Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 1A.20/2007
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1A.20/2007 /col

Arrêt du 23 octobre 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger
et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

X. ________ et Y.________,
recourants, représentés par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat,

contre

Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, Chancellerie d'Etat,
case postale 3964, 1211 Genève 3,
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, rue du
Mont-Blanc 18, case postale 1956,
1211 Genève 1.

plan d'attribution des degrés de sensibilité au bruit,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif de la
République et canton de Genève du 21 novembre 2006.

Faits:

A.
X. ________ et Y.________ sont propriétaires de la parcelle n° 2'866 du
cadastre de la Ville de Genève, section Petit-Saconnex, sise au n° 1 du
chemin Jean-Louis Prévost. Cette parcelle de 1'141 mètres carrés, bâtie d'une
villa, est bordée au sud par la route de Meyrin. Elle est classée en 5ème
zone de développement 3.
Du 17 novembre au 16 décembre 2003, le Département de l'aménagement, de
l'équipement et du logement de la République et canton de Genève a mis à
l'enquête publique le plan d'attribution des degrés de sensibilité au bruit
selon l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit (OPB; RS
814.41) sur l'ensemble du territoire de la Ville de Genève. Selon ce plan, un
degré de sensibilité III au bruit a été attribué aux parcelles situées de
part et d'autre de la route de Meyrin, dont celle des époux X.________ et
Y.________.
Ces derniers ont fait opposition au plan le 14 décembre 2004. Ils demandaient
que leur parcelle bénéficie d'un degré de sensibilité II au bruit au motif
qu'elle s'inscrit dans une zone de villas dépourvue de toute exploitation
gênante. Ils contestaient en outre que les conditions d'un déclassement à un
degré de sensibilité au bruit supérieur soient réalisées.
Par arrêtés du 25 mai 2005, le Conseil d'Etat de la République et canton de
Genève a rejeté l'opposition dans la mesure où elle était recevable et a
approuvé le plan d'attribution des degrés de sensibilité au bruit sur
l'ensemble du territoire de la Ville de Genève. Le Tribunal administratif de
la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif) a
rejeté le recours formé contre ces décisions par les époux X.________ et
Y.________ au terme d'un arrêt rendu le 21 novembre 2006.

B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ et
Y.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et
subsidiairement de renvoyer l'affaire au Tribunal administratif pour nouveau
jugement dans le sens des considérants. Ils se plaignent d'une violation de
l'art. 43 OPB, du principe de prévention ancré à l'art. 11 de la loi fédérale
sur la protection de l'environnement (LPE; RS 814.01) et du principe
d'égalité consacré à l'art. 8 al. 1 Cst.
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Le Conseil d'Etat conclut au
rejet du recours. L'Office fédéral de l'environnement s'est déterminé.
Invités à répliquer, X.________ et Y.________ ont persisté dans les
conclusions de leurs recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt attaqué ayant été rendu avant le 1er janvier 2007, la loi fédérale
d'organisation judiciaire du 26 décembre 1943 (OJ) s'applique à la présente
procédure, conformément à l'art. 132 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral
du 17 juin 2005. L'ancien art. 34 de la loi fédérale sur l'aménagement du
territoire (aLAT; RS 700), en vigueur jusqu'au 31 décembre 2006, relatif aux
voies de recours au Tribunal fédéral contre les décisions cantonales en
matière d'aménagement du territoire, est également toujours applicable dans
la présente procédure (cf. art. 53 al. 1 de la loi sur le Tribunal
administratif fédéral [LTAF; RS 173.32], en relation avec le ch. 64 de
l'annexe de cette loi).

2.
La voie du recours de droit administratif est ouverte contre la décision
confirmant en dernière instance cantonale l'adoption d'un plan d'attribution
des degrés de sensibilités au bruit (ATF 132 II 209 consid. 2.2.2 p. 214).
C'est dans ce cadre que les recourants doivent faire valoir une violation de
leurs droits constitutionnels, tels que le droit à l'égalité de traitement
(ATF 130 III 707 consid. 3.1 p. 709; 130 I 312 consid. 1.2 p. 318; 129 II 183
consid. 3.4 p. 188 et les arrêts cités).
Les recourants sont personnellement touchés par l'arrêt attaqué qui confirme
l'attribution d'un degré de sensibilité au bruit III à leur parcelle et
peuvent se prévaloir d'un intérêt digne de protection à son annulation selon
l'art. 103 let. a OJ. Les autres conditions de recevabilité du recours de
droit administratif sont par ailleurs réunies.

3.
Les recourants se plaignent tout d'abord d'une constatation inexacte des
faits. Ils prétendent que leur parcelle ferait partie du quartier du Mervelet
contrairement à ce que le Tribunal administratif a retenu. Il conviendrait de
tenir compte de cet élément lors de l'examen du grief tiré de la violation de
l'égalité de traitement.
Le recours de droit administratif peut être formé pour constatation inexacte
ou incomplète des faits pertinents (art. 104 al. 1 let. b OJ). Le grief des
recourants est donc en principe recevable. Toutefois, lorsque comme en
l'espèce, la décision émane d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral
est lié par les faits constatés à moins qu'ils ne soient manifestement
inexacts ou incomplets ou qu'ils aient été établis en violation des règles
essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ).
Dans le considérant consacré au grief tiré de l'égalité de traitement, le
Tribunal administratif s'est borné à constater que la parcelle des recourants
n'était pas dans une situation comparable aux villas situées au nord dans le
quartier du Mervelet, sans préciser si elle faisait ou non partie de ce
quartier; en outre, à bien lire les plans, elle semble rattachée au quartier
de la Forêt plutôt qu'à celui, voisin, du Mervelet, de sorte que l'on ne
saurait parler d'une constatation manifestement inexacte des faits. Quoi
qu'il en soit, pour les raisons évoquées ci-dessous, le fait qu'elle soit ou
non rattachée au quartier du Mervelet ne change rien dans l'appréciation du
degré de sensibilité qui doit prévaloir pour leur parcelle, de sorte qu'une
éventuelle erreur sur ce point ne serait de toute évidence pas de nature à
remettre en cause l'arrêt attaqué.

4.
Les recourants dénoncent une violation de l'art. 43 OPB. Ils estiment qu'un
degré de sensibilité II au bruit aurait dû être attribué à leur parcelle
compte tenu de l'affectation exclusivement résidentielle du quartier dans
lequel elle s'implante. Le niveau actuel des nuisances sonores engendrées par
le trafic routier le long de la route de Meyrin ne légitimerait aucunement
l'attribution d'un degré de sensibilité III au bruit; cette mesure irait à
l'encontre de l'obligation d'assainissement imposée aux autorités et du
principe de prévention ancré à l'art. 11 LPE. Ils estiment par ailleurs que
les conditions d'un déclassement d'un degré supérieur ne seraient pas
réalisées.

4.1 Les degrés de sensibilité au bruit indiquent le niveau d'immissions à
partir duquel les nuisances sonores sont ressenties comme incommodantes par
la population de la zone concernée. Ce niveau doit être respecté par toute
installation fixe nouvelle ou existante. L'art. 43 al. 1 OPB détermine les
degrés de sensibilité selon l'intensité des nuisances tolérées dans la zone.
Cette disposition commande l'attribution d'un degré de sensibilité II dans
les zones où aucune entreprise gênante n'est autorisée, notamment dans les
zones d'habitation ainsi que dans celles réservées à des constructions et
installations publiques (let. b), l'attribution d'un degré de sensibilité III
aux zones ouvertes aux entreprises moyennement gênantes, telles les zones
d'habitation et artisanales (zones mixtes) et les zones agricoles (let. c),
et l'attribution d'un degré de sensibilité IV aux zones autorisant
l'implantation d'entreprises fortement gênantes, telles que les zones
industrielles (let. d). Cette classification doit être respectée par les
autorités cantonales et communales de planification dans l'exercice du
pouvoir d'appréciation qui leur est reconnu en la matière (ATF 120 Ib 287
consid. 3c/bb p. 295; 119 Ib 179 consid. 2a p. 186). L'art. 43 al. 2 OPB
réserve cependant une hypothèse particulière: celle des parties de zones
d'affectation du degré de sensibilité I ou II déjà exposées au bruit, qui
peuvent être "déclassées d'un degré".

4.2 L'attribution des degrés de sensibilité dépend avant tout des
caractéristiques de la zone dans laquelle se trouvent les locaux à usage
sensible au bruit selon le plan général d'affectation en vigueur,
indépendamment de sa dénomination; ainsi, une zone industrielle ne requiert
pas nécessairement l'attribution d'un degré de sensibilité IV si elle est
vouée à des activités non gênantes pour le voisinage (cf. Anne-Christine
Favre, Quelques questions soulevées par l'application de l'OPB, RDAF 1992 p.
311 et la jurisprudence citée). Sous réserve du cas visé à l'art. 43 al. 2
OPB, ce n'est que lorsque les activités admissibles dans une certaine zone ne
sont pas clairement définies qu'il y a lieu de tenir compte des activités
effectivement déployées dans la zone et du niveau existant des nuisances
sonores pour déterminer le degré de sensibilité (arrêts 1A.322/2000 du 1er
juin 2001 consid. 2c et 1A.112/2000 du 19 octobre 2000 consid. 3b cités par
Anne-Christine Favre, La protection contre le bruit dans la loi sur la
protection de l'environnement, thèse Lausanne 2002, notes 941 et 943, p.
225). La parcelle des recourants est classée en 5ème zone de développement 3.
Selon l'art. 19 al. 3 de la loi genevoise d'application de la loi fédérale
sur l'aménagement du territoire, la 5ème zone est une zone résidentielle
destinée aux villas, avec la possibilité d'y accueillir des exploitations
agricoles. Quant aux zones de développement, elles sont affectées à
l'habitat, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire, le
Conseil d'Etat pouvant également y autoriser, en vertu de l'art. 1 de la loi
générale sur les zones de développements, des activités artisanales
lorsqu'elles ne sont pas susceptibles de provoquer des inconvénients graves
pour le voisinage. En principe, c'est un degré de sensibilité III au bruit
selon l'art. 43 al. 1 let. c OPB qui devrait être attribué à la zone de
développement compte tenu de la possibilité d'y implanter des activités
artisanales moyennement gênantes (cf. arrêt 1P.526/1988 du 20 avril 1989
consid. 3b/dd publié in ZBl 91/1990 p. 509; ATF 120 Ib 456 consid. 4d p. 461;
arrêt 1A.117/1999 du 2 mars 2001 consid. 4b paru à la RDAT 2001 II n° 29 p.
128). Cependant, le Conseil d'Etat a attribué un degré de sensibilité II au
bruit au quartier du Mervelet à la suite de l'annulation d'un premier projet
de plan par le Tribunal administratif qui lui demandait de tenir compte
partout où cela était possible de la situation tranquille de certains
quartiers en zone de développement. L'affectation des parcelles sises de
l'autre côté de la rue Jean-Prévost, dans le quartier de la Forêt, répond de
cette même volonté. L'attribution d'un degré de sensibilité au bruit II à une
zone mixte ouverte aux activités moyennement gênantes compatibles avec
l'habitation peut en principe se concevoir dans les cas où il s'agit de
garantir la tranquillité d'une zone mixte composée essentiellement de
bâtiments d'habitation, afin de la préserver d'une élévation du niveau du
bruit (arrêt 1A.238/2005 du 13 octobre 2005 consid. 2.2; cf. Anne-Christine
Favre, La protection contre le bruit dans la loi sur la protection de
l'environnement, thèse Lausanne 2002, p. 225; Beatrice Wagner Pfeifer,
Umweltrecht I, Zurich 2002, p. 95). Le Tribunal fédéral a d'ailleurs admis
qu'un degré de sensibilité II soit attribué à une zone de développement dans
le cadre d'un plan localisé de quartier (arrêt 1A.21/2003 du 29 septembre
2003 consid. 5.1 in DEP 2004 p. 165). Il n'y a pas lieu d'examiner la
pertinence de l'attribution du degré de sensibilité II au bruit faite aux
quartiers précités. A supposer qu'elle soit admissible, l'attribution d'un
degré de sensibilité III au bruit des parcelles sises le long de la route de
Meyrin n'est à tout le moins pas critiquable au regard de l'art. 43 al. 2 OPB
dans la mesure où elles sont largement exposées au bruit du trafic routier.

4.3 La possibilité de déclassement offerte par cette disposition doit être
utilisée avec retenue et n'entre en considération que pour des secteurs
restreints largement exposés au bruit, dont l'affectation n'est pas
susceptible d'être modifiée et pour lesquels il n'existe pas de perspectives
concrètes d'assainissement de l'installation bruyante (cf. ATF 121 II 235
consid. 5b p. 239; 120 Ib 456 consid. 4b p. 460; arrêt 1A.62/2005 du 27
février 2006 consid. 4.2 reproduit in DEP 2006 p. 402; arrêt 1A.208/2003 du 9
septembre 2003 consid. 2.3.2 paru in DEP 2003 p. 837; arrêt 1A.89/1994 du 23
mars 1995 consid. 5 publié in ZBl 97/1996 p. 407; Anne-Christine Favre, op.
cit., p. 235 ss).
En l'occurrence, les mesures de bruit auxquelles le Service cantonal de
protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants a procédé dans
le cadre de l'établissement du cadastre des immissions ont démontré que les
valeurs limites d'immissions du degré de sensibilité II étaient largement
dépassées de jour comme de nuit au droit de la façade sud de la villa édifiée
sur la parcelle des recourants en raison du bruit du trafic automobile sur la
route de Meyrin. Ni les mesures préventives prévues lors de la construction
de la nouvelle ligne de tramway ni la réalisation d'un écran antibruit ne
permettraient de respecter les valeurs limites d'un degré de sensibilité III
et a fortiori celles plus sévères du degré de sensibilité II. Ces faits ne
sont pas contestés et lient le Tribunal fédéral dès lors que leur
inexactitude ne ressort pas du dossier (cf. art. 105 al. 2 OJ; ATF 117 Ib 125
consid. 5a p. 129 et les arrêts cités). Un changement d'affectation des
parcelles riveraines de la route de Meyrin n'entre par ailleurs manifestement
pas en considération dans la mesure où elles sont d'ores et déjà bâties,
essentiellement de villas ou d'immeubles affectés au logement. Les conditions
posées par la jurisprudence pour un déclassement d'un degré sont dès lors
réunies (cf. ATF 121 II 235 consid. 5 p. 239; 117 Ib 125 consid. 4c p. 129;
arrêt 1P.691/1992 du 25 mai 1994 consid. 5b non publié aux ATF 120 Ib 287).
Enfin, on ne saurait dire que les recourants auraient été traités de manière
discriminatoire, dès lors que toutes les parcelles situées le long de la
route de Meyrin, qui ne font pas l'objet d'un plan localisé de quartier dans
lequel les degrés de sensibilité au bruit ont déjà été fixés, se sont vues
attribuer un degré de sensibilité III au bruit. La comparaison qu'ils font
avec les parcelles sises de l'autre côté de la rue Louis-Prévost dans le
quartier de la Forêt ou plus au nord dans le quartier du Mervelet,
bénéficiant tous deux d'un degré de sensibilité II au bruit, n'est pas
pertinente car il n'est pas établi qu'elles seraient exposées dans la même
mesure au bruit du trafic routier. On relèvera au demeurant qu'un degré de
sensibilité III a également été attribué aux parcelles situées dans le
quartier du Mervelet le long de la rue Louis Casaï, également exposées au
bruit. Le Conseil d'Etat a donc fait une application cohérente des
possibilités de déclassement dans le secteur.

5.
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais des recourants qui
succombent (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens aux
autorités concernées (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des recourants.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, au
Conseil d'Etat et au Tribunal administratif de la République et canton de
Genève ainsi qu'à l'Office fédéral de l'environnement.

Lausanne, le 23 octobre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: