Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.241/2007
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1B_241/2007

Arrêt du 13 novembre 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

A. ________,
recourant, représenté par Me Gilles Monnier, avocat,

contre

B.________,
intimée, représentée par Me Mélanie Freymond, avocate, Ministère public du
canton de Vaud,
rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
intimé,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal
8, 1014 Lausanne.

détention préventive,

recours contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du
canton de Vaud du 11 octobre 2007.

Faits:

A.
A. ________, ressortissant suisse né en 1976, se trouve en détention
préventive depuis le 12 mai 2007 sous l'inculpation de tentative de meurtre,
subsidiairement mise en danger de la vie d'autrui et lésions corporelles
graves. Dans la nuit du 9 mai 2007, à la sortie d'un bar, il avait étranglé,
jeté à terre et frappé son amie B.________; peu après, au domicile de
celle-ci, il avait saisi un couteau de cuisine et l'avait coupée au niveau de
la gorge, avant de prendre la fuite. Il a reconnu les faits et affirmé avoir
agi sous l'influence de l'alcool.

B.
Par ordonnance du 14 septembre 2007, le Juge d'instruction de
l'arrondissement de Lausanne a admis une demande de mise en liberté et
ordonné la libération de l'inculpé. Celui-ci avait été libéré
conditionnellement en septembre 2006, après une condamnation à cinq ans de
réclusion pour le meurtre de son père en avril 2003. Selon l'expertise
psychiatrique du 9 août 2007, la consommation d'alcool était seule à
l'origine des comportements violents de l'inculpé. Compte tenu de la mise sur
pied d'un traitement ambulatoire visant l'abstinence totale de boissons
alcoolisées, assorti de contrôles réguliers par prise de sang, le risque de
récidive apparaissait amoindri. Son ancien employeur était prêt à réengager
le prévenu et la victime ne s'opposait pas à une libération.
Sur recours du Ministère public, le Tribunal d'accusation du Tribunal
cantonal vaudois a, par arrêt du 11 octobre 2007, annulé cette ordonnance et
ordonné le maintien en détention préventive. Le prévenu avait été condamné en
2001 et 2002 pour ivresse et soustraction à la prise de sang, et en 2004 pour
le meurtre de son père; il avait récidivé durant le délai d'épreuve malgré
les conditions posées à sa libération conditionnelle, incluant un suivi
alcoologique visant l'abstinence. Selon la nouvelle expertise psychiatrique,
l'intéressé présentait une intoxication aiguë à l'alcool, une intoxication
pathologique et des traits de personnalité schizoïde, mais sans l'état
dépressif relevé auparavant. L'échec du précédent traitement ambulatoire et
les déclarations du prévenu à l'audience, selon lequel le traitement visant à
l'abstinence l'autorisait à boire mais "sans prendre trop de cuites",
faisaient apparaître un risque de récidive majeur. Le traitement préconisé
pouvait être mis en place en détention. Pour le surplus, la durée de la
détention préventive était encore conforme au principe de la
proportionnalité.

C.
A.________ forme un recours en matière pénale; il demande l'annulation de
l'arrêt du Tribunal d'accusation et la confirmation de la décision de mise en
liberté du Juge d'instruction, subsidiairement sa mise en liberté moyennant
conditions, plus subsidiairement le renvoi de la cause à l'instance cantonale
pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il demande l'assistance
judiciaire.
Le Tribunal d'accusation se réfère à son arrêt. Le Ministère public conclut
au rejet du recours. La victime a renoncé à répondre au recours. Le recourant
a eu l'occasion de répliquer, et a maintenu ses conclusions.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt relatif au maintien en détention est une décision en matière pénale
au sens de l'art. 78 al. 1 LTF. Rendu en dernière instance cantonale (art. 80
al. 1 LTF), il peut faire l'objet d'un recours en matière pénale. Le
recourant a qualité pour agir au sens de l'art. 81 al. 1 let. a LTF; il a agi
dans le délai de trente jours (art. 100 al. 1 LTF).

2.
Le recourant invoque la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) ainsi que
les dispositions sur les conditions de restriction de cette liberté (art. 5
et 6 CEDH, 9, 30, 31 et 36 Cst.). Contrairement à ce que retient l'arrêt
attaqué, il n'aurait pas violé les conditions posées à sa libération
conditionnelle: il s'était alors vu imposer des contrôles trimestriels et une
limitation de la consommation d'alcool, mais pas une abstinence totale.
L'affirmation selon laquelle il ne devait pas "prendre trop de cuites"
correspondait à ce que lui avait indiqué l'autorité d'exécution, et on ne
saurait par conséquent prétendre que les conditions fixées n'auraient pas été
respectées. Les mesures proposées maintenant par le recourant porteraient au
contraire sur un suivi psychiatrique et un contrôle d'abstinence totale avec
prise d'Antabus, tout manquement étant sanctionné par une réincarcération.
Tant ses proches (notamment son amie) que son employeur se seraient prononcés
pour une remise en liberté, excluant le risque de récidive. Selon le rapport
d'expertise, la problématique du recourant serait exclusivement liée à la
consommation d'alcool, de sorte que les mesures prises garantiraient à
presque 100% l'absence de risque de récidive. La cour cantonale aurait omis
de s'interroger sur cette question, y compris sous l'angle de la réinsertion.

2.1 Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté
personnelle, garantie par l'art. 10 al. 2 Cst. et par l'art. 5 CEDH, que si
elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit
en l'espèce l'art. 59 du code de procédure pénale vaudois (CPP/VD). Elle doit
en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la
proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270).
Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les
besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de
réitération (cf. art. 59 ch. 1, 2 et 3 CPP/VD).
S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal
fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de
l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF
123 I 268 consid. 2d p. 271). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grande
liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3, 112 Ia 162
consid. 3b).

2.2 Selon la jurisprudence, le maintien en détention préventive n'est
admissible que si le pronostic de récidive est très défavorable et si les
délits à craindre sont de nature grave. La simple possibilité, hypothétique,
de commission de nouvelles infractions de même nature, ou la vraisemblance
que soient commises des infractions mineures, sont des motifs insuffisants
(ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62). La jurisprudence se montre moins exigeante
dans l'exigence de vraisemblance lorsqu'il s'agit de délits de violence
graves, car le risque à faire courir aux victimes potentielles est alors
considéré comme trop important (ATF 123 I 268 consid. 2e p. 271). Autant que
possible, l'autorité doit tenter de substituer à la détention toute autre
mesure moins incisive propre à atteindre le même résultat (ATF 123 I 268
consid. 2c et e p. 270/271 et les arrêts cités).

2.3 En l'occurrence, les infractions reprochées au recourant sont d'une
grande gravité, puisqu'elles mettent en jeu la vie d'autrui. L'expertise du 9
août 2007 retient une intoxication pathologique à l'alcool impliquant la
survenue brutale de comportements violents rapidement après la consommation
d'une quantité d'alcool insuffisante pour induire une intoxication chez la
plupart des gens. Le risque de récidive est ainsi fortement dépendant de la
consommation d'alcool, et une abstinence totale apparaît indispensable.
L'expert n'écarte pas tout risque de récidive puisqu'il estime que ce risque
est "moindre si M. A.________ s'abstient de toute consommation d'alcool".
Sans être stricto sensu dépendant à l'alcool, le recourant "connaît des
alcoolisations aiguës épisodiques". Or, il apparaît que les mesures mises en
place et acceptées par le recourant ne sont pas à même d'exclure, totalement
et dans l'immédiat, un épisode tel que celui qui s'est déroulé le 9 mai 2007.
Même si les précédentes mesures n'impliquaient pas une abstinence complète,
il est douteux que la consommation d'au moins six verres d'alcool fort, le
soir des faits, soit compatible avec le suivi visant à l'abstinence. Dans ce
sens, l'arrêt attaqué pouvait retenir que les conditions posées à la
libération conditionnelle n'avaient pas été respectées par le recourant. Par
ailleurs, même s'ils n'ont pas exactement la portée que leur prête la cour
cantonale, les propos tenus en audience par le recourant montrent que
celui-ci n'a apparemment pas pris conscience de la gravité de son état et du
sérieux de la prise en charge nécessaire. La cour cantonale pouvait dès lors
retenir à juste titre qu'en dépit des mesures préconisées, le risque de
récidive était en l'état trop important.

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Le recourant a demandé
l'assistance judiciaire et les conditions en paraissent réunies. Me Gilles
Monnier est désigné comme avocat d'office du recourant, rétribué par la
caisse du Tribunal fédéral. Le recourant est dispensé de l'émolument
judiciaire (art. 64 LTF). Il n'est pas alloué de dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Gilles Monnier est désigné
comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1000 fr. lui est
allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Ministère
public et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 13 novembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz