Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.77/2007
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{T 0/2}
1B_77/2007 /col

Arrêt du 21 mai 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

A. ________,
recourant, représenté par Me Daniel Ph. Hofstetter, avocat,

contre

Ministère public de la Confédération,
Taubenstrasse 16, 3003 Berne,
Tribunal pénal fédéral, I. Cour des plaintes,
case postale 2720, 6501 Bellinzone.

refus de mise en liberté,

recours en matière pénale contre l'arrêt de la I. Cour des plaintes du 2
avril 2007.

Faits:

A.
A. ________, ressortissant algérien né en 1978, est en détention préventive
depuis le 12 mai 2006, sous l'inculpation de participation à une entreprise
criminelle, financement du terrorisme et vols en bande et par métier. Il lui
est reproché en substance d'avoir remis de l'argent volé au dénommé
B.________, lequel est soupçonné d'appartenir au "Groupe salafiste pour la
prédication et le combat" (GSPC), organisation terroriste algérienne.
Le 6 mars 2007, le Juge d'instruction fédéral (JIF) a rejeté une demande de
mise en liberté. Par arrêt du 2 avril 2007, la I. Cour des plaintes du
Tribunal pénal fédéral a écarté la plainte formée par A.________ contre cette
décision. Ses contacts fréquents avec B.________, son aide financière et
matérielle, les précautions qu'il prenait dans ses communications donnaient à
penser que les vols - qu'il reconnaissait avoir commis - s'inscrivaient dans
une perspective plus vaste que celle d'assurer sa propre subsistance. Le
risque de collusion subsistait, même si tous les co-inculpés du prévenu
avaient déjà été libérés: B.________ n'avait pas encore pu être entendu, les
commissions rogatoires décernées en octobre 2005 et février 2006 n'ayant pas
encore été exécutées en Algérie. Le risque de fuite était évident. Sous
l'angle de la proportionnalité, l'audition de B.________ devrait avoir lieu
dans un avenir proche, le JIF ayant relancé les autorités algériennes le 8
mars 2007. Il lui appartiendrait de suivre de près l'évolution de sa demande
d'entraide, de tout mettre en oeuvre pour en obtenir l'exécution dans les
meilleurs délais, et de statuer sur le sort du prévenu en fonction du
résultat de cette démarche.

B.
Par acte du 3 mai 2007, A.________ forme un recours en matière pénale. Il
conclut principalement à l'annulation de la décision du JIF et de l'arrêt du
TPF; subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à l'autorité
précédente pour nouvelle décision.
La Cour des plaintes se réfère à son arrêt. Le MPC conclut au rejet du
recours. Le recourant a ensuite requis l'assistance judiciaire; il a eu
l'occasion de répliquer.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt relatif au maintien du détenu en détention est une décision en
matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF. Emanant du Tribunal pénal
fédéral (art. 80 al. 1 LTF), il peut faire l'objet d'un recours en matière
pénale. Le recourant a qualité pour agir au sens de l'art. 81 al. 1 let. a
LTF; il a agi dans le délai de trente jours (art. 100 al. 1 LTF).

2.
Le recourant soutient qu'en dépit d'investigations considérables et après
douze mois de détention préventive, les soupçons de participation à une
organisation criminelle seraient insuffisants. Alors qu'il se savait
surveillé, il entretenait ouvertement des contacts avec des membres présumés
d'une organisation terroriste, de sorte que l'on ne pourrait parler de
dissimulation. Le recourant affirme que le produit de ses vols était destiné
à ses propres besoins. Rien ne permettrait d'affirmer qu'un montant de 7000
euros ait été versé à B.________ ou au GSPC; la référence sur ce point au
procès-verbal d'audition du 20 décembre 2006 procéderait d'une constatation
arbitraire des faits, cette somme ayant été destinée à son père.

2.1 Selon l'art. 44 PPF, l'inculpé peut faire l'objet d'un mandat d'arrêt
lorsqu'il existe des présomptions graves de culpabilité à son encontre.
Cette condition préalable à la détention préventive correspond à celle de
charges suffisantes au sens de l'art. 5 par. 1 let. c CEDH.

2.2 Rappelant les charges qui pèsent sur le recourant, la Cour des plaintes
mentionne les contacts fréquents avec B.________, soupçonné d'appartenance au
GSPC. Le recourant expliquait lui avoir remis de l'argent afin d'aider
financièrement un tiers (lui-même extradé vers l'Espagne pour participation à
une organisation criminelle), mais ces explications n'étaient pas crédibles,
notamment du point de vue chronologique. Le recourant ne conteste pas avoir
entretenu des contacts durant de longs mois avec B.________, qui lui avait
demandé de l'aide financière et matérielle pour le ravitaillement de
combattants. Même s'il conteste la destination du montant de 7250 euros, le
recourant ne nie pas que plusieurs transferts d'argent étaient bien destinés
à B.________. Il est également admis que le recourant prenait de nombreuses
précautions (langages codés, nombreux téléphones et cartes SIM) donnant à
penser que son activité n'était pas limitée à des vols commis pour sa propre
subsistance. A ce stade de l'enquête, et en attente d'éléments plus précis
qui pourraient provenir de la commission rogatoire en Algérie, les charges
peuvent être considérées comme suffisantes.

3.
Le recourant conteste ensuite l'existence d'un risque de collusion. Ses
co-inculpés ont tous été libérés, en particulier C.________ avec lequel il
entretenait une relation "d'élève à mentor". Il serait au surplus improbable
qu'interrogé par voie rogatoire, B.________ se mette en cause en admettant sa
participation à une organisation criminelle.

3.1 Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par l'intérêt
public lié aux besoins de l'instruction en cours. Tel est le cas, par
exemple, lorsqu'il est à craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à
profit pour faire disparaître ou altérer les preuves, ou qu'il prenne contact
avec des témoins ou d'autres prévenus pour tenter d'influencer leurs
déclarations (art. 44 al. 2 PPF). Ce risque doit, pour permettre à lui seul
le maintien en détention préventive, présenter une certaine vraisemblance
(ATF 123 I 31 consid. 3c p. 36, 117 Ia 257 consid. 4c p. 261); l'autorité
doit indiquer, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des
opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore
effectuer, et en quoi la libération du prévenu en compromettrait
l'accomplissement (cf. ATF 123 I 31 consid. 2b p. 33/34, 116 Ia 149 consid. 5
p. 152).

3.2 Ces conditions sont satisfaites en l'occurrence. En effet, la commission
rogatoire envoyée par le JIF en Algérie a pour but de vérifier les
affirmations du recourant quant à la destination de ses transferts de fonds.
Il s'agit là d'une question centrale, susceptible d'influer de manière
déterminante sur le sort de la procédure. Dans ces conditions, le risque
existe que le recourant ne profite d'une libération pour tenter d'influencer
les déclarations de ce témoin important. Même s'il est peu vraisemblable que
ce dernier reconnaisse sa participation à une organisation criminelle, il
pourrait en revanche être amené à confirmer la réception de sommes d'argent
provenant du recourant.

4.
Le recourant conteste le risque de fuite. Il estime avoir en Suisse un cercle
de relations sur lesquelles il peut compter. Une éventuelle condamnation pour
financement du terrorisme ne pourrait être que réduite, compte tenu des
sommes en jeu, soit selon lui quelques centaines de francs. Le recourant ne
dispose ni de papiers d'identité, ni d'argent. Des mesures de substitution
seraient envisageables.
En dépit de ces objections, le risque de fuite apparaît indéniable: le cercle
de relations dont le recourant prétend disposer n'a rien de comparable, sous
l'angle du risque de fuite, avec des liens familiaux ou professionnels
susceptibles de retenir le prévenu en Suisse. En outre, le recourant a fait
usage d'une fausse identité et a admis avoir caché son passeport chez un ami
en France, soit autant d'éléments permettant d'admettre un risque élevé de
fuite. Dans ces conditions, une mesure de substitution n'est pas
envisageable, en tout cas tant que demeure le risque de collusion.

5.
Invoquant le principe de la proportionnalité, le recourant estime qu'une
condamnation pour participation à une organisation criminelle ou financement
du terrorisme serait peu vraisemblable; les faibles sommes en jeu ne
permettraient en tout cas pas une condamnation à plus de douze mois
d'emprisonnement. On ne saurait admettre une prolongation de plusieurs mois
de la détention, en attente de l'exécution d'une commission rogatoire envoyée
en octobre 2005 déjà.
La Cour des plaintes n'a pas méconnu les exigences découlant du principe de
la proportionnalité. Elle a estimé que l'enquête était menée avec célérité,
ce que le recourant ne conteste pas. Au vu des charges qui pèsent sur lui, le
recourant pourrait s'attendre, en cas de condamnation, au prononcé d'une
peine supérieure à une année d'emprisonnement. Certes, compte tenu de la
prudence que doit s'imposer l'autorité de maintien en détention dans
l'évaluation de la peine susceptible d'être prononcée (ATF 124 I 208 consid.
6 p. 215), une prolongation de la détention du recourant pendant de nombreux
mois encore apparaîtrait problématique sous l'angle de la proportionnalité.
C'est donc à juste titre que la Cour des plaintes a exigé un suivi sérieux de
la demande d'entraide par le JIF; si une exécution dans un délai raisonnable
ne pouvait avoir lieu, il conviendrait alors d'y renoncer et d'en tirer les
conséquences quant à la détention du recourant. L'arrêt attaqué ne prête pas
non plus le flanc à la critique de ce point de vue.

6.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Le recourant a
demandé l'assistance judiciaire, et les conditions en paraissent réunies. Me
Hofstetter est désigné comme avocat d'office, rétribué par la caisse du
Tribunal fédéral. Le recourant est dispensé de l'émolument judiciaire (art.
64 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Daniel Ph. Hofstetter est
désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1500 fr. lui
est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Ministère public de la Confédération et au Tribunal pénal fédéral, I. Cour
des plaintes, ainsi qu'à l'Office des juges d'instruction fédéraux.

Lausanne, le 21 mai 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: