Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.260/2007
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1C_260/2007

Arrêt du 7 décembre 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Rittener.

A. ________,
B.________ et C.________,
recourants,
tous deux représentés par Me Benoît Bovay, avocat,

contre

D.________,
intimée, représentée par Me Philippe Reymond, avocat,
Municipalité de Château-d'Oex, 1660 Château-d'Oex,
intimée, représentée par Me Olivier Rodondi, avocat,
Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15, 1014
Lausanne.

permis de construire; qualité pour recourir,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud du
11 juillet 2007.

Faits:

A.
La société D.________ est propriétaire des parcelles n° 297 et 340 du
registre foncier de Château-d'Oex, sur lesquelles sont bâtis l'ancien hôtel
Beau-Séjour et ses dépendances. Le 27 avril 2006, la Municipalité de
Château-d'Oex (ci-après: la municipalité) avait délivré un permis de
construire pour la réalisation d'importants travaux de transformation de ces
bâtiments. A la suite d'un recours formé par E.________ contre cette
décision, le projet de construction a été modifié. Le recours a été retiré et
un nouveau permis de construire a été délivré le 22 mars 2007, pour la
réalisation de travaux moins importants que ceux prévus initialement, sans
que la modification du projet ne soit soumise à une enquête complémentaire.
Par courrier du 20 avril 2007, la société A.________ a demandé des
informations à la municipalité au sujet de ces travaux. Une copie du permis
de construire lui a été transmise le 1er mai 2007. Par courrier du 3 mai
2007, la municipalité précisait en outre que le nouveau projet pouvait être
consulté auprès du greffe communal.

B.
Le 10 mai 2007, A.________ ainsi que les époux B.________ et C.________ ont
recouru auprès du Tribunal administratif du canton de Vaud contre le permis
de construire du 22 mars 2007. Ils faisaient valoir en substance que la
modification du projet aurait dû être soumise à une enquête publique et ils
énuméraient diverses irrégularités de ce projet. Ils se prévalaient également
du fait que des points contestés par E.________ dans son recours contre le
premier projet n'avaient pas été corrigés. Le recours a été déclaré
irrecevable par arrêt du 11 juillet 2007, le Tribunal administratif ayant
considéré que les recourants n'avaient pas la qualité pour agir, faute
d'intérêt digne de protection à contester la décision litigieuse. De plus,
comme l'importance du projet avait été réduite, ils n'avaient pas d'intérêt à
s'opposer au nouveau projet; s'ils avaient voulu remettre en cause la
transformation litigieuse, il leur appartenait de faire opposition lors de la
mise à l'enquête du premier projet.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et les
époux B.________ et C.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet
arrêt. Ils invoquent une application arbitraire (art. 9 Cst.) de dispositions
cantonales régissant la qualité pour recourir et ils se plaignent d'un déni
de justice formel (art. 29 Cst.). Ils requièrent en outre l'octroi de l'effet
suspensif. Le Tribunal administratif se réfère aux considérants de son arrêt.
D.________ s'est déterminée; elle conclut au rejet du recours dans la mesure
de sa recevabilité. La Municipalité de Château-d'Oex conclut au rejet du
recours. Les recourants et la société intimée ont présenté des observations
complémentaires.

D.
Par ordonnance du 8 octobre 2007, le Président de la Ire Cour de droit public
a rejeté la requête d'effet suspensif présentée par les recourants.

Considérant en droit:

1.
La décision attaquée ayant été prise en dernière instance cantonale dans le
domaine du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions,
la voie du recours en matière de droit public est ouverte, conformément aux
art. 82 ss de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) et l'art. 34
al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700) dans
sa teneur actuelle selon le ch. 64 de l'annexe à la loi sur le Tribunal
administratif fédéral (LTAF; RS 173.32; ATF 133 II 353 consid. 2 p. 356, 249
consid. 1.2 p. 251). Aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est
réalisée.
Aux termes de l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en
matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant
l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a),
est particulièrement atteint par la décision attaquée (let. b) et a un
intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de celle-ci
(let. c). En l'espèce, l'objet du litige réside dans la qualité pour agir des
recourants, ces derniers estimant que le Tribunal administratif aurait dû
leur reconnaître cette qualité et entrer en matière sur les griefs qu'ils
avaient formé à l'encontre de l'autorisation de construire. Les recourants
peuvent se prévaloir d'un intérêt digne de protection à faire constater que
leur légitimation active leur a été déniée en violation de leurs droits de
partie (cf. ATF 124 II 124 consid. 1b p. 126; 104 Ib 307 consid. 3a p. 317 et
la jurisprudence citée). Ils ont donc la qualité pour recourir au sens de
l'art. 89 al. 1 LTF. Pour le surplus, formé en temps utile (art. 100 al. 1
LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF),
le recours est recevable.

2.
Les recourants reprochent au Tribunal administratif d'avoir appliqué de façon
arbitraire l'art. 37 de la loi cantonale sur la juridiction et la procédure
administrative (LJPA; RS/VD 173.36), relatif à la qualité pour recourir.

2.1 L'application d'une disposition de droit cantonal peut être constitutive
d'une violation du droit fédéral au sens de l'art. 95 let. a LTF, telle que
l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.; pour une définition de
l'arbitraire, cf. ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et les références). Sur ce
point, la LTF n'apporte aucun changement à la cognition du Tribunal fédéral
qui prévalait sous l'angle de l'OJ (cf. Message concernant la révision totale
de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4133).
Appelé à revoir l'interprétation d'une norme cantonale sous l'angle de
l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par
l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée
sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain (ATF 133 II 257
consid. 5.1 et les arrêts cités).

2.2 Aux termes de l'art. 37 al. 1 LJPA, le droit de recours appartient à
toute personne physique ou morale qui est atteinte par la décision attaquée
et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. Le
Tribunal administratif et les parties s'accordent à dire que cette
disposition a la même portée que l'ancien art. 103 let. a OJ. Ces deux
dispositions sont d'ailleurs formulées de manière identique. Il s'ensuit que
la jurisprudence rendue en matière de recours de droit administratif peut
être appliquée par analogie, afin de déterminer la qualité pour recourir
selon le droit cantonal applicable en l'occurrence.

3.
Selon la jurisprudence relative à l'ancien art. 103 let. a OJ, le recourant
doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d'être prise en
considération avec l'objet de la contestation. Il faut donc que l'admission
du recours procure au recourant un avantage, de nature économique, matérielle
ou idéale. Le recours d'un particulier formé dans l'intérêt général ou dans
l'intérêt d'un tiers est en revanche irrecevable (ATF 121 II 39 consid. 2c/aa
p. 43 s., 171 consid. 2b p. 174; 120 Ib 48 consid. 2a p. 51 s., 379 consid.
4b p. 386 s. et les arrêts cités). Il incombe au recourant d'alléguer les
faits propres à fonder sa qualité pour recourir (ATF 120 Ia 227 consid. 1 p.
229; 115 Ib 505 consid. 2).

3.1 Le propriétaire d'un immeuble directement voisin de la construction ou de
l'installation litigieuse remplissait les conditions de l'art. 103 let. a OJ
(ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174; 115 Ib 508 consid. 5c p. 511). Ces
conditions pouvaient être remplies même en l'absence de voisinage direct,
lorsqu'une distance relativement faible séparait l'immeuble du ou des
recourants de la construction litigieuse (cf. ATF 121 II 171 consid. 2b p. 74
et la jurisprudence citée, où il est fait référence à des distances de 45 m,
70 m ou 120 m). Le critère de la distance n'est pas le seul déterminant; s'il
est certain ou très vraisemblable que l'installation ou la construction
litigieuse sera à l'origine d'immissions - bruit, poussières, vibrations,
lumière, fumée - atteignant spécialement les voisins, même situés à une
certaine distance, ces derniers peuvent avoir qualité pour recourir (cf. ATF
125 II 10 consid. 3a p. 15; arrêt 1A.179/1996 du 8 avril 1997 in RDAF 1997 I
p. 242). Il en va de même quand l'exploitation de l'installation comporte un
certain risque qui, s'il se réalisait, provoquerait des atteintes dans un
large rayon géographique (cf. ATF 121 II 176 consid. 2c-d p. 178 ss; 120 Ib
379 consid. 4 p. 385 ss).
Le voisin doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la
modification de l'arrêt contesté qui permette d'admettre qu'il est touché
dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des
autres habitants de la commune (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252; Message
précité, FF 2001 p. 4127; cf. ATF 120 Ib 431 consid. 1 p. 433). De plus, le
voisin n'est pas libre d'invoquer n'importe quel grief: il ne peut se
prévaloir d'un intérêt digne de protection à invoquer des dispositions
édictées dans l'intérêt général ou dans l'intérêt de tiers que si elles
peuvent avoir une influence sur sa situation de fait ou de droit. Cette
exigence n'est pas remplie lorsque le recourant dénonce une application
arbitraire des dispositions du droit des constructions qui n'ont aucune
influence sur sa situation de voisin (ATF 133 II 249 consid. 1.3.2 p. 253;
voir aussi, s'agissant de l'ancien recours de droit administratif, ATF 125 I
7 consid. 3c p. 9; 123 II 376 consid. 2 p. 378; arrêt 1A.115/2005 du 9 août
2005 consid. 1 publié in ZBl 107/2006 p. 119).

3.2 Par ailleurs, un intérêt digne de protection peut également être reconnu
aux concurrents de la même branche économique, à condition qu'ils se
trouvent, en raison de réglementations de politique économique ou d'autres
normes spéciales, dans une relation particulièrement étroite (par exemple
dans des domaines où le droit prévoit un contingentement); tel n'est pas le
cas de celui qui craint simplement que l'autorisation donnée à un tiers ne
l'expose à une concurrence accrue (ATF 127 II 264 consid. 2c p. 269; arrêt
1A.205/2003 du 19 mars 2004, consid. 1.4).
3.3 En l'occurrence, la société A.________ n'est pas propriétaire d'un
bien-fonds qui serait voisin, de près ou de loin, des parcelles n° 297 et
340. De plus, le fait que l'administrateur de cette société soit l'auteur des
plans du premier projet ne suffit pas à placer A.________ dans une situation
de concurrence particulièrement étroite au sens de la jurisprudence
susmentionnée. Quant aux époux B.________ et C.________, ils ne sont pas
voisins directs de la construction litigieuse, mais ils sont propriétaires
d'un appartement situé à plus de 300 m de celle-ci. Ils ne se plaignent pas
d'immissions - bruit, poussières, vibrations, lumière, fumée - qui les
atteindraient spécialement, mais ils allèguent seulement qu'ils auraient une
vue directe sur l'immeuble à transformer. Ce seul élément ne suffit pas à
leur conférer la qualité pour recourir au sens de la jurisprudence précitée,
ce d'autant moins que les intéressés n'expliquent pas en quoi ils seraient
"affectés" par le projet litigieux.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les recourants n'ont pas
un intérêt digne de protection à faire valoir leurs griefs à l'encontre de
l'autorisation de construire litigieuse, notamment en ce qui concerne les
prétendues irrégularités dans la procédure de mise à l'enquête publique. A
cet égard, ils ne démontrent pas en quoi ils seraient davantage touchés que
les autres administrés; leurs arguments tendraient plutôt à démonter le
contraire, puisqu'ils soutiennent qu'en droit vaudois la possibilité de faire
opposition serait ouverte à tout un chacun. Pour le surplus, les faits
allégués par les recourants et les griefs formés à l'encontre du projet
litigieux ne permettent pas de retenir l'existence d'un intérêt personnel se
distinguant nettement de l'intérêt général. Il s'ensuit que les recourants ne
sont pas particulièrement touchés par l'autorisation de construire litigieuse
et qu'ils n'ont pas un intérêt digne de protection à obtenir son annulation
ou sa modification; ils ne sauraient dès lors se voir reconnaître la qualité
pour agir au sens de l'art. 103 let. a OJ. Par conséquent, le Tribunal
administratif n'a en tout cas pas appliqué l'art. 37 al. 1 LJPA de façon
arbitraire en leur déniant la qualité pour recourir sur cette base. Ce
premier moyen doit donc être rejeté.

4.
Les recourants font également grief à l'autorité intimée d'avoir violé
l'interdiction du déni de justice formel au sens de l'art. 29 Cst. Selon la
jurisprudence, commet un déni de justice formel l'autorité qui ne statue pas
ou n'entre pas en matière sur un recours ou un grief qui lui est soumis,
alors qu'elle devrait le faire (ATF 124 V 130 consid. 4 p. 133; 117 Ia 116
consid. 3a p. 117). Comme on vient de le voir au considérant précédent, le
Tribunal administratif n'avait pas à entrer en matière sur le recours, faute
de qualité pour agir des recourants. Il n'a donc pas commis de déni de
justice formel, de sorte que ce grief doit lui aussi être rejeté.

5.
Il s'ensuit que le recours en matière de droit public doit être rejeté. Les
recourants, qui succombent, doivent supporter les frais de la présente
procédure (art. 66 al. 1 LTF). Ils verseront en outre une indemnité à titre
de dépens à D.________, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un
avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Il n'est pas alloué de dépens à la
Municipalité de Château-d'Oex (art. 68 al. 3 LTF); la pratique qui prévalait
en matière de recours de droit public et qui consistait à allouer des dépens
aux collectivités ne disposant pas d'une infrastructure administrative et
juridique suffisante pour procéder sans l'assistance d'un avocat ne se
justifie plus dans le cadre du recours en matière de droit public (arrêt
1C_122/2007 du 24 juillet 2007, consid. 6).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge des
recourants.

3.
Une indemnité de 1500 fr. est allouée à D.________ à titre de dépens, à la
charge des recourants.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au
Tribunal administratif du canton de Vaud.

Lausanne, le 7 décembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Féraud Rittener