Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.63/2007
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{T 0/2}
1B_63/2007 /col

Arrêt du 11 mai 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aeschlimann, Reeb, Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Rittener.

A. ________,
recourant, représenté par Me Jean Lob, avocat,

contre

Ministère public du canton de Vaud,
case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal
8, 1014 Lausanne.

détention préventive,

recours en matière pénale contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal
cantonal du canton de Vaud
du 11 avril 2007.

Faits:

A.
Dans le cadre d'une instruction ouverte à la fin 2001 par le juge
d'instruction du canton de Vaud (ci-après: le juge d'instruction) pour
diverses escroqueries et faux dans les titres, les autorités françaises ont
arrêté A.________, qui a été détenu à titre extraditionnel du 29 janvier 2002
au 29 juillet 2003, avant d'être relaxé et placé sous contrôle judiciaire. Il
a ensuite été déclaré en fuite par les autorités françaises, de sorte que le
juge d'instruction a émis un mandat d'arrêt international. A.________ a été à
nouveau arrêté en France le 8 juillet 2005 et placé en détention
extraditionnelle jusqu'à sa remise aux autorités suisses le 25 septembre
2006. Depuis cette date, il est en détention préventive.

A. ________ a été inculpé d'escroquerie par métier, subsidiairement
escroquerie et tentative d'escroquerie, d'utilisation frauduleuse d'un
ordinateur, de faux dans les titres et de faux dans les certificats. Il est
soupçonné de faire partie d'une bande organisée pour commettre des
escroqueries et on lui reproche, en substance, d'avoir ouvert une douzaine de
comptes bancaires en utilisant des chèques et des documents d'identité volés
et falsifiés, encaissant ainsi plus de 500'000 fr. entre avril et novembre
2001. Le 28 mars 2007, A.________ a présenté une requête de mise en liberté
provisoire au juge d'instruction, qui l'a rejetée par ordonnance du 29 mars
2007. Constatant l'existence d'un risque de fuite et d'un danger de
réitération, ce magistrat a considéré que le maintien en détention préventive
de l'intéressé respectait le principe de la proportionnalité.

B.
A.________ a recouru contre cette ordonnance devant le Tribunal d'accusation
du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal).
Invoquant le principe de la proportionnalité, il se plaignait d'une durée
excessive de sa détention extraditionnelle et préventive, qui dépassait les
trois ans. Le Tribunal cantonal a rejeté le recours par arrêt du 11 avril
2007, considérant que la durée de la détention préventive - qui atteignait 38
mois en comptant la détention extraditionnelle - n'était pas excessive, dans
la mesure où la peine encourue par le prévenu était sensiblement supérieure.

C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cette décision et d'ordonner sa libération
provisoire. Il invoque les dispositions de droit cantonal régissant la
détention préventive ainsi que les art. 29 Cst. et 6 par. 1 CEDH. Il requiert
en outre l'assistance judiciaire gratuite. Le Tribunal cantonal et le
Ministère public ont renoncé à formuler des observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision attaquée ayant été rendue après le 1er janvier 2007, la loi
fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) est
applicable à la présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).

2.
Selon l'art. 78 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours contre les
décisions rendues en matière pénale. La notion de décision rendue en matière
pénale comprend toute décision fondée sur le droit pénal matériel ou sur le
droit de procédure pénale. En d'autres termes, toute décision relative à la
poursuite ou au jugement d'une infraction fondée sur le droit fédéral ou sur
le droit cantonal est en principe susceptible d'un recours en matière pénale
(Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale
du 28 février 2001, FF 2001 p. 4111). La voie du recours en matière pénale
est dès lors ouverte en l'espèce. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF)
contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui
touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1
let. a et b ch. 1 LTF), le recours est recevable.

3.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté
personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle
repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce
l'art. 59 du Code de procédure pénale vaudois du 12 septembre 1967 (CPP/VD).
Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe
de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p.
270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée
par un danger pour la sécurité ou l'ordre public, par un risque de fuite ou
par les besoins de l'instruction (cf. art. 59 ch. 1 à 3 CPP/VD). La gravité
de l'infraction - et l'importance de la peine encourue - n'est, à elle seule,
pas suffisante (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 70 consid. 4a).
Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des
charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 5 par. 1
let. c CEDH; ATF 116 Ia 144 consid. 3; art. 59 in initio CPP/VD). S'agissant
d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine
librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des
preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid.
2d p. 271; pour la définition de l'arbitraire, cf. art. 9 Cst. et ATF 131 I
217 consid. 2.1 p. 219; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 273 consid. 2.1
p. 275). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grande liberté dans
l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3; 112 Ia 162 consid. 3b).

4.
Le recourant ne conteste pas l'existence de charges suffisantes, ni celle des
risques de récidive et de fuite, mais il prétend que la durée de la détention
préventive est disproportionnée en regard de la peine qui pourrait être
prononcée à son encontre. Il se plaint également d'un manque de diligence
dans la conduite de la procédure pénale.

4.1 En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH, toute personne qui est
mise en détention préventive a le droit d'être jugée dans un délai
raisonnable ou d'être libérée pendant la procédure pénale. Une durée
excessive de la détention constitue une limitation disproportionnée de ce
droit fondamental, qui est notamment violé lorsque la durée de la détention
préventive dépasse la durée probable de la peine privative de liberté à
laquelle il faut s'attendre. Dans l'examen de la proportionnalité de la durée
de détention, il y a lieu de prendre en compte la gravité des infractions
faisant l'objet de l'instruction. Le juge peut maintenir la détention
préventive aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la
peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas
de condamnation (ATF 132 I 21 consid. 4.1 p. 27; 128 I 149 consid. 2.2 p.
151; 107 Ia 256 consid. 2 et 3 p. 257 ss et les références). Il convient
d'accorder une attention particulière à cette limite, car le juge de l'action
pénale pourrait être enclin à prendre en considération dans la fixation de la
peine la durée de la détention préventive à imputer selon l'art. 51 CP (cf.
ATF 124 I 208 consid. 6 p. 215; 116 Ia 143 consid. 5a p. 147; 107 Ia 256
consid. 2b p. 259). Selon la jurisprudence concordante du Tribunal fédéral et
de la Cour européenne des droits de l'homme, la proportionnalité de la durée
de la détention doit être examinée au regard de l'ensemble des circonstances
concrètes du cas d'espèce (ATF 132 I 21 consid. 4.1 p. 28; 124 I 208 consid.
6 p. 215; 123 I 268 consid. 3a p. 273 et les références).
La question de savoir si la détention extraditionnelle doit être prise en
considération dans l'appréciation de la proportionnalité de la durée de la
détention préventive n'a pas été tranchée de manière définitive par le
Tribunal fédéral. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme, la garantie de l'art. 5 par. 3 CEDH ne s'applique pas à la détention
extraditionnelle au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH mais seulement à la
détention visée par le paragraphe 1 let. c de cette disposition (arrêts de la
Cour européenne des droits de l'homme Quinn c. France, du 22 mars 1995, Série
A, vol. 311, par. 53; Bogdanovski c. Italie, du 14 décembre 2006, par. 59).
L'art. 5 par. 1 let. f CEDH impose toutefois implicitement aux autorités de
mener la procédure d'extradition avec diligence, sans quoi la détention cesse
d'être justifiée (arrêts précités Quinn c. France, par. 48, Bogdanovski c.
Italie, par. 59).
La Constitution fédérale ne prévoit pas de règles spéciales pour la détention
extraditionnelle. Dans la mesure où, selon la jurisprudence fédérale
précitée, les exigences déduites de l'art. 31 al. 3 Cst. tendent à éviter que
le juge de l'action pénale ne soit incité à prononcer une peine excessive
pour la faire coïncider avec la détention à imputer, il convient, de manière
générale, de prendre en considération toutes les périodes de détention qui
seront comptées dans cette imputation. Or, conformément aux art. 14 EIMP et
51 CP (art. 69 aCP), la détention extraditionnelle doit être imputée sur la
peine. La nouvelle partie générale du Code pénal - en vigueur depuis le 1er
janvier 2007 - prévoit à l'art. 51 CP que le juge impute sur la peine la
"détention avant jugement" subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui
vient d'être jugée ou d'une autre procédure, l'art. 110 al. 7 CP précisant
que la "détention avant jugement" comprend la détention en vue de
l'extradition. Par conséquent, il ne se justifie pas de traiter différemment
la détention préventive ordonnée pour les besoins de l'instruction ou pour
des motifs de sûreté et la détention extraditionnelle; celle-ci doit donc en
principe être prise en considération dans l'appréciation de la
proportionnalité au regard des exigences déduites de l'art. 31 al. 3 Cst.

4.2 En l'espèce, le recourant a été détenu à titre extraditionnel du
29 janvier 2002 au 29 juillet 2003 et du 8 juillet 2005 au 25 septembre 2006;
il est en détention préventive depuis lors. La durée totale de sa détention
était ainsi d'environ 38 mois au jour de la décision attaquée.
L'escroquerie par métier est passible d'une peine privative de liberté de 10
ans (art. 146 al. 2 CP). Contrairement à ce que soutient le recourant, la
peine à laquelle il pourrait être condamné ne devrait pas être une peine
complémentaire à celle prononcée le 18 octobre 2000, dès lors que les actes
délictueux dont il est soupçonné apparaissent postérieurs à cette date (art.
49 al. 2 CP; art. 68 ch. 2 aCP). Le recourant a reconnu les faits qui lui
sont reprochés en relation avec les accusations d'escroquerie et de faux dans
les titres pour lesquelles son extradition a été accordée. On lui reproche
principalement douze ouvertures de compte et des encaissements pour un total
de 550'650 francs. Ses antécédents sont défavorables, puisque par jugement du
18 octobre 2000, le Tribunal d'arrondissement VIII de Berne Laupen l'a
condamné, pour escroquerie par métier et faux dans les titres notamment, à
une peine de 27 mois d'emprisonnement sous déduction de 536 jours de
détention préventive et à l'expulsion pour une durée de 8 ans. Cette dernière
condamnation ne l'a pas dissuadé de revenir en Suisse pour récidiver peu de
temps après sa libération conditionnelle le 3 novembre 2000. En effet, le 11
mai 2001 déjà, il ouvrait trois comptes bancaires à Viège, Sierre et
Martigny, sous trois identités différentes.
Les antécédents largement défavorables de l'intéressé ainsi que le caractère
professionnel et répétitif de son activité délictueuse sont susceptibles de
lui valoir une peine relativement sévère. De même, le peu de cas qu'il a fait
de la décision d'expulsion pour une durée de 8 ans et sa fuite au terme de la
première période de détention extraditionnelle dénotent un caractère peu
enclin à se soumettre aux décisions de justice, ce qui ne lui sera pas
favorable non plus dans le cadre de la fixation de la peine. En définitive,
la durée de la détention préventive subie à ce jour par le recourant est
certes importante, mais elle reste en-deçà de la peine à laquelle il
s'expose, de sorte que le principe de la proportionnalité est encore
respecté. Cela étant, la durée de détention apparaît proche du maximum
admissible au regard de ce principe. Selon l'arrêt attaqué, l'enquête est sur
le point d'être close; afin de respecter le principe de proportionnalité, les
autorités cantonales devront donc se montrer particulièrement diligentes et
faire en sorte que le recourant soit jugé dans les meilleurs délais.

4.3 L'incarcération peut aussi être disproportionnée en cas de retard
injustifié dans le cours de la procédure pénale (ATF 128 I 149 consid. 2.2.1
p. 151 s.; 123 I 268 consid. 3a p. 273; 116 Ia 147 consid. 5a, 107 Ia 257
consid. 2 et 3). Il doit toutefois s'agir d'un manquement particulièrement
grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus
en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable (ATF 128
I 149 consid. 2.2.1 p. 151 s.). En l'occurrence, le recourant se plaint
sommairement d'un manque de diligence dans la conduite de la procédure mais
il n'invoque pas de manquements précis. Il est dès lors douteux que ce grief
réponde aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF. Il ne ressort au
demeurant pas du dossier que les autorités d'instruction auraient
particulièrement manqué de diligence, étant précisé qu'on ne saurait leur
reprocher une quelconque lenteur de la procédure en raison de la détention
extraditionnelle subie à l'étranger, la fuite du recourant n'étant du reste
pas sans incidence sur la durée de celle-ci. Pour le surplus, si les
injonctions données au considérant précédent sont respectées, il n'apparaît
en l'état pas exclu que la procédure puisse être menée à chef dans un délai
encore raisonnable.

5.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Dès lors que le recourant est
dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à
l'échec, l'assistance judiciaire doit lui être accordée (art. 64 al. 1 LTF).
Le recourant requiert la désignation de Me Jean Lob en qualité d'avocat
d'office. Il y a lieu d'accéder à cette requête et de fixer d'office les
honoraires de l'avocat, qui seront supportés par la caisse du Tribunal
fédéral (art. 64 al. 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Me Jean Lob, avocat à Lausanne, est désigné comme avocat d'office du
recourant et ses honoraires, supportés par la caisse du Tribunal fédéral,
sont fixés à 1'500 fr.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Ministère public et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton
de Vaud.

Lausanne, le 11 mai 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: