Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.144/2007
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1B_144/2007 /col

Arrêt du 7 janvier 2008
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourante, représentée par Me Tal Schibler, avocat,

contre

Procureur général de la République et canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation de la République et canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

procédure pénale, ordonnance de suspension,

recours en matière pénale contre l'arrêt de la Chambre d'accusation de la
République et canton de Genève du 6 juin 2007.

Faits:

A.
Le 25 septembre 2006, A.________ a saisi le Procureur général de la
République et canton de Genève d'une plainte pénale contre le Docteur
B.________ pour violation du secret professionnel. Elle reprochait à ce
praticien d'avoir révélé des faits la concernant dans un rapport déposé le 11
septembre 2006 dans une procédure civile qui la divise d'avec son ex-mari
sans qu'elle l'ait délié du secret médical. Le même jour, elle a déposé, pour
le même motif, une plainte contre le Docteur B.________ auprès du Médecin
cantonal de la République et canton de Genève que celui-ci a transmise à la
Commission cantonale de surveillance des professions de la santé et des
droits des patients comme objet de sa compétence.
Le Procureur général a classé la plainte dont il avait été saisi dans une
ordonnance prise le 19 décembre 2006 que la plaignante a contestée devant la
Chambre d'accusation de la République et canton de Genève. Par décision du 10
avril 2007, il a "déclassé" la procédure pénale et ordonné sa suspension
jusqu'à droit jugé dans la procédure pendante devant la Commission cantonale
de surveillance des professions de la santé et des droits des patients. La
Chambre d'accusation, composée notamment de la juge C.________, a déclaré
irrecevable, subsidiairement infondé le recours interjeté contre cette
décision par la plaignante au terme d'une ordonnance rendue le 6 juin 2007.

B.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cette ordonnance ainsi que la décision de
suspension du Procureur général et d'inviter ce dernier à instruire sans
délai la procédure pénale, le cas échéant, à transmettre au juge
d'instruction afin que celui-ci procède aux actes d'instruction nécessaires.
Elle conclut subsidiairement au renvoi de la cause pour nouvelle décision
dans le sens des considérants au Procureur général, respectivement à
l'autorité cantonale précédente dans sa nouvelle composition. Elle se plaint
d'arbitraire, d'un déni de justice formel, d'une violation de ses droits à un
juge impartial et à la protection de la bonne foi ainsi que d'une violation
du droit fédéral.
La Chambre d'accusation et le Procureur général concluent au rejet du recours
dans la mesure où il est recevable. Ils tiennent l'un et l'autre le recours
pour irrecevable en tant qu'il met en cause l'impartialité de la juge
C.________ en raison des liens d'amitié qui la lient à l'ex-mari de la
recourante faute pour celle-ci d'avoir saisi la Présidente de la Cour de
justice d'une requête de récusation.
Dans ses déterminations du 8 octobre 2007, A.________ a contesté
l'irrecevabilité de son recours sur ce point. Elle a déposé le même jour une
requête de récusation de la juge C.________ auprès de la Présidente de la
Cour de justice.
Par ordonnance du 31 octobre 2007, le juge instructeur a suspendu
l'instruction du recours jusqu'à droit connu sur cette requête. Il a ordonné
la reprise de l'instruction de la cause à réception de la décision du plénum
de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 1er novembre
2007 déclarant la requête de récusation irrecevable pour cause de tardiveté.
Invitée à se déterminer, la recourante n'a pas déposé d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision attaquée a été prise par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 80 al. 1 LTF), dans une cause de droit pénal (art. 78 al. 1
LTF). Nonobstant son caractère incident, elle peut faire l'objet d'un recours
en matière pénale au vu des griefs invoqués au fond (arrêt 1B_210/2007 du 16
octobre 2007 consid. 2 destiné à la publication). La recourante remplit au
surplus les conditions de l'art. 81 al. 1 LTF pour lui reconnaître la qualité
pour agir. Elle conteste par ailleurs la motivation principale et subsidiaire
de la décision attaquée selon les exigences posées par la jurisprudence (ATF
133 IV 119 consid. 6.3 p. 120/121), de sorte qu'il y a lieu d'entrer en
matière sur le recours.

2.
La recourante prétend que la Chambre d'accusation lui aurait dénié la qualité
pour recourir contre l'ordonnance de suspension prise par le Procureur
général au terme d'une interprétation arbitraire du droit cantonal et en
violation de son droit à la protection de sa bonne foi.

2.1 Sous réserve des cas visés à l'art. 95 let. c à e LTF, la violation du
droit cantonal ne constitue pas un motif de recours. Elle peut en revanche
être constitutive d'une violation du droit fédéral au sens de l'art. 95 let.
a LTF, telle que l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.). Sur ce point,
la loi sur le Tribunal fédéral n'apporte aucun changement à la cognition du
Tribunal fédéral qui était la sienne sous l'empire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire (ATF 133 II 249 consid. 1.2.1 p. 151). Appelé à
revoir l'interprétation d'une norme cantonale sous l'angle de l'arbitraire,
le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci
apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation
effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en
violation d'un droit certain. En revanche, si la solution défendue par la
cour cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au
sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette
interprétation sera confirmée, même si une autre solution éventuellement plus
judicieuse paraît possible (ATF 133 II 257 consid. 5.1 p. 260 et les arrêts
cités). En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée
soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans
son résultat (cf. ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17).

2.2 Aux termes de l'art. 190A du Code de procédure pénale genevois (CPP
gen.), les parties peuvent recourir contre les décisions du Procureur général
dans les cas prévus par les art. 32, 90, 96, 110 al. 1, 112A, 114B, 115A,
116, 161 à 163, 179 al. 3, 182 et 198. Ont qualité de partie à la procédure,
selon l'art. 23 CPP gen., le Procureur général, la partie civile et
l'inculpé, l'accusé ou le condamné. L'art. 25 al. 1 CPP gen. subordonne la
qualité de partie civile à une constitution en ce sens de la part du
plaignant et de toute personne lésée par une infraction poursuivie d'office.
Au regard du texte clair de ces dispositions, le plaignant qui ne s'est pas
constitué partie civile n'a donc pas qualité de partie et n'est pas habilité
en tant que telle à recourir contre une décision de suspension de la
procédure prise par le Procureur général. La recourante ne le conteste pas.
Il est conforme à la volonté du législateur et, partant, non arbitraire
d'interpréter la notion de partie définie à l'art. 190A CPP gen. selon son
texte et, par conséquent, de lire cette disposition en rapport avec l'art. 23
CPP gen. (cf. Mémorial des séances du Grand Conseil, séance du 17 juin 1977,
p. 2643 et 2807). En matière de recours et de procédure devant la Chambre
d'accusation, l'art. 191 al. 1 let. a CPP gen., dans sa teneur en vigueur
depuis le 13 février 2007, assimile aux parties notamment le plaignant et le
lésé, dans les cas des art. 67, 96, 116 et 198 CPP gen. La jurisprudence
cantonale a précisé que l'énumération était limitative, mais elle a admis des
exceptions pour des décisions présentant une telle similitude avec celles
énumérées qu'un refus d'entrer en matière revêtirait un formalisme excessif
(cf. ATF 126 IV 107 consid. 1b/bb p. 109/110; arrêt du Tribunal fédéral
P.193/1984 du 19 septembre 1984 cité par Pierre Dinichert/Bernard
Bertossa/Louis Gaillard, Procédure pénale genevoise, exposé de la
jurisprudence récente, in SJ 1986 n. 7.8 p. 489).
L'ordonnance de suspension de la procédure pénale prise en l'espèce par le
Procureur général en application des art. 87 et 90 CPP gen. ne fait pas
partie des décisions que le plaignant est habilité à contester en vertu de
l'art. 191 al. 1 let. a CPP gen. La Chambre d'accusation a par ailleurs
considéré que cette décision ne pouvait être assimilée à l'une de celles
visées par cette disposition et, en particulier, à une décision de classement
de la procédure contre laquelle le plaignant pourrait recourir sans s'être
préalablement constitué partie civile, de sorte que la recourante ne pouvait
pas davantage se prévaloir de l'art. 191 al. 1 let. a CPP gen. pour fonder sa
qualité pour agir. Cette appréciation échappe au grief d'arbitraire.
Le législateur a supprimé la possibilité initialement prévue dans la loi pour
le plaignant de contester devant la Chambre d'accusation les ordonnances de
suspension prises par le juge d'instruction en application de l'art. 130 CPP
gen. à l'occasion d'une modification du Code de procédure pénale entrée en
vigueur en juillet 1990 (cf. Mémorial des séances du Grand Conseil, séance du
17 mai 1990, p. 1947 et p. 1961/1962). Eu égard à la volonté manifeste du
législateur de ne pas étendre la qualité pour recourir contre de telles
décisions, il convient de faire une application restrictive de l'exception
consacrée par la pratique cantonale. Tout au plus, un recours du plaignant
pourrait être envisagé lorsque la suspension équivaut à un classement de fait
parce qu'elle est prononcée pour une durée indéterminée et que la reprise de
la procédure paraît incertaine ou qu'elle dépend d'événements dont on ignore
s'ils se produiront et sur lesquels le plaignant n'a aucune prise (cf. en ce
sens, Grégoire Rey, Procédure pénale genevoise, Genève 2005, n. 1.1.1 ad art.
190A CPP gen., p. 248). Rien n'indique que tel soit le cas. La suspension de
la procédure pénale a été ordonnée jusqu'à droit jugé par la Commission
cantonale de surveillance des professions de la santé et des droits des
patients sur la plainte formulée par la recourante contre le Docteur
B.________ auprès de cette autorité à raison d'une prétendue violation du
secret professionnel. La cause n'est donc pas suspendue sine die et il n'est
pas exclu que cette décision intervienne rapidement. Dans l'hypothèse où cela
ne serait pas le cas, la recourante serait de toute manière en mesure de
requérir la reprise de cause puisqu'elle s'est expressément constituée partie
civile dans l'intervalle.
Le fait que le Procureur général ait indiqué à tort au mandataire de la
recourante que cette dernière pouvait recourir contre la décision de
suspension en déposant des conclusions motivées auprès de la Chambre
d'accusation ne permet pas de conférer à la recourante une qualité pour agir
qui lui fait légalement défaut en application des règles de la bonne foi. On
pouvait en effet attendre du conseil actuel de A.________ qu'il s'assure
auprès de sa mandante ou de l'ancien mandataire de celle-ci qu'elle s'était
effectivement constituée partie civile dans la mesure où une démarche en ce
sens ne ressortait à l'évidence pas de la plainte pénale adressée par son
confrère au juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne et transmise
au Procureur général comme objet de sa compétence. Il ne pouvait simplement
inférer que tel était le cas de la seule mention de la possibilité de
recourir indiquée dans la décision attaquée. On ne se trouve pas dans un cas
où la bonne foi de la recourante devrait être protégée parce que l'indication
de la voie de droit, de l'autorité compétente ou du délai à respecter serait
erronée (cf. ATF 127 II 198 consid. 2c p. 205; 124 I 255 consid. 1a/aa p.
258; 117 Ia 297 consid. 3b p. 300, 421 consid. 2a p. 422; 112 Ia 305 consid.
3 p. 310; 106 Ia 13 consid. 3b p. 18 et les références citées). Au demeurant,
une indication erronée à ce propos ne saurait lier la Chambre d'accusation
qui devait examiner d'office la qualité pour agir de la recourante devant
elle (cf. arrêt 1P.109/2006 du 22 juin 2006 consid. 6.2 publié à la SJ 2007 I
p. 41).
La solution attaquée n'aboutit enfin pas à un résultat choquant qu'il
appartiendrait au Tribunal fédéral de sanctionner au regard de l'art. 9 Cst.
étant donné qu'il suffit au plaignant de se porter partie civile pour se voir
reconnaître les droits de partie à la procédure et, en particulier, le droit
de recourir contre les ordonnances de suspension prises par le Procureur
général en application des art. 87 et 90 CPP gen.
La Chambre d'accusation n'a donc pas fait preuve d'arbitraire en déniant à la
recourante la qualité pour recourir contre la décision de suspension de la
procédure prise par le Procureur général et en déclarant le recours
irrecevable pour ce motif. Cela étant, il n'y a pas lieu de se prononcer sur
la pertinence de la motivation subsidiaire retenue pour écarter le recours
sur le fond.

3.
La recourante conclut à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de
la cause pour nouvelle décision à la Chambre d'accusation dans une nouvelle
composition au motif que l'une des juges ayant statué ne présenterait pas les
garanties d'impartialité à son endroit dans la mesure où elle entretient des
liens d'amitié étroits avec son ex-mari, patient du Docteur B.________. Elle
n'aurait eu connaissance  de ce motif de récusation qu'après la notification
de l'ordonnance de la Chambre d'accusation.
Le Procureur général et la Chambre d'accusation ont mis en doute la
recevabilité de ce grief au regard du principe de l'épuisement préalable des
voies de droit cantonal consacré par l'art. 80 al. 1 LTF. Dans sa décision du
1er novembre 2007, le plénum de la Cour de justice n'a pas définitivement
tranché la question de savoir si la requête de récusation de la juge
C.________, dont l'avait saisie la recourante, était recevable parce que le
droit de demander la récusation était de toute manière périmé. Cela étant, il
subsiste sur ce point un doute (cf. ATF 111 Ia 72 consid. 2e p. 77; arrêt
4P.180/2005 du 24 octobre 2005 consid. 2.2) qui doit profiter à la recourante
(cf. ATF 132 I 92 consid. 1.5 p. 94 et les arrêts cités). Le grief est donc
en principe recevable. Il est en revanche infondé.
En effet, seuls des liens d'amitié étroits entre un juge et l'une des parties
en cause ou son représentant sont de nature à justifier la récusation de ce
magistrat. L'on ne se trouve pas dans cette situation puisque l'ex-mari de la
recourante n'est pas partie à la procédure pénale qui divise celle-ci d'avec
le Docteur B.________. Le fait que ce praticien soit accusé d'avoir divulgué
des informations prétendument couvertes par le secret professionnel dans une
procédure civile qui oppose la recourante à son ex-époux n'est pas suffisant
pour mettre en doute l'impartialité de la juge C.________.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable
aux frais de la recourante qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Il n'y a
pas lieu d'allouer des dépens au magistrat intimé et à l'autorité concernée
(art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante ainsi
qu'au Procureur général et à la Chambre d'accusation de la République et
canton de Genève.

Lausanne, le 7 janvier 2008

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  Le Greffier:

Féraud  Parmelin