Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 1A.62/2007
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1A.62/2007 /col

Arrêt du 30 novembre 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Parmelin.

Département de la sécurité et de l'environnement du canton de Vaud, Service
des automobiles et de la navigation, avenue du Grey 110, 1014 Lausanne,
recourant,

contre

A.________,
intimé,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

Fractionnement de l'exécution du retrait du permis de conduire,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Vaud du 30 août 2006.

Faits:

A.
Par décision du 6 juin 2006, le Service des automobiles et de la navigation
du canton de Vaud a ordonné le retrait du permis de conduire de A.________
pour une durée de trois mois dès le 3 octobre 2006, en raison d'un excès de
vitesse de 18 km/h commis le 26 janvier 2006 à l'intérieur d'une localité et
d'une infraction à l'art. 34 al. 4 de la loi fédérale sur la circulation
routière intervenue le 3 mars 2006.
Au terme d'un arrêt rendu le 30 août 2006 sur recours de l'intéressé, le
Tribunal administratif du canton de Vaud a confirmé cette décision en tant
qu'elle prononce un retrait du permis de conduire d'une durée de trois mois;
il l'a réformée en ce sens que la mesure prendra effet de manière
fractionnée, du 11 août au 24 septembre 2006 et à une date à fixer par le
Service des automobiles et de la navigation dès le 1er janvier 2007.

B.
Le 27 septembre 2006, le Service des automobiles et de la navigation a formé
un recours contre cet arrêt auprès du Département fédéral de l'environnement,
des transports, de l'énergie et de la communication, que celui-ci a transmis
le 20 juin 2007 au Tribunal fédéral comme objet de sa compétence, à l'issue
d'un échange de vues. Il demande l'annulation de cet arrêt et la confirmation
de sa décision du 6 juin 2006 en ce sens que la mesure de retrait du permis
de conduire d'une durée de trois mois doit être exécutée en une seule
période.
Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours dans la mesure où il
n'est pas sans objet. L'Office fédéral des routes propose de l'admettre.
A.________ n'a pas déposé d'observations.

C.
Par ordonnance du 21 août 2007, le Président de la Ire Cour de droit public a
rejeté la requête d'effet suspensif présentée par l'autorité recourante.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt attaqué ayant été rendu avant le 1er janvier 2007, la loi fédérale
d'organisation judiciaire du 26 décembre 1943 (OJ) s'applique à la présente
procédure, conformément à l'art. 132 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral
du 17 juin 2005.

2.
Les décisions de dernière instance cantonale en matière de retrait de permis
de conduire sont susceptibles de recours de droit administratif au Tribunal
fédéral (art. 24 al. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière dans sa
teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2006 [aLCR]; RO 2006 p. 2265). Le
motif d'exclusion de l'art. 101 let. c OJ n'est pas réalisé dès lors que la
décision de fractionner l'exécution du retrait du permis n'a pas été prise
sur la base d'une décision fixant le principe et la durée du retrait entrée
en force, mais simultanément à celle-ci dont elle constitue un élément
indissociable. La qualité pour agir du Service des automobiles et de la
navigation repose sur l'art. 24 al. 5 let. a aLCR. La question de savoir s'il
peut se prévaloir d'un intérêt actuel à obtenir l'annulation de l'arrêt
attaqué peut demeurer indécise. L'on se trouve en présence d'un cas typique
dans lequel une décision sur recours ne peut intervenir avant que celui-ci ne
devienne sans objet; par ailleurs, il existe un intérêt public important à
faire contrôler que la pratique de la dernière instance cantonale de recours
consistant à permettre l'exécution d'une mesure de retrait de permis de
conduire de manière fractionnée afin de tenir compte de la situation
personnelle du conducteur fautif soit conforme au droit fédéral. Les
conditions posées par la jurisprudence pour faire abstraction de l'exigence
d'un intérêt actuel au recours sont donc réunies (cf. ATF 128 II 34 consid.
1b p. 36, 156 consid. 1c p. 159; 125 II 497 consid. 1a/bb p. 499/500). Les
autres conditions de recevabilité du recours de droit administratif sont par
ailleurs réunies de sorte qu'il convient d'entrer en matière sur le fond.
Saisi d'un recours d'une autorité cantonale habilitée à intervenir afin
d'assurer l'application uniforme du droit fédéral, le Tribunal fédéral peut,
sans égard aux règles cantonales sur la reformatio in pejus, modifier la
décision attaquée au détriment de l'intimé (ATF 125 II 396 consid. 1 p. 398
et les arrêts cités).

3.
L'autorité recourante reproche au Tribunal administratif d'avoir violé le
droit fédéral en autorisant l'intimé à effectuer la mesure de retrait du
permis de conduire en deux périodes, la première du 11 août au 24 septembre
2006, la seconde à une date à fixer par ses soins dès le 1er janvier 2007. Un
tel mode de procéder ne reposerait sur aucune base légale et priverait la
mesure de son effet préventif et éducatif.
Le Tribunal fédéral s'est prononcé sur la possibilité d'exécuter un retrait
du permis de conduire de manière fractionnée dans un arrêt de principe rendu
le 28 novembre 2007 (arrêt 1A.58/2007 destiné à la publication). Il a alors
émis les considérations suivantes.
La législation fédérale sur la circulation routière ne prévoit pas la
possibilité d'exécuter un retrait d'admonestation du permis de conduire en
plusieurs périodes. La doctrine n'est pas unanime à ce propos: d'aucuns
admettent la possibilité de fractionner l'exécution du retrait de permis aux
mêmes conditions qu'une exécution différée, soit dans des cas de rigueur et
pour autant que trois conditions cumulatives soient réunies. Premièrement,
compte tenu de l'infraction commise et de la réputation de l'automobiliste,
il ne doit pas exister de risque réel de récidive; en second lieu, le motif
de fractionnement doit être sérieux, par exemple d'ordre professionnel;
enfin, le report de l'exécution ne doit intervenir que pour une période
relativement brève (Michel Perrin, Délivrance et retrait du permis de
conduire, Fribourg 1982, p. 200 et 220; René Schaffhauser, Grundriss des
schweizerischen Strassenverkehrsrechts, Berne 1995, voI. III: Die
Administrativmassnahmen, n. 2735 et 2736, p. 471). D'autres en revanche
écartent cette possibilité faute de base légale (Kathrin Gruber, La notion
d'utilité professionnelle en matière de retrait de permis de conduire, RDAF
1998 I p. 249) ou en se référant à la volonté du législateur (Cédric Mizel,
Les nouvelles dispositions légales sur le retrait du permis de conduire, RDAF
2004 I p. 415). Quelques décisions cantonales en ont admis le principe, aux
conditions fixées par la doctrine ou à des conditions plus sévères (cf. pour
le canton de Fribourg, RFJ 1993 p. 157; pour le canton du Jura, RJJ 2000 p.
249; pour le canton d'Argovie, AGVE 1977 p. 472 ou encore pour le canton de
Bâle-Campagne, BJM 1985 p. 216) alors que d'autres l'ont rejeté au motif
qu'une telle possibilité n'est pas prévue par la loi (ainsi, le canton de
Zoug, RSJ 1981 n. 25 p. 114, et le canton de Genève, arrêt du Tribunal
administratif genevois ATA/256/2006 du 9 mai 2006).
Le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de
la communication, qui était compétent jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi
sur le Tribunal fédéral pour statuer sur les recours dirigés contre les
décisions cantonales de dernière instance relatives aux modalités d'exécution
des mesures administratives en vertu des art. 24 al. 2 in fine aLCR et 101
let. c OJ, a accepté d'entrer en matière sur une demande de fractionnement
pour autant qu'il n'y ait pas d'urgence à l'exécution de la mesure eu égard à
son but éducatif, qu'il n'existe pas un risque réel de récidive, que le motif
invoqué soit suffisant et non de pure commodité, que le dépôt du permis
intervienne dans une période relativement brève et que le retrait du permis
n'ait pas été prononcé pour une courte durée (cf. notamment la décision prise
par cette autorité le 8 août 2000 et cité au considérant 3 de l'arrêt
attaqué).
Le Tribunal fédéral n'a pas eu l'occasion de trancher définitivement cette
question dans la mesure où il s'estimait incompétent pour le faire au regard
de l'art. 101 let. c OJ (cf. arrêt 2A.288/1997 du 10 octobre 1997 consid.
2b). Dans un arrêt isolé, il l'a toutefois laissée indécise car les
conditions posées par la doctrine pour admettre un retrait fractionné du
permis de conduire n'étaient de toute manière pas remplies (arrêt 6A.26/1999
du 30 juillet 1999 consid. 2b cité par Cédric Mizel, op. cit., note 176, p.
415). Dans un arrêt ultérieur, il a jugé qu'un retrait d'admonestation du
permis de conduire limité au temps libre était incompatible avec le but
éducatif et préventif attaché à cette mesure et qu'un tel mode d'exécution
nécessitait une modification des dispositions légales en vigueur (ATF 128 II
173 consid. 3b p. 175 et consid. 3c p. 177).
Aucune adaptation du droit en vigueur dans le sens de l'admissibilité d'un
retrait fractionné du permis de conduire n'a été introduite lors de la
révision partielle du droit de la circulation routière entrée en vigueur le
1er janvier 2005 (RO 2004 p. 2849). L'on ne saurait admettre que la loi
présenterait sur ce point une lacune qu'il conviendrait de combler dans ce
sens. Le Conseil national a été saisi d'une proposition visant à permettre de
fractionner la durée d'un premier retrait du permis de conduire en périodes
d'au moins deux semaines chacune, à l'intérieur d'une période de 18 mois au
maximum, sur demande de la personne concernée et dans les cas de peu de
gravité ou de moyenne gravité visés aux art. 16a et 16b LCR. Cette
proposition a été écartée à une nette majorité, compte tenu du fait que la
durée d'un premier retrait était en règle générale limitée à un mois et que
la mesure pouvait être exécutée de manière ininterrompue sans inconvénient
majeur (BO CN 2001 p. 911). Le législateur a donc clairement exclu la
possibilité pour le conducteur fautif d'exécuter en plusieurs périodes un
retrait de permis prononcé pour une courte durée à raison d'une infraction
légère ou moyennement grave. Il est vrai qu'aucune autre proposition visant à
permettre le fractionnement dans des cas de retrait de plus longue durée n'a
été débattue. On ne saurait pour autant en déduire qu'une telle modalité
d'exécution serait envisageable dans ces cas-là. Une autre proposition visant
à alléger les conséquences négatives d'un retrait du permis de conduire pour
les chauffeurs professionnels a en effet été écartée lors des débats
parlementaires (cf. ATF 132 II 234 consid. 2.3 p. 236). La révision partielle
du droit de la circulation routière visait par ailleurs à sanctionner de
manière plus rigoureuse les infractions graves et répétées aux prescriptions
sur la circulation routière (voir Message du Conseil fédéral sur la
modification de la loi sur la circulation routière du 31 mars 1999, FF 1999
IV 4130; ATF 133 II 331 consid. 4.3 p. 336). Dans ces conditions, on doit
admettre que le législateur n'entendait pas davantage tolérer le
fractionnement dans les autres hypothèses non évoquées par l'auteur de la
motion, notamment en cas d'infraction grave aux règles de la circulation
routière sanctionnée, comme en l'espèce, par un retrait du permis de conduire
pour une durée de trois mois correspondant au minimum légal.
Le retrait d'admonestation du permis de conduire est au surplus une mesure
administrative ordonnée dans l'intérêt de la sécurité routière, qui vise à
amender le conducteur fautif et à éviter les récidives, même si elle revêt
également un aspect pénal (ATF 133 II 331 consid. 4.2 p. 336 et les arrêts
cités). La possibilité d'exécuter un retrait de permis en plusieurs périodes,
selon les besoins du conducteur fautif, ferait perdre à cette mesure son
caractère préventif et éducatif. Elle irait également à l'encontre de la
conception du législateur qui tend à ce qu'un retrait de permis soit ordonné
et effectivement subi pour une certaine durée fixée par la loi (ATF 128 II
173 consid. 3b p. 175). La cour cantonale se réfère en vain au principe de la
proportionnalité pour suppléer à l'absence de base légale l'autorisant à
ordonner la suspension du retrait du permis de conduire pour une durée
limitée. La faculté reconnue au conducteur fautif par la pratique et la
doctrine d'obtenir un report de l'exécution de la mesure de retrait pour lui
permettre d'organiser son emploi du temps en conséquence tient suffisamment
compte des intérêts publics et privés en jeu (cf. Kathrin Gruber, op. cit.,
p. 244 ss et les références citées).
Dans ces conditions, le Tribunal administratif a violé le droit fédéral en
admettant que l'intimé puisse exécuter de manière fractionnée la mesure de
retrait de son permis de conduire.

4.
Le considérant qui précède conduit à l'admission du recours. L'arrêt attaqué
doit être annulé et la décision du Service des automobiles et de la
navigation du 6 juin 2006 confirmée. La cause est renvoyée au Tribunal
administratif pour qu'il se prononce à nouveau sur les frais de la procédure
cantonale. L'intimé, qui succombe, n'a pas pris part à la procédure et est de
ce fait dispensé des frais judiciaires. L'autorité recourante ne saurait
prétendre à des dépens (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la décision du Service
des automobiles et de la navigation du canton de Vaud du 6 juin 2006 est
confirmée. La cause est renvoyée au Tribunal administratif du canton de Vaud
pour nouvelle décision sur les frais de la procédure cantonale.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Tribunal
administratif du canton de Vaud et à l'Office fédéral des routes, Division
circulation routière.

Lausanne, le 30 novembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le Greffier:

Féraud  Parmelin