Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 1A.61/2007
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1A.61/2007 /col

Arrêt du 5 octobre 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

A. ________,
recourante, représentée par Me Jean-François Ducrest, avocat,

contre

Office fédéral de la justice, Office central USA, Bundesrain 20, 3003 Berne.

entraide judiciaire internationale en matière pénale aux USA,

recours de droit administratif contre la décision de l'Office central USA du
25 juin 2007.

Faits:

A.
Le 16 août 2005, le Département de la justice des Etats-Unis d'Amérique a
adressé à la Suisse une demande d'entraide judiciaire dans le cadre d'une
procédure pénale dirigée contre B.________, C.________ et consorts. Selon
l'exposé à l'appui de cette demande, D.________ avait adressé de nombreuses
factures relatives à des insertions publicitaires dans un annuaire
commercial, alors qu'elle n'avait pas fourni elle-même ces prestations. Les
factures comportaient des indications sur les modalités de paiement (avec
autorisation de débit), avec parfois des frais de rappel; la correspondance
se faisait par le biais de société de réexpédition. Le produit de ces
agissements avait été déposé sur des comptes auprès de la banque X.________
ainsi qu'auprès d'un institut de cartes de crédit. Au terme d'une
perquisition effectuée en mai 2005, il avait été constaté que des virements,
pour plus de 2 millions d'USD, étaient parvenus sur des comptes bancaires en
Suisse entre les mois de janvier et de mai 2005. Ces agissements seraient
constitutifs d'escroquerie, fraude par câble, radio ou télévision et
blanchiment d'argent. L'autorité requérante cherche notamment à mettre la
main sur les fonds, dans un but probatoire et confiscatoire.

B.
Par décision du 29 août 2005, l'Office central USA est entré en matière,
considérant que les agissements décrits seraient constitutifs en droit suisse
d'escroquerie et de blanchiment d'argent, ainsi que d'infraction à la LCD.
L'Office central a ordonné le blocage de deux comptes auprès de banque
Y.________ de Genève (comptes déjà bloqués à titre provisoire) ainsi que
d'autres comptes, auprès de la banque Z._______ et de la banque W.________,
sur lesquels une partie des fonds avait été transférée. La production de la
documentation bancaire, dès le 1er juillet 2003, était requise.
Le 9 septembre 2005, puis le 5 mai 2006, A.________, titulaire des comptes
auprès de la banque Z.________ et de la banque W.________, a formé
opposition. La requête ne paraissait pas suffisamment motivée; faute
d'indications quant au comportement astucieux, seul un acte de concurrence
déloyale pouvait être retenu en droit suisse; toutefois, les faits n'étaient
pas suffisamment graves; la procédure américaine avait un caractère civil
prépondérant.
Par décision du 25 juin 2007, l'Office central a rejeté l'opposition. L'envoi
en masse de factures, puis le cas échéant de rappels pour des prestations
fictives était constitutif d'astuce: les suspects tablaient sur l'absence de
vérification au sein des sociétés, ce d'autant que les montants réclamés
étaient modestes (moins de 300 USD) et qu'il était possible de confondre
D.________ avec l'exploitant réel de l'annuaire professionnel. Il y avait
aussi infraction à l'art. 23 LCD, les suspects ayant délibérément créé une
confusion; l'infraction était grave au sens de l'art. 4 al. 3 TEJUS, compte
tenu de l'importance des revenus illicites. L'entraide judiciaire pouvait
aussi être accordée en vue d'une confiscation civile du produit de
l'infraction. Le principe de la proportionnalité était respecté, les montants
bloqués étant inférieurs à ceux mentionnés dans la requête; les documents
bancaires étaient pertinents. Cette décision mentionne, comme voie de droit,
le recours de droit administratif au Tribunal fédéral en vertu de l'art. 17
aLTEJUS.

C.
A.________ forme un recours de droit administratif contre cette décision.
Elle en demande l'annulation, ainsi que le rejet de la demande d'entraide et
la levée des blocages bancaires. Subsidiairement, elle demande le renvoi de
la cause à l'Office central afin qu'il invite l'autorité requérante à
compléter son état de fait.
L'Office central se réfère à sa décision et conclut au rejet du recours dans
la mesure où il est recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Selon l'art. 37b de la loi fédérale relative au traité conclu avec les
Etats-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale (LTEJUS, RS
351.93), les procédures d'opposition et de recours contre les décisions
rendues en première instance avant l'entrée en vigueur de la modification du
17 juin 2005 (laquelle ouvre en particulier le recours devant le Tribunal
pénal fédéral; art. 17 LTEJUS) sont régies par l'ancien droit. Tel est le cas
en l'occurrence, la décision d'entrée en matière ayant été rendue par
l'Office central le 29 août 2005.

1.1 La décision par laquelle l'Office central suisse octroie l'entraide
judiciaire en vertu de l'art. 5 let. b LTEJUS et rejette une opposition selon
l'art. 16 aLTEJUS, peut être attaquée par la voie du recours de droit
administratif prévue à l'art. 17 al. 1 aLTEJUS (ATF 124 II 124 consid. 1b p.
126).

1.2 La recourante a qualité pour recourir, au sens de l'art. 80h let. b EIMP
mis en relation avec l'art. 9a let. a OEIMP, contre le blocage de comptes
dont elle est titulaire, ainsi que contre la transmission de la documentation
y relative (ATF 128 II 211 consid. 2.3 et les arrêts cités).

1.3 L'entraide judiciaire entre les Etats-Unis d'Amérique et la Confédération
suisse est régie par le Traité conclu dans ce domaine (TEJUS; RS 0.351.933.6)
et la loi y relative (LTEJUS). La loi fédérale sur l'entraide internationale
en matière pénale (EIMP; RS 351.1) et son ordonnance d'exécution (OEIMP; RS
351.11) demeurent réservées pour des questions qui ne sont pas réglées par le
traité et la loi fédérale d'application (ATF 124 II 124 consid. 1a p. 126),
dans la mesure où elles ne rendent pas la coopération internationale plus
difficile (ATF 129 II 462 consid. 1.1 p. 464).

1.4 Le Tribunal fédéral examine librement si les conditions pour accorder
l'entraide sont remplies et dans quelle mesure la coopération internationale
doit être accordée (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137), sans avoir
toutefois à se prononcer sur la réalité des faits évoqués dans la demande
(ATF 126 II 495 consid. 5e/aa p. 501; 117 Ib 64 consid. 5c p. 88, et les
arrêts cités).

2.
La recourante estime que la condition de la double incrimination (art. 4 al.
2 TEJUS) ne serait pas satisfaite. En l'occurrence, les destinataires des
factures adressées par D.________ pouvaient aisément en vérifier le
bien-fondé, et constater que l'auteur de ces factures n'était pas leur
fournisseur de service habituel. Les auteurs ne pouvaient espérer une absence
de vérification que pour les grandes sociétés, alors que l'essentiel des
victimes étaient de petits commerçants et des associations religieuses. Faute
d'infraction préalable, il n'y aurait pas non plus blanchiment. La
réglementation sur la concurrence déloyale ne figurant pas sur la liste du
traité, il conviendrait de rechercher si les infractions sont suffisamment
graves. Or, la demande d'entraide n'indiquerait pas en quoi les factures
adressées par D.________ comportaient un risque de confusion.

2.1 Saisi d'une demande d'entraide impliquant des mesures de contrainte,
l'Office central doit s'assurer en vertu de l'art. 4 al. 2 let. a TEJUS que
les faits allégués réunissent les conditions objectives d'une infraction
punissable selon sa propre législation. Il statue sur l'existence de ces
conditions en appliquant uniquement le droit suisse (art. 4 al. 4), sans
avoir à examiner si les faits sont aussi punissables selon le droit de l'Etat
requérant. Sous l'angle de l'art. 4 al. 2 let. a TEJUS, il n'est pas
nécessaire que la législation de l'Etat requis donne aux faits de la demande
la même qualification juridique que la législation de l'Etat requérant, que
ces faits soient soumis aux mêmes conditions de punissabilité ou qu'ils
soient passibles de peines équivalentes. Il suffit qu'ils soient réprimés
dans les deux Etats comme des délits donnant ordinairement lieu à la
coopération internationale (ATF 118 Ib 111 consid. 5c p. 123, 113 Ib 72
consid. 4a et b p. 76-78, 175 consid. 7a p. 181 et les arrêts cités).

2.2 En l'espèce, les faits reprochés aux personnes poursuivies consistent
dans l'envoi massif de factures concernant des insertions publicitaires dans
un annuaire professionnel. Ces factures ne correspondaient à aucune
prestation effective, les insertions ayant été effectuées par d'autres
sociétés. Contrairement à ce qu'estime la recourante, il ne s'agissait pas
d'une simple démarche publicitaire, mais de véritables tentatives de
recouvrements frauduleux comme en attestent les indications quant aux moyens
de paiement et les rappels assortis de pénalités. D.________ recourait aussi
à des sociétés d'adressage afin que son siège en Floride n'apparaisse pas.
Ces éléments de faits suffisent à admettre l'existence d'une escroquerie.
L'envoi d'une facture pour une prestation inexistante peut en effet être
constitutif d'astuce, quand bien même il ne s'agirait pas d'un faux dans les
titres (ATF 120 IV 14). En outre, contrairement à ce que soutient la
recourante, le procédé utilisé reposait manifestement sur la confusion faite
par les destinataires des factures entre D.________ et les prestataires
effectifs, sans quoi les nombreux paiements ne s'expliqueraient pas.
Manifestement, D.________ tablait sur une telle confusion, ainsi que sur une
absence de contrôle, s'agissant en particulier de factures portant sur moins
de 300 USD. Cela suffit pour admettre un cas d'escroquerie et, conséquemment,
de blanchiment d'argent. Une infraction à l'art. 23 LCD peut également être
retenue, car il ressort suffisamment de l'état de fait que les agissements
reprochés aux inculpés reposent sur la confusion entretenue entre D.________
et les prestataires; l'autorité requérante évoque le cas de sociétés ayant
effectivement confondu D.________ avec leur fournisseur habituel. Au
demeurant, l'Office central pouvait considérer, compte tenu des bénéfices
retirés, que de tels actes sont suffisamment graves pour justifier l'octroi
de l'entraide sur la base de l'art. 4 al. 3 TEJUS.
La condition de la double incrimination est par conséquent satisfaite.

3.
La recourante invoque le principe de la proportionnalité. Selon elle, la
demande ne serait pas suffisamment précise quant au nombre de factures
adressées par D.________ et aux montants ainsi obtenus.
L'argument porte sur la motivation de la demande d'entraide davantage que sur
le principe de la proportionnalité. Or, de ce point de vue, l'autorité
requérante n'indique certes pas à combien de sociétés ont été adressées des
demandes abusives de recouvrement. En revanche, la demande expose clairement
que ces agissements ont été réalisés à grande échelle: les sociétés
d'adressage traitaient entre 100 et 700 pièces de courrier par semaine. Faute
de connaître le nombre exact de victimes, l'autorité requérante indique les
montants qui ont été transférés par D.________, évaluant à plus de deux
millions d'USD les revenus frauduleux. Elle fournit notamment un tableau des
transferts suspects. A ce stade, dans l'attente d'un jugement de confiscation
susceptible d'être exécuté en Suisse, l'indication de ces montants, soit un
total de 2'184'753 USD, apparaît suffisante pour considérer que l'étendue du
séquestre reste en rapport avec l'infraction poursuivie. Les sommes bloquées
sont inférieures à ce montant, de sorte que le principe de la
proportionnalité est respecté sur ce point (ATF 130 II 329 consid. 6 p. 336).
Pour le surplus, la recourante n'élève aucune objection contre la
transmission de la documentation bancaire.

4.
Le recours de droit administratif doit par conséquent être rejeté, aux frais
de la recourante (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante et à
l'Office fédéral de la justice, Office central USA (B 160989).

Lausanne, le 5 octobre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: