Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.223/2007
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1B_223/2007

Arrêt du 29 novembre 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aeschlimann et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

A. ________,
recourant, représenté par Me Philippe Reymond, avocat,

contre

X.________,
Y.________, Juges cantonaux, Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du
Signal 8, 1014 Lausanne,
intimés,
Délégation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014
Lausanne.

récusation pénale,

recours contre l'arrêt de la Délégation du Tribunal cantonal du canton de
Vaud du 23 août 2007.

Faits:

A.
Par jugement du 16 septembre 2005, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de La Côte a condamné A.________ à 18 mois d'emprisonnement
avec sursis pendant cinq ans pour escroquerie, escroquerie par métier et
gestion déloyale. Ce jugement a été réformé par arrêt du 20 février 2006 de
la Cour de cassation pénale du canton de Vaud: l'accusé a été libéré de la
prévention de gestion déloyale, et la peine ramenée à 14 mois
d'emprisonnement; s'agissant des escroqueries, l'accusé avait procédé à des
consultations médicales et à des examens excessifs, au détriment notamment
des patients et des caisses-maladie. Par arrêt du 4 avril 2007, le Tribunal
fédéral a admis le pourvoi en nullité formé par A.________ et renvoyé la
cause à l'autorité cantonale afin qu'elle statue à nouveau: il y avait lieu
d'examiner dans quelles circonstances avaient été ordonnés les examens
litigieux, afin de savoir si et comment les patients avaient été trompés.
S'agissant des caisses-maladie, il fallait tenir compte de l'absence de
rapport de confiance et des procédures de contrôle prévues par la LAMAL.

B.
Le 27 juin 2007, A.________ a requis la récusation de Y.________ et de
X.________, Juges à la Cour de cassation, en raison des propos tenus lors de
la première délibération. Au contraire du troisième membre de la Cour qui
avait exclu l'escroquerie, ces deux magistrats avaient soutenu la position
inverse avec "véhémence et dureté": le Juge Y.________ avait affirmé que le
recourant se serait "installé dans la délinquance", et le Juge X.________
avait déclaré que la confiance des patients avait été abusée. Ils avaient
ainsi déjà manifesté leur intime conviction.
Par arrêt du 23 août 2007, la Délégation du Tribunal cantonal désignée pour
statuer sur les récusations a rejeté la demande. Les magistrats avaient
défendu leur opinion avec fermeté ou insistance, sans faire preuve d'un
acharnement particulier. La Cour de cassation devait compléter l'état de fait
sur la base du dossier, par le biais de mesures d'instruction ou en renvoyant
la cause au Tribunal de première instance, puis statuer en se conformant à
l'arrêt du Tribunal fédéral. Les Juges devraient ainsi se prononcer à nouveau
puisque la position adoptée dans leur premier arrêt reposait sur un état de
fait lacunaire. Il n'y avait pas lieu de faire exception à la règle selon
laquelle les juges auxquels une cause est envoyée pour nouvelle décision ne
sont pas récusables.

C.
A.________ forme un recours en matière pénale. Il conclut à l'annulation de
l'arrêt cantonal et à l'admission de sa demande de récusation,
subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle
décision dans le sens des considérants.
La Délégation du Tribunal cantonal se réfère à son arrêt. Les deux magistrats
visés renvoient aux déterminations produites en instance cantonale et s'en
rapportent à justice.

Considérant en droit:

1.
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision relative à la
récusation d'un juge pénal peut faire immédiatement l'objet d'un recours en
matière pénale.

1.1 L'accusé et auteur de la demande de récusation a qualité pour agir (art.
81 al. 1 LTF). Le recourant a agi dans le délai de trente jours prescrit à
l'art. 100 al. 1 LTF. L'arrêt attaqué est rendu en dernière instance
cantonale, puisque le droit vaudois ne prévoit pas encore d'instance statuant
sur recours au sens de l'art. 80 al. 2 LTF.

1.2 Le recourant demande la production de la proposition du juge rapporteur
et des notes des magistrats intimés lors des débats publics de la Cour de
cassation. L'apport de ces pièces a toutefois été refusée par la Délégation,
s'agissant de documents internes dont la conservation n'était pas assurée; le
recourant ne critique pas ce refus, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire
droit à sa demande. Au demeurant, les pièces en question sont, comme on le
verra, sans influence sur l'issue de la cause.

2.
Le recourant estime que la Cour de cassation devra rendre une nouvelle
décision sur la base non pas de faits nouveaux, comme l'a retenu la
Délégation, mais d'éléments de preuve figurant déjà au dossier, que ceux-ci
aient été retenus ou écartés. Plus de dix ans après les faits,
l'administration de nouvelles preuves serait en effet peu vraisemblable. En
l'occurrence, la Cour de cassation s'est déjà prononcée de manière claire sur
l'existence d'une tromperie astucieuse, ainsi que sur celle d'un dommage. Les
deux juges en cause auraient tenu à l'égard du recourant des propos véhéments
et durs.

2.1 Sans résoudre une fois pour toutes la question de savoir si le cumul des
fonctions contrevient ou non aux art. 30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH (ATF 131 I
113 consid. 3.4 p. 117; 114 Ia 50 consid. 3d p. 57 ss et les arrêts cités),
la jurisprudence exige cependant que l'issue de la cause ne soit pas
prédéterminée, mais qu'elle demeure au contraire indécise quant à la
constatation des faits et à la résolution des questions juridiques. Il faut,
en particulier, examiner les fonctions procédurales que le juge a été appelé
à exercer lors de son intervention précédente, prendre en compte les
questions successives à trancher à chaque stade de la procédure, et mettre en
évidence leur éventuelle analogie ou leur interdépendance, ainsi que
l'étendue du pouvoir de décision du juge à leur sujet; il peut également se
justifier de prendre en considération l'importance de chacune des décisions
pour la suite du procès (ATF 131 I 24 consid. 1.1 et la jurisprudence citée).

2.2 En matière de procédure pénale, le Tribunal fédéral a notamment été amené
à considérer que lorsque l'autorité cantonale de cassation admet un pourvoi
et renvoie l'affaire à la juridiction inférieure, les juges qui ont rendu le
prononcé annulé peuvent participer au nouvel examen de la cause sans que cela
ne constitue en soi un cas de participation inadmissible à plusieurs stades
du procès (ATF 116 Ia 28 consid. 2a p. 30). Dans un arrêt auquel le recourant
se réfère largement, le Tribunal fédéral a imposé la récusation de membres
d'un tribunal de cassation qui devait statuer après avoir renvoyé la cause en
première instance; la cour s'était livrée à une appréciation complète des
preuves, et avait déjà tenu l'acquittement pour arbitraire; le nouveau
pourvoi qui lui était soumis portait ainsi sur des questions identiques
(arrêt 1P.371/2005 du 6 septembre 2005, SJ 2006 I p. 5).

2.3 La présente cause diffère de cet arrêt sur un point déterminant: la Cour
de cassation doit en effet statuer non pas sur un nouveau jugement de
l'autorité de première instance - à laquelle elle aurait donné des
instructions précises -, mais au contraire après renvoi par une instance
supérieure. Le Tribunal fédéral a indiqué précisément que les questions de
l'astuce et du dommage devraient être réexaminées pour chaque cas retenu à la
charge du recourant. La Cour de cassation s'est certes déjà prononcée sur ce
point, mais elle ne l'a fait que d'une manière générale, jugée insuffisante.
Elle devra ainsi se livrer à un examen circonstancié, impliquant sinon une
nouvelle administration des preuves, du moins un nouvel examen de celles-ci.
Les juges mis en cause par le recourant ne se sont nullement prononcés dans
cette perspective, et, s'agissant de magistrats professionnels, ils devraient
être à même de faire abstraction des opinions émises précédemment dans une
optique différente. Quant aux propos véhéments tenus à l'égard du recourant,
ils peuvent aisément s'expliquer par la volonté des magistrats de convaincre
leur collègue rapporteur dans le cadre de la séance de délibération.
Le refus de récuser ne heurte pas, par conséquent, la garantie du juge
impartial qui découle des art. 6 par. 1 CEDH et 30 al. 1 Cst.

3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, aux frais du
recourant (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Délégation du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 29 novembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz