Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.184/2007
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1C_184/2007
1C_186/2007 /col

Arrêt du 19 novembre 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Reeb.
Greffière: Mme Truttmann.

1C_184/2007
Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la
communication,
3003 Berne,
recourant,

contre

A.________,
B.________,
C.________,
intimés,
Département des constructions et des technologies de l'information de la
République et canton de Genève, case postale 22, 1211 Genève 8,

et

1C_186/2007
Département des constructions et des technologies de l'information de la
République et canton de Genève, 1211 Genève 8,
recourant,

contre

A.________,
B.________,
C.________,
intimés,

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, case postale
1956, 1211 Genève 1.

construction en zone agricole, ordre de démolition

recours en matière de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif
de la République et canton de Genève du 15 mai 2007.

Faits:

A.
A. ________ est propriétaire de la parcelle n° 1294 feuille 17 sise en zone
agricole sur le territoire de la commune de Meinier.
Sur cette parcelle, qui se présente sous forme d'un verger, deux yourtes,
respectivement de quatre et de six mètres de diamètre, ont été installées. Il
s'agit de tentes en feutre, posées à même le sol, qui servent à l'habitat des
nomades en Asie centrale.
L'une des deux yourtes, "la yourte maison", est régulièrement occupée, avec
l'accord du propriétaire, par C.________ et B.________. L'autre, "la yourte
dépôt", abrite le matériel nécessaire à l'élevage des moutons appartenant à
A.________.

B.
S'étant rendu sur place, un inspecteur de la police des constructions du
Département des constructions et des technologies de l'information de la
République et canton de Genève (ci-après: le département) a constaté que les
deux yourtes avaient été installées sans autorisation.
Par décision du 21 mars 2006, le département a ordonné l'évacuation des
"objets litigieux".

A. ________, C.________ et B.________ (ci-après: A.________ et consorts) ont
saisi le Tribunal administratif de la République et canton de Genève
(ci-après: le Tribunal administratif) d'un recours contre cette décision.
Par arrêt du 15 mai 2007, le Tribunal administratif a partiellement admis le
recours. Il a annulé la décision attaquée en ce qu'elle concernait la "yourte
maison", estimant que l'ordre de démolition violait le principe de la
proportionnalité. Il a en revanche renvoyé le dossier au département pour
qu'il tranche la question de la conformité à la zone agricole de la "yourte
dépôt".

C.
Agissant séparément par la voie du recours en matière de droit public, le
Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la
communication (DETEC), soit pour lui, l'Office fédéral du développement
territorial (ci-après: l'Office fédéral), ainsi que le département demandent
au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif du 15 mai
2007 en tant qu'il prononce l'annulation de l'ordre de démolition de la
"yourte maison". Le département conclut en outre à la confirmation de sa
décision du 21 mars 2006. Les recourants se plaignent d'une violation de la
loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT), plus particulièrement du
principe de la proportionnalité.
Le Tribunal administratif s'en rapporte à justice quant à la recevabilité des
recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt.
A.________ et consorts concluent à l'irrecevabilité des recours pour
tardiveté et, subsidiairement, à leur rejet.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision ayant été rendue après le 1er janvier 2007, la loi sur le
Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF) est applicable à la présente procédure
de recours (art. 132 al. 1 LTF).

2.
Les deux recours sont dirigés contre la même décision. Les griefs soulevés et
les conclusions formulées sont au surplus identiques. Il se justifie donc de
prononcer la jonction des causes et de statuer sur les recours dans un seul
et même arrêt (art. 24 PCF et 71 LTF).

3.
Les recours sont dirigés contre une décision prise en dernière instance
cantonale dans le domaine du droit de l'aménagement du territoire et des
constructions. Ils sont recevables comme recours en matière de droit public
au sens des art. 82 ss LTF et 34 al. 1 LAT dans sa teneur actuelle selon le
ch. 64 de l'annexe à la loi sur le Tribunal administratif fédéral. Aucune des
exceptions mentionnées à l'art. 83 LTF n'est réalisée.
L'Office fédéral a la qualité pour recourir (art. 89 al. 2 LTF cum art. 48
al. 4 de l'ordonnance du 28 juin 2000 sur l'aménagement du territoire (OAT;
RS 700.1).
Selon l'art. 34 al. 2 LAT, mis en relation avec l'art. 89 al. 2 let. d LTF,
les cantons et les communes ont qualité pour recourir contre les décisions
prises par l'autorité cantonale de dernière instance et portant sur: a) des
indemnisations résultant de restrictions apportées au droit de propriété
(art. 5); b) la reconnaissance de la conformité à l'affectation de la zone de
constructions et d'installations sises hors de la zone à bâtir; c) des
autorisations visées aux art. 24 à 24d et 37a. Ces conditions sont réunies en
l'espèce, de sorte que le département dispose également de la qualité pour
recourir.

4.
En tant que l'arrêt attaqué renvoie la cause à l'autorité inférieure pour
nouvelle décision quant à la "yourte dépôt", il s'agit d'une décision
incidente qui ne peut faire l'objet d'un recours immédiat qu'aux conditions
de l'art. 93 LTF, qui ne sont manifestement pas remplies en l'espèce.
Quoi qu'il en soit, les recours sont uniquement dirigés contre l'annulation
de l'ordre de démolition de la "yourte maison". Sur ce point, l'arrêt attaqué
revêt la qualité de décision partielle (ATF 132 III 785 consid. 2 p. 789),
qui statue sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en
cause. Dès lors, conformément à l'art. 91 al. 1 let. a LTF, le recours est
recevable contre une telle décision.

5.
Sur requête du Tribunal fédéral, le Tribunal administratif a confirmé que
l'arrêt attaqué avait bien été reçu par le département le 4 juin 2007, de
sorte que le recours ne saurait être regardé comme tardif, contrairement aux
conclusions des intimés. Il ressort en revanche des pièces produites par le
Tribunal administratif que le prononcé litigieux a été distribué à l'Office
fédéral le 30 mai 2007, tandis que ce dernier affirme qu'il lui a été notifié
le 31 mai 2007. Les raisons de cette incohérence sont peu claires mais
peuvent toutefois demeurer indécises, le recours du département ayant de
toute façon une substance identique.

6.
L'Office fédéral et le département considèrent qu'en annulant l'ordre de
démolition de la "yourte maison", le Tribunal administratif a violé la loi
fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (RS 700; LAT), et en
particulier le principe de la proportionnalité.

6.1 En application des art. 129 et 130 de la loi genevoise sur les
constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI), lorsque
l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas
conforme aux prescriptions de la loi, des règlements qu'elle prévoit ou des
autorisations délivrées en application des dispositions légales ou
réglementaires, le département peut en ordonner la remise en état, la
réparation, la modification, la suppression ou la démolition.
Selon la jurisprudence, l'ordre de démolir une construction ou un ouvrage
édifié sans permis et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée
n'est en principe pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui
place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se
préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des
inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATF 108 la 216 consid.
4b p. 218). L'autorité doit renoncer à une telle mesure si les dérogations à
la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à
justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si
celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il
y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme
au droit qui aurait changé dans l'intervalle (ATF 123 II 248 consid. 4a
p. 255).

6.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que la construction litigieuse n'est
pas conforme à la zone agricole et qu'elle ne peut donc pas être autorisée.
Même si le Tribunal administratif ne le dit pas expressément, il n'est pas
davantage mis en doute que la "yourte maison" ne pourrait pas bénéficier
d'une autorisation exceptionnelle en vertu des art. 24 ss LAT.
Seule la proportionnalité de l'ordre de démolition est dès lors litigieuse en
l'espèce.

6.3 Le Tribunal administratif a estimé que l'ordre de démolition contrevenait
au principe de la proportionnalité. Il a relevé que la durée de vie de la
yourte était limitée, le feutre n'étant pas adapté à l'humidité; qu'une fois
démontée, la yourte ne laisserait aucune empreinte visible sur le verger; et
enfin, qu'elle n'entravait pas l'exploitation de la parcelle. La Cour
cantonale a dès lors jugé que l'intérêt public au rétablissement d'une
situation conforme au droit - plus rapidement que ce que la nature ne
réaliserait elle-même - n'était pas prédominant, étant précisé que le
recourant ne pourrait pas remplacer ou reconstruire la "yourte maison" sans
être au bénéfice d'une autorisation.

6.4 Les recourants exposent quant à eux qu'il est impossible de déterminer la
durée de vie de la yourte, qui est du reste déjà en place depuis 2004. Ils
soutiennent également qu'il faut poser des limites claires à ce genre
d'installations. A défaut, la règle fondamentale de l'inconstructibilité de
la zone agricole serait mise en péril.

6.5 Le Tribunal administratif a admis que les yourtes étaient soumises à
autorisation.
En l'espèce, la construction viole ainsi fondamentalement le droit fédéral de
l'aménagement du territoire, puisqu'elle a été édifiée sans droit. Or, la
séparation entre zone à bâtir et zone inconstructible est un principe
essentiel d'aménagement qui, en dehors des exceptions prévues par la loi,
doit demeurer d'application stricte (ATF 111 Ib 213 consid. 6b p. 225).
L'intérêt public apparaît dès lors prépondérant.
Par ailleurs, comme l'ont souligné les recourants, pour échapper à
l'autorisation obligatoire de construire, les constructions provisoires
doivent avoir une existence limitée dans le temps de manière certaine et non
pas dépendre de circonstances imprévisibles (Piermarco Zen-Ruffinen/Christine
Guy-Ecabert, Aménagement du territoire, construction, expropriation, Berne
2001, p. 214). Or, dans le cas particulier, l'échéance n'est pas
déterminable. En outre, on ne saurait, à l'instar du Tribunal administratif,
retenir la brièveté de la durée de vie de la yourte, cette dernière étant
déjà en place depuis un certain temps et personne n'alléguant qu'elle
présenterait des signes de faiblesse. En tolérant la construction litigieuse
par le biais d'une application extensive du principe de la proportionnalité,
le Tribunal administratif vide par conséquent les conditions posées à
l'assujettissement à l'autorisation de construire de leur sens.

6.6 Enfin, l'ordre de démolition n'est pas disproportionné, le démontage de
la yourte pouvant se faire pratiquement sans frais. Les recourants avaient du
reste même proposé au cours de la procédure de procéder à son élimination.
Dans ces circonstances, c'est à tort que le Tribunal administratif a annulé
l'ordre de démolition de la "yourte maison", qui respecte le principe de la
proportionnalité.

7.
Il s'ensuit que les recours, dans la mesure où ils sont recevables, doivent
être admis et l'arrêt attaqué annulé en tant qu'il concerne la "yourte
maison". La cause est renvoyée au Tribunal administratif afin qu'il fixe un
nouveau délai pour l'exécution de l'ordre de démolition de la "yourte maison"
et statue à nouveau sur les frais et les dépens de la procédure cantonale.
Les intimés, qui succombent, supportent l'émolument judiciaire solidairement
entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68
al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 1C_184/2007 et 1C_186/2007 sont jointes.

2.
Les recours, dans la mesure où ils sont recevables, sont admis et la décision
rendue le 15 mai 2007 par le Tribunal administratif est annulée en ce qui
concerne l'ordre de démolition de la "yourte maison". L'affaire est renvoyée
au Tribunal administratif pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge solidaire
des intimés.

4.
Il n'est pas alloué de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Département des
constructions et des technologies de l'information et au Tribunal
administratif de la République et canton de Genève ainsi qu'au Département
fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la
communication.

Lausanne, le 19 novembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: