Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.127/2007
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1B_127/2007 /col

Arrêt du 13 juillet 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Dario Nikolic, avocat,

contre

Procureur général de la République et canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation de la République et canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

prolongation de la détention et refus de mise en liberté,

recours en matière pénale contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation de
la République et canton de Genève du 19 juin 2007.

Faits:

A.
A. ________, ressortissant du Kosovo né le 15 juin 1950, a été arrêté le 21
décembre 2006 et placé en détention préventive sous l'inculpation
d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants. Il lui est reproché
d'avoir livré plus de 2,5 kilos d'héroïne à Genève au cours des mois de
novembre et décembre 2006.
Le 15 juin 2007, A.________ a sollicité sa mise en liberté provisoire
moyennant le versement d'une caution de 3'000 fr., portée par la suite à
13'000 fr. Par ordonnance du 19 juin 2007, la Chambre d'accusation de la
République et canton de Genève (ci-après: la Chambre d'accusation ou la cour
cantonale) a refusé de faire droit à cette requête et autorisé la
prolongation de la détention préventive de l'intéressé pour une période de
deux mois. Elle motivait sa décision par le risque de collusion, les besoins
de l'instruction et le danger de fuite.

B.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cette décision et d'ordonner sa mise en liberté
immédiate. Il conclut subsidiairement au renvoi de la cause à la cour
cantonale pour que "celle-ci se prononce à nouveau dans le respect des
principes posés par le Tribunal fédéral". Il prétend que la décision attaquée
reposerait sur des faits constatés de manière arbitraire et violerait sa
liberté personnelle. Il requiert l'assistance judiciaire.
La Chambre d'accusation et le Procureur général de la République et canton de
Genève se réfèrent aux considérants de l'ordonnance attaquée.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision litigieuse ayant été rendue après le 1er janvier 2007, la loi
fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) est
applicable à la présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).

2.
Selon l'art. 78 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours contre les
décisions rendues en matière pénale. La notion de décision rendue en matière
pénale comprend toute décision fondée sur le droit pénal matériel ou sur le
droit de procédure pénale. En d'autres termes, toute décision relative à la
poursuite ou au jugement d'une infraction fondée sur le droit fédéral ou sur
le droit cantonal est en principe susceptible d'un recours en matière pénale
(Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale
du 28 février 2001, FF 2001 p. 4111). La voie du recours en matière pénale
est dès lors ouverte en l'espèce. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF)
contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui
touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1
let. a et b ch. 1 LTF), le recours est recevable.

3.
Une mesure de détention préventive est compatible avec la liberté
personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, pour autant
qu'elle repose sur une base légale, qu'elle réponde à un intérêt public et
qu'elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 31 al. 1 et 36 al.
1 à 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270).
L'art. 151 du Code de procédure pénale genevois (CPP gen.) prévoit que
l'inculpé doit être remis en liberté sans sûretés ni caution dès que les
conditions posées à la délivrance d'un mandat d'arrêt ne sont plus réalisées
(al. 1). En tout état de cause, l'inculpé peut, par requête écrite, demander
sa mise en liberté, en s'adressant soit au juge d'instruction, soit
directement à la Chambre d'accusation (al. 2). En vertu de l'art. 152 al. 1
CPP gen., le juge d'instruction statue dans les 24 heures sur la demande de
mise en liberté. En cas de refus, il transmet immédiatement le dossier à la
Chambre d'accusation. Celle-ci statue dans sa plus prochaine audience utile
(art. 153 al. 3 CPP gen.). A teneur de l'art. 154 CPP gen., la mise en
liberté ne peut être refusée que si la gravité de l'infraction l'exige (let.
a), si les circonstances font penser qu'il y a danger de fuite, de collusion,
de nouvelle infraction (let. b) ou si l'intérêt de l'instruction l'exige
(let. c). La prolongation de la détention, qui peut être ordonnée pour une
durée de trois mois au maximum (art. 35 al. 3 CPP gen.), est soumise aux
mêmes conditions (art. 187 al. 1 CPP gen.).

4.
Le recourant ne conteste pas la base légale de la prolongation de sa
détention ni l'existence de charges suffisantes à son encontre. Il prétend en
revanche que la Chambre d'accusation aurait retenu un risque de collusion sur
la base de faits constatés de manière arbitraire. Il nie par ailleurs que sa
détention puisse se fonder sur les besoins de l'instruction et le danger de
fuite.

4.1 Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par l'intérêt
public lié aux besoins de l'instruction en cours, par exemple lorsqu'il est à
craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à profit pour faire disparaître
ou altérer les preuves, ou qu'il prenne contact avec des témoins ou d'autres
prévenus pour tenter d'influencer leurs déclarations. On ne saurait toutefois
se contenter d'un risque de collusion abstrait, car ce risque est inhérent à
toute procédure pénale en cours et doit, pour permettre à lui seul le
maintien en détention préventive, présenter une certaine vraisemblance.
L'autorité doit ainsi démontrer que les circonstances particulières de
l'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de telles manoeuvres,
propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans
les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels
actes d'instruction elle doit encore effectuer et en quoi la libération du
prévenu en compromettrait l'accomplissement (ATF 132 I 21 consid. 3.2 p. 23;
128 I 149 consid. 2.1 p. 151 et les arrêts cités). De plus, les besoins de
l'instruction ne peuvent constituer un motif valable de détention que si les
opérations d'enquête, dont le bon déroulement ne doit pas être compromis par
la libération provisoire du prévenu, se poursuivent sans désemparer (arrêt
1P.749/2004 du 13 janvier 2005 consid. 5.1).
Quant au risque de fuite, il doit s'analyser en fonction d'un ensemble de
critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources,
ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger,
qui font apparaître ce risque non seulement possible, mais également probable
(ATF 117 Ia 69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). La gravité de
l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la
détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en
raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60
consid. 3a p. 62; 117 Ia 69 consid. 4a p. 70; 108 Ia 64 consid. 3 p. 67). Le
fait que l'extradition du prévenu puisse être obtenue n'est pas déterminant
(ATF 123 I 31 consid. 3d p. 36). Lorsqu'elle admet l'existence d'un risque de
fuite, l'autorité doit en outre examiner s'il ne peut être contenu par une
mesure moins rigoureuse, tel que le versement d'une caution, le dépôt des
pièces d'identité ou l'obligation de se présenter régulièrement à un office
déterminé (cf. art. 155 à 157 CPP gen.; ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 123 I
268 consid. 2c p. 271; 108 Ia 64 consid. 3 p. 67; 102 Ia 379 consid. 2a p.
381 et les arrêts cités).

4.2 En l'espèce, la Chambre d'accusation considère que le recourant devrait
être maintenu en détention dans l'attente du résultat de la transcription et
de l'analyse des écoutes téléphoniques de deux raccordements d'un coaccusé
ordonnées par le juge d'instruction en charge du dossier le 11 juin 2007. Le
recourant prétend que les raccordements en question n'ont jamais été mis sous
écoute et que seule une analyse des rétroactifs sur ces deux lignes aurait
été demandée. Cette analyse figurerait en outre dans le rapport de police
versé au dossier le 14 juin 2007, de sorte que le motif invoqué serait dénué
de toute pertinence. Il se plaint à cet égard d'une constatation arbitraire
des faits. Les éléments de fait allégués par le recourant n'ont suscité
aucune réaction de la part de la Chambre d'accusation et du Procureur général
et ne peuvent être tenus pour inexacts sur la base du dossier cantonal remis
au Tribunal fédéral. On observera par ailleurs que le recourant n'est pas le
titulaire des raccordements en question, qui concernent l'un de ses coaccusés
auquel il a déjà été confronté au cours de la procédure. Dans ces conditions,
le risque de collusion, tel qu'il est motivé, n'est pas fondé à satisfaction
de droit et ne permet pas de justifier le maintien du recourant en détention.
La Chambre d'accusation a également considéré que les besoins de
l'instruction resteraient concrets jusqu'au dépôt du rapport d'expertise
psychiatrique du prévenu et à l'audition de l'expert. Elle n'explique guère
en quoi la libération du recourant pourrait compromettre ou compliquer la
réalisation de cette expertise. Le recourant est certes domicilié à Zurich,
mais les entretiens pourraient être aménagés par l'expert de telle manière
qu'il puisse se rendre à Genève. S'il était à craindre que le recourant ne
tente de se soustraire à cette mesure d'instruction qu'il a lui-même
sollicitée, il s'agirait alors plutôt d'un élément propre à renforcer le
risque de fuite. Une mesure aussi grave que la détention préventive ne peut
ainsi se justifier uniquement pour garantir le bon déroulement de l'expertise
psychiatrique.
Les motifs invoqués en relation avec les besoins de l'instruction ou le
risque de collusion ne sauraient ainsi imposer la détention préventive. Pour
le surplus, la Chambre d'accusation n'évoque aucune autre mesure
d'instruction en cours dont le recourant ne devrait pouvoir influencer la
correcte exécution. Cela ne signifie pas encore que le recours doive être
admis et le recourant remis en liberté.

4.3 La cour cantonale a également fondé la prolongation de la détention par
un risque de fuite. Celui-ci ne saurait sérieusement être contesté. Le
recourant a certes une fille mariée à Bâle et vit depuis de nombreuses années
en Suisse. Toutefois, il est sans profession et sans ressources. De plus,
selon les faits retenus dans la décision attaquée et qui lient le Tribunal
fédéral dans la mesure où ils ne sont ni contestés ni manifestement inexacts
(cf. art. 105 al. 1 et 2 LTF), son épouse et ses trois autres enfants
résident au Kosovo avec lequel il a conservé des contacts étroits malgré ses
longues années passées en Suisse. Dans ces conditions, et compte tenu de la
peine privative de liberté à laquelle il s'expose en cas de condamnation pour
les faits qui lui sont reprochés, on peut sérieusement craindre qu'il ne
cherche à se soustraire à l'action de la justice s'il était remis en liberté
provisoire. Il est vrai que la détention ne se justifie pas nécessairement
lorsqu'elle est motivée uniquement par un risque de fuite et que celui-ci
peut être pallié par des mesures alternatives, tel le versement d'une caution
(cf. arrêt P.424/1979 du 19 décembre 1979, paru à la SJ 1981 p. 129 consid.
5b p. 137 et la jurisprudence citée). La Chambre d'accusation n'a pas examiné
cette question et n'avait pas à le faire au regard de la jurisprudence
précitée puisqu'elle avait considéré la détention comme justifiée par les
besoins de l'instruction et un risque de collusion. Il n'appartient pas non
plus au Tribunal fédéral de vérifier ce qu'il en est. D'une part, parce qu'il
n'est pas exclu que la détention puisse se justifier pour un autre motif de
détention, tel le risque de récidive, évoqué tant par le juge d'instruction
que par le Procureur général, ou le risque de collusion motivé d'une autre
manière. D'autre part, parce que font défaut les éléments nécessaires pour
apprécier si le montant offert à titre de caution est suffisant pour parer au
risque de fuite et garantir que le recourant se présentera aux actes
d'instruction et, le cas échéant, au jugement (cf. ATF 105 Ia 186 consid. 4a
p. 187).
En l'état, la détention préventive est en tout cas justifiée au regard du
risque de fuite. Le recourant reste toutefois libre de présenter une nouvelle
demande de mise en liberté en indiquant précisément les éléments qui
permettraient, selon lui, de retenir que la caution offerte est suffisante à
pallier au risque de fuite.

5.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Les conditions de l'art. 64 LTF
étant réunies, il convient de faire droit à la demande d'assistance
judiciaire et de statuer sans frais; Me Dario Nikolic est désigné comme
défenseur d'office du recourant pour la présente procédure et une indemnité
lui sera versée à titre d'honoraires par la caisse du Tribunal fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le recourant est mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. Me Dario Nikolic
est désigné comme défenseur d'office et une indemnité de 1'500 fr. lui est
allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant ainsi
qu'au Procureur général et à la Chambre d'accusation de la République et
canton de Genève.

Lausanne, le 13 juillet 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: