Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.306/2007
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1B_306/2007

Arrêt du 28 janvier 2008
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Christian Favre, avocat,

contre

Ministère public de la Confédération,
Antenne Lausanne, avenue des Bergières 42,
case postale 334, 1000 Lausanne 22,
Office des juges d'instruction fédéraux,
rue du Mont-Blanc 4, case postale 1795,
1201 Genève.

refus de restitution d'une pièce d'identité,

recours contre l'arrêt de la Ire Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral
du 29 novembre 2007.

Faits:

A.
A. ________, ressortissant russe né le 17 avril 1957, a été arrêté le 8 uin
2005 et placé en détention préventive dans le cadre d'une enquête de police
judiciaire ouverte le 15 octobre 2004 contre lui, son frère B.________ et
C.________ par le Ministère public de la Confédération pour blanchiment
d'argent. Il leur est reproché d'avoir reçu et écoulé des valeurs
patrimoniales provenant de détournements de fonds publics commis en Russie
dès 1995 par D.________, lequel s'était vu confier, en sa qualité de
directeur général de la société G.________, d'importants travaux de
construction en relation avec l'aménagement de la ceinture autoroutière de la
ville de Moscou. Ce dernier aurait établi et signé des contrats de
sous-traitance fictifs avec plusieurs sociétés et des protocoles de travaux
fictifs. Les fonds ainsi détournés, estimés à quelque 103 milliards de
roubles, auraient été transférés sur le compte de la société E.________
ouvert auprès d'une banque moscovite, puis reversés en partie sur des comptes
notamment détenus par les frères A.________ et B.________ auprès de la banque
X.________, à Genève. Le 27 janvier 2006, le Tribunal municipal de Reutov de
la Région de Moscou a reconnu entre autres D.________ coupable d'escroquerie,
de spoliation des biens d'autrui ou d'acquisition des droits aux biens
d'autrui par des manoeuvres frauduleuses et abus de confiance à grande
échelle, en relation avec ces faits, et l'a condamné à une peine privative de
liberté d'un an et 23 jours. Ce jugement a été annulé le 27 mars 2006 par la
Chambre criminelle du Tribunal régional de Moscou sur recours du condamné et
la cause renvoyée au tribunal de première instance pour nouvel examen.
Celle-ci est toujours pendante.
Le 24 mai 2006, le Juge d'instruction fédéral a ordonné la libération
provisoire de A.________ moyennant le versement d'un montant de 600'000 fr.
sous forme de garantie bancaire, le dépôt des pièces d'identité valables et
la signature d'une élection de domicile en l'étude de son conseil. Ayant
satisfait à ces exigences, l'intéressé a été libéré le 24 juillet 2006.
Le 28 août 2006, A.________ a sollicité la restitution de son passeport pour
une durée de 30 jours afin de se rendre en Europe et rétablir les relations
d'affaires avec les partenaires commerciaux de la société F.________, dont
l'activité constituerait son unique source de revenus. Le Juge d'instruction
fédéral a écarté cette demande le 6 septembre 2006. La Cour des plaintes du
Tribunal pénal fédéral a rejeté la plainte formée par A.________ contre cette
décision par arrêt du 25 octobre 2006. Le Tribunal fédéral a confirmé cet
arrêt le 3 janvier 2007 sur recours de l'intéressé (cause 1S.28/2006).
Le 19 juillet 2007, A.________ a demandé à ce que la saisie de son passeport
soit levée et remplacée par une astreinte à se présenter tous les 30 jours au
poste de police de son domicile ou auprès de toute autre autorité. Le Juge
d'instruction fédéral a rejeté cette requête au terme d'une décision prise le
16 août 2007 que A.________ a vainement contestée auprès de la Ire Cour des
plaintes du Tribunal pénal fédéral.

B.
Le 27 décembre 2007, A.________ a déposé un recours en matière pénale contre
l'arrêt rendu par cette autorité le 29 novembre 2007. Il demande au Tribunal
fédéral de lever le blocage de ses papiers d'identité et de remplacer cette
mesure par une astreinte à se présenter périodiquement, à tout le moins dans
les 30 jours, au poste de police de son domicile. Il dénonce une atteinte
disproportionnée à sa liberté personnelle ancrée à l'art. 10 al. 2 Cst. et au
respect de sa vie privée protégé par l'art. 8 CEDH. Il se plaint d'une
violation des principes de la proportionnalité et de la célérité garantis aux
art. 31 al. 3, 36 al. 3 Cst. et 5 § 3 CEDH ainsi que de son droit d'être
entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst.
La Ire Cour des plaintes et le Ministère public de la Confédération ont
renoncé à formuler des observations. Le Juge d'instruction fédéral conclut au
rejet du recours.

A. ________ a répliqué.

Considérant en droit:

1.
La saisie d'un passeport comme alternative à la détention préventive motivée
essentiellement par un risque de fuite est une mesure de contrainte au sens
de l'art. 79 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS
173.110). L'arrêt de la Ire Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral qui
refuse de remplacer une telle mesure par une astreinte à se présenter
périodiquement au poste de police peut dès lors être porté devant le Tribunal
fédéral par la voie du recours en matière pénale selon les art. 78 ss LTF. Le
recourant a qualité pour agir au sens de l'art. 81 al. 1 let. a LTF. Les
autres conditions de recevabilité du recours sont au surplus réunies.

2.
Le recourant voit une atteinte inadmissible et disproportionnée à sa liberté
personnelle et à sa vie privée dans le refus de lever la mesure de blocage de
son passeport au profit d'une obligation de se présenter périodiquement au
poste de police de son lieu de domicile.

2.1 La confiscation de papiers d'identité représente une restriction à la
liberté personnelle garantie à l'art. 10 al. 2 Cst. dès lors qu'elle a pour
effet de circonscrire le droit de leur détenteur de circuler librement aux
limites du territoire helvétique. Elle peut, dans certaines circonstances,
également constituer une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la
vie privée garanti à l'art. 8 CEDH. Elle n'est admissible qu'à la triple
condition de reposer sur une base légale, de répondre à un intérêt public et
de respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst.; art.
12 al. 3 Pacte ONU II); par ailleurs, la liberté personnelle, en tant
qu'institution fondamentale de l'ordre juridique, ne saurait être
complètement supprimée ou vidée de son contenu par les restrictions légales
qui peuvent lui être apportées dans l'intérêt public (art. 36 al. 4 Cst.; ATF
133 I 27 consid. 3.1 p. 28/29).
Dans l'arrêt rendu le 3 janvier 2007 dans la même cause, le Tribunal fédéral
a jugé que la saisie du passeport ou des papiers d'identité était admissible,
en dépit du fait qu'elle n'était pas expressément prévue par la procédure
pénale fédérale, en tant qu'elle emporte une atteinte moins grave à la
liberté personnelle que la détention préventive (consid. 3.2). Il a par
ailleurs précisé que, s'agissant d'une mesure alternative à l'incarcération
du prévenu, elle supposait la persistence d'un motif de détention préventive
(consid. 3.3).
2.2 Le recourant soutient que le risque de fuite se serait atténué dans une
mesure telle que la saisie de ses pièces d'identité et la restriction qu'elle
emporte à sa liberté de mouvement ne se justifierait plus, mais qu'elle
pourrait être remplacée par une obligation de se présenter périodiquement au
poste de police de son domicile. Il reproche à la Ire Cour des plaintes
d'avoir violé son droit d'être entendu en se limitant à un contrôle sommaire
du respect du principe de la proportionnalité et en ne se prononçant pas sur
tous les moyens qu'il avait soulevés.
La Ire Cour des plaintes a rejeté la plainte par une motivation claire et
précise qui permettait au recourant de comprendre les raisons pour lesquelles
elle a confirmé la décision du Juge d'instruction fédéral et l'attaquer en
connaissance de cause. On rappellera au surplus que le devoir de l'autorité
de motiver ses décisions, tel qu'il découle de l'art. 29 al. 2 Cst., porte
sur les éléments qui lui paraissent pertinents pour l'issue de la cause et ne
s'étend pas à l'ensemble des arguments invoqués par les parties (ATF 133 I
270 consid. 3.1 p. 277; 130 II 530 consid. 4.3 p. 540; 129 I 232 consid. 3.2
p. 236). Le recourant n'indique d'ailleurs pas précisément les points qu'il
tenait pour décisifs pour l'issue du litige et sur lesquels la Ire Cour des
plaintes aurait omis de s'exprimer. Le grief de violation du droit d'être
entendu est donc infondé.
Le temps écoulé depuis le précédent arrêt rendu sur le même objet par le
Tribunal fédéral le 3 janvier 2007 ne suffit pas pour retenir que le risque
de fuite aurait disparu ou qu'il aurait diminué au point de le faire
apparaître comme suffisamment ténu pour admettre qu'une astreinte à se
présenter régulièrement auprès d'un poste de police constituerait une
garantie appropriée que le recourant ne quittera pas définitivement la Suisse
et qu'il assistera aux actes d'instruction et, le cas échéant, à l'audience
de jugement. Il en va de même du fait que le recourant ait toujours répondu
aux convocations du Juge d'instruction fédéral depuis sa libération
provisoire (cf. ATF 133 I 27 consid. 3.3 p. 31). Le fait que le jugement de
première instance rendu en Russie, condamnant les auteurs des prétendus
détournements de fonds qui auraient alimenté les comptes bancaires du
recourant auprès du Crédit Suisse à Genève, ait été cassé n'est pas davantage
de nature à apprécier le risque de fuite d'une autre manière que celle
retenue dans le précédent arrêt. Il ne ressort en effet nullement des
considérants du jugement de cassation que l'auteur principal présumé des
détournements de fonds, D.________, aurait été acquitté. La cause a au
contraire été renvoyée pour nouvel examen au tribunal de première instance.
Dans ces conditions, on ne saurait dire que les charges qui pèsent sur le
recourant se seraient affaiblies et que le risque de fuite n'existerait plus
ou qu'il se serait atténué au point de faire apparaître la saisie de son
passeport comme une mesure inutile ou disproportionnée. Si l'on en croit le
Juge d'instruction fédéral, elles se seraient au contraire précisées et
consolidées au vu des résultats des analyses financières entreprises.
Le recourant n'allègue au surplus aucun motif qui commanderait de lui
restituer sans délai ses papiers d'identité pour lui permettre de quitter le
territoire helvétique et de se déplacer librement à l'étranger. S'il
invoquait à cet égard devant la Ire Cour des plaintes la nécessité de se
rendre personnellement à l'étranger pour assurer la viabilité de son
entreprise de transports, il ne reprend plus cet argument devant la cour de
céans pour justifier la restitution de ses papiers d'identité. Dans le
précédent arrêt, le Tribunal fédéral avait tenu pour décisif le fait que les
contacts nécessaires avec les partenaires commerciaux étrangers de F.________
pouvaient parfaitement être entretenus ou renoués par le fils du recourant,
également employé au sein de cette société, dont la liberté de mouvement
n'est pas restreinte. Le recourant n'a fourni aucun élément qui permettrait
de revenir sur cette appréciation. Compte tenu du risque persistant de fuite,
l'autorité intimée était en droit de refuser de voir dans ce motif une raison
suffisante pour substituer à la saisie des papiers d'identité du recourant
une mesure moins grave, comme l'obligation pour celui-ci de se présenter au
poste de police, qui lui permettrait de se rendre sans entrave dans son pays
d'origine.

2.3 Le recourant semble également se plaindre, sous l'angle de la
proportionnalité, du fait que l'instruction aurait été suspendue sans motif
pendant plus de sept mois et qu'il ne pourra vraisemblablement pas être
renvoyé prochainement en jugement si l'on devait persister à attendre l'issue
de la procédure pénale conduite en Russie contre l'auteur principal présumé
des détournements de fonds qu'il aurait prétendument blanchis.
Le principe de célérité impose aux autorités de mener la procédure pénale
sans désemparer, dès le moment où l'accusé est informé des soupçons qui
pèsent sur lui, afin de ne pas le maintenir inutilement dans l'angoisse (ATF
133 IV 158 consid. 8 p. 170). Le caractère raisonnable de la durée d'une
procédure pénale s'apprécie selon les circonstances particulières de la
cause, eu égard à la complexité de l'affaire, aux comportements du prévenu et
des autorités compétentes, ainsi qu'à l'enjeu du litige pour celui-ci (ATF
130 I 269 consid. 3.1 p. 273 et les références citées). Comme on ne peut pas
exiger de l'autorité pénale qu'elle s'occupe constamment d'une seule et
unique affaire, il est inévitable qu'une procédure comporte quelques temps
morts. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est
l'appréciation d'ensemble qui prévaut; des périodes d'activités intenses
peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de
côté en raison d'autres affaires (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3 p. 56). Seul un
manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que
l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef
dans un délai raisonnable, pourrait conduire à la levée immédiate de la
saisie du passeport du recourant. En cas de retard de moindre gravité, des
injonctions particulières peuvent être données, comme par exemple la fixation
d'un délai maximum pour clore l'instruction (cf. ATF 128 I 149 consid. 2.2
p. 151/152).
La procédure n'a certes pas connu d'évolution significative entre la
notification de l'arrêt de la cour de céans du 3 janvier 2007 et la demande
de levée de la saisie du passeport que le recourant a déposée le 19 juillet
2007. On ne saurait pour autant en déduire que le Juge d'instruction fédéral
se serait borné à attendre que les autorités pénales russes aient statué à
nouveau après l'annulation du jugement de condamnation du 27 janvier 2006 et
le renvoi de la cause au tribunal de première instance pour nouvel examen.
Selon les explications fournies à l'appui de sa décision négative du 16 août
2007 et de ses déterminations du 14 septembre 2007, il attendait également le
résultat d'analyses financières complémentaires à celle rendue le 5 juillet
2006 portant sur l'ensemble des comptes bancaires en Suisse visés par
l'instruction ainsi que sur l'utilisation des fonds présumés avoir été
détournés au préjudice de l'Etat russe. Le recourant ne prétend pas que ces
mesures d'instruction seraient dénuées de toute pertinence. L'expert
financier a rendu en date du 21 novembre 2007 son rapport relatif à l'analyse
des comptes bancaires suisses et devrait rendre son rapport portant sur
l'utilisation des avoirs présumés illicites au cours du premier trimestre
2008. D'autres mesures d'instruction ont en outre été ordonnées dans le
dernier trimestre 2007. Le Juge d'instruction fédéral relève enfin dans ses
observations que l'instruction se trouve dans sa phase conclusive et qu'un
renvoi du dossier au Ministère public de la Confédération apparaît probable
dans le courant de l'année 2008. Cela étant, on ne se trouve pas dans une
situation où la clôture de la procédure ou la levée immédiate de la saisie du
passeport du recourant s'imposerait d'emblée parce que l'issue de la
procédure serait indéterminée (cf. arrêt 1P.623/2002 du 6 mars 2003 consid.
2.3 reproduit à la Pra 2003 n° 207 p. 1129) ou parce que le principe de la
célérité aurait d'une autre manière été violé.

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais du recourant qui
succombe (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du
recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Ire Cour des plaintes du
Tribunal pénal fédéral.

Lausanne, le 28 janvier 2008

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Féraud Parmelin