Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 1A.24/2007
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1A.24/2007 /col

Arrêt du 23 octobre 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

l'association Z.________,
recourante,

contre

Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, Chancellerie d'Etat,
case postale 3964, 1211 Genève 3,
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, rue du
Mont-Blanc 18, case postale 1956,
1211 Genève 1.

plans d'attribution des degrés de sensibilité au bruit,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif de la
République et canton de Genève du 21 novembre 2006.

Faits:

A.
Du 17 août au 16 octobre 1998, le Département de l'aménagement, de
l'équipement et du logement de la République et canton de Genève (ci-après:
le Département) a soumis à l'enquête publique 45 plans d'attribution des
degrés de sensibilité au bruit selon l'ordonnance fédérale sur la protection
contre le bruit (OPB; RS 841.41). Ces plans concernaient chacun l'une des 45
communes du canton.
Le 3 mai 2000, une première série de plans concernant 15 communes, dont
celles de Carouge, de Lancy et de la Ville de Genève, a été adoptée par le
Conseil d'Etat de la République et canton de Genève. Ces plans ont été
annulés par le Tribunal administratif de la République et canton de Genève
(ci-après: le Tribunal administratif ou la cour cantonale) au terme d'un
arrêt rendu le 19 juin 2001 sur recours de plusieurs associations, dont
Z.________. La cour cantonale a estimé en substance qu'une attribution
systématique du degré de sensibilité III aux trois premières zones de
construction et aux zones de développement en raison des nuisances sonores
existantes n'était pas conforme à la loi fédérale sur la protection de
l'environnement (LPE; RS 814.01). Il a renvoyé la cause au Conseil d'Etat
pour qu'il établisse de nouveaux plans.
Des nouveaux projets de plan d'attribution des degrés de sensibilité portant
sur le territoire des villes de Genève, Carouge et Lancy ont été mis à
l'enquête publique entre novembre 2003 et février 2004. Par rapport aux plans
adoptés en 2000 puis annulés par l'arrêt du Tribunal administratif le 19 juin
2001, 4 secteurs supplémentaires à Carouge, 7  à Lancy et 8 à Genève ont
bénéficié de l'attribution du degré de sensibilité II en lieu et place du
degré de sensibilité III. De plus, un degré de sensibilité II au bruit a été
attribué aux bâtiments d'enseignement, aux hôpitaux et aux établissements
médico-sociaux. Les conseils municipaux des trois communes concernées ont
délivré un préavis favorable au plan d'attribution relatif à leur territoire.
La procédure d'opposition portant sur ces plans a été ouverte du 15 novembre
au 14 décembre 2004.

Z. ________ a fait opposition le 14 décembre 2004 en demandant qu'un degré de
sensibilité au bruit II soit appliqué dans les périmètres des plans concernés
essentiellement dévolus à l'habitation. Elle se référait plus
particulièrement aux quartiers des Pâquis, de Saint-Jean, des Eaux-Vives et
de la Jonction, en Ville de Genève, au quartier des Semailles, à Lancy, et au
quartier des Tours, à Carouge. Elle concluait en outre à l'attribution d'un
degré de sensibilité I déclassé II à l'Hôpital cantonal, à la clinique de
Joli-Mont ainsi qu'à la maison de retraite et de convalescents du
Petit-Saconnex.
Par arrêtés du 25 mai 2005 publiés dans la Feuille d'avis officielle du 10
juin 2005, le Conseil d'Etat a rejeté l'opposition dans la mesure où elle
était recevable et adopté sans modification les plans d'attribution des
degrés de sensibilité au bruit sur l'ensemble du territoire des villes de
Lancy, de Carouge et de Genève.
Le Tribunal administratif a rejeté le recours formé contre ces décisions par
Z.________ au terme d'un arrêt rendu le 21 novembre 2006.

B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, Z.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt ainsi que les arrêtés du Conseil d'Etat
du 25 mai 2005 levant son opposition et approuvant les plans d'attribution
des degrés de sensibilité au bruit sur l'ensemble des territoires des villes
de Genève, de Carouge et de Lancy et de dire que le principe de prévention
n'est pas suffisamment pris en compte.
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Le Conseil d'Etat conclut
principalement à l'irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet.
L'Office fédéral de l'environnement s'est déterminé.
Invitée à répliquer, la recourante a persisté dans les conclusions de son
recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt attaqué ayant été rendu avant le 1er janvier 2007, la loi fédérale
d'organisation judiciaire du 26 décembre 1943 (OJ) s'applique à la présente
procédure, conformément à l'art. 132 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral
du 17 juin 2005. L'ancien art. 34 de la loi fédérale sur l'aménagement du
territoire (aLAT; RS 700), en vigueur jusqu'au 31 décembre 2006, relatif aux
voies de recours au Tribunal fédéral contre les décisions cantonales en
matière d'aménagement du territoire, est également toujours applicable dans
la présente procédure (cf. art. 53 al. 1 de la loi sur le Tribunal
administratif fédéral [LTAF; RS 173.32], en relation avec le ch. 64 de
l'annexe de cette loi).

2.
La voie du recours de droit administratif est ouverte pour contester l'arrêt
attaqué qui confirme en dernière instance cantonale l'adoption d'un plan
d'attribution des degrés de sensibilités au bruit (ATF 132 II 209 consid.
2.2.2 p. 214).

2.1 La qualité pour former un recours de droit administratif est définie à
l'art. 103 let. a OJ. Elle est reconnue à toute personne atteinte par la
décision attaquée et qui dispose d'un intérêt digne de protection à son
annulation ou à sa modification. Selon la jurisprudence, le recourant doit
être touché dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la
généralité des administrés, et l'intérêt invoqué - qui n'est pas
nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un
intérêt de fait - doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un
rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération; il faut donc
que l'admission du recours procure au recourant un avantage, de nature
économique, matérielle ou idéale. Le recours d'un particulier formé dans
l'intérêt de la loi ou d'un tiers est en revanche irrecevable (ATF 131 II 649
consid. 3.1 p. 651/652 et les arrêts cités). Il incombe au recourant
d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour
agir lorsqu'ils ne ressortent pas à l'évidence de la décision attaquée ou du
dossier (ATF 133 V 239 consid. 9.2 p. 246 et l'arrêt cité). Il importe à cet
égard peu que la légitimation active lui ait été reconnue sur le plan
cantonal (ATF 131 II 753 consid. 4.2 p. 757).
La qualité pour recourir des associations qui, comme en l'espèce, ne peuvent
se prévaloir d'un droit de recours fondé sur une disposition spécifique du
droit fédéral doit être analysée sur la base de l'art. 103 let. a OJ.
Toutefois, sans être elle-même touchée par la décision entreprise, une
association peut être admise à agir par la voie du recours de droit
administratif (nommé alors recours corporatif) pour autant qu'elle ait pour
but statutaire la défense des intérêts dignes de protection de ses membres,
que ces intérêts soient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre
d'entre eux et, enfin, que chacun de ceux-ci ait qualité pour s'en prévaloir
à titre individuel (ATF 130 II 514 consid. 2.3.3 p. 519; 121 II 39 consid.
2d/aa p. 46; 120 Ib 59 consid. 1a p. 61 et les arrêts cités). En revanche,
elle ne peut prendre fait et cause pour l'un de ses membres ou pour une
minorité d'entre eux (ATF 133 V 239 consid. 6.4 p. 243 et la référence
citée).

2.2 La recourante ne prétend pas que sa qualité pour agir devrait lui être
reconnue parce qu'elle serait directement touchée dans ses intérêts propres
et dignes de protection. Reste ainsi seul à vérifier si elle remplit les
conditions du recours corporatif.

2.2.1 Z.________ est une association constituée en 1980 qui, aux termes de
ses statuts révisés le 27 avril 2004, a notamment pour but de promouvoir un
cadre de vie de qualité dans les quartiers et les sites bâtis ainsi qu'un
aménagement du territoire respectueux de la législation applicable en la
matière. A cet effet, elle est habilitée à "défendre, par toutes voies de
droit utiles, les droits et intérêts des membres dans le cadre des buts des
présents statuts, en agissant notamment au nom et pour le compte de personnes
dont les intérêts personnels sont touchés par des décisions qui portent
atteinte à leur cadre de vie ou qui les empêchent de faire valoir leurs
droits personnels dans ces domaines, en faisant le cas échéant valoir leurs
droits constitutionnels devant les juridictions compétentes". La recourante
satisfait donc à la première condition posée par la jurisprudence pour lui
reconnaître la qualité pour agir en tant qu'association. Il convient par
conséquent d'examiner si les intérêts qu'elle entend défendre dans la
procédure litigieuse sont communs à la majorité ou au moins à un grand nombre
de ses membres et si chacun de ceux-ci a qualité pour s'en prévaloir à titre
individuel.

2.2.2 S'agissant du nombre de membres dont les intérêts dignes de protection
sont touchés au sein de l'association, la jurisprudence a nié la qualité pour
recourir du syndicat des travailleurs du commerce, des transports et de
l'alimentation et de la société des employés de commerce contre les heures
d'ouvertures des commerces en gare de Zurich, parce que celles-ci ne
touchaient directement qu'un petit nombre (183 sur 25'000 respectivement
16'000) de leurs membres (ATF 119 Ib 374 consid. 2a/cc p. 377). De même, le
Tribunal fédéral a nié la qualité pour recourir d'une association nationale
et de sa section cantonale contre la démolition d'un bâtiment, parce que seul
un petit nombre de leurs membres étaient voisins directs du bâtiment en cause
(ATF 104 Ib 381 consid. 3b p. 383). Pareillement il l'a déniée à une
fédération laitière au motif que seules 34 entreprises affiliées sur un total
de 400 membres étaient directement touchées par une décision d'une demande
d'enregistrement visant à protéger à titre d'appellation d'origine contrôlée
"raclette du Valais AOC" (arrêt 2A.359/2005 du 14 novembre 2005 consid. 3.2).
2.2.3 Z.________ ne peut pas se prévaloir d'un intérêt digne de protection à
faire constater que le droit fédéral aurait été violé par l'attribution faite
aux parcelles accueillant l'Hôpital cantonal, la clinique de Joli-Mont ainsi
que la maison de retraite et des convalescents du petit-Saconnex d'un degré
de sensibilité II au bruit en lieu et place du degré I déclassé II. Ce
faisant, elle défend non pas l'intérêt de ses membres, mais l'intérêt
général, respectivement l'intérêt des patients de ces établissements. Le fait
que les membres individuels des différentes associations qui la composent
puissent éventuellement tous un jour ou l'autre être admis comme patients
dans l'un de ces établissements ne suffit pas pour lui reconnaître la qualité
pour agir.
La recourante ne peut pas davantage invoquer un intérêt digne de protection
commun à la majorité de ses membres à faire constater de manière générale
qu'un degré de sensibilité II au bruit aurait dû être attribué aux trois
premières zones de construction et aux zones de développement sur l'ensemble
du territoire des communes de Lancy et de Carouge en lieu et place d'un degré
de sensibilité III. Z.________ ne compte en son sein aucune association de
quartier dans les communes précitées. Elle ne saurait se fonder sur la
présence parmi ses membres de l'Association genevoise de défense des
locataires pour se voir reconnaître la qualité pour agir. Il ne s'agit en
effet que d'un membre sur les vingt que compte la recourante. En outre, s'il
est vraisemblable que des locataires faisant partie de cette association
habitent dans des quartiers de Carouge ou de Lancy inscrits en zone de
développement ou dans l'une des trois premières zones de construction qui se
sont vus attribuer un degré de sensibilité III au bruit et qui auraient en
principe un intérêt personnel et digne de protection à contester cette
mesure, aucun élément au dossier ne permet de retenir qu'ils sont
suffisamment nombreux pour admettre que la mesure attaquée touche la majorité
de ses membres ou à tout le moins un grand nombre d'entre eux. La qualité
pour recourir de  Z.________ fait ainsi à l'évidence défaut en tant qu'elle a
trait au plan d'attribution des degrés de sensibilité au bruit des deux
communes précitées. Il en va de même et pour les mêmes raisons s'agissant du
plan d'attribution des degrés de sensibilité concernant la ville de Genève en
tant qu'il porte sur des quartiers dont aucune association ne représente les
intérêts au sein de la recourante.
Seules sept associations de quartier en ville de Genève, membres de
Z.________, sur treize seraient, aux dires de la recourante, touchées
davantage que les autres et pourraient se voir reconnaître la qualité pour
recourir à titre individuel. Il s'agit donc d'une minorité par rapport aux
vingt associations que regroupe la fédération. Celle-ci prétend qu'il
conviendrait de prendre en considération les membres individuels d'autres
associations non directement touchées en tant que telles mais qui auraient
qualité pour agir parce qu'ils vivent dans un quartier ou un secteur de
quartier qui s'est vu attribuer un degré de sensibilité III au bruit. Elle
n'a cependant donné aucune indication sur le nombre de personnes concernées
ni sur le nombre de membres individuels de chacune des associations qui la
composent, de sorte qu'il n'est pas possible d'admettre que la majorité de
ses membres ou à tout le moins un grand nombre d'entre eux sont
personnellement touchés par la mesure attaquée et auraient qualité pour
recourir à titre individuel comme l'exige la jurisprudence précitée.
Dans ces conditions, le recours de droit administratif doit être déclaré
irrecevable.

2.3 On observera au demeurant que les degrés de sensibilité au bruit doivent
être déterminés avant tout en fonction des caractéristiques de la zone et non
selon les activités qui y sont effectivement déployées ou le niveau de bruit.
De ce point de vue, l'attribution d'un degré de sensibilité III aux trois
premières zones de construction et aux zones de développement est en principe
conforme à l'art. 43 al. 1 let. c OPB. Il est vrai que l'attribution d'un
degré de sensibilité II au bruit à une zone mixte où sont tolérées des
activités moyennement gênantes compatibles avec l'habitation n'est pas
nécessairement contraire au droit fédéral lorsqu'une telle mesure résulte de
la volonté clairement manifestée de l'autorité de garantir la tranquillité
d'une zone mixte composée essentiellement de bâtiments d'habitation, aux fins
de la préserver d'une élévation du niveau du bruit (cf. arrêt 1A.238/2005 du
13 octobre 2005 consid. 2.2 avec les références à Anne-Christine Favre, La
protection contre le bruit dans la loi sur la protection de l'environnement,
thèse Lausanne 2002, p. 225, et à Beatrice Wagner Pfeifer, Umweltrecht I,
Zurich 2002, p. 95). C'est d'ailleurs dans cette perspective que le Tribunal
administratif a, au terme de son arrêt du 19 juin 2001, enjoint le Conseil
d'Etat à revoir les premiers projets de plans. Celui-ci a défini des critères
précis pour qu'un quartier situé dans l'une des trois premières zones de
construction ou dans une zone de développement puisse se voir attribuer un
degré de sensibilité II au bruit: il doit s'agir d'un quartier calme,
relativement important de par sa taille, bâti conformément à la destination
de la zone à laquelle il appartient et qui présente un secteur de logements.
La recourante ne critique pas la pertinence de ces critères; elle ne donne au
surplus aucune indication qui permettrait de retenir que les quartiers
auxquels un degré de sensibilité III au bruit et dans lesquels habitent une
partie de ses membres répondraient à ces critères. Cela étant, il est douteux
que la cour de céans aurait été en mesure de conclure à un abus du pouvoir
d'appréciation de la part du Conseil d'Etat si elle avait dû entrer en
matière.

3.
Vu l'issue du recours, les frais de la présente procédure doivent être mis à
la charge de la recourante qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas
lieu d'allouer de dépens aux autorités cantonales.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante, au Conseil d'Etat
et au Tribunal administratif de la République et canton de Genève ainsi qu'à
l'Office fédéral de l'environnement.

Lausanne, le 23 octobre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: