Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.304/2007
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1B_304/2007

Arrêt du 21 janvier 2008
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Rittener.

A. ________,
recourant, représenté par Me Sébastien Pedroli, avocat,

contre

Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.

refus de mise en liberté,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de
cassation pénale, du 3 décembre 2007.

Faits:

A.
Par jugement du 30 octobre 2007, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a condamné A.________ -
ressortissant de Serbie et Montenegro et ayant obtenu la nationalité suisse
par sa naturalisation en 2003 - à sept ans de réclusion, sous déduction de
trente-sept jours de détention préventive, pour infraction grave à la loi
fédérale sur les stupéfiants. Il a également révoqué un sursis qui lui avait
été accordé en 2003 et ordonné l'exécution de la peine de vingt jours
d'emprisonnement y relative. Enfin, il a ordonné l'arrestation immédiate du
prénommé, qui a été placé en détention à l'issue de l'audience de jugement.
Cette arrestation était motivée par le risque que le condamné prenne la fuite
pour se soustraire à l'exécution de sa peine.

A. ________ a recouru contre ce jugement le 2 novembre 2007 et il a déposé
une demande de mise en liberté provisoire le 5 novembre 2007 auprès du
Président de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de
Vaud. Rejetant cette requête par arrêt du 12 novembre 2007, ce magistrat a
considéré en substance qu'un risque de fuite était avéré en raison des
nombreuses attaches de A.________ avec le Kosovo. Son attitude de déni et la
lourde condamnation prononcée à son encontre faisaient également craindre
qu'il ne cherche à se soustraire à l'exécution de sa peine.

B.
A.________ a recouru contre cette décision auprès de la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal
cantonal). Il niait l'existence d'un risque de fuite et se plaignait du fait
que l'on n'ait pas ordonné des mesures moins incisives que la détention,
comme par exemple le dépôt de son passeport ou le versement de sûretés. Le
Tribunal cantonal a rejeté le recours par arrêt du 3 décembre 2007,
considérant avec le premier juge que le danger de fuite était suffisamment
concret et vraisemblable pour justifier le maintien de l'intéressé en
détention préventive. Il relevait en outre que cette mesure respectait le
principe de la  proportionnalité.

C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au
Tribunal fédéral de modifier cet arrêt dans le sens d'une mise en liberté
immédiate, subsidiairement d'une mise en liberté immédiate aux conditions
émises par l'autorité compétente. Invoquant les art. 5 par. 3 CEDH et 31
Cst., il soutient que sa détention ne peut pas être justifiée par l'existence
d'un risque de fuite. Il requiert en outre l'octroi de l'assistance
judiciaire. Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de son arrêt. Le
Procureur général du canton de Vaud conclut au rejet du recours. Interpellé,
le recourant a renoncé à formuler des observations complémentaires.

Considérant en droit:

1.
Selon l'art. 78 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours contre les
décisions rendues en matière pénale. La notion de décision rendue en matière
pénale comprend toute décision fondée sur le droit pénal matériel ou sur le
droit de procédure pénale. En d'autres termes, toute décision relative à la
poursuite ou au jugement d'une infraction fondée sur le droit fédéral ou sur
le droit cantonal est en principe susceptible d'un recours en matière pénale
(Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale
du 28 février 2001, FF 2001 p. 4111; arrêt 1B_84/2007 du 11 septembre 2007,
consid. 2 destiné à la publication). La voie du recours en matière pénale est
dès lors ouverte en l'espèce. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF)
contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui
touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1
let. a et b ch. 1 LTF), le recours est recevable.

2.
La détention actuellement subie par le recourant a été ordonnée au terme du
jugement de condamnation, sur la base de l'art. 370 al. 2 du Code de
procédure pénale vaudois du 12 septembre 1967 (CPP/VD). Cette disposition
permet au tribunal de prendre toute décision dictée par les circonstances de
la cause, notamment celle de faire arrêter le condamné. Il s'agit donc d'une
détention de sûreté ("Sicherheitshaft"), ordonnée après le prononcé d'une
peine mais avant la décision de l'autorité cantonale d'opposition ou de
recours. Dès lors que cette mesure restreint la liberté personelle, elle
répond aux mêmes exigences que la détention préventive (cf. arrêts
1P.814/2006 du 12 décembre 2006 consid. 4; 1P.105/2005 du 10 mars 2005
consid. 1.1).
2.1 Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté
personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle
repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce
les art. 59 et 370 al. 2 CPP/VD. Elle doit en outre correspondre à un intérêt
public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3
Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la
privation de liberté doit être justifiée par un danger pour la sécurité ou
l'ordre public, par un risque de fuite ou par les besoins de l'instruction
(cf. art. 59 ch. 1 à 3 CPP/VD). La gravité de l'infraction - et l'importance
de la peine encourue - n'est, à elle seule, pas suffisante (ATF 125 I 60
consid. 3a p. 62; 117 Ia 70 consid. 4a). Préalablement à ces conditions, il
doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de
sérieux soupçons de culpabilité (art. 5 par. 1 let. c CEDH; ATF 116 Ia 144
consid. 3; art. 59 in initio CPP/VD). S'agissant d'une restriction grave à la
liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions,
sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle
restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271). L'autorité
cantonale dispose ainsi d'une grande liberté dans l'appréciation des faits
(ATF 114 Ia 283 consid. 3, 112 Ia 162 consid. 3b).

2.2 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne
résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en
considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne
s'écarte de la solution retenue en dernière instance cantonale que si elle
est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le
sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de
la décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans
son résultat (ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153; 132 I 13 consid. 5.1 p. 17;
131 I 217 consid. 2.1 p. 219; 129 I 173 consid. 3.1 p. 178). En matière
d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas
en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la
décision ou lorsqu'elle tire des constatations insoutenables des éléments
recueillis (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41).

3.
Le recourant ne remet pas en cause l'existence de charges suffisantes, mais
il conteste l'existence d'un risque de fuite.

3.1 Le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères
tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens
avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font
apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable
(ATF 117 Ia 69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). La gravité de
l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la
détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en
raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60
consid. 3a p. 62; 117 Ia 69 consid. 4a p. 70, 108 Ia 64 consid. 3 p. 67). Le
fait que l'extradition du prévenu puisse être obtenue n'est pas déterminant
(ATF 123 I 31 consid. 3d p. 36 s.).
3.2 En l'occurrence, le Tribunal cantonal a retenu que l'attitude du
recourant et les propos qu'il a tenus lors des débats démontrent qu'il
n'envisage pas de se soumettre à une condamnation. De plus, le fait que le
jugement de première instance ait été rendu renforce la probabilité de le
voir purger une peine privative de liberté, nonobstant le recours déposé
contre cette condamnation. Compte tenu de la lourde peine à laquelle il a été
condamné, l'autorité intimée a en outre considéré que les attaches du
recourant en Suisse n'apparaissaient pas suffisantes pour le dissuader de
prendre la fuite. De plus, l'intéressé avait conservé de nombreux liens avec
son pays d'origine, où vivent cinq de ses frères et soeurs, où il possède une
maison en construction et où il est copropriétaire de la maison familiale.

3.2.1 le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis
par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à
l'art. 105 al. 2 LTF. Cette disposition lui donne la faculté de rectifier ou
compléter d'office l'état de fait de l'arrêt attaqué dans la mesure où des
lacunes ou erreurs dans l'établissement de celui-ci lui apparaîtraient
d'emblée comme manifestes. Quant au recourant, il ne peut critiquer la
constatation de faits importants pour le jugement de la cause que si ceux-ci
ont été constatés en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de
manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), c'est-à-dire arbitraire
(cf. Message précité, FF 2001 p. 4135; pour une définition de l'arbitraire
cf. supra consid. 2.2), ce qu'il lui appartient de démontrer par une
argumentation répondant aux exigences de l'art. 42 al. 2 LTF, respectivement
de l'art. 106 al. 2 LTF (arrêt 1C_64/2007 du 2 juillet 2007 consid. 5.1).
En l'espèce, le recourant ne se plaint pas explicitement d'une appréciation
arbitraire des faits. Il se limite à contester certains points, à alléguer
des faits différents de ceux qui ont été retenus par l'autorité intimée et à
donner sa propre appréciation. Il lui appartenait pourtant de démontrer,
conformément aux exigences d'allégation et de motivation susmentionnées, en
quoi le Tribunal cantonal aurait constaté ou apprécié les faits de manière
arbitraire. Quoi qu'il en soit, les éléments constatés et leur appréciation
n'apparaissent pas d'emblée comme étant manifestement insoutenables, de sorte
qu'il y a lieu de statuer sur la base des faits établis par l'autorité
précédente.

3.2.2 S'agissant de l'appréciation du risque de fuite, le Tribunal cantonal
ne saurait être suivi lorsqu'il reproche à l'intéressé son attitude aux
débats devant le Tribunal correctionnel. En effet, le fait de clamer son
innocence avec une certaine véhémence peut s'inscrire dans la logique du
procès pénal et ne saurait dénoter à lui seul une réelle volonté de se
soustraire à l'exécution de la peine encourue. Cela étant, sur le vu des
autres éléments de fait, le Tribunal cantonal a considéré à juste titre que
le risque de voir le recourant prendre la fuite était suffisamment concret et
vraisemblable.
Il est vrai que le recourant vit en Suisse depuis de nombreuses années, qu'il
a obtenu la nationalité suisse en 2003 et que ses trois enfants vivent dans
notre pays. Il convient toutefois de relever que deux de ses enfants ne
vivent pas avec lui, mais avec son ex-épouse. De plus, comme l'a relevé
l'autorité intimée, les contacts du recourant avec ses enfants seraient de
toute manière limités par la longue période de détention qu'il encourt. De
manière générale, il y a lieu de craindre que la perspective d'une peine
privative de liberté de longue durée n'amène le recourant à faire certains
sacrifices pour y échapper. Même si elle n'est pas définitive, sa
condamnation à sept ans de réclusion en première instance a rendu plus
concrète pour lui la probabilité de devoir purger une longue peine privative
de liberté. A cet égard, c'est en vain que le recourant se prévaut du fait
qu'il n'a pas tenté de fuir et qu'il s'est présenté à la lecture du jugement
de première instance. En effet, s'il espérait un acquittement avant ce
prononcé, il sait désormais que cela sera plus difficile à obtenir après que
l'autorité de jugement a procédé à l'appréciation des preuves conduisant à
l'établissement des faits. Enfin, les liens du recourant avec le Kosovo sont
bien réels, de sorte qu'il ne paraît pas déraisonnable pour lui d'envisager
de vivre dans son pays d'origine, où demeurent encore cinq de ses frères et
soeurs, où il possède une maison en construction et où il peut toujours
séjourner dans la maison familiale dont il est copropriétaire.
Ainsi, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les liens qui unissent le
recourant à la Suisse ne paraissent pas suffisants pour le retenir de quitter
notre pays afin d'échapper à la justice, si bien que ce premier grief doit
être rejeté.

4.
Le recourant reproche également à l'autorité intimée de n'avoir pas remplacé
la détention par d'autres mesures propres selon lui à parer au danger de
fuite, à savoir le dépôt de son passeport et le versement de sûretés. Il se
plaint donc implicitement d'une violation du principe de proportionnalité.
Faute d'avoir formulé un grief clair à cet égard, ses critiques sont
toutefois irrecevables. Il convient au demeurant de relever qu'au vu de
l'importance de la peine privative de liberté prononcée en première instance,
le dépôt du passeport n'est clairement pas suffisant. De plus, on voit mal
comment l'intéressé pourrait fournir des sûretés suffisantes, puisqu'il
allègue lui-même qu'il n'a aucune ressource financière.

5.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa
recevabilité. Dès lors que le recourant est dans le besoin et que ses
conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, l'assistance
judiciaire doit lui être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant requiert
la désignation de Me Sébastien Pedroli en qualité d'avocat d'office. Il y a
lieu de donner droit à cette requête et de fixer d'office les honoraires de
l'avocat, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al.
2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Me Sébastien Pedroli, avocat à Fribourg, est désigné comme avocat d'office du
recourant et ses honoraires, supportés par la caisse du Tribunal fédéral,
sont fixés à 1500 fr.

5.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Procureur
général et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale.

Lausanne, le 21 janvier 2008

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Féraud Rittener