Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.282/2007
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1C_282/2007

Arrêt du 13 février 2008
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Rittener.

Office fédéral des routes, 3003 Berne,
recourant,

contre

A.________,
intimé, représenté par Me Robert Assaël, avocat,
Service des automobiles et de la navigation du canton de Genève, route de
Veyrier 86, 1227 Carouge.

contrôle de l'aptitude à conduire,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du
26 juillet 2007.

Faits:

A.
A. ________, est titulaire d'un permis de conduire de catégorie B depuis
1986. Selon le dossier du Service des automobiles et de la navigation du
canton de Genève (ci-après: le SAN), il n'a aucun antécédent en matière de
circulation routière.
Le 22 avril 2007, le prénommé a été auditionné par la police dans le cadre
d'une affaire relative à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup; RS
812.121). A cette occasion, il a reconnu être un consommateur occasionnel de
cocaïne depuis environ trois ans. Il a déclaré avoir acquis un minimum de 30
g de cocaïne lors des six derniers mois, à hauteur de 4 ou 5 g lors de chaque
transaction.
La police a signalé le cas au SAN, qui a invité A.________ à se déterminer.
Par courrier du 4 mai 2007, celui-ci a précisé qu'il consommait de la cocaïne
occasionnellement lors d'événements festifs, mais qu'il n'avait jamais
conduit sous l'influence de produits illicites ni mis en danger la vie
d'autrui. Par décision du 15 mai 2007, le SAN a imposé à A.________ de se
soumettre à une expertise auprès de l'institut universitaire de médecine
légale, en raison des doutes que son dossier inspirait quant à son aptitude à
la conduite de véhicules à moteur.

B.
Par arrêt du 26 juillet 2007, le Tribunal administratif du canton de Genève a
admis le recours formé par A.________ contre cette décision. Il a considéré
que le SAN ne disposait pas d'éléments suffisants pour nourrir des doutes
sérieux sur l'aptitude à la conduite du recourant et pour lui imposer de se
soumettre à une expertise. Ces doutes reposaient en effet uniquement sur une
déclaration faite à la police dans le cadre d'une procédure pénale ouverte
contre un tiers, sans aucun rapport avec la circulation routière. De plus,
l'intéressé n'avait pas d'antécédents en matière de circulation routière.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'Office fédéral
des routes demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer la
cause au SAN afin de déterminer, au moyen d'une expertise médicale, si
A.________ souffre d'une forme de dépendance le rendant inapte à la conduite
au sens de l'art. 14 al. 2 let. c de la loi fédérale sur la circulation
routière (LCR; RS 741.01). Le SAN et le Tribunal administratif ont renoncé à
présenter des observations. A.________ s'est déterminé; il conclut au rejet
du recours.

Considérant en droit:

1.
La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF,
est en principe ouverte contre les décisions prises en dernière instance
cantonale en matière de circulation routière. L'Office fédéral des routes a
la qualité pour recourir (art. 89 al. 2 let. a LTF en relation avec l'art. 10
al. 4 de l'ordonnance du 6 décembre 1999 sur l'organisation du Département
fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la
communication [RS 172.217.1]). L'arrêt attaqué met un terme à la procédure
ouverte par le SAN en vue d'un éventuel retrait de sécurité. Il s'agit donc
d'une décision finale au sens de l'art. 90 LTF.

2.
L'office recourant estime que le Tribunal administratif a violé le droit
fédéral en annulant la décision du SAN, imposant à l'intimé de se soumettre à
une expertise visant à examiner son aptitude à la conduite. Selon lui, les
effets de la cocaïne et le danger élevé de dépendance psychique se
répercutent sur l'aptitude à la conduite, au point que le conducteur concerné
n'est plus en état de séparer la conduite et la consommation de drogue, même
s'il n'est pas dépendant d'un point de vue médical.

2.1 Aux termes de l'art. 16d al. 1 let. b LCR, qui met en oeuvre les
principes posés aux art. 14 al. 2 let. c et 16 al. 1 LCR, le permis d'élève
conducteur ou le permis de conduire est retiré pour une durée indéterminée à
la personne qui souffre d'une forme de dépendance la rendant inapte à la
conduite. Selon la jurisprudence, la consommation de stupéfiants est
considérée comme une dépendance aux drogues au sens des dispositions
précitées, lorsque sa fréquence et sa quantité diminuent l'aptitude à
conduire et qu'il existe un risque majeur que l'intéressé se mette au volant
d'un véhicule dans un état qui, partiellement ou de manière durable,
compromet la sûreté de la conduite. En d'autres termes, ces conditions sont
remplies lorsque le consommateur n'est plus en mesure de s'abstenir lorsqu'il
doit conduire (ATF 127 II 122 consid. 3c p. 126; 124 II 559 consid. 3d p.
564).

2.2 Le retrait de sécurité porte une atteinte grave à la personnalité de
l'automobiliste concerné. C'est pourquoi, en vertu d'une jurisprudence
développée avant l'entrée en vigueur de la novelle du 14 décembre 2001 mais
qui reste valable sous le nouveau droit, l'autorité compétente doit, avant
d'ordonner un tel retrait, éclaircir d'office et dans chaque cas la situation
de la personne concernée. En particulier, elle doit dans tous les cas
examiner d'office ses habitudes de consommation d'alcool ou d'autres drogues.
L'étendue des examens officiels nécessaires, notamment l'opportunité d'une
expertise médicale, est fonction des particularités du cas d'espèce et relève
du pouvoir d'appréciation des autorités cantonales compétentes (ATF 129 II 82
consid. 2.2 p. 84 s. et les références; arrêt 1C_140/2007 du 7 janvier 2008
consid. 2.1 et 2.4).
2.3 En cas de soupçon de dépendance à une drogue, l'autorité de retrait doit
soumettre l'intéressé à une expertise médicale; elle ne peut y renoncer
qu'exceptionnellement, par exemple en cas de toxicomanie grave et manifeste
(ATF 129 II 82 consid. 2.2 p. 84 s.; 127 II 122 consid. 3b p. 125; Philippe
Weissenberger, Administrativrechtliche Massnahmen gegenüber
Motorfahrzeuglenkern bei Alkohol- und Drogengefärdung, in: René Schauffhauser
[éd.], Jahrbuch zum Strassenverkehrsrecht 2004, St-Gall 2004, p. 120 s.; René
Schaffhauser, Grundriss des schweizerischen Strassenverkehrsrechts, vol. 3:
Die Administrativmassnahmen, Berne 1995, p. 98). Les experts s'accordent à
dire que la consommation de cocaïne conduit rapidement à une dépendance
psychologique marquée (ATF 120 Ib 305 consid. 4c p. 310 et les références;
cf. également la brochure disponible sur le site internet de l'Institut
suisse de prévention de l'alcoolisme et autres toxicomanies, édition 2007
[ci-après: brochure ISPA]). Cela étant, une consommation occasionnelle de
cette substance ne permet pas de conclure d'emblée et de façon certaine à
l'existence d'une dépendance, c'est pourquoi une expertise médico-légale
s'avère souvent nécessaire (cf. ATF 120 Ib 305 consid. 4c p. 310 et les
références).  Selon le manuel du 26 avril 2000 du groupe d'experts "Sécurité
routière" du Département fédéral de l'environnement, des transports, de
l'énergie et de la communication (ci-après: le manuel du groupe d'experts),
si l'on constate, ne serait-ce qu'une seule fois, une consommation de cette
substance, il y a lieu d'élucider si la personne intéressée est apte à
conduire, et cela même si la consommation est constatée dans un contexte
étranger à la circulation routière. Sans aller aussi loin que ces
recommandations, il y a lieu de préciser qu'une expertise s'impose dans tous
les cas où les circonstances concrètes font naître un doute suffisant quant à
une éventuelle dépendance à la cocaïne.

2.4 En l'espèce, l'intimé a reconnu être un consommateur occasionnel de
cocaïne depuis environ trois ans et en avoir acquis un minimum de 30 g lors
des six derniers mois. Il affirme en revanche qu'il n'est pas dépendant de
cette substance, qu'il en consomme uniquement lors d'événements festifs et
qu'il n'a jamais conduit sous l'influence de la cocaïne. Selon les experts en
la matière, la dose moyenne d'une prise de cocaïne oscille entre 20 mg et 200
mg (cf. Peter X. Iten, Fahren unter Drogen- oder Medikamenteneinfluss, Zurich
1994, p. 145, cf. également la brochure brochure ISPA). Dès lors, si l'on
prend en compte une dose moyenne de 100 mg, les 30 g que l'intimé dit avoir
acquis sur une période de six mois correspondraient à environ 300 doses, soit
plus de 10 doses par semaine, ce qui constitue à première vue une
consommation plus régulière qu'occasionnelle.
Compte tenu du fort potentiel de dépendance de la cocaïne, les déclarations
de l'intimé étaient en tous les cas suffisantes pour faire naître un doute
quant à une éventuelle dépendance à cette substance. Si tel était le cas, il
y aurait une grande probabilité que l'intéressé ne soit plus en mesure de
s'abstenir de consommer lorsqu'il prend le volant, ce qui créerait un danger
certain du point de vue de la circulation routière. Il y a lieu de relever à
cet égard que la cocaïne présente un danger important du point de vue de la
circulation routière, en raison de son effet désinhibant (manuel du groupe
d'experts, n. 4.1). C'est donc à bon droit que le SAN avait décidé
d'éclaircir cette question en soumettant l'intéressé à une expertise auprès
de l'institut universitaire de médecine légale. Contrairement à ce que le
Tribunal administratif a considéré, il importe peu à cet égard que les
éléments litigieux ressortent d'une procédure pénale et que l'intéressé n'ait
pas d'antécédents en matière de circulation routière. L'intérêt public lié à
la sécurité routière commande en effet que l'on procède à un examen
approfondi à chaque fois qu'il existe suffisamment d'éléments pour faire
naître un doute au sujet de l'aptitude à la conduite, ce qui est le cas en
l'espèce. Il appartiendra donc à l'expert de déterminer si la consommation de
l'intimé doit être considérée comme une dépendance au sens de l'art. 16d al.
1 let. b LCR (cf. supra consid. 2.1).

3.
Il s'ensuit que le recours de l'Office fédéral des routes doit être admis.
L'arrêt attaqué est annulé et la décision rendue le 15 mai 2007 par le SAN
est confirmée. L'intimé, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires
(art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la décision du Service
des automobiles et de la navigation du canton de Genève du 15 mai 2007 est
confirmée.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à l'Office fédéral des routes, au
mandataire de l'intimé, au Service des automobiles et de la navigation et au
Tribunal administratif du canton de Genève.

Lausanne, le 13 février 2008

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Féraud Rittener