Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.25/2007
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2007
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2007


{T 1/2}
1B_25/2007 /col

Arrêt du 15 mars 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger, Reeb, Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Jomini.

Ministère public de la Confédération,
Antenne Lausanne, 1000 Lausanne 22,
recourant,

contre

Président de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, case postale
2710, 6501 Bellinzone.

Surveillance de la correspondance par poste et télécommunication,

recours en matière pénale contre la décision du Président de la Cour des
plaintes du Tribunal pénal fédéral, du 24 janvier 2007.

Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:

1.
Dans le cadre d'une enquête pénale, le Ministère public de la Confédération
(soit un procureur fédéral de l'antenne Lausanne du MPC) a transmis au
Président de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (ci-après: le
Président de la Cour des plaintes) un ordre de surveillance de plusieurs
raccordements téléphoniques du 23 janvier 2007, en lui demandant d'autoriser
cette surveillance. Par une décision rendue le 24 janvier 2007, le Président
de la Cour des plaintes a refusé cette autorisation.

2.
Agissant par la voie du recours en matière pénale (art. 78 ss LTF), le
Ministère public de la Confédération demande au Tribunal fédéral d'annuler la
décision du Président de la Cour des plaintes, puis d'autoriser la
surveillance ordonnée le 23 janvier 2007, subsidiairement d'ordonner au
Président de la Cour des plaintes d'autoriser cette mesure technique.
Invité à se déterminer sur le recours, le Président de la Cour des plaintes
se réfère à sa décision.

3.
Le présent recours au Tribunal fédéral est soumis aux règles de la loi
fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), la décision attaquée ayant été rendue
après le 1er janvier 2007 (art. 132 al. 1 LTF). Il doit être traité par la
première Cour de droit public car la décision attaquée, prise dans le cadre
d'une procédure pénale, a un caractère incident et non pas final (art. 29 al.
3 du règlement du Tribunal fédéral du 20 novembre 2006).
Dès lors que les art. 78 ss LTF sont applicables, la disposition transitoire
de l'art. 33 al. 3 de la loi sur le Tribunal pénal fédéral (LTPF; RS 173.71)
n'entre plus en considération. Cette disposition transitoire définissait les
voies de recours contre des "arrêts du Tribunal pénal fédéral" depuis la
création de cette juridiction "jusqu'à l'entrée en vigueur de la révision
totale de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943", en
d'autres termes jusqu'au moment où ces questions seraient réglées par la
nouvelle loi sur le Tribunal fédéral (LTF).

4.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis.

4.1 La mesure de surveillance ordonnée le 23 janvier 2007 par le Ministère
public de la Confédération est soumise aux dispositions de la loi fédérale du
6 octobre 2000 sur la surveillance de la correspondance par poste et
télécommunication (LSCPT; RS 780.1). Lorsqu'il s'agit de poursuivre l'auteur
d'un des actes punissables mentionnés dans la liste de l'art. 3 al. 2 LSCPT,
le procureur général de la Confédération est en principe habilité à ordonner
une surveillance, en vertu de l'art. 6 let. a ch. 1 LSCPT, mais son ordre de
surveillance doit être transmis pour approbation au président de la Cour des
plaintes du Tribunal pénal fédéral, conformément à l'art. 7 al. 1 let. a
LSCPT. L'autorité habilitée à autoriser la surveillance doit procéder à un
examen et le cas échéant poser des conditions, sur la base de critères
énoncés à l'art. 7 al. 3 LSCPT. Cette loi fédérale ne prévoit pas de
possibilité de recours contre l'autorisation de surveillance au sens de
l'art. 7 LSCPT. En revanche, lorsqu'une surveillance dûment autorisée prend
fin, les intéressés (suspects, personnes ayant fait l'objet de la
surveillance, personnes ayant utilisé le même raccordement) ont droit à une
communication du Ministère public de la Confédération ou d'un juge
d'instruction fédéral (dans une procédure relevant de la juridiction pénale
fédérale) au sujet des motifs, du mode et de la durée de la surveillance, et
une voie de recours leur est ouverte auprès de la Cour des plaintes du
Tribunal pénal fédéral (art. 10 LSCPT, en particulier art. 10 al. 5 let. a
LSCPT).

4.2 L'autorisation de la surveillance par un juge n'est pas une innovation de
la LSCPT. Ce régime était déjà prévu en droit fédéral depuis une modification
de la loi fédérale sur la procédure pénale (PPF) entrée en vigueur le 1er
octobre 1979 (RO 1979 p. 1170). En effet, l'ancien art. 66bis al. 1 PPF avait
institué une procédure d'approbation, par le président de la Chambre
d'accusation du Tribunal fédéral, des décisions de surveillance prises par le
juge d'instruction. Cette procédure de contrôle judiciaire préalable des
mesures de surveillance (contrôle "juridique") avait été conçue par le
législateur comme une procédure spéciale, à distinguer d'une "procédure
usuelle impliquant la participation des parties" (cf. Rapport de la
commission du Conseil national sur l'initiative parlementaire concernant la
protection de la vie privée, FF 1976 I 567). Aussi l'ancien art. 66quater al.
1 PPF précisait-il que la procédure était "secrète même à l'égard de la
personne touchée". Le législateur a alors également voulu que ce contrôle
préalable intervienne rapidement, immédiatement après le début de la
surveillance (cf. Rapport précité de la commission du Conseil national, p.
561/562). Par conséquent, selon l'ancien art. 66bis PPF, le juge
d'instruction disposait d'un délai de vingt-quatre heures pour requérir
l'approbation du président de la Chambre d'accusation, après qu'il avait
décidé une mesure de surveillance.
Dans sa version initiale, lors de l'entrée en vigueur de la LSCPT le
1er janvier 2002, l'art. 7 al. 1 let. a LSCPT prévoyait également la
compétence du président de la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral pour
autoriser une surveillance ordonnée par une autorité civile  (c'est-à-dire ne
relevant pas de la justice militaire) de la Confédération (RO 2001 p. 3100).
La compétence du président de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral
a été introduite le 1er avril 2004, cette modification législative résultant
de l'entrée en vigueur de la LTPF. Il s'agit là d'un simple transfert de
compétence, consécutif à la création d'un "tribunal pénal ordinaire de la
Confédération" (art. 1 al. 1 LTPF), sans modification de la nature ni de la
portée de l'autorisation.

4.3 Tant que les surveillances téléphoniques étaient autorisées par le
président de la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral, la question d'un
recours contre cette autorisation ne se posait pas car, de manière générale,
la loi ne prévoyait pas de possibilités de recours "internes" au sein de la
Cour suprême. Depuis que cette autorisation incombe, dans une enquête dirigée
par le Ministère public de la Confédération, à un juge d'un tribunal fédéral
inférieur, la possibilité d'attaquer la décision peut être discutée. Il faut
néanmoins relever d'emblée que les lois spéciales - LSCPT et LTPF - ne
prévoient pas une telle voie de recours (cf. Thomas Hansjakob, Kommentar zum
Bundesgesetz und zur Verordnung über die Überwachung des Post- und
Fernmeldevekehrs, 2e éd. Saint-Gall 2006, p. 246). La discussion ne peut donc
porter que sur l'interprétation des règles générales de la LTF à propos des
voies de recours au Tribunal fédéral.
En cas d'autorisation, il n'est pas concevable que la décision soit
communiquée aux suspects ou aux personnes faisant l'objet de la surveillance
car celle-ci doit pouvoir s'exercer sans que la personne visée en ait
connaissance. En réalité, seule l'autorité chargée de la poursuite serait à
même d'exercer immédiatement, à ce stade, un (éventuel) droit de recours, par
exemple pour contester les conditions de l'autorisation limitant la durée ou
les modalités de la surveillance. Pour les autres intéressés et parties à la
procédure pénale, un recours n'est pratiquement envisageable qu'après la
levée de la surveillance, conformément à ce que prévoit l'art. 10 LSCPT. Le
contrôle juridique de la surveillance, au début de la procédure, est donc par
nature limité et le juge compétent pour donner son approbation examine seul,
pour garantir la confidentialité de la mesure, tous les intérêts en jeu à ce
stade-là. Il lui appartient de prendre également en compte les intérêts des
personnes visées, qu'il "représente" en quelque sorte puisqu'elles ne peuvent
pas participer à la procédure (cf. Niklaus Oberholzer, Das neue Bundesgesetz
über die Überwachung des Post- und Fernmeldeverkehrs, ZGRG 2002 p. 4).
L'absence de recours immédiat contre l'autorisation est compensée, pour les
parties à la procédure pénale, d'abord par les possibilités offertes par
l'art. 10 LSCPT (cf. supra, consid. 4.1 in fine), et ensuite par les voies de
droit ordinaires ouvertes pour contester les moyens utilisés afin d'obtenir
des preuves, en application des garanties générales de procédure pénale (cf.
notamment ATF 131 I 272; Bernhard Sträuli, La surveillance de la
correspondance par poste et télécommunication: aperçu du nouveau droit, in:
Plus de sécurité - moins de liberté? Coire/Zurich 2003 p. 142).
Dans l'hypothèse d'un refus de l'autorisation, il n'y aurait aucun sens à
communiquer cette décision à des tiers; seule l'autorité ayant ordonné la
surveillance a un intérêt à être informée du refus. Dès lors, dans tous les
cas, si l'on devait admettre l'existence d'une voie de recours contre une
décision du président de la Cour des plaintes prise en application de l'art.
7 al. 1 let. a LSCPT, ce recours direct ne serait en définitive ouvert qu'aux
autorités de poursuite (procureur général de la Confédération, juges
d'instruction fédéraux).
Ces considérations démontrent d'une part qu'il n'existe pas un besoin de
protection juridique justifiant que l'autorisation de surveillance donnée par
le juge soit elle-même soumise à un nouveau contrôle judiciaire, et d'autre
part que la création d'une voie de recours compromettrait la célérité de
cette procédure de contrôle préalable, sans évoquer les risques pour la
confidentialité liés à la multiplication des autorités compétentes (à cause
de possibles incidents lors de la transmission des dossiers, par exemple). En
d'autres termes, l'autorisation de l'art. 7 al. 1 let. a LSCPT est en
principe par nature une décision non susceptible de recours.

4.4 Cela étant, il convient néanmoins d'examiner si une solution différente
découle de l'interprétation des art. 78 ss LTF, qui règlent les voies de
recours au Tribunal fédéral contre les décisions prises dans des causes
pénales. Ces dispositions prévoient que peuvent être attaquées, à certaines
conditions, les "décisions de la cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral"
(art. 79 LTF - "Entscheide der Beschwerdekammer des Bundesstrafgerichts",
"decisioni della Corte dei reclami penali del Tribunale penale federale"), et
les "décisions prises par [...] le Tribunal pénal fédéral" (art. 80 al. 1 LTF
- "Entscheide [...] des Bundesstrafgerichts", "decisioni del Tribunale penale
federale"). Dans le domaine de la juridiction pénale fédérale, la nouvelle
loi sur le Tribunal fédéral (LTF) n'ouvre donc pas de recours contre les
décisions du président de la Cour des plaintes, ni contre celles qui seraient
prises le cas échéant par un autre magistrat du Tribunal pénal fédéral
statuant seul. Sur ce point, la réglementation des art. 79 et 80 LTF
correspond à celle de la disposition transitoire de l'art. 33 al. 3 LTPF (cf.
supra, consid. 3), qui prévoyait un recours au Tribunal fédéral contre les
"arrêts de la cour des plaintes" lorsque des mesures de contrainte étaient
contestées en cours d'instruction (art. 33 al. 3 let. a LTPF), et contre les
"arrêts de la cour des affaires pénales" à la fin de la procédure (art. 33
al. 3 let. b LTPF). Interprétant l'art. 33 al. 3 let. a LTPF, le Tribunal
fédéral a considéré que cette disposition n'ouvrait pas le recours contre une
décision prise non pas par la Cour des plaintes elle-même, mais par son
président (ATF 130 IV 156 consid. 1.2 p. 159, à propos d'une mise sous
scellés à titre provisoire de documents saisis; jurisprudence confirmée dans
un arrêt non publié 1S.12/2005 du 7 février 2005, déclarant irrecevable un
recours du Ministère public de la Confédération contre le refus du Président
de la Cour des plaintes d'autoriser une mesure fondée sur la loi fédérale sur
l'investigation secrète). Il se justifie de reprendre, dans le cadre de la
nouvelle loi sur le Tribunal fédéral, la jurisprudence précitée, du moins en
ce qui concerne les possibilités de recours contre une autorisation du
président de la Cour des plaintes fondée sur l'art. 7 al. 1 let. a LSCPT.
Cette autorisation n'est en effet pas une décision d'une cour du Tribunal
pénal fédéral. Compte tenu de la nature et de la portée d'une telle
autorisation, on ne voit pas de motif d'interpréter de manière extensive le
texte des art. 79 et 80 LTF, ni de combler une lacune dans le régime de
protection juridique.

4.5 Il s'ensuit que la décision attaquée ne peut pas faire l'objet d'un
recours en matière pénale au Tribunal fédéral, et que partant les conclusions
du Ministère public de la Confédération sont irrecevables.

5.
Le présent arrêt doit être rendu sans frais (art. 66 al. 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et au Président de la
Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral.

Lausanne, le 15 mars 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: