Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.339/2007
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2007
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2007


Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_339/2007

Arrêt du 27 mars 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aeschlimann et Fonjallaz.
Greffière: Mme Truttmann.

Parties
les X.________,
recourants, représentés par Me Pierre Martin-Achard, avocat,

contre

A.________,
intimée, représentée par Me Yves Nidegger, avocat.

Objet
licenciement,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif de la République et canton de
Genève du 4 septembre 2007.

Faits:

A.
Née en 1952, A.________ a été engagée dès le 1er février 2003 en qualité de
réceptionniste médicale auprès du département de psychiatrie des X.________,
pour un taux d'activité de 40 %. Dès le 1er janvier 2005, ce taux a été
augmenté à 60 %, A.________ travaillant un jour de plus par semaine comme
commise administrative à la gestion des patients.

B.
Lors de son premier entretien d'évaluation avec sa chef de service,
B.________et le supérieur hiérarchique de celle-ci, C.________, le 7 avril
2003, le bilan de la période d'essai de A.________ a été qualifié de bon. Cette
dernière s'était rapidement adaptée à ses nouvelles fonctions et était
disponible de même qu'assidue.
Le 5 février 2004, le travail de A.________ a derechef été qualifié de bon par
B.________et C.________. Les connaissances professionnelles de l'intéressée
s'étaient nettement développées. Elle devait cependant veiller à faire preuve
de méticulosité dans l'enregistrement des données administratives des patients.
Son intégration dans l'équipe était bonne, sous réserve d'une relation
légèrement tendue avec l'une de ses collègues, D.________.
Le 4 mars 2005, la troisième évaluation de A.________ était toujours bonne.
Cette dernière s'impliquait dans sa fonction, maîtrisait les procédures de
travail et se montrait particulièrement attentive dans l'exécution de ses
tâches. Son efficacité et sa disponibilité étaient soulignées. Ses relations
avec ses collègues, en particulier avec D.________, s'étaient nettement
améliorées.

C.
Le 21 juin 2005, une réunion s'est tenue à la demande de A.________ et ses
collègues pour discuter du comportement de B.________, cette dernière se
montrant régulièrement agressive à leur égard, haussant le ton et les
qualifiant d'"idiotes", de "nouilles" et de "folles". B.________avait reçu à
plusieurs reprises des plaintes à ce sujet de la part de ses subordonnées, ce
qui l'avait amenée à se calmer temporairement. Son comportement était cependant
inadéquat dès que le service devait faire face à une surcharge de travail.
Suite à cette séance, C.________ et E.________, responsable des ressources
humaines du département de psychiatrie, ont adressé une note à B.________, lui
demandant de surveiller son comportement et son langage dans ses relations avec
son équipe.

D.
A compter de la réunion du 21 juin 2005, les relations entre A.________ et
B.________se sont dégradées.
Le 28 juin 2005, B.________a fait parvenir à A.________ une annonce pour un
poste d'hôtesse au centre d'hydrothérapie des X.________ avec la mention "ce
poste pourrait-il vous intéresser?". Interprétant ce message comme une
invitation à démissionner, A.________ a informé E.________.
Par courrier électronique du 6 septembre 2005, B.________a reproché à
A.________ d'avoir commis une faute dans l'enregistrement d'un patient,
l'inscrivant faussement sous le code "non volontaire". A.________ a transmis ce
courrier électronique à E.________ en admettant que la remarque était justifiée
mais en s'étonnant que ses collègues ne reçoivent pas d'observations similaires
lors de la commission d'erreurs.
Par courriers des 20 et 21 octobre 2005, A.________ a informé E.________ que
B.________avait tenté de la dissuader de prendre part à une réunion de service,
lui avait fait une remarque blessante lors de ladite séance, ne la saluait pas
quand elles se croisaient et ne montrait plus le moindre intérêt pour son
travail.

E.
Le 27 octobre 2005, un entretien d'évaluation en vue de la nomination de
A.________ a eu lieu. Son travail était qualifié d'inacceptable. Le préavis de
nomination était négatif et la poursuite de la collaboration était exclue. Les
prestations de A.________ étaient jugées insuffisantes. Depuis janvier 2005,
des erreurs avaient été relevées dans l'analyse des dossiers et dans
l'enregistrement des données des patients. L'intégration de A.________ dans le
service et son comportement laissaient en outre à désirer. B.________excluait
de garder cette dernière dans son service.
Dès le 28 octobre 2005, A.________ a été en incapacité totale de travailler
pour cause de maladie.

F.
Par courrier du 8 décembre 2005, les X.________ ont réfuté les allégations
d'harcèlement contenues dans la lettre de A.________ datée du 3 novembre 2005.
Ils précisaient que les rapports de service n'étaient plus possibles et ce
uniquement en raison de la qualité insuffisante de ses prestations.

G.
Le 15 décembre 2005, A.________ a été reçue par le médecin-conseil des
X.________. Ce dernier a jugé que l'interruption de travail depuis le 28
octobre 2005 était justifiée du point de vue médical et que la prise en charge
thérapeutique était adéquate. Il a ajouté qu'une mutation dans un autre service
du département de psychiatrie favoriserait l'amélioration de l'état de santé de
l'intéressée.

H.
Par courrier du 16 janvier 2006, les X.________ ont informé A.________ que sa
période probatoire était prolongée jusqu'au 1er février 2007, en raison de
l'insuffisance de ses prestations et de son absence pour maladie. La question
d'une éventuelle nomination serait examinée en février 2007. Dans l'intervalle,
elle était invitée à améliorer la qualité de son travail et à atteindre les
objectifs fixés avec sa hiérarchie.
Par courrier recommandé du 30 janvier 2006, notifié à A.________ le 11 février
suivant, les X.________ l'ont licenciée pour le 31 mai 2006 et l'ont libérée de
l'obligation de travailler.
Le 13 février 2006, A.________ s'est opposée à son licenciement. Ce dernier
était manifestement motivé par son intervention auprès de son employeur pour
faire respecter sa personnalité et était abusif au sens de l'art. 336 al. 1 CO.
Son droit d'être entendue avait par ailleurs été violé.
Les X.________ ayant refusé de revenir sur leur position, A.________ a recouru
auprès du Tribunal administratif de la République et canton de Genève
(ci-après: le Tribunal administratif) contre la décision de licenciement du 30
janvier 2006. Elle a conclu à l'annulation du prononcé querellé et à sa
réintégration dans le département de psychiatrie des X.________, mais dans un
service différent. Elle a en outre requis le paiement d'une indemnité pour tort
moral de 10'000 fr., ainsi que la réserve du dommage supplémentaire pouvant
découler de son incapacité de travail prolongée. Subsidiairement, elle a conclu
au versement de 20'520 fr., correspondant à six mois de salaire, reprenant au
surplus ses conclusions en réparation du tort moral et en réserve du dommage
supplémentaire résultant de son incapacité de travail.

I.
Le 14 mars 2006, A.________ a déposé plainte auprès de la direction générale de
l'Office du personnel de l'Etat (ci-après: OPE) pour harcèlement. Le 31 octobre
2006, l'enquêteur mandaté pour procéder à l'enquête interne a rendu son
rapport, qui confirme que A.________ a été victime d'harcèlement psychologique
de la part de B.________. Il lui est en outre apparu étrange que, alors même
que tous les précédents rapports étaient positifs, celui du 27 octobre 2005,
établi quatre mois après la réunion du 21 juin 2005, soit mauvais au point
d'exclure la poursuite de la collaboration. Il s'est également étonné de ce que
certaines erreurs reprochées à A.________ remontaient à janvier 2005, alors que
le rapport d'évaluation du 4 mars 2005 n'en avait nullement fait état.
A l'issue de l'enquête, la responsabilité du service a été retirée à
B.________. Les X.________ ont toutefois maintenu leur décision de se séparer
de A.________.

J.
Par arrêt du 4 septembre 2007, s'estimant incompétent, le Tribunal
administratif a déclaré irrecevable la conclusion de A.________ en versement
d'une indemnité pour tort moral. Il a pour le surplus admis le recours et
constaté la nullité du licenciement. Il a jugé que le droit d'être entendu de
A.________ avait été violé.

K.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, les X.________
demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu par le Tribunal
administratif le 4 septembre 2007, subsidiairement, que la cause soit renvoyée
à cette dernière autorité pour qu'elle statue dans le sens des considérants.
Ils contestent avoir violé le droit d'être entendu de A.________ et invoquent
l'art. 29 al. 2 Cst. Ils requièrent en outre l'effet suspensif.
Le Tribunal administratif a indiqué qu'il n'avait aucune observation à
formuler. A.________ a conclu à la confirmation de l'arrêt attaqué.
Par ordonnance du 1er novembre 2007, le Président de la Ire Cour de droit
public a admis la requête d'effet suspensif formulée par les X.________.

Considérant en droit:

1.
La décision ayant été rendue après le 1er janvier 2007, la loi sur le Tribunal
fédéral du 17 juin 2005 (LTF) est applicable à la présente procédure de recours
(art. 132 al. 1 LTF).

2.
La voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est ouverte
contre les décisions en matière de rapports de travail de droit public, lorsque
la valeur litigieuse dépasse 15'000 fr. (art. 85 al. 1 let. b LTF), ce qui est
le cas en l'espèce.
Les recourants sont un établissement de droit public cantonal, doté de la
personnalité juridique (art. 1 et 5 de la loi genevoise sur les établissements
publics médicaux du 19 septembre 1980 [LEPM]). En tant qu'employeurs de droit
public, ils sont touchés par l'arrêt attaqué, qui constate la nullité du
licenciement d'une de leurs employées, d'une manière analogue à un employeur
privé. Ils ont donc la qualité pour agir en vertu de l'art. 89 al. 1 LTF (arrêt
1C_183/2007 du 5 février 2008 consid. 2 .3 destiné à la publication).
Pour le surplus, interjeté en temps utile et dans les formes requises contre
une décision finale prise en dernière instance cantonale non susceptible de
recours devant le Tribunal administratif fédéral, le recours respecte les
exigences des art. 42, 86 al. 1 let. d, 90 et 100 al. 1 LTF. Il y a donc lieu
d'entrer en matière.

3.
Les recourants soutiennent que c'est à tort que le Tribunal administratif a
jugé qu'ils avaient violé le droit d'être entendu de l'intimée.

3.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2 Cst.,
comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments
pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique,
de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses
offres de preuve pertinentes, de participer à l'administration des preuves
essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela
est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 129 II 497 consid. 2.2 p.
504 s.; 127 I 54 consid. 2b p. 56; 124 I 48 consid. 3a p. 51 et les arrêts
cités). Les parties ont donc en principe le droit de prendre connaissance des
pièces décisives et de se déterminer à leur propos (ATF 129 I 85 consid. 4.1 p.
88 s.; 121 I 225 consid. 2a p. 227 et les références).

3.2 Le Tribunal administratif a considéré que l'entretien d'évaluation du 27
octobre 2005 avait été la seule occasion pour l'intimée de se prononcer sur les
manquements qui lui étaient reprochés. Aucun entretien préalable à celui
d'octobre 2005 n'avait eu lieu. De surcroît, les notes personnelles de
B.________ne figuraient pas au dossier administratif et l'intimée n'y avait
jamais eu accès. Par ailleurs, cette dernière n'avait pu s'exprimer ni
oralement ni par écrit avant que la décision formelle de licenciement,
intervenue seulement quelques jours après le courrier lui annonçant la
prolongation de sa période probatoire, ne soit prise.

3.3 Les recourants rétorquent que l'absence d'un entretien formel préalable à
celui d'octobre 2005 ne saurait être exigé. Un tel formalisme conduirait à la
paralysie du fonctionnement de l'établissement. Par ailleurs, l'intimée avait
eu la possibilité de défendre sa position lors de l'entretien d'octobre 2005.
Ils font valoir que les notes prises par la supérieure hiérarchique de
l'intimée ne constituaient que de simples notes personnelles sous forme
d'aide-mémoire, qui n'avaient au demeurant, par leur nature même, pas à
apparaître au dossier. L'intimée avait de toute façon pu faire valoir son point
de vue quant aux reproches qui lui avaient été faits lors de l'entretien
d'évaluation. Son conseil s'était du reste encore exprimé par courriers des 2
novembre et 3 décembre 2005.
Enfin, les recourants nient l'existence d'une contradiction entre la
prolongation de la période probatoire et le licenciement qui s'en est suivi. La
prolongation n'avait été décidée que pour éviter la nomination de l'intimée,
qui ne répondait pas aux exigences du poste. Par ailleurs, cette dernière était
informée depuis le 27 octobre 2005 qu'un terme serait mis à son activité, ce
qui lui avait été rappelé par courrier du 8 décembre 2005.

3.4 En l'occurrence, matériellement, la décision de résiliation a été prise
avant même l'entretien du 27 octobre 2005 et se fondait sur le contenu des
notes qui ne figuraient pas au dossier de l'intimée. Sans accès à ces notes et
sans pouvoir se déterminer utilement à l'encontre des récriminations y
figurant, le droit d'être entendu de cette dernière a été violé.
Peu importe qu'elle ait pu s'exprimer en novembre et en décembre 2005, dès lors
que la décision avait été prise antérieurement. Elle n'a d'ailleurs pu
s'exprimer à ce moment-là qu'en raison de son incapacité de travail, survenue
immédiatement après l'entretien d'évaluation, qui a provoqué le report de la
décision de licenciement.
Par la suite, soit lorsque les recourants ont prolongé la période probatoire de
l'intimée en l'incitant à mettre cette phase à profit pour améliorer la qualité
de ses prestations, cette dernière a également été privée de son droit de se
déterminer. Elle pouvait en effet comprendre que les X.________ étaient revenus
sur leur décision de la licencier, alors que la lettre du 16 janvier 2006
n'avait en réalité d'autre but que celui d'éviter sa nomination.
Il résulte de ce qui précède que l'on ne saurait reprocher au Tribunal
administratif d'avoir jugé que les recourants avaient violé le droit d'être
entendu de l'intimée.

4.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Il n'est pas perçu de frais
judiciaires. Les recourants verseront en revanche une indemnité de dépens à
l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Une indemnité de 2'000 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à
la charge des recourants.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties ainsi qu'au
Tribunal administratif de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 27 mars 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Féraud Truttmann