relative aux
garanties du procès équitable, selon les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH,
les impressions individuelles d'un plaideur, contrairement à des
circonstances constatées objectivement,   ne sont pas décisives pour
apprécier la situation ou le comportement d'un juge, afin de déterminer si
les éléments invoqués sont de nature à faire naître un doute sur son
impartialité (cf. ATF 131 I 24 consid. 1.1 p. 25, 113 consid. 3.4 p. 116).
D'un point de vue objectif et global, rien n'indique que les recourants
n'auraient pas bénéficié d'un procès équitable au niveau cantonal. Une
violation des garanties générales de procédure judiciaire des art. 30 al. 1
Cst. et 6 par. 1 CEDH ne saurait résulter simplement du rejet de certaines
requêtes incidentes, de l'exclusion de la prolongation de certains délais de
déterminations, ni encore du choix de remettre aux parties un rapport
d'expertise à un stade de la procédure où elles ne pourront pas faire valoir
leurs observations oralement mais seulement par écrit. Au demeurant, en
présentant cette argumentation, les recourants ne prétendent pas - ou du
moins pas de manière suffisamment claire et précise - que chacune des mesures
critiquées serait, individuellement, contraire aux règles de procédure
administrative.

4.
Les recourants se plaignent d'une violation de l'art. 33 de la loi fédérale
sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700) parce que le plan du projet
routier, à considérer comme à la fois un plan d'affectation (art. 14 ss LAT)
et une autorisation de construire (art. 22 LAT), n'aurait pas pu être soumis,
au niveau cantonal, à une autorité de recours indépendante avec pleine
cognition.

4.1 Aux termes de l'art. 11 LRou, le "projet de construction de route
comporte le tracé et les ouvrages nécessaires, notamment les points d'accès
et de croisements ainsi que les raccordements aux routes existantes". Pour
une route cantonale, l'art. 13 al. 4 LRou dispose que les art. 73 et 74 de la
loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC)
sont applicables par analogie (règles prévues pour les plans d'affectation
cantonaux), et que le département cantonal (en l'occurrence le Département
des infrastructures) est l'autorité d'adoption. Un tel plan peut en effet
être assimilé à un plan d'affectation au sens du droit fédéral de
l'aménagement du territoire, à savoir un plan réglant le mode d'utilisation
du sol dans son périmètre (art. 14 al. 1 LAT); il inclut aussi une
autorisation de construire au sens de l'art. 22 LAT.
L'art. 73 LATC, relatif aux plans d'affectation cantonaux, règle d'abord la
phase de l'enquête publique, avec la possibilité pour les intéressés de
former opposition (art. 73 al. 1, 2 et 2bis LATC). Dans cette disposition,
l'autorité responsable d'élaborer le projet et de le mettre à l'enquête
publique est le Service de l'aménagement du territoire (actuellement: Service
du développement territorial). Ensuite, l'art. 73 al. 3 LATC prévoit que "le
département statue avec plein pouvoir d'examen, par une décision motivée, sur
les oppositions dans un délai de huit mois dès la clôture de l'enquête
publique en même temps qu'il se prononce sur le plan et le règlement". Aux
termes de l'art. 73 al. 4 LATC, les décisions du département sont
susceptibles d'un recours auprès du Tribunal administratif.

4.2 La loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT) fixe certains
principes au sujet de la procédure d'établissement des plans d'affectation.
Les cantons doivent notamment instituer une protection juridique en faveur
des propriétaires ou autres personnes concernés par la planification et
prévoir, selon les termes de l'art. 33 al. 3 let. b LAT, "qu'une autorité de
recours au moins ait un libre examen". Selon la jurisprudence, ce libre
examen ne se réduit pas à un contrôle complet de la constatation des faits et
de l'application du droit; il comporte aussi un contrôle de l'opportunité.
L'autorité doit vérifier que la planification contestée devant elle soit
juste et adéquate. S'agissant notamment des plans d'affectation communaux,
l'autorité cantonale de recours doit préserver la liberté d'appréciation dont
les communes ont besoin dans l'accomplissement de leurs tâches (art. 2 al. 3
LAT). Cette liberté d'appréciation implique qu'une mesure d'aménagement
appropriée doit être confirmée; l'autorité de recours n'est pas habilitée à
lui substituer une autre solution qui serait également appropriée. Elle
implique aussi que le contrôle de l'opportunité s'exerce avec retenue sur des
points concernant principalement des intérêts locaux, tandis que, au
contraire, la prise en considération adéquate d'intérêts d'ordre supérieur,
dont la sauvegarde incombe au canton, doit être imposée par un contrôle
strict (ATF 127 II 238 consid. 3b/aa p. 242).
Selon la jurisprudence, l'"autorité de recours" au sens de l'art. 33 al. 3
let. b LAT ne doit pas nécessairement être une autorité de juridiction
administrative chargée par le droit cantonal de statuer sur des recours
stricto sensu. Une autorité compétente pour statuer sur des oppositions,
distincte de l'autorité qui a établi le plan, peut également être une telle
"autorité de recours" (ATF 127 II 238 consid. 3b/bb p. 242).

4.3 Dans le cas particulier, les recourants font valoir que le Tribunal
administratif a limité son pouvoir d'examen à un contrôle en légalité, en
violation de l'exigence du libre pouvoir d'examen selon l'art. 33 al. 3 let.
b LAT.

4.3.1 Il ressort en effet de l'arrêt attaqué que le Tribunal administratif
considère que les règles applicables aux plans d'affectation cantonaux - et
également aux plans des projets de routes cantonales, selon le renvoi de
l'art. 13 al. 4 LRou - impliquent qu'il statue "avec un pouvoir d'examen
limité en légalité", tandis que le département cantonal, dans sa décision
motivée sur les oppositions, statue "avec plein pouvoir d'examen" (consid. 1b
de l'arrêt attaqué). Cette interprétation paraît résulter des travaux
préparatoires de la dernière version de l'art. 73 LATC (révision du 4 mars
2003). Selon l'exposé des motifs du Conseil d'Etat, il convient de faire la
distinction entre d'une part le rôle du service qui établit le plan
d'affectation cantonal (service de l'aménagement du territoire ou autre
service, par exemple le service des routes), et d'autre part le rôle du
département, comme "instance indépendante", qui peut entendre les opposants
lors d'une séance de conciliation et qui rend ensuite sa décision avec plein
pouvoir d'examen. Ce système était présenté comme satisfaisant aux exigences
de l'art. 33 LAT, telles que précisées notamment dans l'arrêt publié aux ATF
127 II 238 (cf. Exposé des motifs publié in Bulletin des séances du Grand
Conseil du canton de Vaud, session janvier-février 2003, p. 6535 ss,
notamment p. 6571 et 6581).

4.3.2 Il n'est pas nécessaire d'examiner plus en détail, sous l'angle de
l'art. 33 al. 3 let. b LAT, la procédure prévue par le droit cantonal pour
l'adoption de plans de routes cantonales. On peut en effet se borner à
relever que, même si le Service des routes est rattaché au Département
cantonal des infrastructures, la solution consistant à charger un organe
inférieur de l'établissement du plan, puis un organe supérieur, dirigé par un
Conseiller d'Etat, de statuer sur les oppositions en prenant en compte des
motifs d'opportunité, n'est pas nécessairement exclue par le droit fédéral
(voir la mention d'autres solutions spécifiques in ATF 127 II 238 consid.
3b/bb p. 243). On peut également remarquer que le texte de l'art. 73 al. 4
LATC ne limite pas à la légalité le pouvoir d'examen du Tribunal
administratif; or, selon les dispositions générales de procédure
administrative cantonale, cette juridiction peut se prononcer sur
l'opportunité d'une décision si une loi spéciale le prévoit (art. 36 al. 1
let. c de la loi sur la juridiction et la procédure administratives [LJPA]),
et l'art. 33 al. 3 let. b LAT pourrait le cas échéant être tenu dans ce
contexte pour une loi spéciale.
Quoi qu'il en soit, les recourants critiquent la façon dont le Tribunal
administratif a exercé son pouvoir d'examen sans prétendre que, concrètement,
il aurait omis de statuer sur un grief d'inopportunité. Ils font valoir, à
propos de la violation alléguée de l'art. 33 LAT, que certains points n'ont
pas été suffisamment examinés: les effets de la réalisation du projet routier
sur l'exploitation de leur domaine arboricole (pour la cueillette des fruits,
pour les installations d'irrigation, d'arrosage et de pompage); la nécessité
de desservir des centres d'activités valaisans et vaudois de la basse plaine
du Rhône, compte tenu des infrastructures de transport existantes; la
question du coût financier de l'ouvrage et de ses accessoires. Sur les deux
premiers points, la contestation porte sur des questions relevant en principe
du contrôle de la légalité: les propriétaires fonciers touchés peuvent
critiquer le résultat de la pesée des intérêts sans invoquer l'inopportunité
du projet, les éléments et intérêts à prendre en considération étant définis
voire protégés par des normes du droit fédéral ou cantonal, dans le domaine
de l'aménagement du territoire proprement dit (art. 1, 3, 14 ss LAT
notamment) ou dans d'autres domaines juridiques (ATF 132 II 408 consid. 4.3
p. 416 et les arrêts cités). Quant au troisième point - le coût financier de
l'ouvrage -, il n'a pas à être examiné dans le cadre de la procédure
d'aménagement du territoire car les décisions à prendre à ce sujet relèvent
d'autres autorités (parlement cantonal compétent pour voter un décret de
financement, autorité fédérale compétente pour accorder une subvention), dans
des processus politiques qu'il n'y a pas lieu de coordonner avec la procédure
d'établissement du plan d'affectation (ATF 117 Ib 35 consid. 3e p. 39). En
définitive, les arguments invoqués par les recourants dans ce cadre ne
relèvent pas de l'opportunité en matière d'aménagement du territoire. Le
grief selon lequel la juridiction cantonale aurait limité son pouvoir
d'examen contrairement à l'art. 33 al. 3 let. b LAT, pour autant que cette
disposition soit applicable en l'occurrence à la procédure de recours au
Tribunal administratif, est donc mal fondé.

5.
Les recourants dénoncent une violation du plan directeur cantonal, en se
référant à l'art. 9 Cst. Selon eux, l'arrêt attaqué n'aurait pas dû
mentionner, parmi les instruments de planification applicables, l'ancien plan
directeur cantonal adopté par le Grand Conseil le 20 mai 1987 (et approuvé
par le Conseil fédéral le 10 mai 1989), mais bien plutôt le nouveau plan
directeur cantonal adopté par le Grand Conseil le 5 juin 2007. Les recourants
soutiennent que le nouveau plan directeur cantonal ne contient aucune
indication au sujet de la route H144.
Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif a considéré que le plan
directeur cantonal de 1987, en particulier son programme de coordination
(lequel comprend une fiche P.4.3.15 relative à la planification d'une route
entre Rennaz et les Evouettes), restait en vigueur jusqu'à l'approbation, par
le Conseil fédéral, du nouveau plan directeur cantonal de juin 2007. Les
recourants, qui se réfèrent à l'art. 11 LAT, soutiennent en revanche que la
force obligatoire du plan directeur cantonal, pour les autorités du canton
concerné, résulterait déjà de l'adoption de cet instrument par l'autorité
supérieure du canton (en l'occurrence le Grand Conseil).
Il n'y a pas lieu d'examiner plus avant la portée des dispositions du droit
fédéral au sujet des plans directeurs des cantons (art. 6 ss LAT), ni de se
prononcer sur l'éventuel régime transitoire applicable, après un changement
de plan directeur cantonal, aux projets d'aménagement du territoire adoptés
sous l'empire de l'ancien plan directeur. Il suffit de relever qu'il
appartient en principe aux cantons de régler en cette matière la compétence
et la procédure (art. 10 al. 1 LAT). Dans le décret du 5 juin 2007 portant
adoption du nouveau plan directeur cantonal, il a été prévu une décision
ultérieure fixant la date d'entrée en vigueur (art. 5 du décret). Or, d'après
le dossier, l'entrée en vigueur n'avait pas encore été décidée à la date de
l'arrêt attaqué. Dans ces circonstances, le Tribunal administratif était
manifestement fondé à se référer exclusivement au programme de coordination
du plan directeur de 1987. Le grief des recourants doit donc être écarté.

6.
Les recourants se plaignent d'une violation des principes de la coordination
énoncés à l'art. 25a LAT.

6.1 Ce grief n'est pas formulé de manière très claire. Les recourants
évoquent une "ségrégation des problèmes et des procédures" dont l'exemple le
plus frappant serait "le saucissonnage de toute la démarche foncière" avec
"le cloisonnement de tous les problèmes juridiques que pourtant la démarche
foncière implique au regard des matières législatives et constitutionnelles
[...] relevant de la LPE, de la LPN, de la LAT, des législations agricoles et
forestières notamment". Les recourants soutiennent "qu'il n'y a eu qu'une
planification et un projet de construction routiers mis à l'enquête et
ensuite adoptés par la décision départementale, de nature routière
exclusivement (sous réserve de quelques exceptions à caractère forestier), à
l'exclusion de toute planification et décision dans les nombreux domaines du
droit où pourtant la coordination s'imposait et s'impose impérativement".

6.2 L'art. 25a LAT énonce, à ses al. 1 à 3, des principes en matière de
coordination "lorsque l'implantation ou la transformation d'une construction
ou d'une installation nécessite des décisions émanant de plusieurs
autorités". Une autorité chargée de la coordination doit en particulier
veiller à ce que toutes les pièces du dossier de demande d'autorisations
soient mises simultanément à l'enquête publique (art. 25a al. 2 let. b LAT)
et à ce qu'il y ait une concordance matérielle des décisions ainsi que, en
règle générale, une notification commune ou simultanée (art. 25a al. al. 2
let. d LAT); ces décisions ne doivent pas être contradictoires (art. 25a al.
3 LAT). Ces principes ont été conçus pour être mis en oeuvre au stade de
l'autorisation de construire; la loi prévoit cependant qu'ils "sont
applicables par analogie à la procédure des plans d'affectation" (art. 25a
al. 4 LAT). On vise ainsi, en premier lieu, les cas où une autorisation de
défricher au sens de l'art. 12 de la loi fédérale sur les forêts (LFo; RS
921.0) ou une autre autorisation spéciale doit être délivrée à l'occasion de
l'adoption d'un plan d'affectation (cf. Message du Conseil fédéral concernant
cette modification de la LAT, FF 1994 III 1074).
Dans le cas particulier, l'adoption du plan routier a été coordonnée avec
l'octroi d'une autorisation de défricher, relevant de la compétence d'une
autre autorité cantonale. Les recourants ne font pas valoir que, sur ce point
précis, les principes de l'art. 25a LAT n'auraient pas été respectés. Par
ailleurs, le projet était soumis à une étude de l'impact sur l'environnement,
au sens des actuels art. 10a ss de la loi fédérale sur la protection de
l'environnement (LPE [RS 814.01]; auparavant: art. 9 LPE). L'étude d'impact a
été conçue comme un instrument de coordination, permettant une mise en oeuvre
des principes généraux du droit fédéral au sujet de la concordance matérielle
et formelle des décisions requises pour un projet déterminé (cf. notamment
ATF 122 II 81 consid. 6d/aa p. 87 et la jurisprudence citée). Les recourants
ne prétendent pas que l'étude d'impact aurait été, en l'espèce, incomplète ni
irrégulière. Il ressort du rapport d'impact et de la décision finale du
département cantonal que différents aspects ou domaines juridiques ont été
traités (protection contre les accidents majeurs, protection de l'air, bruit
et vibrations, protection des eaux et des sols, agriculture, flore, faune,
paysage, forêt). Le Tribunal administratif a considéré que les principes de
coordination découlant à la fois de l'ordonnance relative à l'étude d'impact
(OEIE) et de l'art. 25a LAT avaient été observés et on ne voit pas, sur la
base des griefs des recourants, quels autres aspects les autorités cantonales
auraient dû examiner dans cette procédure de planification. Il y a lieu de
rappeler que, conformément à la jurisprudence, les questions de financement
n'avaient pas à être traitées dans ce cadre formel (ATF 117 Ib 35 consid. 3e
p. 39, déjà cité supra, consid. 4.3.2).
S'agissant du traitement séparé de la "démarche foncière" - à savoir la
procédure de remaniement parcellaire destinée à permettre une compensation
réelle en faveur des propriétaires fonciers devant céder du terrain pour le
passage de la route -, il n'est pas critiquable, pour les motifs exposés dans
l'arrêt attaqué (consid. 5b-d). Un syndicat d'améliorations foncières a déjà
été constitué en vue d'un remaniement en corrélation avec de grands travaux,
conformément aux dispositions des art. 94 ss de la loi cantonale sur les
améliorations foncières (LAF). Dans une telle situation, il est normal que
les éléments fondamentaux de la planification soient adoptés préalablement à
l'exécution du remembrement et cela n'est pas contraire aux principes de la
coordination (cf. André Jomini, Commentaire LAT, Zurich 1999, n. 19 ad art.
20). Le grief de violation de l'art. 25a LAT apparaît dès lors mal fondé.

6.3 En se référant mutatis mutandis à leur grief de violation de l'art. 25a
LAT et en critiquant le "saucissonnage des problèmes", les recourants se
plaignent de violations de l'art. 3 LAT et de l'art. 47 de l'ordonnance sur
l'aménagement du territoire (OAT [RS 700.1]). Tels qu'ils sont formulés, ces
griefs n'ont pas de portée indépendante. La référence à l'art. 3 LAT
(principes régissant l'aménagement du territoire) et à l'art. 47 OAT
(prescriptions sur le rapport que l'autorité qui établit les plans
d'affectation doit fournir à l'autorité cantonale chargée de l'approbation de
ces plans) est sans pertinence du point de vue des exigences de coordination
formelle et matérielle dans la présente procédure de planification.

7.
Les recourants se plaignent enfin d'une violation du principe de la
proportionnalité exprimé à l'art. 5 al. 2 Cst. ("l'activité de l'Etat doit
[...] être proportionnée au but visé"). Ce principe commande selon eux "une
mise en balance de l'ensemble des intérêts qui apparaissent pertinents au
regard des art. 1 et 3 LAT et 3 OAT, y compris les intérêts privés des
propriétaires en ce qui concerne les empiétements sur leurs fonds et
l'expropriation qui en serait la conséquence". Les recourants ajoutent que le
dossier cantonal est à leurs yeux "gravement lacunaire et déficient au niveau
de ses composantes légales nécessaires, en raison du total déficit de
coordination 25a LAT et de la tout aussi totale insuffisante instruction du
Tribunal administratif au regard de l'art. 33 LAT". En définitive, l'affaire
serait "injugeable au niveau de la vérification du respect des exigences de
la proportionnalité".
Ce grief ne saurait être traité comme un grief de violation de la garantie de
la propriété, au motif que des restrictions découlant du plan routier ne
seraient pas proportionnées au but visé (cf. art. 26 al. 1 Cst. en relation
avec l'art. 36 al. 3 Cst.). En effet, les recourants n'ont pas présenté une
argumentation claire et précise dans ce sens (cf. art. 42 al. 2 et 106 al. 2
LTF). Pour le reste, ce grief se confond donc avec les griefs de violation
des art. 25a LAT (cf. supra, consid. 6) et 33 LAT (cf. supra, consid. 4). On
comprend en effet mal le sens de la référence toute générale, dans ce
contexte, à la proportionnalité de l'activité étatique. Il convient donc
simplement de renvoyer aux considérants  ci-dessus.

8.
Il s'ensuit que le recours en matière de droit public doit être rejeté, dans
la mesure où il est recevable.
Les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais judiciaires (art.
65 al. 1 et 66 al. 1 LTF). L'Etat de Vaud n'a pas droit à des dépens (art. 68
al. 3 LTF). Il en va de même de la Commune de Chessel, qui n'a pas répondu au
recours.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en matière de droit public est rejeté, dans la mesure où il est
recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des
recourants.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Département
des infrastructures et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit
administratif et public, ainsi qu'à la commune de Chessel.

Lausanne, le 21 décembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Féraud Jomini