Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.294/2007
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1C_294/2007

Arrêt du 30 novembre 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Reeb.
Greffière: Mme Truttmann.

A. ________,
recourant, représenté par Me Louis-Marc Perroud, avocat,

contre

Office fédéral des migrations, Quellenweg 6,
3003 Berne,
intimé,
Tribunal administratif fédéral, Cour III,
case postale, 3000 Berne 14.

annulation de la naturalisation facilitée,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour III, du 17
août 2007.

Faits:

A.
A. ________, ressortissant du Kosovo, est né en 1973. Le 6 septembre 1996, il
a épousé B.________, ressortissante suisse née en 1971. Il a alors été mis au
bénéfice d'une autorisation de séjour, ce qui a mis fin à sa présence
illégale en Suisse.
Le 28 septembre 2000, A.________ a déposé une demande de naturalisation
facilitée en invoquant son mariage.
Sur demande de l'Office fédéral des étrangers (ci-après: OFE; actuellement
ODM), la gendarmerie du canton de Fribourg a réuni les informations
suivantes. A.________ séjournait en Suisse depuis 1996; il travaillait comme
machiniste; il n'avait pas d'enfant commun avec B.________; il avait fait
l'objet d'un rapport de dénonciation le 11 novembre 1996 pour séjour illégal
et prise d'emploi sans autorisation.
Le 20 juillet 2001, A.________ et B.________ ont contresigné une déclaration
écrite aux termes de laquelle ils confirmaient vivre en communauté conjugale
effective et stable, résider à la même adresse et n'envisager ni séparation
ni divorce.

B.
Par décision du 20 août 2001, l'OFE a accordé la naturalisation facilitée à
A.________.
Le 12 juin 2002, B.________ a déposé une demande en divorce. A.________ ne
s'y est pas opposé. Le divorce a été prononcé le 29 octobre 2002. Le jugement
est devenu définitif et exécutoire le 10 janvier 2003.

C.
Le 25 avril 2003, A.________ a épousé C.________, ressortissante de Serbie et
Monténégro. Deux filles, nées respectivement les 14 septembre 2003 et 18
octobre 2004, sont issues de cette union.

D.
Le 24 juillet 2003, le Service de l'état civil et des naturalisations du
canton de Fribourg a dénoncé A.________ à l'Office fédéral de l'immigration,
de l'intégration et de l'émigration (ci-après: IMES; actuellement ODM). Il a
indiqué que B.________, entendue de façon informelle le 22 juillet 2003,
avait déclaré que "sa décision d'entamer une procédure matrimoniale avait été
envisagée au courant des mois de juin et juillet 2001".
Sur requête de l'IMES, B.________ a été interrogée le 12 février 2004. Par
décision du 14 juin 2005, l'ODM a prononcé l'annulation de la naturalisation
facilité accordée à A.________.
Le 13 juillet 2005, A.________ a recouru contre cette décision auprès du
Département fédéral de justice et police (ci-après: DFJP). Par arrêt du 17
août 2007, le Tribunal administratif fédéral (ci-après: TAF), auquel
l'affaire avait été transmise (art. 53 al. 2 LTAF), a rejeté le recours.

E.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________
requiert du Tribunal fédéral l'annulation des prononcés du TAF et de l'ODM.
Il demande que sa naturalisation ne soit pas annulée. Il estime que
l'autorité administrative a excédé le pouvoir d'appréciation qui lui est
conféré par l'art. 41 al. 1 LN.
L'Office fédéral des migrations (ODM) ne remet en cause ni la décision
attaquée ni son préavis. Le TAF renonce à prendre position sur le recours.

Considérant en droit:

1.
La décision attaquée ayant été rendue après le 1er janvier 2007, la loi
fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) est
applicable à la présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).

2.
L'arrêt entrepris concerne l'annulation de la naturalisation facilitée
accordée au recourant, si bien qu'il peut faire l'objet d'un recours en
matière de droit public devant le Tribunal fédéral (art. 82 al. 1 let. a et
86 al. 1 let. a LTF, art. 29 al. 1 let. f RTF). Le motif d'exclusion de
l'art. 83 let. b LTF n'entre pas en ligne de compte, dès lors qu'il s'agit en
l'espèce de naturalisation facilitée et non pas de naturalisation ordinaire
(cf. arrêt non publié 5A.7/2003 du 25 août 2003 et les références). Pour le
surplus, le recourant a la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1
LTF et les conditions formelles de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il
y a lieu d'entrer en matière.

3.
3.1
En vertu de l'art. 27 al. 1 de la loi fédérale du 29 septembre 1952 sur
l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (LN; RS 141.0), un
étranger peut, ensuite de son mariage avec un ressortissant suisse, former
une demande de naturalisation facilitée s'il a résidé en Suisse pendant cinq
ans en tout (let. a) ou s'il y réside depuis une année (let. b) et vit depuis
trois ans en communauté conjugale avec un ressortissant suisse (let. c). La
naturalisation facilitée ne peut pas être accordée, en particulier, s'il n'y
a pas de communauté conjugale au moment du dépôt de la requête ou à la date
de la décision de naturalisation. D'après la jurisprudence, la notion de
communauté conjugale suppose non seulement l'existence formelle d'un mariage,
mais encore une véritable communauté de vie des conjoints; tel est le cas
s'il existe une volonté commune et intacte de ceux-ci de maintenir une union
conjugale stable; une demande en divorce déposée peu après l'obtention de la
naturalisation constitue un indice de l'absence de cette volonté lors de
l'octroi de la citoyenneté suisse (ATF 128 II 97 consid. 3a p. 98; 121 II 49
consid. 2b p. 52).

3.2 Conformément aux art. 41 al. 1 LN et 14 al. 1 de l'ordonnance du 17
novembre 1999 sur l'organisation du DFJP (RS 172.213.1), l'Office fédéral des
migrations (ODM) peut, avec l'assentiment de l'autorité du canton d'origine,
annuler dans les cinq ans une naturalisation facilitée obtenue par des
déclarations mensongères ou par la dissimulation de faits essentiels.

3.3 Pour qu'une naturalisation facilitée soit annulée, il ne suffit pas
qu'elle ait été obtenue alors que l'une ou l'autre de ses conditions n'était
pas remplie; il faut qu'elle ait été acquise grâce à un comportement déloyal
et trompeur. S'il n'est pas besoin que ce comportement soit constitutif d'une
escroquerie au sens du droit pénal, il est nécessaire que l'intéressé ait
donné sciemment de fausses informations à l'autorité ou l'ait délibérément
laissée dans l'erreur sur des faits qu'il savait essentiels (ATF 132 II 113
consid. 3.1 p. 115 et les arrêts cités; arrêt 5A.36/2004 du 6 décembre 2004,
consid. 1.2, in: REC 2005 p. 38). Tel est le cas, par exemple, si le
requérant déclare vivre en communauté stable avec son conjoint, alors qu'il
envisage de divorcer une fois obtenue la naturalisation; peu importe que son
mariage se soit déroulé d'une manière harmonieuse jusque-là (arrêt 5A.11/2006
du 27 juin 2006, consid. 2.2; arrêt 5A.18/2006 du 28 juin 2006, consid. 2.2
et les citations).

3.4 La nature potestative de l'art. 41 al. 1 LN confère une certaine latitude
à l'autorité. Dans l'exercice de cette liberté, celle-ci doit s'abstenir de
tout abus; commet un abus de son pouvoir d'appréciation l'autorité qui se
fonde sur des critères inappropriés, ne tient pas compte de circonstances
pertinentes ou rend une décision arbitraire, contraire au but de la loi ou au
principe de la proportionnalité (cf. notamment: ATF 116 V 307 consid. 2 p.
310 et la jurisprudence citée).

3.5 La procédure administrative fédérale est régie par le principe de la
libre appréciation des preuves (art. 40 PCF, applicable par renvoi de l'art.
19 PA). Ce principe prévaut également devant le Tribunal administratif
fédéral (art. 37 LTAF). L'appréciation des preuves est libre dans ce sens
qu'elle n'obéit pas à des règles de preuve légales prescrivant à quelles
conditions l'autorité devrait admettre que la preuve a abouti et quelle
valeur probante elle devrait reconnaître aux différents moyens de preuve les
uns par rapport aux autres. Lorsque la décision intervient - comme en
l'espèce - au détriment de l'administré, l'administration supporte le fardeau
de la preuve. Si elle envisage d'annuler la naturalisation facilitée, elle
doit rechercher si le conjoint naturalisé a menti lorsqu'il a déclaré former
une union stable avec son époux suisse; comme il s'agit là d'un fait
psychique en relation avec des faits relevant de la sphère intime, qui sont
souvent inconnus de l'administration et difficiles à prouver, il apparaît
légitime que l'autorité s'appuie sur une présomption. Partant, si
l'enchaînement rapide des événements fonde la présomption de fait que la
naturalisation a été obtenue frauduleusement, il incombe alors à
l'administré, en raison, non seulement de son devoir de collaborer à
l'établissement des faits (art. 13 al. 1 let. a PA; cf. à ce sujet: ATF 132
II 113 consid. 3.2 p. 115 s.), mais encore de son propre intérêt, de
renverser cette présomption (ATF 130 II 482 consid. 3.2 p. 485 s.).
3.6 S'agissant d'une présomption de fait, qui ressortit à l'appréciation des
preuves et ne modifie pas le fardeau de la preuve (cf. ATF 130 II 482 consid.
3.2 p. 486), l'administré n'a pas besoin, pour la renverser, de rapporter la
preuve contraire du fait présumé, à savoir faire acquérir à l'autorité la
certitude qu'il n'a pas menti; il suffit qu'il parvienne à faire admettre
l'existence d'une possibilité raisonnable qu'il n'ait pas menti en déclarant
former une communauté stable avec son conjoint. Il peut le faire en rendant
vraisemblable, soit la survenance d'un événement extraordinaire, susceptible
d'expliquer une détérioration rapide du lien conjugal, soit l'absence de
conscience de la gravité de ses problèmes de couple et, ainsi, l'existence
d'une véritable volonté de maintenir une union stable avec son conjoint
lorsqu'il a signé la déclaration.

4.
4.1 En l'espèce, le TAF a constaté que la naturalisation facilitée avait été
octroyée au mois d'août 2001 et que B.________ avait pris la décision de se
séparer du recourant en automne 2001, du fait qu'elle s'était soudainement
éprise d'un tiers connu de longue date. Le 11 juin 2002, le couple avait
signé une convention sur les effets accessoires du divorce, et le lendemain,
soit moins de dix mois après l'obtention par le recourant de la nationalité
suisse et en l'absence de toutes mesures protectrices de l'union conjugale,
l'épouse avait déposé une demande de divorce à laquelle le recourant ne
s'était pas opposé. Le divorce avait été prononcé fin octobre 2002 et était
entré en force en janvier 2003. Le recourant s'était remarié avec une
compatriote seulement trois mois et demi plus tard. Deux enfants étaient nés
de cette dernière union en septembre 2003 et en octobre 2004.
Le TAF a estimé que ces éléments, de même que leur enchaînement chronologique
particulièrement rapide étaient de nature à fonder la présomption que le
recourant avait choisi d'épouser une ressortissante suisse dans le but
prépondérant d'avoir droit à une naturalisation facilitée.
Cette conviction était, selon l'autorité, renforcée par plusieurs autres
éléments. Le mariage n'était intervenu que quelques mois après la rencontre
des intéressés, alors que le recourant séjournait et travaillait illégalement
en Suisse. Le demande de naturalisation facilitée avait été déposée avant la
totalisation des cinq années de séjour en Suisse. B.________ ne s'était
jamais rendue dans le pays d'origine de son époux, quand bien même celui-ci
s'y rendait une à deux fois par année. Lors de sa première audition,
B.________ a déclaré qu'elle avait l'intention de divorcer en juin-juillet
2001, c'est-à-dire au moment de la signature de la déclaration de communauté
conjugale. Enfin, il était pour le moins surprenant que cette dernière se
soit soudainement éprise en 2001 d'un tiers qu'elle connaissait pourtant
depuis une dizaine d'années, lequel était par ailleurs lui-même en procédure
de divorce en été 2001.

4.2 Le recourant soutient que l'autorité ne pouvait pas se fonder sur la
présomption que la naturalisation avait été acquise frauduleusement. Ce n'est
en effet qu'après la signature de la déclaration commune que B.________ avait
pris la décision de cesser la vie commune. La relation extra-conjugale
entretenue par cette dernière aurait au demeurant dû être considérée comme un
événement extraordinaire susceptible de renverser ladite présomption.

4.3 B.________ a spontanément déclaré qu'elle avait eu l'intention de mettre
un terme à sa relation avec le recourant en juin/juillet 2001. Cela signifie
donc qu'il n'existait déjà plus de communauté conjugale au moment de la
signature de la déclaration commune. B.________ n'a certes pas confirmé ces
propos lors de sa seconde audition, puisqu'elle a par la suite fait remonter
la volonté de cesser la vie commune à l'automne 2001. On ne saurait cependant
attacher d'importance à ce revirement qui s'explique aisément par le
sentiment de culpabilité, exprimé par B.________ lors de son interrogatoire.
Au demeurant, si l'on devait tenir compte de cette rectification, cela
signifierait que B.________ avait eu la volonté de cesser la vie commune au
moment même où sa nouvelle relation ne faisait que débuter, ce qui paraît peu
concevable.

4.4 Le recourant fait valoir que le TAF ne pouvait lui reprocher d'avoir
compris que la décision de B.________ était irrévocable et de s'y être plié.
Il n'était cependant pas insoutenable de considérer que ce fait était un
indice parmi d'autres de l'absence de relation amoureuse.

4.5 Enfin, le recourant conteste la prétendue rapidité de l'enchaînement
chronologique. Selon lui, il importe peu que le jugement de divorce soit
entré en force début 2003, puisque la décision de divorcer avait déjà été
prise début 2002. Son deuxième mariage, en avril 2003, était donc intervenu
plus d'une année après, ce qui n'avait rien de suspect.
Même si l'on retient la date du début de l'année 2002, cela ne change rien au
fait que l'intervalle entre la décision de divorcer et le remariage est
relativement bref, ce d'autant plus que la conception du premier enfant du
recourant doit vraisemblablement remonter à la fin de l'année 2002.
Les objections du recourant ne sont donc pas de nature à démontrer que les
autorités ont abusé de leur pouvoir d'appréciation.

5.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, doit
supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du
recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Office
fédéral des migrations et au Tribunal administratif fédéral, Cour III.

Lausanne, le 30 novembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:

Féraud Truttmann