Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.155/2007
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1B_155/2007 /col

Arrêt du 23 août 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Stefan Disch, avocat,

contre

Ministère public de la Confédération,
Taubenstrasse 16, 3003 Berne,
Office des juges d'instruction fédéraux,
rue du Mont-Blanc 4, case postale 1795, 1211 Genève 1,
Tribunal pénal fédéral, Ire Cour des plaintes,
via dei Gaggini 3, case postale 2720, 6501 Bellinzone.

refus de mise en liberté,

recours en matière pénale contre l'arrêt de la Ire Cour des plaintes du
Tribunal pénal fédéral du 26 juin 2007.

Faits:

A.
Le 28 octobre 2002, le Ministère public de la Confédération a ouvert une
enquête préliminaire contre le ressortissant kosovar A.________ pour
infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants et participation à une
organisation criminelle. Le 10 décembre 2002, la prévention a été étendue au
blanchiment d'argent. A.________ est soupçonné d'avoir mis sur pied, avec des
membres de sa famille et des tiers, un trafic international estimé à
plusieurs centaines de kilos d'héroïne et de cocaïne, avec des ramifications
en Suisse. Il a été arrêté en Macédoine le 2 août 2003 et extradé à la Suisse
le 29 octobre 2003. Il se trouve depuis lors en détention préventive. Le 26
mars 2004, le Ministère public de la Confédération a rejeté une première
demande de libération provisoire formée par A.________. La Cour des plaintes
du Tribunal pénal fédéral (ci-après: la Cour des plaintes) a confirmé cette
décision au terme d'un arrêt rendu le 17 mai 2004. Le 9 juillet 2004, le
Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure où il était recevable, le recours
interjeté contre cet arrêt par A.________ (cause 1S.1/2004).
Le 15 septembre 2005, le Juge d'instruction fédéral a ordonné l'ouverture
d'une instruction préparatoire à l'encontre de A.________, de deux de ses
frères et de leur père pour présomption de participation à une organisation
criminelle, de blanchiment d'argent et d'infraction grave à la loi fédérale
sur les stupéfiants. Par décision du 6 octobre 2005, il a rejeté la requête
de mise en liberté de A.________ et maintenu la détention en raison des
risques de fuite et de collusion. La Cour des plaintes a confirmé cette
décision sur plainte du prévenu au terme d'un arrêt rendu le 10 novembre
2005. Le 24 janvier 2006, le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par
A.________ contre cet arrêt (cause 1S.51/2005).
Le 8 août 2006, A.________ a requis sa mise en liberté provisoire en
invoquant une violation des principes de la célérité et de la
proportionnalité. Le Juge d'instruction fédéral a refusé de faire droit à
cette requête au terme d'une décision prise le 15 août 2006 que la Cour des
plaintes a confirmée sur plainte du prévenu par arrêt du 7 septembre 2006. Le
Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté contre cet arrêt le 6 novembre
2006 (cause 1S.25/2006).
Le 16 mai 2007, A.________ a sollicité à nouveau sa mise en liberté en
faisant valoir une nouvelle fois une violation des principes de la célérité
et de la proportionnalité. Le Juge d'instruction fédéral a refusé de faire
droit à cette requête au terme d'une décision prise le 30 mai 2007 que la
Cour des plaintes a confirmée sur plainte du prévenu par arrêt du 26 juin
2007. Elle a estimé que la procédure n'avait pas connu de retards
inadmissibles depuis le dernier arrêt rendu par le Tribunal fédéral, qui
imposeraient la libération immédiate de A.________; elle a cependant imparti
un délai au 15 août 2007 au Juge d'instruction fédéral pour mettre un terme à
l'instruction préparatoire et déposer son rapport de clôture de manière à ce
que le prévenu puisse être jugé cette année encore.

B.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au
Tribunal fédéral de réformer cet arrêt en ce sens que sa mise en liberté
immédiate est ordonnée. Il conclut subsidiairement à l'annulation de l'arrêt
attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle
décision dans le sens des considérants. Il requiert l'assistance judiciaire.
La Cour des plaintes se réfère à son arrêt. Le Juge d'instruction fédéral et
le Ministère public de la Confédération concluent au rejet du recours.

A. ________ a répliqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt relatif au maintien du détenu en détention est une décision en
matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF. Emanant du Tribunal pénal
fédéral (art. 80 al. 1 LTF), il peut faire l'objet d'un recours en matière
pénale. Le recourant a qualité pour agir au sens de l'art. 81 al. 1 let. a
LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours sont au surplus
réunies.

2.
Le recourant ne conteste pas l'existence de charges suffisantes et d'un
risque de fuite propre à justifier son incarcération. Il s'en prend à la
durée de la détention préventive subie qu'il tient pour excessive et
contraire au principe de la proportionnalité.

2.1 En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 § 3 CEDH, le prévenu doit être
libéré lorsque la durée de son incarcération se rapproche de la peine
privative de liberté qui sera éventuellement prononcée. Une durée excessive
de la détention constitue une limitation disproportionnée de ce droit
fondamental, qui est notamment violé lorsque la durée de la détention
préventive dépasse la durée probable de la peine privative de liberté à
laquelle il faut s'attendre. Dans l'examen de la proportionnalité de la durée
de détention, il y a lieu de prendre en compte la gravité des infractions
faisant l'objet de l'instruction. Le juge peut maintenir la détention
préventive aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la
peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas
de condamnation. Il convient d'accorder une attention particulière à cette
limite, car le juge de l'action pénale pourrait être enclin à prendre en
considération dans la fixation de la peine la durée de la détention
préventive à imputer selon l'art. 51 CP. Selon la jurisprudence concordante
du Tribunal fédéral et de la Cour européenne des droits de l'homme, la
proportionnalité de la durée de la détention doit être examinée au regard de
l'ensemble des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 133 I 168 consid.
4.1 p. 170 et les arrêts cités).

2.2 La cour de céans s'est déjà penchée sur cette question dans l'arrêt rendu
le 6 novembre 2006. Elle a alors jugé que compte tenu de la gravité des
infractions reprochées au recourant, celui-ci s'exposait à une peine
largement supérieure à la durée de la détention préventive subie. Ces
considérations sont toujours valables nonobstant le temps écoulé depuis lors,
dans la mesure où les mesures d'instruction entreprises dans l'intervalle
n'ont pas permis d'infirmer ou d'atténuer les charges existantes à l'encontre
du recourant. Ce dernier se réfère en vain à un arrêt rendu le 11 octobre
2004 dans la cause 1P.535/ 2004 dans lequel le Tribunal fédéral a estimé
qu'une procédure d'instruction de près de trois ans était assurément longue
et que la limite de ce qui était compatible avec l'art. 31 al. 1 Cst. se
rapprochait. Le prévenu était certes également impliqué dans un trafic de
stupéfiants aux ramifications internationales au sein duquel il occupait une
position dominante. Le trafic portait cependant sur une quantité de drogue
sans commune mesure avec celle en cause dans la présente procédure, de sorte
que la comparaison faite avec cet arrêt n'est pas pertinente. Sur ce point,
le recours est manifestement mal fondé.

3.
Le recourant prétend également que le principe de célérité n'aurait pas été
respecté dans la conduite de l'instruction, ce qui justifierait sa mise en
liberté immédiate.

3.1 L'incarcération peut aussi être disproportionnée en cas de retard
injustifié dans le cours de la procédure pénale (ATF 128 I 149 consid. 2.2 p.
151; 125 I 60 consid. 3d p. 64; 124 I 208 consid. 6 p. 215 et les arrêts
cités). Le caractère raisonnable de la durée d'une procédure pénale
s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard à la
complexité de l'affaire, au comportement du requérant et à celui des
autorités compétentes, ainsi qu'à l'enjeu du litige pour le prévenu (ATF 124
I 139 consid. 2c p. 142; 119 Ib 311 consid. 5b p. 325; 117 Ib 193 consid. 1c
p. 197). N'importe quel retard n'est pas suffisant pour justifier
l'élargissement du prévenu. Il doit s'agir d'un manquement particulièrement
grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus
en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable. En cas
de retard de moindre gravité, des injonctions particulières peuvent être
données, comme par exemple la fixation d'un délai de détention maximum; c'est
au surplus au juge du fond qu'il appartient, le cas échéant par une réduction
de peine, de tenir compte d'une violation de l'obligation de célérité (ATF
128 I 149 consid. 2.2 p. 151/152).

3.2 Le Tribunal fédéral a été amené à se prononcer sur cette question dans
l'arrêt rendu le 6 novembre 2006. Il a alors constaté que même si
l'instruction n'avait peut-être pas suivi un rythme particulièrement soutenu,
elle n'avait pas non plus connu de période d'inactivité susceptible de tomber
sous le coup de l'art. 5 § 3 CEDH. Il a pris acte des déclarations du Juge
d'instruction fédéral suivant lesquelles une fois le rapport de synthèse
déposé, il procéderait à l'exécution des dernières commissions rogatoires
encore en suspens et à une série d'auditions du recourant avant de prononcer
la clôture de l'instruction préparatoire. Il l'a invité à prendre un soin
tout particulier au bon déroulement de cette procédure et à clore
l'instruction dans les plus brefs délais, de manière à ce que l'audience de
jugement puisse intervenir au plus vite dans le courant de l'année 2007. La
Cour des plaintes a écarté les reproches faits au Juge d'instruction fédéral
de ne pas avoir obtempéré aux injonctions du Tribunal fédéral. Elle a estimé
que même si l'instruction n'était pas terminée, la procédure n'avait pas
connu de retards inadmissibles imposant la libération immédiate du recourant,
en prenant soin d'énumérer les actes accomplis. Toutefois, pour assurer le
prochain achèvement de l'enquête, elle a imparti au Juge d'instruction
fédéral un délai au 15 août 2007 pour mettre un terme à l'instruction
préparatoire et déposer son rapport de clôture de manière à ce que le
recourant puisse effectivement être jugé cette année encore. Cette
appréciation échappe à toute critique.
La procédure n'a pas connu de temps mort depuis le dernier arrêt rendu par le
Tribunal fédéral. Le Juge d'instruction fédéral a procédé à l'exécution des
commissions rogatoires encore en suspens à réception du rapport de synthèse
de la police judiciaire fédérale, comme il l'avait annoncé. Il a certes
ordonné d'autres mesures d'instruction, mais le recourant ne prétend
d'ailleurs pas que ces mesures étaient inutiles et auraient prolongé indûment
la procédure. Par ailleurs, il convenait de respecter les droits des parties
en leur donnant la possibilité de requérir un complément d'enquête (art. 119
al. 1 PPF). En tout état de cause, la Cour des plaintes a pris les mesures
qui s'imposaient pour respecter l'arrêt du Tribunal fédéral en fixant au Juge
d'instruction fédéral un délai péremptoire au 15 août 2007 pour mettre fin à
la procédure d'instruction préparatoire et déposer son rapport de clôture de
manière à ce que le recourant puisse être jugé encore cette année. A.________
estime certes qu'une audience de jugement devant la Cour des affaires pénales
ne pourra selon toute vraisemblance pas être fixée avant 2008 compte tenu des
opérations qui restent à effectuer et de la nécessité de trouver une longue
période de disponibilité de la part des avocats des parties à la procédure.
Ces considérations ne suffisent cependant pas pour exclure avec toute la
certitude voulue que le recourant ne puisse encore être jugé avant la fin de
cette année. En l'état, il suffit de constater que les injonctions posées par
le Tribunal fédéral dans son arrêt du 6 novembre 2006 peuvent a priori encore
être respectées, ce qui suffit pour écarter le grief tiré d'une violation du
principe de la célérité.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Les conditions de l'art. 64 LTF
étant réunies, il convient de faire droit à la demande d'assistance
judiciaire et de statuer sans frais; Me Stefan Disch est désigné comme
défenseur d'office du recourant pour la présente procédure et une indemnité
lui sera versée à titre d'honoraires par la caisse du Tribunal fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Me Stefan Disch est désigné en tant qu'avocat d'office du recourant et une
indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, supportée par la
caisse du Tribunal fédéral.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Ministère public de la Confédération, à l'Office des juges d'instruction
fédéraux et au Tribunal pénal fédéral, Ire Cour des plaintes.

Lausanne, le 23 août 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: