Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.271/2007
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2007
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2007


1B_271/2007

Arrêt du 26 février 2008
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

A. ________ et B.________,
C.________,
Communauté des propriétaires d'étages de l'immeuble H.________,
D.________,
recourants, représentés par Me Raphaël Reinhardt, avocat,

contre

E.________,
intimé, représenté par Me François Besse, avocat,
Procureur général du canton de Genève,
case postale 3565, 1211 Genève 3.

procédure pénale, saisie conservatoire,

recours contre l'ordonnance de la Cour de justice du canton de Genève,
Chambre d'accusation, du 24 octobre 2007.

Faits:

A.
Le 24 juin 2000, le Juge d'instruction du canton de Genève a inculpé
E.________ de gestion fautive; il lui était reproché de s'être enrichi au
préjudice de la société F.________, dont il présidait le conseil
d'administration, alors que cette société était surendettée depuis 1997. La
faillite avait été prononcée le 22 mai 2000. Le 1er janvier 1999, E.________
avait acquis un lot de copropriété par étages relatif à un immeuble à
Verbier, d'une valeur estimée à un million de francs. Le 12 juin 2001, le
Juge d'instruction ordonna la saisie conservatoire de ce bien.
A la requête du créancier D.________, l'immeuble a fait l'objet d'une saisie
par l'Office des poursuites et faillites du Val d'Entremont, puis d'une vente
le 7 mars 2006. Le 9 mars 2006, le Juge d'instruction autorisa le versement
de 645'000 fr. à la banque X.________, qui était au bénéfice d'une obligation
hypothécaire en premier rang et dont la créance était antérieure à la saisie.
Il a également autorisé le versement de 833,75 fr. à la commune de Bagnes,
représentant les impôts fonciers pour 1999, 2004, 2005 et 2006. Le solde du
produit de la vente, soit 742'341,75 fr., est demeuré bloqué.
Le 17 avril 2007, A.________ et B.________, C.________, G.________, la
Communauté des propriétaires d'étages de l'immeuble "H.________" ainsi que
D.________, créanciers ayant participé à la saisie de l'immeuble, ont demandé
la levée de la saisie pénale. Ils relevaient que celle-ci durait depuis 6 ans
et que l'immeuble n'avait manifestement pas été acquis au moyen de fonds
détournés. Ils se prévalaient en outre de l'égalité entre les créanciers,
compte tenu de la libération au bénéfice de la banque X.________ et de la
commune de Bagnes, y compris pour les intérêts et les impôts postérieurs à la
date de la saisie. Le Juge d'instruction rejeta cette demande le 4 juin 2007.

B.
Par ordonnance du 24 octobre 2007, la Chambre d'accusation a déclaré
irrecevable, subsidiairement infondé, le recours formé par les créanciers
précités. La qualité pour recourir était, selon le droit cantonal, réservée
aux tiers saisis; or les recourants, créanciers gagistes, n'étaient pas pour
autant titulaires des fonds litigieux. Les recourants n'étaient pas concernés
par la procédure puisque leurs créances étaient postérieures à la saisie
pénale et à la faillite de la société F.________. Ils ne subissaient pas de
préjudice en raison du séquestre; en particulier, ils ne pouvaient se
plaindre de la durée de la mesure car leurs prétentions n'avaient été
établies qu'en 2005, la consignation du produit de la vente forcée n'ayant eu
lieu qu'en mars 2006. Il n'y avait pas d'inégalité entre créanciers: la
banque X.________ disposait d'une créance hypothécaire antérieure au
séquestre; même si la remise de fonds à la commune de Bagne pour les impôts
2004-2006 était injustifiée, elle ne portait que sur 696 fr. et ne permettait
pas d'exiger la même erreur en faveur des recourants. Sur le fond,
l'éventuelle provenance licite des fonds utilisés pour l'acquisition de
l'immeuble était sans pertinence, dans la perspective d'une créance
compensatrice.

C.
A.________ et B.________, C.________, la Communauté des propriétaires
d'étages de l'immeuble "H.________" et D.________ forment un recours en
matière pénale. Ils concluent à l'annulation de l'ordonnance de la Chambre
d'accusation et à la levée de la saisie pénale en faveur des créanciers.
La Chambre d'accusation et le Procureur général se réfèrent à la décision
attaquée. E.________ conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du
recours.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière pénale, au sens de l'art. 78 al. 1 LTF, est ouvert
contre une décision de séquestre prise au cours de la procédure pénale, et
confirmée en dernière instance cantonale (art. 80 LTF).

1.1 S'agissant d'une décision incidente, le recours n'est recevable, selon
l'art. 93 al. 1 LTF, qu'en présence d'un préjudice irréparable. Selon la
jurisprudence relative à l'art. 87 OJ, et reprise dans le cadre de l'art. 93
LTF, le séquestre provisoire d'un compte bancaire cause en principe à
l'intéressé un préjudice irréparable, en raison de la privation temporaire du
droit de disposer de ses avoirs (arrêt 1B_157/2007 du 25 octobre 2007):
l'atteinte au droit de propriété n'est pas susceptible d'être réparée par une
décision finale favorable (ATF 89 I 185 consid. 4 p. 187).

1.2 En l'espèce, toutefois, les recourants n'agissent pas en tant que
propriétaires, mais comme créanciers. Ils sont certes au bénéfice d'une
prétention à être désintéressés sur les biens réalisés, mais n'auraient pas
encore de droit de disposer librement des sommes bloquées. Le séquestre pénal
ne paraît donc pas leur causer de préjudice irréparable au sens de la
jurisprudence précitée.

1.3 De la même manière, la qualité des recourants pour agir sur le fond
apparaît douteuse, car s'ils ont participé à la procédure devant l'instance
précédente (art. 81 al. 1 let. a LTF), ils ne font pas partie des personnes
mentionnées à l'art. 81 al. 1 let. b LTF. Ces questions peuvent demeurer
indécises, compte tenu de l'issue de la cause.

2.
La cour cantonale a, principalement, déclaré irrecevable le recours qui lui
était soumis. Indépendamment de leur légitimation au fond, les recourants ont
qualité pour contester ce prononcé.

2.1 Dans le cas d'un recours dirigé, comme en l'espèce, contre une mesure
provisionnelle, seule peut être invoquée la violation de droits fondamentaux
(art. 98 LTF). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, les griefs soulevés à cet
égard doivent être suffisamment motivés (ATF 133 III 393 consid. 6 p. 397).
S'agissant de l'établissement des faits et de l'application du droit
cantonal, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral est limité, pratiquement, à
l'arbitraire (art. 97 al. 1 LTF; même arrêt, consid. 7.1).
2.2 L'arrêt cantonal repose sur la considération que les recourants ne sont
pas des tiers saisis au sens de l'art. 191 al. 1 let. e CPP/GE, faute d'être
titulaires des fonds litigieux; or, les recourants ne tentent pas de remettre
en cause cette appréciation, laquelle n'a d'ailleurs rien d'arbitraire. La
Chambre d'accusation a ajouté que les recourants n'étaient pas directement
concernés par la procédure pénale, car leurs créances ne résultaient pas des
infractions poursuivies; ils ne subissaient pas de préjudice car même si le
blocage avait été ordonné en 2001, les créances concernées n'avaient été
reconnues qu'en 2005, et le prix de vente de l'immeuble consigné en mars
2006. Le recours ne contient pas la moindre argumentation à l'encontre de ces
considérations.
Le seul grief soulevé à propos de l'irrecevabilité du recours cantonal
concerne le droit d'accéder à une autorité judiciaire. Les recourants
omettent toutefois d'indiquer en vertu de quelle disposition un tel droit
devrait leur être reconnu en l'espèce. Une telle argumentation ne satisfait
pas aux exigences accrues de motivation posées à l'art. 106 al. 2 LTF (ATF
133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254). Les recourants perdent d'ailleurs de vue
que la Chambre d'accusation a statué, de manière subsidiaire, sur les griefs
soulevés au fond.

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté, en tant qu'il est recevable. Les
recourants, qui succombent, doivent supporter les frais judiciaires (art. 66
al. 1 LTF), de même que l'indemnité de dépens allouée à l'intimé E.________
(art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté en tant qu'il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge des
recourants.

3.
Une indemnité de dépens de 1000 fr., est allouée à l'intimé E.________, à la
charge solidaire des recourants.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Procureur
général et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation.

Lausanne, le 26 février 2008

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz