Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 1A.21/2007
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1A.21/2007 /col

Arrêt du 23 octobre 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________ et consorts
recourants, représentés par Me Peter Pirkl, avocat,
rue de Rive 6, 1204 Genève,

contre

Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, Chancellerie d'Etat,
case postale 3964, 1211 Genève 3,
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, rue du
Mont-Blanc 18, case postale 1956,
1211 Genève 1.

plans d'attribution des degrés de sensibilité au bruit,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif de la
République et canton de Genève du 21 novembre 2006.

Faits:

A.
Du 17 août au 16 octobre 1998, le Département de l'aménagement, de
l'équipement et du logement de la République et canton de Genève (ci-après:
le Département) a soumis à l'enquête publique 45 plans d'attribution des
degrés de sensibilité au bruit selon l'ordonnance fédérale sur la protection
contre le bruit (OPB; RS 841.41). Ces plans concernaient chacun l'une des 45
communes du canton.
Le 3 mai 2000, une première série de plans concernant 15 communes, dont
celles de Carouge, de Lancy et de la Ville de Genève, a été adoptée par le
Conseil d'Etat de la République et canton de Genève. Ces plans ont été
annulés au terme d'un arrêt rendu le 19 juin 2001 sur recours par le Tribunal
administratif de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal
administratif ou la cour cantonale). Celui-ci a estimé en substance qu'une
attribution systématique du degré de sensibilité III aux trois premières
zones de construction et aux zones de développement en raison des nuisances
sonores existantes n'était pas conforme à la loi fédérale sur la protection
de l'environnement (LPE; RS 814.01). Il a renvoyé la cause au Conseil d'Etat
pour qu'il établisse de nouveaux plans.
Des nouveaux projets de plan d'attribution des degrés de sensibilité portant
sur le territoire des villes de Genève, Carouge et Lancy ont été mis à
l'enquête publique entre novembre 2003 et février 2004. Par rapport aux plans
adoptés en 2000 puis annulés par l'arrêt du Tribunal administratif le 19 juin
2001, 4 secteurs supplémentaires à Carouge, 7  à Lancy et 8 à Genève ont
bénéficié de l'attribution du degré de sensibilité II en lieu et place du
degré de sensibilité III, dont en particulier la Vieille-Ville de Genève. Les
conseils municipaux des trois communes concernées ont délivré un préavis
favorable au plan relatif  à leur territoire. La procédure d'opposition
portant sur ces plans a été ouverte du 15 novembre au 14 décembre 2004.
Le 14 décembre 2004, A.________ et consorts ont fait opposition à ces plans.
Ils demandaient que le degré de sensibilité III au bruit soit attribué à tous
les quartiers sis dans le périmètre des trois premières zones de
développement.
Par arrêtés du 25 mai 2005 publiés dans la Feuille d'avis officielle du 10
juin 2005, le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève a rejeté
l'opposition dans la mesure où elle était recevable et adopté sans
modification les plans d'attribution des degrés de sensibilité au bruit sur
l'ensemble du territoire des villes de Lancy, de Carouge et de Genève.
Statuant par arrêt du 21 novembre 2006, le Tribunal administratif a rejeté en
tant qu'ils étaient recevables les recours interjetés par A.________ et
consorts contre chacune de ces décisions.

B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ et
consorts demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer la
cause au Tribunal administratif pour qu'il procède, si nécessaire, à tout
acte d'instruction participant à l'établissement des faits de la cause ainsi
qu'à l'attribution des degrés de sensibilité au bruit III à tous les
quartiers sis dans le périmètre des trois premières zones à bâtir et de
développement de la Ville de Genève, de la commune de Lancy et de celle de
Carouge. A titre subsidiaire, ils concluent au renvoi de la cause au Tribunal
administratif pour qu'il procède à l'attribution des degrés de sensibilité au
bruit III au périmètre de la Vieille-Ville de Genève. Ils font valoir une
violation de leur droit d'être entendus ainsi qu'une violation du droit
fédéral et de la garantie de la propriété.
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Le Conseil d'Etat conclut au
rejet du recours. L'Office fédéral de l'environnement s'est déterminé.
Invités à répliquer, les recourants ont persisté dans les conclusions de leur
recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt attaqué ayant été rendu avant le 1er janvier 2007, la loi fédérale
d'organisation judiciaire du 26 décembre 1943 (OJ) demeure applicable à la
présente procédure, conformément à l'art. 132 al. 1 de la loi sur le Tribunal
fédéral du 17 juin 2005. L'ancien art. 34 de la loi fédérale sur
l'aménagement du territoire (aLAT; RS 700), en vigueur jusqu'au 31 décembre
2006, relatif aux voies de recours au Tribunal fédéral contre les décisions
cantonales en matière d'aménagement du territoire, s'applique également (cf.
art. 53 al. 1 de la loi sur le Tribunal administratif fédéral [LTAF; RS
173.32], en relation avec le ch. 64 de l'annexe de cette loi).

2.
La voie du recours de droit administratif est ouverte contre la décision
confirmant en dernière instance cantonale l'adoption d'un plan d'attribution
des degrés de sensibilités au bruit (ATF 132 II 209 consid. 2.2.2 p. 214).
C'est en principe dans ce cadre que les recourants doivent faire valoir une
violation de leur droit d'être entendus consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF
130 III 707 consid. 3.1 p. 709; 130 I 312 consid. 1.2. p. 318; 129 II 183
consid. 3.4. p. 188 et les arrêts cités).

2.1 La qualité pour former un recours de droit administratif est définie à
l'art. 103 let. a OJ. Elle est reconnue à toute personne atteinte par la
décision attaquée et qui dispose d'un intérêt digne de protection à son
annulation ou à sa modification. Selon la jurisprudence, le recourant doit
être touché dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la
généralité des administrés, et l'intérêt invoqué - qui n'est pas
nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un
intérêt de fait - doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un
rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération; il faut donc
que l'admission du recours procure au recourant un avantage, de nature
économique, matérielle ou idéale. Le recours d'un particulier formé dans
l'intérêt de la loi ou d'un tiers est en revanche irrecevable (ATF 131 II 649
consid. 3.1 p. 651/652 et les arrêts cités). Il incombe au recourant
d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour
agir lorsqu'ils ne ressortent pas à l'évidence de la décision attaquée ou du
dossier de la cause (ATF 133 V 239 consid. 9.2 p. 246).
La qualité pour recourir des associations qui, comme en l'espèce, ne peuvent
se prévaloir d'un droit de recours fondé sur une disposition spécifique doit
être analysée sur la base de l'art. 103 let. a OJ. Toutefois, sans être
elle-même touchée par la décision entreprise, une association peut être
admise à agir par la voie du recours de droit administratif (nommé alors
recours corporatif) pour autant qu'elle ait pour but statutaire la défense
des intérêts dignes de protection de ses membres, que ces intérêts soient
communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d'entre eux et, enfin,
que chacun de ceux-ci ait qualité pour s'en prévaloir à titre individuel (ATF
130 II 514 consid. 2.3.3 p. 519; 121 II 39 consid. 2d/aa p. 46; 120 Ib 59
consid. 1a p. 61 et les arrêts cités). En revanche, elle ne peut prendre fait
et cause pour l'un de ses membres ou pour une minorité d'entre eux (ATF 133 V
239 consid. 6.4 p. 243 et la référence citée).

2.2 Le Tribunal administratif a reconnu la qualité pour recourir de
B.________ devant lui parce qu'elle disposait d'un magasin sur le territoire
de chacune des trois communes faisant l'objet des plans d'attribution des
degrés de sensibilité litigieux. Il ne ressort cependant ni de l'arrêt
attaqué ni du dossier cantonal que ces établissements s'implanteraient dans
l'un des périmètres des trois premières zones de construction ou des zones de
développement auxquels le Conseil d'Etat a attribué un degré de sensibilité
II au bruit ou à proximité immédiate de l'un de ces périmètres. Dans ces
circonstances, on ne saurait admettre que B.________ est touchée
personnellement par une telle décision et qu'elle dispose d'un intérêt digne
de protection à la modification des plans litigieux dans le sens d'une
attribution d'un degré de sensibilité au bruit III à tous les quartiers sis
dans l'une des trois premières zones à bâtir et des zones de développement de
la Ville de Genève, de la commune de Lancy et de celle de Carouge. Il importe
à cet égard peu que la qualité pour agir lui ait été reconnue sur le plan
cantonal (cf. ATF 131 II 753 consid. 4.2 p. 757). Il en va de même des autres
recourants individuels qui ne donnent aucune indication sur la situation de
leurs commerces par rapport aux périmètres des plans litigieux auxquels un
degré de sensibilité II au bruit a été attribué et sur l'ampleur des
nuisances qu'ils subiraient si cette mesure était maintenue. Quant aux
associations ou aux fédérations recourantes, elles ne prétendent pas être
touchées directement dans leurs intérêts propres dignes de protection; elles
ne donnent pas davantage de précisions sur le nombre de leurs membres qui
seraient effectivement concernés par l'attribution d'un degré de sensibilité
II au bruit à des quartiers classés dans les trois premières zones de
construction ou dans des zones de développement sur le territoire des
communes concernées et qui permettraient d'admettre qu'elles puissent agir en
leur nom (cf. ATF 133 V 239 consid. 6.4 p. 243). Le Tribunal fédéral n'est
ainsi pas en mesure de retenir que les recourants défendent des intérêts qui
leur sont propres, ou qui sont propres à une majorité de leurs membres, et
non pas l'intérêt général ou l'intérêt de tiers, en demandant à ce qu'un
degré de sensibilité III au bruit soit affecté aux trois premières zones de
construction et aux zones de développement des communes de Lancy, de Carouge
et de la Ville de Genève. On ne saurait à cet égard se contenter d'une simple
vraisemblance. Le recours doit dès lors être déclaré irrecevable faute de
qualité pour agir.
Cette sanction n'est pas formaliste à l'excès puisque les recourants ont été
rendus attentifs à ce problème par le Conseil d'Etat dans sa réponse au
recours et n'ont pas réagi dans leur réplique en produisant les documents
propres à établir leur légitimation active. On observera au demeurant que
l'attribution d'un degré de sensibilité II au bruit à une zone mixte où sont
tolérées des activités moyennement gênantes compatibles avec l'habitation
n'est pas nécessairement contraire au droit fédéral lorsqu'une telle mesure
résulte de la volonté clairement manifestée de l'autorité de garantir la
tranquillité d'une zone mixte composée essentiellement de bâtiments
d'habitation, afin de la préserver d'une élévation du niveau du bruit (cf.
arrêt 1A.238/2005 du 13 octobre 2005 consid. 2.2 avec les références à
Anne-Christine Favre, La protection contre le bruit dans la loi sur la
protection de l'environnement, thèse Lausanne 2002, p. 225, et à Beatrice
Wagner Pfeifer, Umweltrecht I, Zurich 2002, p. 95). Les recourants
n'apportent aucun élément qui permettrait de retenir que les quartiers situés
dans l'une des trois premières zones à bâtir ou en zone de développement, qui
se sont vus attribuer un degré de sensibilité II au bruit dans les plans
litigieux ne répondraient pas à ces critères. Cela étant, il est douteux que
la cour de céans aurait été en mesure de conclure à un abus du pouvoir
d'appréciation de la part du Conseil d'Etat si elle avait dû entrer en
matière.

2.3 La jurisprudence admet qu'indépendamment de la qualité pour agir au fond,
le particulier puisse se plaindre, par la voie du recours de droit public, de
la violation de ses droits de partie à la procédure cantonale équivalant à un
déni de justice à la condition de ne pas remettre en cause, même de façon
indirecte, la décision sur le fond (ATF 129 I 217 consid. 1.4 p. 222). Les
recourants voient une violation de leur droit d'être entendus dans le fait
qu'en l'absence de tout élément propre à étayer leur argumentation, le
Tribunal administratif n'a examiné ni la question des surcoûts de
construction, ni celle de l'inconstructibilité de certains périmètres, liés à
l'attribution d'un degré de sensibilité II au bruit aux zones de
développement. Selon eux, la cour cantonale avait l'obligation de leur
demander des renseignements complémentaires si elle entendait leur reprocher
de ne pas avoir donné la moindre précision sur ces questions. Ils dénoncent
une violation de l'art. 19 de la loi genevoise sur la procédure
administrative (LPA) qui enjoint à l'autorité d'établir d'office les faits.
Ce grief est indissociable d'un examen au fond de l'arrêt attaqué dans la
mesure où il implique de vérifier la pertinence des faits allégués, de sorte
que les recourants ne sont pas recevables à l'invoquer (cf. en ce sens, arrêt
2P.123/1995 du 10 janvier 1996 consid. 1d).

3.
Le recours doit par conséquent être déclaré irrecevable, aux frais des
recourants qui succombent (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer
des dépens aux autorités concernées.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des recourants.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, au
Conseil d'Etat et au Tribunal administratif de la République et canton de
Genève ainsi qu'à l'Office fédéral de l'environnement.

Lausanne, le 23 octobre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: