Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.10/2007
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{T 0/2}
1B_10/2007 /col

Arrêt du 26 février 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Fonjallaz et Eusebio.
Greffière: Mme Truttmann.

A. ________,
recourant, représenté par Me Thomas Barth, avocat, boulevard Helvétique 6,
1205 Genève,

contre

Procureur général de la République et canton
de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
Cour de justice de la République et canton
de Genève, Chambre d'accusation,
case postale 3108, 1211 Genève 3.

détention préventive,

recours en matière pénale contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation de
la Cour de justice de la République et canton de Genève du 2 février 2007.

Faits:

A.
A. ________ est détenu depuis le 13 février 2006 sous l'inculpation de
brigandage. Il lui est reproché d'avoir commis, entre l'automne 2005 et
février 2006, principalement dans des stations-services, seize brigandages,
armé d'un pistolet, qui s'est avéré être une arme factice.
Ses trois précédentes requêtes ayant toutes été rejetées par la Chambre
d'accusation de la République et canton de Genève (ci-après: la Chambre
d'accusation), A.________ a derechef conclu à sa mise en liberté lors de
l'audience du 2 février 2007. Par ordonnance du même jour, la Chambre
d'accusation a cependant autorisé la prolongation de sa détention jusqu'au 2
avril 2007 et a refusé sa mise en liberté.

B.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance rendue par la Chambre d'accusation le
2 février 2007 et d'ordonner sa mise en liberté provisoire immédiate. Il
demande subsidiairement de renvoyer la cause à la Chambre d'accusation pour
nouvelle décision. Il sollicite en outre l'assistance judiciaire.
Le Ministère public s'est entièrement référé aux motifs de la décision
attaquée et a conclu au rejet du recours, en tant qu'il était recevable. La
Chambre d'accusation s'est rapportée à l'appréciation du Tribunal fédéral
quant à la recevabilité du recours. Sur le fond, elle a conclu à son rejet.
Invité à répliquer, A.________ a persisté dans ses conclusions.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision attaquée ayant été rendue après le 1er janvier 2007, la loi sur
le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est applicable à la
présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).

2.
Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en
dernière instance cantonale (art. 80 cum 130 al. 1 LTF) et qui touche le
recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b
ch. 1 LTF), le recours en matière pénale (art. 78 ss LTF) est recevable. La
Ire Cour de droit public est compétente pour traiter les recours en matière
pénale contre des décisions de maintien en détention préventive (art. 29 al.
3 RTF). Les conclusions du recourant sont recevables (art. 107 al. 2 LTF).

3.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté
personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle
repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce
l'art. 34 du code de procédure pénale genevois (CPP/GE; cf. également l'art.
27 Cst./GE). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter
le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268
consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit
être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un
danger de collusion ou de réitération (cf. art. 34 let. a à c CPP/GE). La
gravité de l'infraction - et l'importance de la peine encourue - n'est, à
elle seule, pas suffisante (ATF 117 Ia 70 consid. 4a). Préalablement à ces
conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes
(art. 5 par. 1 let. c CEDH; ATF 116 Ia 144 consid. 3; art. 34 in initio
CPP/GE).
S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal
fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de
l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF
123 I 268 consid. 2d p. 271). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grande
liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 281 consid. 3 p. 283).

4.
Le recourant ne remet pas en cause la base légale sur laquelle repose la
détention préventive, de même qu'il ne conteste pas l'existence de charges
suffisantes. Il se plaint en revanche d'une violation du principe de la
proportionnalité, sans toutefois prétendre que l'enquête aurait connu des
lenteurs inadmissibles susceptibles de porter atteinte à son droit d'être
jugé dans un délai raisonnable.
Il estime que la juridiction de jugement retiendra probablement, comme
l'expert, une responsabilité restreinte, ce qui aura pour effet d'atténuer la
peine. Il devrait également être tenu compte du caractère factice de l'arme,
de sa bonne collaboration, de ses regrets sincères et de son absence
d'antécédents judiciaires. Il serait donc envisageable que la peine privative
de liberté soit proche de la durée de la détention provisoire subie à ce
jour. En outre, il serait hautement vraisemblable que le procès ne puisse pas
avoir lieu avant six à neuf mois.

4.1 Selon la jurisprudence, le principe de la proportionnalité confère au
prévenu le droit d'être libéré lorsque la durée de son incarcération se
rapproche de la peine privative de liberté susceptible d'être prononcée (ATF
132 I 21 consid. 4.1 p. 27; 126 I 172 consid. 5a p. 176; 124 I 208 consid. 6
p. 215). Celle-ci doit être évaluée avec la plus grande prudence, car il faut
éviter que le juge de l'action pénale ne soit incité à prononcer une peine
excessive pour la faire coïncider avec la détention préventive à imputer (ATF
124 I 208 consid. 6 p. 215, 116 Ia 143 consid. 5a p. 147).

4.2 La Chambre d'accusation a estimé que le principe de la proportionnalité
était respecté, les faits reprochés au recourant étant particulièrement
graves, s'agissant d'actes avec violence. Elle a relevé que si les victimes
n'avaient pas été molestées, elles avaient été menacées au moyen d'une arme
dont elles ne pouvaient se douter qu'elle était factice et elles avaient dû
exécuter les ordres donnés par le recourant, sur un ton souvent agressif.
Certaines victimes ont du reste été particulièrement choquées par les
événements et ont subi un traumatisme sévère et durable.

4.3 En l'espèce, le recourant est détenu provisoirement depuis bientôt une
année. Selon l'art. 140 ch. 1 CP, le brigandage est puni d'une peine
privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire de 180
jours-amende au moins. Au regard des charges qui pèsent sur le recourant,
s'agissant d'un nombre élevé d'infractions commises avec une certaine
violence, la durée de la détention n'apparaît à ce jour pas excessive. La
conclusion serait identique, même si l'on devait tenir compte d'une
responsabilité restreinte, dans la mesure où la question du sursis n'entre
pas en considération (ATF 125 I 60 consid. 3d p. 64). En outre, d'après les
indications fournies par le recourant, l'instruction est terminée, la
procédure ayant été communiquée au Procureur général le 2 février 2007. En
l'état, rien ne permet d'affirmer que le recourant ne pourra pas être jugé à
bref délai. Le grief doit dès lors être rejeté.

5.
Le recourant nie l'existence d'un risque de récidive. Selon lui, le vice du
jeu serait une chose, la commission de nouveaux brigandages une autre. En
outre, il conteste ne pas avoir mis en place les conditions d'un suivi
psychiatrique à sa sortie de prison.

5.1 L'autorité appelée à statuer sur la mise en liberté provisoire d'un
prévenu peut en principe maintenir celui-ci en détention s'il y a lieu de
présumer, avec une certaine vraisemblance, l'existence d'un danger de
récidive. Elle doit cependant faire preuve de retenue dans l'appréciation
d'un tel risque (ATF 105 Ia 26 consid. 3c p. 31). Le maintien en détention ne
peut se justifier pour ce motif que si le pronostic est très défavorable et
que les délits dont l'autorité redoute la réitération sont graves (ATF 125 I
60 consid. 3a p. 62, 361 consid. 5 p. 367; 124 I 208 consid. 5 p. 213; 123 I
268 consid. 2c p. 270 et les arrêts cités). La jurisprudence se montre
toutefois moins stricte dans l'exigence de vraisemblance lorsqu'il s'agit de
délits de violence graves ou de délits sexuels, car le risque à faire courir
aux victimes potentielles est alors considéré comme trop important; en pareil
cas, il convient de tenir compte de l'état psychique du prévenu, de son
imprévisibilité ou de son agressivité (ATF 123 I 268 consid. 2e p. 271). Le
principe de la proportionnalité impose en outre à l'autorité qui estime se
trouver en présence d'une probabilité sérieuse de réitération d'examiner si
l'ordre public pourrait être sauvegardé par une autre mesure moins incisive
que le maintien en détention propre à atteindre le même résultat, telle que
la mise en place d'une surveillance médicale, l'obligation de se présenter
régulièrement à une autorité ou l'instauration d'autres mesures d'encadrement
(ATF 123 I 268 consid. 2c in fine et 2e p. 270/271 et les arrêts cités).

5.2 En l'espèce, la Chambre d'accusation s'est en particulier référée aux
conclusions de l'expertise psychiatrique ordonnée, pour retenir que le risque
de récidive était concret, dès lors que les graves infractions reprochées au
recourant étaient en lien direct avec le trouble dont il souffrait, à savoir
le besoin d'argent pour assouvir son vice du jeu.
On ne discerne pas quels motifs auraient permis aux autorités cantonales de
se distancier de l'avis émis par l'expert, le recourant n'en avançant
lui-même aucun. La Chambre d'accusation pouvait donc retenir l'existence d'un
risque de récidive.

5.3 Dans son expertise du 1er septembre 2006, l'expert a indiqué qu'un suivi
psychiatrique pouvait diminuer le risque de voir le recourant commettre
d'autres actes punissables. Il n'était pas nécessaire que le recourant soit
hospitalisé, le traitement pouvant se faire de manière ambulatoire.
Lors de l'audience du 14 décembre 2006, l'attention de l'expert a été attirée
sur le fait que le recourant était en instance de divorce et qu'il risquait
de se retrouver seul s'il devait être mis en liberté. L'expert avait en effet
indiqué dans son expertise qu'une situation familiale stable diminuerait le
risque de récidive. L'expert a répondu qu'une situation de solitude pourrait
engendrer chez lui un état de dépression, ce qui pourrait l'amener à
recommencer à jouer et à se retrouver dans une situation de besoins
financiers. L'expert a cependant réaffirmé que le risque de récidive pourrait
être atténué sous condition d'un suivi psychiatrique. Il a souligné que le
recourant devrait se soumettre à un suivi de psychothérapie adaptée à une
pathologie de dépendance au jeu. Il a encore précisé que certains psychiatres
privés étaient spécialisés dans ce domaine et a fourni le nom d'une
institution s'occupant de ce genre de troubles.

5.4 L'ordonnance attaquée retient quant à elle que depuis l'audition de
l'expert le 14 décembre 2006, le recourant n'a entrepris aucune démarche
quelconque pour approcher un psychiatre ou une institution afin de mettre sur
pied un traitement tel que préconisé. Le risque de réitération demeurait donc
concret, ce d'autant plus que la procédure de divorce suivait son cours.

5.5 Or, lors de sa demande de mise en liberté du 7 décembre 2006, le
recourant avait produit une lettre du département de psychiatrie, service de
psychiatrie adulte, secteur 4-Pâquis des Hôpitaux Universitaires de Genève
(HUG) qui confirmait qu'il pouvait être suivi dès sa libération provisoire à
leur Consultation et qui prévoyait même la possibilité d'un traitement
incluant des rapports à l'autorité judiciaire.
Lors de l'audience du 14 décembre 2006, sur question du mandataire du
recourant, l'expert a indiqué que des services de consultation de psychiatrie
ambulatoire secteur Pâquis pouvaient s'occuper de la pathologie liée au jeu
et du trouble de la personnalité de l'expertisé.
Dans ces conditions, on ne peut pas reprocher au recourant de ne pas avoir
entrepris de démarches conformément aux indications de l'expert. La Chambre
d'accusation ne pouvait donc pas s'appuyer sur ce motif pour maintenir la
détention du recourant. Le recours doit dès lors être admis sur ce point et
la décision attaquée annulée. Il n'en résulte pas nécessairement que le
recourant doive être remis en liberté. En effet, il découle de ce qui précède
que le risque de réitération existe. L'autorité cantonale devra néanmoins
réexaminer la légalité de la détention provisoire, en tenant compte de
l'offre du recourant de se soumettre à un suivi psychiatrique auprès des HUG,
de sa situation personnelle et familiale et des modalités, suivant lesquelles
le traitement pourrait être dispensé.

6.
Il s'ensuit que le recours doit être partiellement admis. Il n'y a pas lieu
de percevoir un émolument judiciaire (art. 66 al. 4 LTF). Le recourant,
assisté d'un avocat, a droit à des dépens, à la charge du canton de Genève
(art. 68 al. 2 LTF). Dans ses conditions, sa demande d'assistance judiciaire
est sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et la décision attaquée annulée.

2.
La demande de libération provisoire est rejetée.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le canton de Genève versera au recourant une indemnité de 2'000 fr. pour ses
dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Procureur général et à la Chambre d'accusation de la Cour de justice de la
République et canton de Genève.

Lausanne, le 26 février 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président :  La greffière: