Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.82/2007
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1B_82/2007 /col

Arrêt du 4 juin 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourante, représentée par Me Jean-Marie Crettaz, avocat,

contre

Procureur général de la République et canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation de la République et canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

détention préventive,

recours en matière pénale contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation de
la République et canton de Genève du 11 mai 2007.

Faits:
A.________, ressortissante jamaïcaine née le 31 août 1966, a été arrêtée le 3
mai 2006 à Genève et placée en détention préventive sous l'inculpation
d'infraction à l'art. 19 ch. 1 et 2 de la loi fédérale sur les stupéfiants
(LStup) pour avoir transporté et importé en Suisse deux valises contenant une
quantité de 1,234 kg de cocaïne d'une pureté comprise entre 71,5 et 72,3%
qu'elle devait remettre à B.________, à Zurich.
Le 10 mai 2007, A.________ a sollicité sa mise en liberté provisoire. La
Chambre d'accusation du canton de Genève (ci-après: la Chambre d'accusation
ou la cour cantonale) a refusé de faire droit à cette requête au terme d'une
ordonnance rendue le lendemain, motivée par l'existence d'un risque de fuite.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cette décision et d'ordonner sa mise en liberté
provisoire. Elle sollicite l'assistance judiciaire.
La Chambre d'accusation n'a pas déposé d'observations. Le Procureur général
de la République et canton de Genève conclut au rejet du recours.
La recourante a répliqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision attaquée ayant été rendue après le 1er janvier 2007, la loi
fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) est
applicable à la présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).

2.
Selon l'art. 78 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours contre les
décisions rendues en matière pénale. La notion de décision rendue en matière
pénale comprend toute décision fondée sur le droit pénal matériel ou sur le
droit de procédure pénale. En d'autres termes, toute décision relative à la
poursuite ou au jugement d'une infraction fondée sur le droit fédéral ou sur
le droit cantonal est en principe susceptible d'un recours en matière pénale
(Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale
du 28 février 2001, FF 2001 p. 4111). La voie du recours en matière pénale
est dès lors ouverte en l'espèce. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF)
contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui
touche la recourante dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1
let. a et b ch. 1 LTF), le recours est recevable.

3.
A.________ considère que son maintien en détention préventive violerait les
art. 9, 10 al. 2, 31 et 36 Cst., l'art. 27 de la Constitution genevoise
(Cst./GE) et l'art. 5 CEDH. Elle se plaint également d'une application
arbitraire des art. 34 ss et 151 ss du Code de procédure pénale genevois
(CPP/GE). Elle ne prétend cependant pas que les dispositions cantonales
invoquées lui accorderaient une protection plus étendue que celle qui peut
être déduite, dans ce domaine, de la liberté personnelle garantie par le
droit constitutionnel fédéral et le droit conventionnel. Elle ne présente
d'ailleurs pas d'argumentation distincte à l'appui de l'un et l'autre grief.
Il suffit donc d'examiner la question soulevée sous l'angle des art. 10 al. 2
Cst. et 5 CEDH.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté
personnelle, garantie par ces dispositions, que si elle repose sur une base
légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce les art. 34 CPP/GE
et 27 Cst./GE. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et
respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF
123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de
liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de
fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 34 let. a à c
CPP/GE). La gravité de l'infraction et l'importance de la peine encourue ne
sont, à elles seules, pas suffisantes (ATF 117 Ia 69 consid. 4a p. 70).
Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'encontre de l'intéressé
des charges suffisantes (art. 5 par. 1 let. c CEDH; ATF 116 Ia 143 consid. 3
p. 144; art. 34 in initio CPP/GE). S'agissant d'une restriction grave à la
liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions,
sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle de
l'arbitraire (ATF 132 I 21 consid. 3.2.3 p. 24 et les arrêts cités).

4.
Avec raison, la recourante ne conteste pas la base légale de son maintien en
détention, ni l'existence de charges suffisantes à son encontre. Elle estime
en revanche que la Chambre d'accusation a retenu à tort la présence d'un
risque de fuite propre à justifier son maintien en détention préventive.

4.1 Le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères
tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens
avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font
apparaître ce risque non seulement possible, mais également probable (ATF 117
Ia 69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). La gravité de l'infraction
ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si
elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance
de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia
69 consid. 4a p. 70; 108 Ia 64 consid. 3 p. 67). Le fait que l'extradition du
prévenu puisse être obtenue n'est pas déterminant (ATF 123 I 31 consid. 3d p.
36). Lorsqu'elle admet l'existence d'un risque de fuite, l'autorité doit en
outre examiner s'il ne peut être contenu par une mesure moins rigoureuse (ATF
125 I 60 consid. 3a p. 62; 123 I 268 consid. 2c p. 271; 108 Ia 64 consid. 3
p. 67; 102 Ia 379 consid. 2a p. 381 et les arrêts cités).

4.2 En l'espèce, le risque de fuite ne saurait sérieusement être nié. La
recourante, de nationalité étrangère, ne dispose d'aucune attache familiale
ou professionnelle avec la Suisse et elle a conservé des liens avec la
Jamaïque, où réside sa fille de quinze ans; le fait qu'elle s'expose à des
représailles si elle retournait dans son pays d'origine pour avoir dénoncé
les membres du réseau de trafiquants de drogue auquel elle était mêlée n'est
pas de nature à supprimer ce risque, dans la mesure où elle pourrait trouver
refuge dans un autre pays. On ne voit par ailleurs pas en quoi le dépôt au
demeurant non établi d'une demande d'asile en Suisse serait de nature à la
dissuader de quitter le pays. Le danger de fuite s'est au contraire renforcé
avec la clôture de l'instruction et l'imminence d'un renvoi en jugement, car
la perspective d'une éventuelle condamnation se fait désormais plus concrète.
Enfin, il n'apparaît pas possible de pallier au risque de fuite par une autre
mesure moins incisive que la détention, telle que le versement d'une caution
dès lors que la recourante est sans ressources. L'affirmation du danger de
fuite dispense la cour de céans d'examiner s'il existe aussi un risque de
collusion propre à justifier la mesure litigieuse, comme l'affirme le
Procureur général dans ses observations.

5.
A.________ estime par ailleurs que sa détention préventive serait
disproportionnée au regard de la peine à laquelle elle s'expose. La cour
cantonale aurait violé les art. 31 al. 3 Cst. et 5 § 3 CEDH en refusant
d'évaluer la durée probable de la peine.

5.1 Ces dispositions reconnaissent à toute personne arrêtée ou détenue le
droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la
phase d'instruction préparatoire. Selon la jurisprudence, ce droit est
notamment violé lorsque la durée de la détention préventive dépasse celle de
la peine privative de liberté qui pourrait, le cas échéant, être prononcée
(ATF 132 I 21 consid. 4.1 p. 27 et les arrêts cités). Celle-ci doit être
évaluée avec la plus grande prudence, car il faut éviter que le juge de
l'action pénale ne soit incité à prononcer une peine excessive pour la faire
coïncider avec la détention préventive à imputer. Cette question doit être
examinée au regard de l'ensemble des circonstances concrètes du cas d'espèce
(ATF 132 I 21 consid. 4.1 p. 28; 124 I 208 consid. 6 p. 215; 123 I 268
consid. 3a p. 273 et les références citées).

5.2 S'il n'appartient effectivement pas au juge de la détention de se
substituer à l'autorité de jugement et de spéculer sur la durée de la peine
qui pourrait être prononcée en cas de condamnation, il doit néanmoins
l'évaluer afin de s'assurer que l'incarcération du prévenu n'est pas
excessive. On ne saurait dire que la Chambre d'accusation aurait failli à
cette tâche, comme le soutient la recourante, dans la mesure où elle tient le
principe de la proportionnalité pour largement respecté "au vu de la grave
peine que risque l'inculpée et de la proximité d'une audience de jugement".
Au demeurant, il s'agit d'une question que le Tribunal fédéral examine
librement, de sorte que la décision attaquée ne saurait être annulée pour ce
motif. La recourante met en évidence le rôle de simple transporteur de drogue
qu'elle aurait joué dans le trafic de stupéfiants mis en place par ses
coinculpés, de sorte qu'elle ne pourrait se voir condamnée à une peine
supérieure à une année. Elle perd de vue que l'art. 19 ch. 1 LStup énumère
les actes punissables, au nombre desquels figurent le transport et
l'importation de stupéfiants (al. 3), sans établir entre eux une quelconque
hiérarchie. Par ailleurs, même si, au stade de la fixation de la peine, le
rôle secondaire du transporteur doit être pris en compte (ATF 121 IV 202
consid. 2d/aa p. 204), rien ne permet d'affirmer que son cas échapperait à
l'application de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup, s'agissant de l'importation de
plus d'un kilo de cocaïne d'un taux de pureté supérieur à 70%. Vu la quantité
de drogue transportée et importée en Suisse, une peine supérieure au minimum
légal est envisageable; la cour cantonale n'a donc commis ni arbitraire, ni
violation de la liberté personnelle en considérant que la recourante était
exposée à une peine privative de liberté qui dépassait la durée de la
détention préventive subie à ce jour. Quant à l'éventualité de l'octroi du
sursis, fût-ce partiel, en application des art. 42 et 43 CP ou d'une
libération conditionnelle selon l'art. 86 CP, elle n'a pas à être prise en
compte pour juger de la proportionnalité de la détention préventive, les
circonstances particulières exigées par la jurisprudence pour imposer
exceptionnellement une solution différente n'étant pas réunies (cf. à ce
propos, arrêt 1P.27/2007 du 26 janvier 2007 consid. 3.5.2, s'agissant de la
libération conditionnelle; voir ATF 125 I 60 consid. 3d p. 64, en ce qui
concerne le sursis). De ce point de vue, le principe de la proportionnalité
est toujours respecté. Pour le surplus, la recourante ne prétend pas que la
procédure aurait connu des retards inadmissibles qui imposeraient sa
libération immédiate et il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner
d'office ce qu'il en est.

6.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Les conditions d'octroi de
l'assistance judiciaire dans la présente procédure étant réunies, il y a lieu
de statuer sans frais (art. 64 al. 1 LTF); Me Jean-Marie Crettaz est désigné
comme défenseur d'office de la recourante et une indemnité lui sera versée à
titre d'honoraires par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La recourante est mise au bénéfice de l'assistance judiciaire. Me Jean-Marie
Crettaz est désigné comme défenseur d'office et une indemnité de 1'500 fr.
lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal
fédéral.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante ainsi
qu'au Procureur général et à la Chambre d'accusation de la République et
canton de Genève.

Lausanne, le 4 juin 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: