Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.185/2007
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1B_185/2007

Arrêt du 30 novembre 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Reeb et Fonjallaz.
Greffière: Mme Truttmann.

A. ________,
recourant, représenté par Me Sébastien Fanti, avocat,

contre

B.________ et consorts,
intimées, représentées par Me Danielle Preti, avocate,
Ministère public du canton du Valais,
Palais de Justice, case postale, 1950 Sion 2,
Tribunal cantonal du canton du Valais,
Autorité de plainte, Palais de Justice, 1950 Sion 2.

séquestre,

recours contre la décision du Tribunal cantonal du canton du Valais, Autorité
de plainte, du 19 juillet 2007.

Faits:

A.
Le 1er décembre 2004, A.________ a créé, avec deux autres personnes,
l'association "Z.________" avec siège à son domicile à Sion. Cette dernière a
pour but de gérer, développer et maintenir un serveur informatique sous le
nom de Z.________.
Ce serveur, localisé en Belgique, établit et tient à jour l'index de
l'ensemble des fichiers, principalement musicaux et audio-visuels, offerts en
partage par les internautes jusqu'à plus d'un million d'utilisateurs
simultanément. Il permet aux utilisateurs de rechercher les fichiers désirés
puis de se connecter directement entre eux pour leur échange (download et
upload), chaque individu téléchargeant un fichier devenant simultanément à
son tour source de distribution.

B.
Le 11 mai 2005, les sociétés américaines B.________ et consorts, ont déposé
plainte contre A.________ pour violation du droit d'auteur (art. 67 LDA; RS
231.1), violation de droits voisins (art. 69 LDA) et pornographie (art. 197
CP). En substance, elles lui reprochent de favoriser, en sa qualité
d'administrateur du serveur "Z.________2", le piratage de leurs oeuvres
cinématographiques protégées par copyright, ainsi que l'échange de fichiers à
contenu pornographique.

C.
Le 14 juin 2005, le juge d'instruction cantonal valaisan (ci-après: le juge
d'instruction) a ouvert une instruction d'office et sur plainte contre
A.________.
Le 21 février 2006, ce dernier a été interrogé par la police. Il a notamment
reconnu qu'un montant d'environ 200'000 fr., provenant des bannières
publicitaires sur les sites de l'association, était placé sur des comptes
bancaires ouverts au nom de cette dernière auprès de la banque X.________. De
même, il a admis que quelques 40'000 fr. découlant de commissions encaissées
auprès d'un partenaire étaient déposés sur un compte bancaire ouvert à son
nom à la banque Y.________.
Le 3 mars 2006, le conseil de A.________ a informé le juge d'instruction
avoir reçu de ce dernier une provision de 160'000 fr. prélevés sur un compte
ouvert au nom de son client à la banque X.________.
Le 6 mars 2006, B.________ et consorts ont requis le séquestre des comptes
bancaires ouverts au nom de A.________ et de l'association Z.________ auprès
de la banque X.________ et de la banque Y.________ ainsi que de toutes les
autres valeurs patrimoniales en relation avec les infractions dénoncées.
Par courrier du 9 mars 2006, A.________ a quant à lui contesté la compétence
des autorités pénales suisses pour instruire et juger la cause.
Par courrier du 13 mars 2006, adressé en recommandé au mandataire de
A.________ et en copie à B.________ et consorts, ainsi qu'au ministère
public, le juge d'instruction a informé les parties qu'il renonçait à
séquestrer les comptes ouverts au nom de A.________, au motif que les
montants crédités ne provenaient pas directement des infractions qui lui
étaient reprochées, mais de contrats publicitaires sans lien immédiat avec
les téléchargements dénoncés. Il a également précisé que, compte tenu des
éléments figurant au dossier, le for sédunois lui paraissait justifié.
Le 24 mars 2006, A.________ a porté plainte auprès de la Chambre pénale du
Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: la Chambre pénale) contre la
décision du 13 mars 2006 en tant qu'elle admettait le for valaisan.
Le 29 mars 2006, B.________ et consorts ont prié le juge d'instruction de
reconsidérer son refus de séquestre, et, à défaut, de rendre une décision
motivée susceptible de plainte. Le 7 avril 2006, le magistrat leur a répondu
que, compte tenu du caractère décisionnel de sa lettre du 13 mars 2006, il
renonçait à rendre une nouvelle décision sur cet aspect du dossier, indiquant
par ailleurs qu'il leur était loisible de déposer une plainte pour déni de
justice.
Le 11 avril 2006, B.________ et consorts, contestant le caractère décisionnel
du courrier du 13 mars 2006, ont renouvelé leur demande du 29 mars 2006. Le
30 mai 2006, le juge d'instruction leur a rappelé qu'une décision avait déjà
été rendue sur cette question et qu'aucune nouvelle décision ne pourrait être
prise avant la confirmation définitive du for valaisan.
Les 31 mai, 26 juin, 17 juillet 2006 et 7 février 2007, B.________ et
consorts ont réitéré leur requête du 29 mars 2006.
Par arrêt du 20 juin 2006, la Chambre pénale a rejeté la plainte de
A.________, considérant qu'en l'état de l'instruction, les autorités pénales
suisses étaient compétentes pour instruire et juger l'affaire.
Par arrêt du 21 octobre 2006, le Tribunal fédéral a respectivement déclaré
irrecevable et rejeté dans la mesure de sa recevabilité, le pourvoi en
nullité et le recours de droit public déposés par A.________ contre ce
dernier prononcé.
Par décision du 5 mars 2007, le juge d'instruction a confirmé son refus de
séquestrer les comptes bancaires ouverts au nom de A.________, pour les mêmes
motifs que ceux invoqués dans sa lettre du 13 mars 2006, avec mention cette
fois-ci des voies de droit.
Par décision du 19 juillet 2007, l'Autorité de plainte du Tribunal cantonal
du canton du Valais (ci-après: Autorité de plainte) a admis la plainte
déposée par B.________ et consorts contre la décision du 5 mars 2007. Elle a
annulé ce dernier prononcé et a invité le juge d'instruction à placer sous
séquestre tous les comptes bancaires ouverts au nom de A.________ et de
l'association "Z.________" auprès de la banque X.________, de la Banque
Y.________ et de tout autre établissement que l'enquête permettra de
découvrir, ainsi que toutes leurs valeurs patrimoniales en relation avec les
infractions dénoncées.

D.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler la décision de la "Chambre pénale" du 19 juillet
2007. Il requiert en outre l'effet suspensif. Il fait valoir l'incompétence
ratione loci des autorités suisses et se plaint d'arbitraire, dans la
motivation de la décision attaquée, dans l'appréciation des preuves et dans
l'application du droit cantonal de procédure et du droit fédéral appliqué au
séquestre.
Par ordonnance du 13 septembre 2007, le Président de la Ire Cour de droit
public a rejeté la requête d'effet suspensif. Il a estimé que l'injonction
donnée par le Tribunal cantonal au juge d'instruction se rapportait aux
sommes déposées sur des comptes bancaires à la date de la décision attaquée
(le 19 juillet 2007) et à d'autres "valeurs patrimoniales en relation avec
les infractions dénoncées", mais manifestement pas aux sommes versées après
le 19 juillet 2007 sur les comptes bancaires de A.________ et ne provenant
pas d'une activité en relation avec les infractions dénoncées. Le salaire de
A.________, pour son activité professionnelle exercée après la décision
attaquée au sein de l'établissement bancaire, n'était donc pas visée par le
séquestre imposé par le Tribunal cantonal, de sorte qu'il n'y avait pas lieu
de prendre des mesures provisionnelles.
Le Ministère public conclut au rejet du recours. La Tribunal cantonal se
réfère aux considérants de sa décision. B.________. et consorts concluent au
rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
La décision attaquée ayant été rendue après le 1er janvier 2007, la loi sur
le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF) est applicable à la présente
procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).

2.
L'arrêt attaqué, qui confirme un séquestre provisoire, est une décision
rendue en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF. Il émane d'une
autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF). Le recours est
formé par l'accusé (art. 81 al. 1 let. b ch. 1 LTF), dans le délai prévu à
l'art. 100 al. 1 LTF.
Le séquestre ordonné par le Juge d'instruction constitue une décision
incidente au sens de l'art. 93 LTF, puisqu'il ne met pas un terme à la
procédure pénale (ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131; 126 I 97 consid. 1b p. 100)
et qu'il n'a pas été prononcé dans le cadre d'une procédure spécifique dont
il pourrait constituer l'aboutissement. L'art. 93 al. 1 let. b LTF est
manifestement inapplicable, car le sort de la mesure provisoire est sans
effet sur la procédure au fond. Il y a donc lieu d'examiner si le recours est
recevable en application de l'art. 93 al. 1 let. a LTF.

2.1 Selon cette disposition, le recours est recevable lorsque la décision
attaquée est susceptible de causer un préjudice irréparable.
La notion de préjudice irréparable a été reprise de l'ancien art. 87 al. 2
OJ. Selon la jurisprudence relative à cette disposition, un tel préjudice
s'entend du dommage juridique qui ne peut pas être réparé ultérieurement,
notamment par la décision finale (ATF 131 I 57 consid. 1 p. 59; 127 I 92
consid. 1c p. 94; 126 I 207 consid. 2 p. 210 et les arrêts cités). Il en va
ainsi lorsqu'une décision finale, même favorable au recourant, ne ferait pas
disparaître entièrement ce préjudice, en particulier quand la décision
incidente contestée ne peut plus être attaquée avec la décision finale,
rendant ainsi impossible le contrôle constitutionnel par le Tribunal fédéral
(ATF 127 I 92 consid. 1c p. 94). Le fait d'avoir à subir une procédure pénale
et les inconvénients qui y sont liés ne constituent pas un préjudice
irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141 et les arrêts cités).

2.2 La jurisprudence constante relative à l'art. 87 OJ considère que le
séquestre probatoire ou conservatoire de valeurs patrimoniales cause un
dommage irréparable, dans la mesure où le détenteur se trouve privé
temporairement de la libre disposition des valeurs saisies (ATF 89 I 185
consid. 4 p. 187; cf. aussi ATF 126 I 97 consid. 1b p. 101; 118 II 369
consid. 1 p. 371; 108 II 69 consid. 1 p. 71, et les arrêts cités).

2.3 Il en va de même en application de l'art. 93 let. a LTF, puisque le
législateur n'a pas entendu modifier sur ce point la pratique poursuivie
jusque-là (ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141; Message LTF, FF 2001 4131;
Spühler/Dolge/Vock, BGG-Komm., art. 93 n. 4; Schmid, Die
Strafrechtsbeschwerde nach dem Bundesgesetz über das Bundesgericht - eine
erste Auslegeordnung, in RPS 2006, p. 160 ss, 175; Bommer, Auswegählte Fragen
der Strafrechtspflege nach Bundesgerichtsgesetz, in Tschannen (éd.), Neue
Bundesrechtspflege, Berne 2007, p. 165 s.; Seiler/Von Werdt/Güngerich,
Bundesgerichtsgesetz, Berne 2007 p. 389). Il y a lieu, par conséquent,
d'entrer en matière.

3.
Dans le cas d'un recours dirigé, comme en l'espèce, contre une mesure
provisionnelle, seule peut être invoquée la violation de droits fondamentaux
(art. 98 LTF). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, les griefs soulevés à cet
égard doivent être suffisamment motivés (ATF 133 III 393 consid. 6 p. 397).
S'agissant de l'établissement des faits, le pouvoir d'examen du Tribunal
fédéral est limité, pratiquement, à l'arbitraire (art. 97 al. 1 LTF; même
arrêt, consid. 7.1). Il en va de même de l'application du droit cantonal de
procédure (Aemisegger, Der Beschwerdegang in öffentlich-rechtlichen
Angelegenheiten, in: Ehrenzeller/ Schweizer (éd.), Die Reorganisation der
Bundesrechts-pflege - Neuerungen und Auswirkungen in der Praxis, St.-Gall
2006, pp. 167 s.; Foex/Hottelier/Jeandin, Les recours au Tribunal fédéral,
Genève 2007, p. 123 s.).

4.
L'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une
autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait
préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue en
dernière instance cantonale que si elle est manifestement insoutenable,
méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou
si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de
l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit
insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF
132 I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 217 consid. 2.1 p. 219, 57 consid. 2 p. 61;
129 I 173 consid. 3.1 p. 178).

5.
Dans un grief qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant
soutient que la correspondance du 13 mars 2006 aurait dû être considérée
comme une décision. La problématique de l'abus de droit et de la forclusion
aurait donc dû être abordée. La motivation de l'Autorité de plainte serait
arbitraire sur ce point, en ce sens qu'elle favoriserait indûment les
intimées à son détriment.
L'Autorité de plainte a estimé que, dans la mesure où le courrier du 13 mars
2006 n'avait été transmis qu'en copie aux intimées, il ne saurait s'agir
d'une décision. La situation ne serait pas comparable à celle qui avait
conduit la Chambre pénale à considérer implicitement cette même lettre -
s'agissant du for - comme une décision, puisqu'elle avait été adressée au
recourant non pas en copie mais directement.
Outre le fait que cette interprétation ne paraît pas insoutenable et que le
recourant ne démontre pas qu'elle le serait, la controverse peut demeurer
indécise. En effet, par courrier du 30 mai 2006, le juge d'instruction a
informé les parties de ce qu'une nouvelle décision relative à la requête de
séquestre ne pourrait pas être prise avant la confirmation définitive du for
valaisan. La contestation de la compétence des autorités suisses n'ayant pas
abouti, le juge d'instruction a prononcé une nouvelle décision - et non une
simple confirmation - comme il s'y était engagé. Dans ces conditions, les
parties ne sauraient être limitées dans leur droit d'entreprendre la lettre
du 5 mars 2007. Le grief doit dès lors être rejeté dans la mesure où il est
recevable.

6.
Le recourant conteste également à titre préalable la compétence des autorités
suisses pour prononcer le séquestre litigieux.

6.1 Selon la jurisprudence, une mesure de confiscation suppose que la
compétence territoriale suisse soit établie en vertu des art. 3 à 7 CP ou
d'une disposition spécifique (ATF 132 II 178 consid. 5.1 p. 186).

6.2 Par décision du 20 juin 2006, la Chambre pénale a précisément admis que
la compétence des autorités pénales suisses pour instruire et juger l'affaire
était donnée, conformément aux art. 3 à 7 CP. Elle a jugé qu'en l'état de
l'instruction, une action directe du recourant sur le serveur depuis la
Suisse ne pouvait d'emblée être exclue, tout comme ne pouvait l'être sa
qualité de coauteur des infractions reprochées. Par arrêt du 21 octobre 2006,
le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le pourvoi en nullité interjeté par
le recourant contre cette dernière décision. Il a également rejeté, dans la
mesure de sa recevabilité, le recours de droit public concurremment déposé.
Le recourant soutient que, depuis ce dernier prononcé, aucun des auteurs de
téléchargement de fichiers à caractère pédophile n'aurait été formellement
identifié. En l'absence de preuve de l'existence d'auteurs sur sol
helvétique, la complicité ne saurait être retenue, de sorte que les autorités
suisses ne seraient pas compétentes.
Il ressort cependant du dossier que 25 internautes suisses auraient
téléchargé des fichiers à caractère pédopornographique durant la période de
surveillance ordonnée. Le fait que ces derniers n'aient pas encore été
formellement identifiés n'est pas relevant. Le rapport technique mentionne au
demeurant également la présence en Suisse d'internautes fournissant des
fichiers protégés par la LDA.
En l'absence de faits nouveaux, la compétence des autorités suisses ne
saurait dès lors être remise en cause de la sorte. Elle apparaît au demeurant
suffisamment établie en l'état pour légitimer le prononcé d'une simple mesure
confiscatoire.

7.
Le séquestre pénal ordonné lors de l'instruction est une mesure conservatoire
provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs que le juge du fond
pourrait être amené à confisquer ou qui pourraient servir à l'exécution d'une
créance compensatrice en vertu des art. 69 à 72 CP. En l'espèce, la décision
de l'Autorité de plainte est fondée sur l'art. 97 CPP/VS, selon lequel le
juge ordonne le séquestre des objets et valeurs pouvant servir de moyens de
preuve ou qui sont susceptibles de confiscation. Une telle mesure est fondée
sur la vraisemblance; elle porte sur des objets dont on peut admettre, prima
facie, qu'ils pourront être confisqués en application du droit pénal fédéral
(ATF 126 I 97 consid. 3d/aa p. 107; Piquerez, Commentaire du Code de
procédure pénale jurassien p. 555; voir aussi SJ 1990 p. 443). Tant que
l'instruction n'est pas achevée, et notamment en début d'enquête, une simple
probabilité suffit car, à l'instar de toute mesure provisionnelle, la saisie
se rapporte à des prétentions encore incertaines; en outre, le juge doit
pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire, ce qui exclut qu'il
résolve des questions juridiques complexes ou qu'il attende d'être renseigné
de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 116 Ib 96
consid. 3a p. 99; 103 Ia 8 consid. III/1c p. 13; 101 Ia 325 consid. 2c p.
327). Le séquestre pénal se justifie aussi longtemps que subsiste une
probabilité de confiscation (SJ 1994 p. 90 et 102).

8.
Selon l'art. 70 CP (art. 59 aCP), le juge prononcera la confiscation des
valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient
destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction.

8.1 Selon le recourant, le dossier démontrerait le caractère ténu et peu
sérieux des charges alléguées à son encontre. Il n'existerait pas de
présomption suffisante et concrète à son égard, au motif qu'à ce jour, aucun
auteur n'aurait été identifié; que la prescription serait bientôt atteinte;
qu'aucun matériel probatoire permettant de lui imputer une quelconque
responsabilité n'aurait été réuni par les autorités; et enfin, qu'il serait
le seul membre de l'association à avoir été inquiété.

8.2 On ne voit pas en quoi ces éléments seraient de nature à nier l'existence
de charges suffisantes.
Pour le surplus, il est vrai que l'arrêt attaqué se contente sur ce point de
mentionner qu'une instruction a été ouverte. Le recourant ne se plaint
toutefois pas d'un défaut de motivation sur ce point. Quoi qu'il en soit, il
ressort du dossier que le recourant a lui-même déclaré qu'il savait éteindre
et allumer le serveur ainsi que le redémarrer en cas de panne. Le recourant
encouragerait également les internautes à pratiquer le partage de fichiers en
ligne au moyen du programme eDonkey. Communiquant sur Internet sous le
pseudonyme "xxx", il soutiendrait les mouvements d'internautes opposés aux
actions des majors contre la piraterie informatique et prônerait activement
le boycottage des maisons de disque. Le 25 mai 2005, il écrivait d'ailleurs
sur un de ses sites qu'il piratait "justement pour ne pas payer les majors,
pour niquer l'Etat, les taxes et la TVA". A ce stade, ces indices paraissent
suffisants pour autoriser un séquestre.

9.
Selon la jurisprudence, l'infraction doit être la cause essentielle et
adéquate de l'obtention des valeurs patrimoniales et celles-ci doivent
typiquement provenir de l'infraction en question. Il doit donc exister, entre
l'infraction et l'obtention des valeurs patrimoniales, un lien de causalité
tel que la seconde apparaisse comme la conséquence directe et immédiate de la
première. C'est en particulier le cas lorsque l'obtention des valeurs
patrimoniales est un élément objectif ou subjectif de l'infraction ou
lorsqu'elle constitue un avantage direct découlant de la commission de
l'infraction. En revanche, les valeurs patrimoniales ne peuvent pas être
considérées comme le résultat de l'infraction lorsque celle-ci n'a que
facilité leur obtention ultérieure par un acte subséquent sans lien de
connexité immédiat avec elle (ATF 129 II 453 consid. 4.1 p. 461; arrêt
6S.667/2000 du 19 février 2001 publié in SJ 2001 I p. 330 consid. 3a).
La confiscation intervient indépendamment de l'identification de l'auteur et
de la punissabilité d'une personne déterminée (ATF 122 IV 91 consid. 3b p.
94; 115 IV 175 consid. 1 p. 177).

9.1 En l'espèce, l'Autorité de plainte a retenu que les retombées
publicitaires provenaient prima facie directement des infractions reprochées.
La conclusion de contrats publicitaires si avantageux était en effet due au
succès rencontré par le serveur, lequel était précisément soupçonné d'avoir
facilité le piratage d'oeuvres cinématographiques protégées par copyright
ainsi que l'échange de fichiers à contenu pédopornographique. L'autorité
cantonale a dès lors jugé que le montant d'environ 200'000 fr. se trouvant
sur les comptes de l'association et constituant, selon les propres dires du
recourant, une partie des retombées publicitaires, pouvait être séquestré en
application des art. 59 aCP et 70 CP.

9.2 Le recourant soutient quant à lui que l'autorité cantonale aurait
démontré sa méconnaissance du dossier. Non pas un, mais plusieurs, serveurs,
seraient en cause, et leur activité ne serait, loin s'en faut, pas uniquement
celle de réseaux d'échange.
Que l'Autorité de plainte ait mentionné seulement un serveur ne saurait de
toute évidence avoir de conséquence sur la question à trancher en l'espèce.
Par ailleurs, même si l'activité des serveurs n'était pas uniquement celle de
réseaux d'échange, le recourant ne démontre pas que leur popularité n'était
pas précisément liée à cette fonction particulière.
Le recourant fait encore valoir que "les internautes qui utilisaient les
serveurs de l'association au moyen d'un client (développé par un tiers) se
connectaient au serveur sans passer par le site qui comportait de la
publicité des sociétés tierces". De nouveau, quand bien même cela devait être
exact, cela ne concernerait pas l'intégralité des internautes. Au demeurant,
un passage obligatoire par le site lors de la connexion n'est pas en soi
nécessaire pour admettre l'existence d'un lien direct entre les retombées
publicitaires et l'infraction dénoncée.
Dans ces circonstances, pour peu que les griefs du recourant répondent aux
exigences posées par la LTF, ils doivent être rejetés.

10.
L'autorité cantonale a encore souligné que la décision attaquée n'abordait
pas la question de la créance compensatrice. Or, l'art. 71 al. 3 CP (art. 59
ch. 2 al. 3 aCP) permettait à l'autorité d'instruction de saisir non
seulement les valeurs patrimoniales qui sont le résultat direct ou indirect
de l'infraction, mais également celles de provenance licite. Le juge
d'instruction aurait donc arbitrairement privé les intimées de l'allocation
prévue par l'art. 73 CP (art. 60 aCP). Le montant prévisible du séquestre ne
semblait au demeurant pas devoir dépasser les dommages-intérêts élevés que
les intimées devraient réclamer au recourant.

10.1 Le séquestre en vue de l'exécution d'une créance compensatrice a pour
but d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit
privilégié par rapport à celui qui les a conservés (ATF 129 IV 107 consid.
3.2 p.109; 123 IV 70 consid. 3 p. 74; 119 IV 17 consid. 2a p. 20). Lorsque
l'avantage illicite doit être confisqué, mais que les valeurs patrimoniales
qui sont le résultat de l'infraction ne sont plus disponibles - parce
qu'elles ont été consommées, dissimulées ou aliénées -, le juge ordonnera
leur remplacement par une créance compensatrice de l'Etat d'un montant
équivalent (art. 71 CP; art. 59 ch. 2 al. 1 aCP). La créance compensatrice ne
joue qu'un rôle de substitution de la confiscation en nature et ne doit donc,
par rapport à celle-ci, causer ni avantage ni inconvénient (ATF 123 IV 70
consid. 3 p. 74). En raison de ce caractère subsidiaire, la créance
compensatrice ne peut être ordonnée que si, dans l'hypothèse où les valeurs
patrimoniales provenant de l'infraction auraient été disponibles, la
confiscation eût été prononcée (Schmid, op. cit., n. 99 ad art. 70-72 CP). La
créance compensatrice est ainsi soumise aux mêmes conditions que la
confiscation (Schmid, op. cit., n. 104 ad art. 70-72; Hirsig-Vouilloz,
Confiscation pénale et créance compensatrice (art. 69 à 72 CP) in Jusletter
du 8 janvier 2007). Cela implique notamment que le juge doit établir qu'une
infraction génératrice de profits a été commise et que des valeurs
patrimoniales déterminées, résultat ou rémunération de cette infraction, ont
été incorporées dans le patrimoine du défendeur. L'autorité d'instruction
pourra placer sous séquestre, en vue de l'exécution d'une telle créance, des
éléments du patrimoine de la personne concernée (art. 71 al. 3 CP; art. 59
ch. 2 al. 3, 1ère phrase, aCP). Cela présuppose toutefois que les valeurs
patrimoniales mises sous séquestre équivalent au produit supposé d'une
infraction, d'une part, et que le séquestre ordonné aux fins d'exécution de
la créance compensatrice vise la "personne concernée", d'autre part. Par
"personne concernée" au sens de l'art. 71 al. 3 CP (art. 59 ch. 2 al. 3 aCP),
on entend non seulement l'auteur de l'infraction, mais aussi tout tiers,
favorisé d'une manière ou d'une autre, par l'infraction (Schmid, op. cit., p.
337).

10.2 Le recourant soutient que le texte de l'art. 71 al. 3 CP serait clair:
le juge disposerait d'une faculté et non d'une obligation de placer sous
séquestre, en vue de l'exécution d'une créance compensatrice, les éléments du
patrimoine de la personne concernée. Le libellé de la requête des intimées ne
permettant pas de distinguer clairement si elles entendaient ou non obtenir
un séquestre en vue de l'exécution d'une créance compensatrice, le juge
d'instruction l'aurait, à bon droit, rejetée, ce d'autant plus que les avoirs
que possède l'association auraient été réalisés légalement. Le séquestre ne
pourrait d'ailleurs pas porter sur les comptes d'une association, mais
devrait concerner les membres de celle-ci.
Outre le fait que cette opinion est manifestement erronée (Schmid, op. cit.,
n. 98 ad art. 70-72 CP), on discerne mal quel argument le recourant entend
tirer du caractère prétendument potestatif de l'art. 71 al. 3 CP. On relèvera
d'ailleurs que le recourant limite sa contestation aux avoirs de
l'association. Pour le surplus, au vu de la jurisprudence susmentionnée, on
ne saurait reprocher à l'autorité cantonale - en l'état de l'instruction -
d'avoir considéré que le séquestre des comptes concernés en vue de
l'exécution d'une créance compensatrice, apparemment fondée sur l'existence
vraisemblable d'un lien entre les retombées publicitaires et les infractions
reprochées, était justifié.
Les griefs du recourant doivent par conséquent derechef être rejetés dans la
mesure de leur recevabilité.

11.
Le recourant soutient enfin que la décision attaquée l'aurait privé de son
minimum vital.
Dans le cas particulier, à l'instar de ce qui a été retenu dans l'ordonnance
d'effet suspensif, sans davantage de précisions, l'injonction donnée par
l'Autorité de plainte au juge d'instruction ne peut se rapporter qu'aux
sommes déposées sur les comptes bancaires à la date de la décision attaquée.
Il apparaît dès lors que le salaire perçu par le recourant à partir du
19 juillet 2007 pour son activité professionnelle au sein d'un établissement
bancaire n'est pas concerné par le séquestre, tel qu'il a été délimité par la
décision entreprise. Que le juge d'instruction ait mal interprété cette
dernière et ait par conséquent autorisé consécutivement le prélèvement d'un
montant mensuel maximal de 2'000 fr. n'y change rien. Le minimum vital du
recourant n'est par conséquent pas atteint.

12.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis
à la charge du recourant. Ce dernier versera en outre une indemnité de dépens
aux intimées (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du
recourant.

3.
Une indemnité de 1'500 fr., à payer aux intimées à titre de dépens, est mise
à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Ministère
public et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Autorité de plainte,
ainsi qu'au Juge d'instruction pénale du Valais central.

Lausanne, le 30 novembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La greffière:

Féraud Truttmann