Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.141/2007
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1C_141/2007

Arrêt du 28 novembre 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Fonjallaz.
Greffière: Mme Truttmann.

A. ________,
recourante, représentée par Me François Bellanger, avocat,

contre

Fédération B.________, représentée par Me Pierre Bayenet, avocat,
C.________,
intimées, représentée par Me Jacques Gautier, avocat,
Département des constructions et des technologies de l'information de la
République et canton de Genève, case postale 22, 1211 Genève 8,
intimé,
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, rue du
Mont-Blanc 18, 1201 Genève.

autorisation de construire,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif de la République et canton
de Genève du 24 avril 2007.

Faits:

A.
Par décision du 30 janvier 2004, le département genevois de l'aménagement, de
l'équipement et du logement, devenu depuis lors le département des
constructions et des technologies (ci-après: le département) a octroyé à la
société D.________ Développement l'autorisation de construire un bâtiment
industriel ainsi que des dépôts et parkings, sur la parcelle 155 de la
commune de Lancy, alors propriété de D.________ Entreprise Générale.
La parcelle est sise en zone 5, développement industriel et artisanal, et est
régie par un plan localisé de quartier adopté le 5 mars 2003 par le Conseil
d'Etat.
L'autorisation de construire, n'ayant pas été contestée, est entrée en force.

B.
D.________ Développement a par la suite renoncé à son projet d'affecter le
bâtiment à des activités industrielles et artisanales pour son groupe, en
faveur de la société E.________ qui entendait y regrouper ses bureaux.
Par requête du 4 octobre 2005, D.________ Développement a donc sollicité une
autorisation de construire complémentaire portant sur la modification des
entrées et des façades, la suppression des puits de lumière et l'adjonction
d'un attique dans le bâtiment du projet déjà autorisé, dans le but de
permettre l'installation de E.________.
Par courrier du 23 novembre 2005, le Conseil d'Etat a confirmé au directeur
de E.________ qu'il estimait que l'implantation de la société dans l'immeuble
était compatible avec les dispositions légales et réglementaires régissant la
zone industrielle.
Le 30 janvier 2006, le département a délivré l'autorisation complémentaire
requise.

C.
Le 6 mars 2006, la Fédération B.________ (ci-après: la Fédération) a recouru
auprès de la commission cantonale de recours en matière de construction
(ci-après: la commission), contre l'autorisation complémentaire délivrée le
30 janvier 2006 et contre le courrier du Conseil d'Etat du 23 novembre 2005.
Elle a conclu à leur annulation.
Les sociétés D.________ se sont déterminées sur le recours. Elles ont à cette
occasion précisé que la fondation de placement F.________ était devenue
propriétaire de la parcelle concernée le 16 décembre 2005.

D.
Le 5 mai 2006, la société C.________ a demandé à intervenir dans la
procédure. Elle a expliqué être propriétaire de bâtiments destinés aux
activités du secteur tertiaire dans la commune de Vernier. Deux sociétés
rachetées par E.________ y louaient déjà des locaux et des pourparlers
avaient eu lieu avec cette dernière en vue de l'implantation de son centre
administratif à cet endroit. Suite au prononcé litigieux, elle perdait un
locataire potentiel, et certainement aussi des locataires actuels. Elle a dès
lors également conclu à l'annulation des décisions attaquées.

E.
Le 22 juin 2006, D.________ Entreprise Générale a transféré ses activités
d'entreprise générale à A.________ Entreprise Générale. Simultanément, cette
dernière a pris X.________ comme nouvelle raison sociale. Le 30 juin 2006,
X.________ a absorbé par fusion D.________ Développement, laquelle a été
radiée du registre du commerce.

F.
Par décision du 8 septembre 2006, la commission a déclaré irrecevables tant
le recours formé par la Fédération que l'intervention de C.________.
Elle a estimé qu'elle n'était pas compétente pour examiner la nature
juridique de la lettre du Conseil d'Etat du 23 novembre 2005, puisque un tel
recours aurait de toute façon été irrecevable en vertu de l'art. 145 al. 1 de
la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988
(LCI).
Elle a pour le surplus dénié à la Fédération la qualité pour recourir au sens
de l'art. 145 al. 3 LCI. L'irrecevabilité du recours de la Fédération
entraînait celle de l'intervention, rendant ainsi l'examen du bien-fondé de
cette dernière superflu.

G.
Le 23 octobre 2006, la Fédération a recouru auprès du Tribunal administratif
de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif)
contre la décision de la commission. Le 24 novembre 2006, C.________ a appuyé
les conclusions prises par la Fédération. X.________ a également répondu au
recours.

H.
Le 15 février 2007, X.________ a informé le Tribunal administratif qu'une
nouvelle autorisation de construire complémentaire avait été délivrée le 8
décembre 2006, laquelle n'avait fait l'objet d'aucun recours.

I.
Par arrêt du 24 avril 2007, le Tribunal administratif, reconnaissant la
qualité pour recourir de la Fédération, a admis le recours et a renvoyé le
dossier à la commission pour décision sur le fond ainsi que sur la
recevabilité de l'intervention de C.________. Il a également jugé que la
commission aurait dû examiner la qualification juridique de la lettre du
Conseil d'Etat du 23 novembre 2005 et, le cas échéant, les conditions d'une
éventuelle nullité, vu l'incompétence indéniable de cette autorité en la
matière.

J.
Selon les pièces déposées par la recourante, X.________ a, le 9 février 2007,
modifié sa raison sociale en A.________.

K.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________
demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif du 24
avril 2007 et de constater que la Fédération n'a pas la qualité pour
recourir. Subsidiairement, elle demande que la procédure soit renvoyée au
Tribunal administratif afin qu'il soit procédé à une instruction complète sur
l'existence de la Fédération et sur son éventuelle qualité pour recourir.
Elle se plaint d'une constatation incomplète des faits pertinents et invoque
un déni de justice formel.
Le Tribunal administratif s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du
recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le
département conclut à l'admission du recours. La Fédération et C.________
concluent à son rejet.

Considérant en droit:

1.
La décision attaquée ayant été rendue après le 1er janvier 2007, la loi sur
le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF) est applicable à la présente
procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).

2.
Le recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF dirigé contre
une décision fondée sur des normes cantonales de droit public est ouvert, dès
lors que la voie du recours devant le Tribunal administratif fédéral n'est
pas disponible. Par ailleurs, aucune des exceptions à l'art. 83 LTF n'est
réalisée.

3.
L'arrêt attaqué ne met pas fin à la procédure, puisqu'il tranche une question
de légitimation active et renvoie la cause à l'autorité de première instance
pour instruction et jugement de la cause sur le fond. S'agissant d'une
décision incidente, la recevabilité du recours doit par conséquent être
examinée au regard des art. 92 et 93 LTF.
Dès lors que la décision ne porte pas sur la compétence ou sur une demande de
récusation (art. 92 LTF), elle ne peut faire l'objet d'un recours au Tribunal
fédéral que si une des deux conditions suivantes est remplie: soit elle est
susceptible de causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF), -
ce qui n'est pas le cas en l'espèce -, soit l'admission du recours peut
conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une
procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF). Cette
dernière condition est reprise de la règle de l'art. 50 al. 1 OJ (Message
concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28
février 2001, FF 2001 p. 4000 ss, not. p. 4131; arrêt 1C_86/2007 du 31
octobre 2007 consid. 1.2, destiné à la publication).
En l'espèce, cette dernière condition est remplie car si le Tribunal fédéral
devait admettre que l'autorité cantonale avait arbitrairement reconnu à la
Fédération la qualité pour recourir sur le plan cantonal, le litige prendrait
immédiatement fin. Il convient dès lors d'entrer en matière.

4.
La recourante expose que dans l'arrêt ATA/251/2004 au terme duquel le
Tribunal administratif avait reconnu la qualité pour recourir de la
Fédération sur la base de l'art. 145 al. 3 LCI, l'autorité cantonale avait
examiné la structure de l'association, notamment l'organisation et le rôle de
l'assemblée générale, les compétences respectives de cette dernière et du
comité ainsi que le déroulement de la vie associative.
Or, l'ATA/251/2004 n'aurait pas pris en compte la modification des statuts de
la Fédération intervenue le 27 octobre 2004. L'organisation de la Fédération
selon les statuts de 2004 et selon ceux de 2002 ne serait cependant pas
comparable. Le Tribunal administratif ne pouvait dès lors se contenter de se
référer à cet arrêt.

5.
Selon l'art. 33 al. 2 de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du
territoire (LAT; RS 700), le droit cantonal doit prévoir au moins une voie de
recours contre les décisions et les plans d'affectation fondés sur la LAT et
sur les dispositions cantonales et fédérales d'exécution. L'art. 33 al. 3
let. a LAT ajoute que le droit cantonal doit en outre reconnaître la qualité
pour recourir au moins dans les mêmes limites que pour le recours en matière
de droit public devant le Tribunal fédéral. L'art. 111 LTF prévoit du reste
également que la qualité de partie à la procédure devant toute autorité
cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir
devant le Tribunal fédéral.
En l'espèce, seul est toutefois en cause le droit cantonal, puisque le droit
fédéral (art. 89 al. 2 let. d LTF, art. 12 de la loi du 1er juillet 1966 sur
la protection de la nature et du paysage [LPN; RS 451], art. 55 de la loi du
7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement [LPE; RS 814.01]) ne
contraint pas les cantons à reconnaître la qualité pour recourir à une
association telle que la Fédération.

6.
L'art. 145 al. 3 de la loi genevoise sur les constructions et les
installations diverses du 14 avril 1988 (LCI) reconnaît la qualité pour agir
auprès de la Commission cantonale de recours aux associations d'importance
cantonale ou actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs
statuts, se vouent par pur idéal à l'étude de questions relatives à
l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la
protection des monuments, de la nature et des sites.

7.
Le Tribunal fédéral revoit l'interprétation et l'application du droit
cantonal, respectivement du droit communal, sous l'angle de l'arbitraire. Il
ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci se révèle insoutenable, en
contradiction manifeste avec la situation effective, ou si elle a été adoptée
sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si
l'interprétation défendue par la cour cantonale ne s'avère pas déraisonnable
ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la
législation en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît
également concevable, voire même préférable (ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17).

8.
En l'espèce, le Tribunal administratif a jugé que l'association était active
depuis plus de trois ans, de sorte qu'elle a estimé qu'il n'était pas
nécessaire d'examiner si elle pouvait au surplus être considérée comme une
association d'importance cantonale. Elle a également conclu que la Fédération
se vouait, par pur idéal, à l'étude de questions relatives à l'aménagement du
territoire et à la protection de l'environnement, les buts de l'association
n'ayant pas été touchés par la modification statutaire de 2004. Enfin, elle a
relevé que la décision de recourir avait été prise par l'organe compétent.

9.
Dans le cas particulier, la recourante ne soutient pas que l'art. 145 al. 3
LCI aurait été interprété arbitrairement. Elle ne conteste pas la conclusion
du Tribunal administratif selon laquelle la Fédération serait une association
active depuis plus de trois ans et qu'au terme de ses statuts, elle se
vouerait par pur idéal à l'étude de questions relatives à l'aménagement du
territoire notamment.
Les seules critiques de la recourante se réfèrent vainement à l'état de fait
prétendument lacunaire de l'arrêt attaqué. Les griefs formulés par la
recourante en rapport avec le fonctionnement interne de l'association ne sont
en effet pas pertinents, l'art. 145 al. 3 LCI ne postulant aucune exigence à
cet égard. Certes, il apparaît que le Tribunal administratif a, par le passé,
été plus strict à l'égard de la Fédération, mais la recourante ne démontre
pas en quoi une pratique plus souple serait constitutive d'arbitraire, de
sorte que le grief doit être rejeté.

10.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Les frais judiciaires sont mis à
la charge de la recourante qui succombe (art. 65 et 66 LTF). Cette dernière
versera également une indemnité de dépens aux intimées (art. 68 al. 1 et 2
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 1'000 fr., à payer à la Fédération B.________ à titre de
dépens, est mise à la charge de la recourante.

4.
Une indemnité de 1'000 fr., à payer à C.________ à titre de dépens, est mise
à la charge de la recourante.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Département
des constructions et des technologies de l'information et au Tribunal
administratif de la République et canton de Genève.

Lausanne, le 28 novembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La greffière:

Féraud Truttmann