Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.164/2007
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1C_164/2007 /col

Arrêt du 13 septembre 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Aeschlimann et Reeb.
Greffière: Mme Truttmann.

Office fédéral du développement territorial,
3003 Berne,
recourant,

contre

A.________,
intimée, représentée par Me Jean-Jacques Martin, avocat,
Département des constructions et des technologies de l'information de la
République et canton de Genève, case postale 22, 1211 Genève 8,
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, case postale
1956, 1211 Genève 1.

ordre de démolition,

recours en matière de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif
de la République et canton de Genève du 24 avril 2007.

Faits:

A.
A. ________ et B.________ ont acquis en 1978 la parcelle n° 2228, feuille 34,
de la commune de Presinge, à l'adresse 18, route de la Louvière.
La parcelle, d'une surface de 19'947 m2, est pour l'essentiel classée en zone
agricole. Sur le solde, affecté à la zone 4B protégée, on trouve un
établissement médico-social destiné aux personnes âgées (EMS) que les époux
A.________ et B.________ exploitent depuis le mois de mai 1979 sous le nom
"Domaine de la Louvière".

B.
Le 24 février 2005, un inspecteur de la police des constructions s'est rendu
à la Louvière. Il a constaté que, en zone agricole, les propriétaires avaient
aménagé divers enclos et abris pour animaux (daims, chèvres du Tibet,
alpagas, oiseaux aquatiques, émeus, etc.). Les constructions étaient bien
ordonnées et entretenues et avaient reçu l'aval du vétérinaire cantonal. Il y
avait également divers abris servant au rangement du matériel et des
véhicules d'entretien ainsi qu'un bâtiment comportant un studio d'habitation.
Enfin, un cheminement en tout-venant avait été aménagé.
Par décision du 19 juillet 2005, le département des constructions et des
technologies et de l'information (ci-après: le département) a ordonné la
démolition et l'évacuation de toutes les constructions non autorisées sur la
parcelle, soit:
- le bâtiment n° 384 et l'abri en bois destiné aux daims;
- le couvert à tracteurs;
- les cabanes en bois destinées aux chèvres du Tibet;
- l'enclos métallique pour ratons;
- la cabane en bois n° 445 avec couvert, destiné aux alpagas;
- la remise à foin n° 455;
- le studio en bois et la piscine;
- le réduit en bois pour matériel et mobilier de jardin;
- la cabane en bois aménagée en petit bar;
- la remise à tracteurs et outils d'entretien n° 385;
- la cabane en bois pour émeus.
Les époux A.________ et B.________ ont recouru auprès du Tribunal
administratif de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal
administratif) contre cette décision.

C.
Le 3 octobre 2005, deux demandes ont été déposées auprès du département,
l'une en autorisation de construire un logement de fonction, et l'autre, de
mise en conformité de divers abris pour animaux et de remises.
Le 9 février 2006, les autorisations ont été refusées. Le même jour, le
département, compte tenu de ces décisions de refus, a confirmé l'ordre de
démolition et d'évacuation prononcé le 19 juillet 2005. En outre, considérant
que l'infraction commise était d'une gravité certaine vu notamment l'ampleur
des constructions édifiées sans autorisation sur une parcelle sise en zone
agricole, le département a infligé aux propriétaires une amende de 10'000
francs.

D.
Le 10 mars 2006, les époux A.________ et B.________ ont saisi la commission
cantonale de recours en matière de constructions (ci-après: la commission)
d'un recours contre le refus du département de délivrer les deux
autorisations sollicitées. Le même jour, ils ont également recouru auprès du
Tribunal administratif contre le prononcé de l'amende.
Par deux décisions du 14 juillet 2006, la commission a rejeté les recours des
époux A.________ et B.________.

E.
Le 24 août 2006, A.________, devenue seule propriétaire dans l'intervalle, a
uniquement recouru au Tribunal administratif contre la décision de la
commission confirmant le refus de délivrer l'autorisation relative aux divers
abris pour animaux et remises.
Un transport sur place a eu lieu le 20 novembre 2006, en présence des
parties.
Par arrêt du 24 avril 2007, le Tribunal administratif a confirmé la décision
refusant l'autorisation de construire les divers abris pour animaux et
remises. Il a en revanche annulé l'ordre de démolition et d'évacuation et
réduit le montant de l'amende à 2'000 francs.

F.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'Office fédéral
du développement territorial (ci-après: l'Office fédéral) demande au Tribunal
fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif du 24 avril 2007 en tant
qu'il concerne l'annulation de l'ordre de démolition et de dire que ce
dernier est confirmé, sauf en ce qui concerne la piscine. Il se plaint d'une
mauvaise application du principe de la proportionnalité.
Le Tribunal administratif s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du
recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le
département se rallie aux conclusions de l'Office fédéral. A.________ conclut
à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision ayant été rendue après le 1er janvier 2007, la loi sur le
Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF) est applicable à la présente procédure
de recours (art. 132 al. 1 LTF).

2.
Le recours est dirigé contre une décision prise en dernière instance
cantonale dans le domaine du droit de l'aménagement du territoire et des
constructions. Il est recevable comme recours en matière de droit public au
sens des art. 82 ss LTF et 34 al. 1 LAT dans sa teneur actuelle selon le ch.
64 de l'annexe à la loi sur le Tribunal administratif fédéral. Aucune des
exceptions mentionnées à l'art. 83 LTF n'est réalisée.
L'Office fédéral a la qualité pour recourir (art. 89 al. 2 LTF, mis en
relation avec l'art. 48 al. 4 de l'ordonnance du 28 juin 2000 sur
l'aménagement du territoire (OAT; RS 700.1). Le recours a au surplus été
formé en temps utile contre une décision finale non susceptible de recours
devant le Tribunal administratif fédéral et est recevable au regard des art.
86 al. 1 let. d, 90 et 100 al. 1 LTF.

3.
Selon l'art. 130 de la loi genevoise sur les constructions et les
installations diverses du 14 avril 1988 (LCI), lorsque l'état d'une
construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux
prescriptions de la loi, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations
délivrées en application des dispositions légales ou réglementaires, le
département peut en ordonner la remise en état, la réparation, la
modification, la suppression ou la démolition.
Selon la jurisprudence, l'ordre de démolir une construction ou un ouvrage
édifié sans permis et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée
n'est en principe pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui
place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se
préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des
inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATF 108 la 216 consid.
4b p. 218). L'autorité doit renoncer à une telle mesure si les dérogations à
la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à
justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si
celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il
y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme
au droit qui aurait changé dans l'intervalle (ATF 123 II 248 consid. 4a p.
255).

4.
Il n'est pas contesté que les installations litigieuses, n'étant pas
nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticulture, ne sont pas
conformes à la zone agricole et ne peuvent donc pas être autorisées (art. 22
al. 2 de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire
[LAT; RS 700]; art 20 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur
l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 [LaLAT]). Il n'est pas davantage
mis en doute que, destinés à l'agrément des utilisateurs des lieux, les abris
pour animaux ainsi que les remises ne sont pas des constructions dont
l'emplacement est imposé par leur destination en zone agricole, de sorte
qu'une dérogation au sens de l'art. 24 LAT est exclue. Il n'est enfin pas nié
que les art. 24a et 24c LAT ne sont pas applicables en l'espèce.
Il sera en outre rappelé que l'intimée n'a pas recouru contre le refus de
l'autorisation de construire le logement de fonction et que, lors du
transport sur place, elle ne s'est pas opposée à la démolition de celui-ci.
Seul l'ordre de démolition (sauf en ce qui concerne la piscine, puisque
l'Office fédéral renonce à en requérir la suppression), est dès lors
litigieux dans le cas particulier. L'Office fédéral considère que c'est à
juste titre que le Tribunal administratif n'a pas retenu la bonne foi des
propriétaires. Il estime en revanche que la Cour cantonale a violé le
principe de la proportionnalité en annulant l'ordre de remise en état.

4.1 Le Tribunal administratif a jugé que la présence d'animaux était source
de distraction et rencontrait un vif succès auprès des pensionnaires et de
leurs familles. Elle contribuait ainsi au bien-être des résidents, ce
d'autant plus que l'EMS était éloigné de la ville. Il a considéré que les
divers abris et remises répondaient ainsi, en sus d'un intérêt purement
privé, à un intérêt public, en améliorant la qualité de vie des personnes
âgées placées en institution.
Il a également souligné que la parcelle n'avait plus de vocation agricole
depuis son acquisition par l'intimée en 1978. L'existence de la piscine en
1963 donnait même à penser qu'elle avait perdu cette vocation depuis plus
longtemps encore. La propriété était en outre proche de zones villas et trois
des quatre côtés de la partie sise en zone agricole étaient bordés par des
habitations. Enfin, les constructions litigieuses étaient de dimension
modeste et aisément démontables.

4.2 L'Office fédéral affirme au contraire que les constructions illicites
constitueraient une atteinte majeure à la réglementation de la construction
hors zone. Le fait qu'elles soient de dimension modeste et aisément
démontables ne serait à cet égard pas pertinent. On ne pourrait pour le
surplus soutenir que l'utilisation pendant une période prolongée d'un
bien-fonds situé en zone agricole à des fins non agricoles permettrait le
maintien de constructions illicites. Pas plus que l'on ne pourrait invoquer
une prétendue inopportunité de l'affectation d'une parcelle à la zone
agricole. Enfin, le Tribunal administratif aurait totalement méconnu
l'intérêt public lié au respect des exigences majeures de l'aménagement du
territoire, et plus précisément lié à la préservation de la destination
agricole de la zone. L'amélioration de la qualité de vie des pensionnaires
représenterait certes un intérêt social important. Il pourrait cependant être
invoqué dans toutes sortes de circonstances par d'autres personnes et ne
saurait donc justifier le maintien de constructions illégales.

4.3 En l'espèce, le principe de la proportionnalité ne s'oppose pas à l'ordre
de démolition. Les constructions, qui sont certes de dimension modeste mais
nombreuses, violent fondamentalement le droit fédéral de l'aménagement du
territoire, puisqu'elles ont été édifiées sans droit. La séparation entre
zone à bâtir et zones constructibles est en effet un principe essentiel
d'aménagement qui, en dehors des exceptions prévues par la loi, doit demeurer
d'application stricte (ATF 111 Ib 213 consid. 6b p. 225). A cet égard,
l'absence de vocation agricole et la proximité d'habitations ne sont donc pas
déterminantes.
L'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit
l'emporte manifestement sur l'intérêt défendu par l'intimée. Si, comme l'a
d'ailleurs concédé l'Office fédéral, l'amélioration de la qualité de vie des
personnes âgées est certes un intérêt social important, il n'en demeure pas
moins qu'il s'agit d'un intérêt qui relève simplement de l'agrément. La
présence d'animaux dans le parc de l'EMS ne s'inscrit au demeurant même pas
dans un programme thérapeutique précis. En outre, on ne saurait minimiser
l'intérêt privé de l'époux de l'intimée, qui, en plus d'être passionné par
les animaux, est particulièrement impliqué dans le domaine.
Enfin, l'intimée ne prétend pas que les frais de démolition et de remise en
état des lieux seraient excessifs. Au contraire, elle souligne que les
constructions sont aisément démontables.

5.
Sur le vu de ce qui précède, le recours est admis, et l'arrêt attaqué est
annulé en tant qu'il concerne l'ordre de démolition. La cause est renvoyée au
Tribunal administratif afin que l'ordre de démolition soit confirmé, sauf en
ce qui concerne la piscine, et qu'un nouveau délai soit fixé pour son
exécution. Le Tribunal administratif devra également statuer à nouveau sur
les frais et les dépens.
L'intimée, qui succombe, supporte l'émolument judiciaire (art. 66 LTF). Il
n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision rendue le 24 avril 2007 par le Tribunal
administratif est annulée en ce qui concerne l'ordre de démolition. L'affaire
est renvoyée au Tribunal administratif pour nouvelle décision dans le sens
des considérants.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de
l'intimée.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à l'Office fédéral du développement
territorial, au mandataire de l'intimée, au Département des constructions et
des technologies de l'information et au Tribunal administratif de la
République et canton de Genève.

Lausanne, le 13 septembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: