Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.116/2007
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2007
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2007


1C_116/2007 /col

Arrêt du 24 septembre 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Rittener.

A. ________,
recourant, représenté par Me Mathias Eusebio, avocat,

contre

Gouvernement du canton du Jura, 2800 Delémont, représenté par Me Jean-Marc
Christe, avocat,
case postale 2031, 2800 Delémont 2,
Tribunal cantonal du canton du Jura, Chambre administrative, case postale 24,
2900 Porrentruy 2.

non-renouvellement des rapports de service,

recours en matière de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du
canton du Jura, Chambre administrative, du 30 mars 2007.

Faits:

A.
Le 17 janvier 1984, le Gouvernement du canton du Jura (ci-après: le
gouvernement) a nommé A.________ en qualité d'analyste-programmeur attaché au
service de la statistique et de l'informatique. En 2003, dans le cadre d'une
réorganisation complète de ce service, A.________ s'est vu assigner la
fonction de "développeur I". Par courrier du 2 mai 2006, le gouvernement l'a
informé du fait qu'il avait l'intention de renoncer à ses services pour la
fin 2006, ses prestations ayant été jugées insuffisantes pour la période de
fonction en cours. L'intéressé s'est déterminé le 31 mai 2006, indiquant en
substance que les rapports de travail s'étaient durcis avec l'arrivée d'un
nouveau chef de service en 2004, que sa nouvelle fonction de "développeur I"
comprenait des tâches de chef de projet pour lesquelles il n'avait aucune
compétence, que la formation interne était insuffisante et qu'il avait tout
mis en oeuvre pour combler ses lacunes en informatique.
Le 6 juin 2006, le gouvernement a décidé de ne pas renouveler les rapports de
service de A.________ au terme de la période administrative le 31 décembre
2006, au motif que ses prestations étaient insuffisantes, notamment en ce qui
concerne deux projets dont il avait la responsabilité et qui avaient pris un
retard considérable. Il relevait en outre que les problèmes concernant les
compétences techniques de l'intéressé avaient déjà été relevés lors d'un
entretien de janvier 2005 et que celui-ci pouvait consacrer 20 % de son temps
de travail à la formation continue. Il reprochait également à A.________
d'avoir fait preuve de négligence en omettant d'informer ses supérieurs des
difficultés qu'il rencontrait avec les projets dont il était responsable.

B.
A.________ a recouru contre cette décision devant la Chambre administrative
du Tribunal cantonal du canton du Jura (ci-après: le Tribunal cantonal), qui
a rejeté ce recours par arrêt du 30 mars 2007. Cette autorité a considéré que
A.________ avait de sérieuses lacunes s'agissant des connaissances
professionnelles exigibles aujourd'hui pour travailler efficacement au sein
d'un service informatique et qu'un investissement considérable devrait être
consenti pour qu'il puisse disposer des bases nécessaires. De plus, il
n'avait pas pu mener à bien les deux projets dont il était responsable. Le
gouvernement n'avait donc pas excédé son pouvoir d'appréciation ni violé le
principe de proportionnalité en décidant de ne pas renouveler ses rapports de
service.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________
demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de le rétablir dans le
statut de fonctionnaire pour la période administrative 2007-2010. Il se
plaint d'une constatation arbitraire des faits (art. 9 Cst.) et invoque une
violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.). Le Tribunal
cantonal et le Gouvernement du canton du Jura concluent au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision attaquée ayant été rendue après le 1er janvier 2007, la loi
fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) est
applicable à la présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).

2.
La décision attaquée a été rendue en matière de rapports de travail de droit
public au sens de l'art. 83 let. g LTF. Le recourant ne conclut pas au
versement d'une somme d'argent, mais il demande à être rétabli dans le statut
de fonctionnaire pour la période administrative 2007-2010. Dès lors que son
action a, en tout cas partiellement, un but économique et dans la mesure où
son objet peut être apprécié en argent, il y a lieu de considérer qu'il
s'agit d'une contestation de nature pécuniaire (cf. Fabienne Hohl, Procédure
civile, Tome II, Berne 2002, p. 77; Jean-François Poudret, Commentaire de la
loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, Berne 1990, p. 196 ss;
Siegfried Schuller, Die Berechnung des Streitwertes: Grundsätze
zivilprozessualer Streitwertberechnung im Bund und in den Kantonen, thèse,
Zurich 1974, p. 72 ss). Il s'ensuit que le motif d'exclusion de l'art. 83
let. g LTF n'entre pas en considération. La contestation porte sur une
période administrative de quatre ans, au cours de laquelle le recourant
devrait percevoir un salaire mensuel net de l'ordre de 7'000 francs. La
valeur litigieuse atteint donc le seuil de 15'000 fr. ouvrant la voie du
recours en matière de droit public dans ce domaine (art. 51 al. 2 et 85 al. 1
let. b LTF). Dès lors que l'arrêt attaqué rejette le recours formé contre la
décision de non-renouvellement de ses rapports de service, le recourant est
particulièrement atteint par ce prononcé et il a un intérêt digne de
protection à son annulation; il a donc la qualité pour recourir (art. 89 al.
1 let. b et c LTF). Pour le surplus, interjeté en temps utile et dans les
formes requises contre une décision finale prise en dernière instance
cantonale non susceptible de recours devant le Tribunal administratif
fédéral, le recours est recevable au regard des art. 42, 86 al. 1 let. d, 90
et 100 al. 1 LTF.

3.
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, le
recourant reproche au Tribunal cantonal d'avoir violé son droit d'être
entendu en omettant de se prononcer sur un point qu'il avait expressément
contesté.

3.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2 Cst.,
confère à toute personne le droit d'exiger, en principe, qu'un jugement ou
une décision défavorable à sa cause soit motivé. Cette garantie tend à donner
à la personne touchée les moyens d'apprécier la portée du prononcé et de le
contester efficacement, s'il y a lieu, devant une instance supérieure.
L'objet et la précision des indications à fournir dépend de la nature de
l'affaire et des circonstances particulières du cas; néanmoins, en règle
générale, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs
qui l'ont guidée (ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 109; voir aussi ATF 126 I 97
consid. 2b p. 102, 125 II 369 consid. 2c p. 372, 124 II 146 consid. 2a p.
149). L'autorité n'est pas tenue de discuter de manière détaillée tous les
arguments soulevés par les parties et peut se limiter à l'examen des
questions décisives pour l'issue du litige (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 17;
125 II 369 consid. 2c p. 372; 124 II 146 consid. 2a p. 149; 124 V 180 consid.
1a p. 181 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral examine librement si les
exigences posées par l'art. 29 al. 2 Cst. ont été respectées (ATF 124 I 49
consid. 3a p. 51, 122 I 153 consid. 3 p. 158 et les arrêts cités).

3.2 En l'occurrence, le gouvernement avait notamment reproché au recourant
d'avoir omis d'informer ses supérieurs des difficultés qu'il rencontrait avec
les deux projets "Tutelles" et "Master 2b" dont il était responsable. Le
recourant avait contesté ce point dans son recours du 11 juillet 2007 devant
le Tribunal cantonal et il reproche à cette autorité d'avoir omis d'examiner
cette question. Il est vrai que l'arrêt attaqué ne reprend pas le reproche
susmentionné, mais l'autorité intimée expose d'autres éléments permettant
selon elle de considérer que le gouvernement pouvait sans arbitraire décider
de ne pas renouveler les rapports de service du recourant. Le Tribunal
cantonal a en effet retenu, en substance, que les prestations de travail du
recourant s'étaient avérées insuffisantes dans une mesure importante et qu'il
lui faudrait beaucoup de temps pour combler ses lacunes. Dans ces conditions,
le grief de n'avoir pas informé ses supérieurs au sujet des difficultés
rencontrées dans les deux projets précités apparaît secondaire, de sorte que
le Tribunal cantonal pouvait s'abstenir d'examiner encore cette question. Ce
premier moyen doit donc être rejeté.

4.
Le recourant reproche essentiellement au Tribunal cantonal d'avoir retenu
arbitrairement l'existence d'un motif objectif de non-renouvellement des
rapports de service. Il tient la mesure prise à son encontre pour arbitraire
et disproportionnée.

4.1 Selon l'art. 49 de la loi du 26 octobre 1978 sur le statut des
magistrats, fonctionnaires et employés de la République et Canton du Jura
(RS/JU 173.11), les rapports de service des fonctionnaires prennent fin à
l'expiration de la période administrative (al. 1). Les alinéas 2 et 3 de
cette disposition prévoient qu'en principe, l'autorité compétente procède à
la confirmation générale pour une nouvelle période et que, lorsque l'Etat a
l'intention de renoncer aux services d'un fonctionnaire, celui-ci doit être
averti six mois avant l'expiration de la période administrative. Le droit
cantonal jurassien pose donc la règle générale de la confirmation des
rapports de service mais n'accorde pas de droit à leur renouvellement (arrêt
non publié 2P.332/2006 du 10 mai 2007, consid. 1.6; arrêt du Tribunal
cantonal jurassien du 18 décembre 1990, paru in RJJ 1991 p. 231, consid. 4).

4.2 Selon la jurisprudence, même si un fonctionnaire n'a aucun droit à être
réélu, le non-renouvellement de ses rapports de service doit être motivé par
une raison pertinente (ATF 119 Ib 99 consid. 2a p. 101; 103 Ib 321 consid. 1
p. 323 et la jurisprudence citée). Il ne doit toutefois pas nécessairement
s'agir d'un motif qui justifierait également une sanction disciplinaire ou
qui constituerait un juste motif de licenciement. L'autorité de nomination
doit considérer l'ensemble des actes de l'intéressé et déterminer sa capacité
de continuer à remplir les devoirs de sa charge (cf. ATF 103 Ib 321 consid. 1
p. 323; 99 Ib 233 consid. 3 p. 236-237). L'impression d'ensemble est
déterminante. Des doutes sérieux sur la compétence du fonctionnaire, des
prestations insuffisantes ou un comportement insatisfaisant peuvent justifier
une non-réélection (Peter Hänni, La fin des rapports de service en droit
public, in RDAF 1995 p. 417; Tobias Jaag, Das öffentliche Dienstverhältnis im
Bund und im Kanton Zürich - ausgewählte Fragen, in ZBl 95/1994 p. 462; René
A. Rhinow/Beat Krähenmann, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung,
Ergänzungs-band, Bâle 1990, n. 150 B I a, p. 481).
Il est difficile d'apprécier de l'extérieur si l'on peut reprocher à un
fonctionnaire des prestations insuffisantes ou un comportement incorrect;
cela nécessite en effet de tenir compte des circonstances concrètes du
travail en cause et des faits qui lui sont reprochés. L'autorité de
nomination dispose ainsi d'un large pouvoir d'appréciation pour appliquer ces
concepts indéterminés (cf. ATF 118 Ib 164 consid. 4a p. 166). Le Tribunal
fédéral se limite dès lors à examiner si la non-réélection pour de tels
motifs apparaît objectivement soutenable; il n'annule pratiquement la mesure
que si elle est arbitraire (ATF 103 Ib 321 consid. 1 p. 323; 101 Ia 172
consid. 3 p. 176; 99 Ib 233 consid. 3 p. 237). Tel est le cas lorsqu'elle
méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou
si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de
l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit
insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF
132 I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 217 consid. 2.1 p. 219, 57 consid. 2 p. 61;
129 I 173 consid. 3.1 p. 178). En matière d'appréciation des preuves et
d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité n'a
manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, si elle
ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à
modifier la décision ou lorsqu'elle tire des constatations insoutenables des
éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 127 I 38 consid. 2a p.
41).

4.3 En l'espèce, le Tribunal cantonal a considéré que le recourant avait de
sérieuses lacunes au niveau des connaissances professionnelles exigibles
aujourd'hui pour travailler efficacement au sein d'un service informatique et
qu'un investissement considérable devrait être consenti pour qu'il puisse
disposer des bases nécessaires. Il fondait ces constatations sur le rapport
d'évaluation du 20 janvier 2005, sur un rapport de la société X.________ du
24 août 2006 et sur les déclarations de B.________, responsable hiérarchique
direct du recourant, travaillant au service informatique depuis mars 2005.

4.3.1 Le recourant conteste ces constatations de faits, mais il ne démontre
aucunement, conformément aux exigences de motivation des art. 42 al. 2 et 106
al. 2 LTF, en quoi l'autorité intimée aurait fait preuve d'arbitraire dans
l'appréciation des preuves et l'établissement des faits. Par ailleurs, les
considérations du recourant sur son travail irréprochable avant l'arrivée du
nouveau chef de service en 2004 ne sont pas pertinentes en l'espèce, dès lors
que l'arrêt attaqué ne retient pas le contraire; le Tribunal cantonal a en
effet considéré qu'il ne ressortait pas du dossier que le recourant ait fait
l'objet de remontrances ou qu'il n'ait pas accompli sa tâche d'une manière
suffisante durant les législatures précédentes. Le recourant ne démontre pas
davantage en quoi il était manifestement insoutenable de considérer que
l'invitation de cadres de la société X.________ au mariage du chef du service
de l'informatique ne suffisait pas à mettre en cause le bien-fondé du rapport
de cette société. Quant aux manquements constatés dans la gestion des projets
"Tutelles" et "Master 2b", le recourant ne les remet pas sérieusement en
doute, mais il se limite à invoquer diverses excuses, notamment le fait qu'il
n'a pas pu bénéficier d'une formation suffisante pour la gestion de projets.
Dans ces circonstances, la considération selon laquelle le recourant avait de
sérieuses lacunes échappe au grief d'arbitraire. L'intéressé reconnaît
d'ailleurs lui-même qu'il avait des lacunes dans divers domaines, tout en
insistant sur le fait que les formations qu'il avait suivies étaient
clairement insuffisantes pour les combler. A cet égard, le recourant se borne
à affirmer qu'il n'avait pas assez de temps pour se former, mais il ne
démontre pas en quoi il aurait été concrètement empêché de profiter du temps
de travail très important (20%) qu'il pouvait consacrer à sa formation.

4.3.2 Il est vrai que la décision de non-renouvellement des rapports de
service frappe durement le recourant, qui a travaillé plus de vingt ans au
sein du service informatique. Cette décision repose toutefois sur des motifs
qui peuvent être qualifiés de pertinents, soit les prestations insuffisantes
de l'intéressé et les lacunes importantes concernant les compétences
techniques nécessaires pour travailler efficacement au sein d'un tel service.
Le fait que ces lacunes aient été mises en évidence soudainement, après de
nombreuses années de fonction, donne à penser que le service concerné n'a pas
été géré avec une cohérence particulière. Cela étant, même si la situation
n'est pas forcément imputable uniquement au recourant et même si la décision
litigieuse est sévère, elle n'en est pas pour autant arbitraire au sens de la
jurisprudence précitée. De plus, il existe un intérêt public évident à ce que
l'Etat emploie des personnes en mesure de travailler efficacement au sein de
ses services et à ce qu'il puisse se séparer de celles dont les prestations
ou les compétences se révèlent insuffisantes. Ainsi, la décision de
non-renouvellement des rapports de service n'apparaît pas disproportionnée,
le recourant ayant du reste admis, en séance du 7 novembre 2006, qu'avec sa
formation il ne voyait pas trop où il pourrait travailler au service de
l'informatique. Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que le
gouvernement cantonal n'a pas abusé du large pouvoir d'appréciation dont il
dispose dans ce domaine.

5.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, doit
supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est
pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Gouvernement du canton du Jura et au Tribunal cantonal du canton du Jura,
Chambre administrative.

Lausanne, le 24 septembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: