Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 1A.17/2007
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1A.17/2007 /col

Arrêt du 13 août 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger, Reeb,
Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

C. ________,
L.________,
E.________,
F.________,
G.________,
recourantes,
représentées par Me Bruno de Preux et Me Patrick Hunziker, avocats,

contre

Ministère public de la Confédération,
Taubenstrasse 16, 3003 Berne.

Entraide judiciaire internationale en matière pénale à la Fédération de
Russie,

recours de droit administratif contre les décisions du Ministère public de la
Confédération des 20 février 2004, 4 mars 2004, 23 février 2005 et 18
décembre 2006.

Faits:

A.
Le 15 août 2003, le Procureur général de la Fédération de Russie a requis
l'entraide judiciaire de la Suisse, dans le cadre d'une enquête dirigée
contre les dénommés Goloubovitch et Lebedev, soupçonnés notamment
d'escroquerie, d'abus de confiance et d'inexécution d'un jugement.
Responsables de la banque Menatep, Lebedev et Goloubovitch se seraient
emparés frauduleusement, en 1994, de 20% des actions de la société russe OAO
Apatit (ci-après: Apatit, active dans le commerce d'apatite - phosphate de
calcium utilisé comme engrais), par le biais de la société Volna. Ces actions
appartenaient à l'Etat, et un jugement de restitution aurait été prononcé en
1998 par un tribunal de Moscou, mais n'aurait été exécuté que partiellement
en 2002 par le versement de 20% de la valeur des actions. De 1994 à 2002,
profitant de son contrôle sur Apatit, Goloubovitch aurait organisé
l'exportation d'apatite, par le biais de sociétés russes qu'il contrôlait
également, à destination des sociétés suisses ci-après: B.________ et
C.________, pour un prix de 30 USD la tonne alors que le prix moyen du marché
était de 45 USD. Les sociétés suisses auraient revendu la marchandise pour un
prix de 40 à 78,5 USD la tonne. Les bénéfices résultant de ces opérations
auraient été déposés dans des banques suisses, puis blanchis "dans des
affaires légales". Le Procureur russe demandait des documents concernant
B.________ et C.________ (statuts, comptabilité, contrats de vente, rapports
d'activités, documents bancaires), l'identification et l'audition de leurs
dirigeants, ainsi que la détermination de la destination des fonds, le cas
échéant leur blocage. Les comptes du groupe Menatep étaient en particulier
visés.
Les 14 et 18 novembre 2003, l'autorité requérante précisa que l'enquête
visait les fondateurs et dirigeants du groupe Menatep, soit en particulier
Mikhail Khodorkovski et Platon Lebedev. La structure du groupe était
précisée, ainsi que certains comptes bancaires. La société Yukos Universal
Ltd, détenue à 100% par Menatep, aurait servi aux activités de blanchiment.
Des renseignements complémentaires ont été fournis le 22 janvier 2004. Il est
fait état de remboursements indus d'impôts et de détournements de la vente de
produits pétroliers. L'organisation dirigée par Khodorkovski bénéficiait
d'appuis auprès des autorités politiques, et recourait à la corruption pour
éliminer ses concurrents.

B.
Par décisions du 20 février 2004 et du 4 mars 2004, le Ministère public de la
Confédération (MPC, chargé de l'exécution en vertu d'une décision du 31
octobre 2003 de l'Office fédéral de la justice) est entré en matière sur la
demande et les compléments déposés jusque-là. Les mesures suivantes ont été
ordonnées: l'identification des comptes bancaires détenus par B.________ et
C.________ et la communication de toute la documentation dès 1994; des
perquisitions ont eu lieu dans des fiduciaires de Fribourg, Zurich et
Carouge. 1300 classeurs de documents ont été saisis concernant B.________,
C.________ et G.________; le directeur de C.________ a été entendu. Des
sommes importantes ont été bloquées à titre provisoire, et l'autorité
requérante a été invitée à se déterminer à ce sujet.
Le 12, puis le 19 mars 2004, l'autorité requérante produisit des ordonnances
de séquestre émanant d'un juge moscovite. Elle expliqua en outre que
l'organisation dirigée par Khodorkovski, après avoir pris le contrôle de la
société Yukos, avait organisé la vente à bas prix de produits pétroliers et
leur revente, depuis l'étranger, au cours du marché. Ces accusations ont été
précisées par la suite, les 2, 13 et 23 avril, puis le 7 mai 2004. Le 25 mars
2004, le MPC a donné suite à la demande de blocage et a ordonné le séquestre
des comptes bancaires détenus notamment par B.________, C.________ et
A.________. Les recours formés contre ces décisions ont été jugés
irrecevables, faute de préjudice irréparable (arrêts 1A.84 et 85/2004 du 1er
juin 2004; cf. également l'ATF 130 II 329 annulant un autre séquestre, faute
de connexité et de proportionnalité). La mesure de blocage concernant le
compte de C.________ auprès de la banque W.________ a fait l'objet
d'aménagements; finalement, 41'401'159 USD et 433'332 euros ont été
transférés et bloqués auprès de la banque U.________, par décision incidente
du 23 février 2005.

C.
Le 17 juin 2004, l'autorité requérante a récapitulé ses accusations, soit: la
création du groupe Menatep, de sociétés off-shore et de sociétés russes
prête-noms (notamment Volna); l'appropriation par escroquerie de 20% des
actions Apatit mises au concours par l'Etat russe, en promettant un
investissement de 283 millions d'USD et en produisant une lettre de garantie
de Menatep; le refus de fournir l'investissement promis, et la tentative de
faire croire que les actions avaient été revendues par Volna à des tiers; la
prise de contrôle d'Apatit, la mise en place d'une équipe dirigeante; la
tromperie des actionnaires en leur faisant croire, sur la base de faux, que
l'apatite achetée 30 USD la tonne avait été revendue au même prix, et en les
frustrant d'un droit au dividende; la répartition des fonds détournés entre
les membres de l'organisation, par le recours à de nombreuses sociétés-écran,
sous couvert de versements de commissions; le détournement du produit de la
vente de pétrole par les filiales de la compagnie Yukos; l'appropriation
d'actions d'autres compagnies par des échanges. Une nouvelle demande de
blocage de fonds a été présentée le 22 juin 2004, selon une liste de
personnes physiques et morales. Le 9 septembre 2004, l'autorité requérante
fit savoir que les ordonnances de séquestre prononcées à Moscou avaient fait
l'objet de recours, rejetés en juin et juillet 2004.
Dans un complément du 14 septembre 2004, le montant des détournements
relatifs à la vente d'apatite est estimé à près de 500 millions d'USD, qui
pourraient encore se trouver sur les comptes en Suisse, alors que les
opérations pétrolières auraient rapporté 7,750 milliards d'USD. Le
cheminement des fonds aurait déjà pu être retracé pour 5 milliards d'USD, les
documents requis de la Suisse devant permettre de déterminer le sort du
solde.

D.
C.________ s'est déterminée sur la transmission des documents bancaires. Elle
soutenait que l'enquête pénale était de nature politique et discriminatoire
et que les faits exposés étaient fallacieux: la différence de prix dans les
ventes d'apatite était justifiée par les frais de transport. Se déterminant
sur les 30 classeurs de documents sélectionnés par le MPC, elle s'est livrée
à un examen de détail, concluant à l'inutilité de la majorité des pièces.
Dans un complément du 20 janvier 2005, l'autorité requérante a fait état de
l'intervention du dénommé Maline président de la "Fédération russe des biens
fédéraux" qui, en échange d'actions appartenant à B.________, aurait permis
de ne pas exécuter le jugement de restitution des actions Apatit.
Le 2 juin 2005, l'autorité requérante indiqua que les dirigeants du groupe
Yukos pourraient aussi se voir reprocher des meurtres ou des tentatives de
meurtre contre des personnes considérées comme gênantes. Le dommage global,
pour l'Etat et les actionnaires de Yukos et Apatit, s'élèverait à 8 milliards
d'USD. Il était encore précisé que Khodorkovski et Lebedev avaient été
condamnés, le 21 mai 2005, à 9 ans de détention par un tribunal de Moscou,
notamment pour détournements de fonds et appropriation des bénéfices de la
vente d'apatite. L'autorité requérante estimait que les droits des prévenus
avaient été respectés.

E.
Le 24 juin 2005, l'OFJ s'est adressé à l'autorité requérante, en reprenant
les griefs formulés à l'encontre de la procédure pénale russe dans un rapport
du 29 novembre 2004 établi à l'attention de l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe, relatif à l'inculpation et à l'arrestation des
hauts-dirigeants de Yukos. Sans prendre position sur ces reproches, il
demandait à l'autorité russe de fournir les garanties suivantes: les
autorités judiciaires devraient statuer en toute indépendance et en toute
impartialité; elles devraient respecter les droits de la défense; la
représentation diplomatique suisse pourrait s'enquérir de l'avancement de la
procédure, assister aux débats et obtenir une copie du jugement. Le 6 juillet
2005, l'Ambassade de la Fédération de Russie a fourni ces garanties.

F.
Par décision de clôture partielle du 14 juillet 2005, le MPC a prononcé la
transmission à l'autorité requérante des pièces suivantes: 30 classeurs de
documents concernant C.________, composés des livres, bilans, rapports de
révision, contrats, procurations, statistiques, justificatifs, procès-verbaux
de séances, présentations et statuts; les documents (documents d'ouverture et
extraits) relatifs aux comptes bancaires détenus auprès de la banque
X.________, de la banque Y.________ et de la banque W.________; le
procès-verbal d'audition du 4 mars 2004. Les soupçons évoqués par l'autorité
requérante étaient confirmés par les montants versés par les sociétés
chargées du transport d'apatite, par l'importance des bénéfices réalisés par
B.________, ainsi que par les commissions considérables versées sur la base
de la pratique fiscale 50/50 appliquée en Suisse pour ces sociétés (la moitié
du bénéfice brut étant forfaitairement considérée comme charges justifiées).
Sous l'angle de la double incrimination, l'appropriation par certains
actionnaires des bénéfices réalisés par les sociétés Apatit et Yukos, de même
que le versement de commissions fictives et les échanges d'actions,
pourraient constituer en droit suisse des abus de confiance ou de la gestion
déloyale. L'acquisition des actions d'Apatit par Volna et les restitutions
frauduleuses d'impôts pouvaient être constitutives d'escroqueries au
préjudice de l'Etat. La pratique des prix inférieurs au cours du marché et le
détournement des profits avaient des incidences sur les bénéfices déclarés
par les sociétés russes, la mise en place d'une structure particulièrement
complexe de sociétés, ainsi que le recours à la pratique 50/50 était
constitutive d'escroquerie fiscale. Les infractions de blanchiment d'argent,
de corruption et d'homicide pourraient aussi être retenues. Les faits
incriminés n'étaient de nature ni politique, ni fiscale.
Sous l'angle de l'art. 2 let. a EIMP, l'arrestation et l'inculpation des
dirigeants de Yukos (soit en particulier Khodorkovski et Lebedev) avaient
fait l'objet d'importantes réserves dans le rapport du 29 novembre 2004 à
l'Assemblée parlementaire européenne. Il y avait lieu toutefois de réserver
l'avis que la Cour européenne des droits de l'homme, déjà saisie, pourrait
être amenée à émettre sur ces points. L'Etat requérant s'était d'ailleurs
exprimé, dans son complément du 2 juin 2005, sur le respect des droits des
prévenus durant le procès ayant abouti au jugement du 21 mai précédent; il
avait aussi fourni les garanties exigées sur ces points. La question du
respect de l'art. 1a EIMP avait été soumise au Département fédéral de justice
et police.
La condamnation de deux des prévenus (qui avaient d'ailleurs fait appel) ne
remettait pas en cause l'utilité des documents. L'ensemble des documents,
examinés par genre, apparaissait propre à faire progresser l'enquête en
permettant de se faire une image de l'activité des sociétés, ainsi que de
débuter une analyse des flux financiers. Les interrogatoires avaient été
effectués sur la base d'un questionnaire fourni par l'autorité requérante.

G.
Par arrêts du 4 janvier 2006 (1A.215-217/2005) et du 24 janvier 2006 (1A.249
et 257/2006), le Tribunal fédéral a admis les recours de droit administratif
formés par les sociétés visées. La complexité et la confusion de l'état de
fait, les réserves émises dans le cadre du Conseil de l'Europe à propos de la
procédure ainsi que les soupçons d'ordre fiscal imposaient à l'autorité
suisse de se départir de sa réserve habituelle dans l'examen de la demande
d'entraide. Sous l'angle de la double incrimination, l'appropriation des
bénéfices de la vente d'apatite ne paraissait pas constitutive de gestion
déloyale, faute d'indication quant au préjudice subi par la société Apatit et
ses actionnaires. Compte tenu des jugements déjà rendus en première instance
et en appel, il y aurait lieu d'examiner les infractions retenues et les
preuves utilisées, et de se livrer à un examen critique de la procédure
suivie dans l'Etat requérant.

H.
Le 12 mars 2006, le MPC s'est adressé au Procureur russe en rappelant la
teneur des arrêts rendus par le Tribunal fédéral, demandant une synthèse de
l'affaire Yukos et des personnes impliquées, et produisant la liste de
questions suivantes. S'agissant d'Apatit: 1° Quelles sont les personnes
poursuivies et les charges retenues? 2° Quelles sont les personnes condamnées
à part Khodorkovski et Lebedev, et pour quelles infractions? 3° Quels
éléments démontrent la nécessité d'obtenir de la documentation de la Suisse?
4° Quelles sont les personnes physiques et morales visées par les demandes de
séquestre, et pour quel motif? 5° Des procédures de confiscation sont-elles
en cours en Russie, et quels documents sont requis de la Suisse à ce sujet?
6° A quelles conditions le versement d'un dividende est-il décidé dans les
sociétés russes telles qu'OAO Apatit? 7° Les actionnaires disposent-t-ils
d'une prétention inconditionnelle à une participation aux bénéfices? 8° Quels
effets ont eu les agissements décrits sur les sociétés lésées? 9°
L'acquisition de 20% des actions d'Apatit a-t-elle été retenue à la charge de
Khodorkovski et Lebedev dans le jugement définitif? D'autres personnes
sont-elles concernées? Quel était l'intérêt de cette acquisition pour les
inculpés qui semblaient contrôler déjà 80% de cette société? 10° Pour quelle
période la pratique des prix inférieurs a-t-elle été retenue? 11° Y a-t-il
des soupçons ou des condamnations portant sur des escroqueries fiscales, et
quels sont les mécanismes de ces infractions? S'agissant de l'affaire Yukos,
des questions similaires étaient posées. Le MPC demandait aussi des
renseignements sur l'actualité des demandes d'entraide sur le vu des
renseignements déjà en possession du Parquet russe, de la condamnation de
Khodorkovski et Lebedev; l'identité des autres personnes poursuivies était
notamment demandée. Enfin, le Parquet russe était invité à fournir toutes
informations disponibles à propos des violations alléguées des droits de
l'homme dans la procédure pénale.
Le 4 juillet 2006, le Parquet de la Fédération de Russie a apporté en
substance les réponses suivantes: des poursuites étaient en cours contre les
dénommés Gorbachev et Brudno, pour appropriation à grande échelle; Brudno
s'occupait de la livraison de l'apatite aux clients finaux, alors que
Gorbachev s'occupait de dissimuler le produit de l'infraction. L'entraide
judiciaire avait été accordée par d'autres Etats, en dépit des réserves
émises quant à la procédure en Russie. L'autorité requérante réfutait les
griefs relatifs au déroulement de cette procédure.
Les 13 juillet et 24 août 2006, le MPC s'est encore adressé à l'autorité
requérante. Il se référait à une rencontre qui avait eu lieu à Moscou du 17
au 19 mai 2006, et demandait des précisions sur le montant du dommage; il
était indispensable d'apporter une réponse à l'intégralité des questions
posées le 12 mars 2006.
Le 12 septembre 2006, le Procureur russe a fait parvenir sa réponse, point
par point, aux questions du MPC. Il revenait sur les conditions d'acquisition
des actions OAO Apatit par Goloubovitch et Tchernychova, et sur les
détournements commis par Brudno au détriment du groupe Yukos. Dans l'affaire
Apatit, Gorbachev, actuellement en fuite, était encore inculpé. L'ensemble
des personnes et sociétés visées par la demande d'entraide était mentionné,
en particulier les filiales du groupe Menatep, utilisées pour recycler les
fonds. La possibilité de saisir le produit des infractions était évoquée. Le
versement de dividendes de la société Apatit était décidé à la majorité des
actionnaires, ce qui aurait privé les actionnaires minoritaires d'une part
des bénéfices, et aurait empêché la société de réinvestir ou d'augmenter son
capital. Khodorkovski et Lebedev avaient bénéficié de la prescription
s'agissant de l'acquisition des 20% d'actions Apatit, mais l'instruction se
poursuivait sur ce point à l'égard de Tchernychova et Goloubovitch, car le
délai de prescription ne courait pas tant que les inculpés étaient en fuite.
Aucune infraction fiscale n'avait été retenue dans l'affaire Apatit. Par
jugement du 16 mai 2005, le Tribunal du district de Meschansky (Moscou) avait
condamné Khodorkovski et Lebedev à 9 ans de prison, et Krainov à 5 ans de
prison. Les peines avaient été réduites à 8 ans, respectivement 4 ans et 6
mois de détention, sur appel, par le Tribunal de Moscou. S'agissant de
l'affaire Yukos, l'autorité précisait également les personnes visées; des
sociétés-écran étaient intervenues pour falsifier les documents sur les
transactions et récolter le produit des ventes de pétrole, privant les
sociétés d'extraction de leur profit. Des escroqueries fiscales avaient été
commises. Les demandes d'entraide étaient toujours d'actualité, dans le cadre
de la poursuite des actes de blanchiment ainsi qu'à l'encontre de
Goloubovitch, Tchernychova, Brudno et d'autres personnes. L'autorité
requérante s'est enfin exprimée sur les appréciations émises à l'égard de la
procédure en Russie, et a précisé que le montant total du préjudice financier
s'élevait à plus de 8 milliards de dollars.

I.
Le 18 décembre 2006, le MPC a rendu une nouvelle ordonnance de clôture
partielle portant sur l'ensemble des documents visés dans l'ordonnance du 14
juillet 2005, y compris concernant les avoirs transférés et séquestrés le 23
février 2005 auprès de la banque U.________. Dans ses compléments des 4
juillet et 12 septembre 2006, l'autorité requérante distinguait clairement
les affaires Apatit et Yukos. Selon le jugement du Tribunal de Meschansky du
16 mai 2005, Khodorkovski et Lebedev avaient été condamnés pour escroquerie,
abus de confiance et fraude, ainsi que pour inexécution d'un jugement en
rapport avec le commerce d'apatite; s'agissant de l'affaire Yukos, les mêmes
accusés avaient été condamnés pour escroquerie fiscale (pour des avantages et
des remboursements fiscaux indus obtenus entre 1998 et 2000), et pour s'être
approprié les bénéfices de la revente de produits pétroliers au préjudice du
groupe Yukos. Ce jugement a été en partie confirmé sur appel, à l'exception
de l'accusation concernant l'acquisition des actions Apatit et l'inexécution
d'un jugement de restitution des actions. Les faits concernant la vente
d'apatite étaient prescrits pour les années 1997-1999, et l'application de
l'art. 160 CP/R a été écartée pour le surplus. Les accusations de nature
fiscale et d'escroquerie avaient été confirmées en relation avec l'affaire
Yukos. Sous l'angle de la double incrimination, les faits décrits
constituaient, en droit suisse, des actes de gestion déloyale, d'abus de
confiance et d'escroquerie, Apatit et ses actionnaires ayant été privés de 6
milliards de roubles de revenus en raison des agissements de Khodorkovski et
de Lebedev. Le blanchiment d'argent pouvait aussi être retenu en raison de la
structure financière mise en place pour faire transiter les fonds.
L'escroquerie fiscale était réalisée par le fait que les sociétés suisses au
bénéfice de la pratique 50/50 (jugée ultérieurement comme une pratique
fiscale dommageable) avaient omis de remettre les bénéfices imposables aux
sociétés russes.
Les objections concernant la régularité de la procédure pénale (appréciation
des preuves, mesures de détention, droits de la défense) avaient été rejetées
par la Cour d'appel de Moscou; l'autorité requérante s'était aussi exprimée à
ce sujet dans ses compléments. Les 25 novembre 2004 et 18 mai 2006, la
CourEDH s'était prononcée sur l'admissibilité de la plainte formée par
Lebedev. Les griefs relatifs à la détention ont été jugés manifestement mal
fondés, à l'exception de la période du 31 mars au 6 avril 2004 pour laquelle
le requérant alléguait l'absence d'une décision judiciaire. La plainte a
également été déclarée admissible en tant qu'elle portait sur différentes
auditions (absence des avocats, absence de citation, temps excessif pour
statuer sur la prolongation de la détention), sur un refus de visite opposé à
un avocat. Le reste de la requête (état de santé et soins médicaux au détenu,
motivation des décisions de détention, impartialité du tribunal d'appel
contre la détention) avait été déclaré inadmissible. Les griefs relatif à
l'art. 6 CEDH ont été jugés prématurés puisque le procès était alors toujours
en cours. Quant aux requêtes déposées par Khodorkovski, elles étaient
soumises à des restrictions de communication en raison des règles applicables
devant la CourEDH. En définitive, un bon nombre des défauts dénoncés
n'avaient donc pas été confirmés par la CourEDH. Les griefs relatifs aux
perquisitions, saisies ou mises sur écoute des avocats n'avaient pas été
soulevés en cassation. Les réserves émises par l'Assemblée du Conseil de
l'Europe se trouvaient ainsi contredites. Les irrégularités avérées n'avaient
pas une gravité suffisante pour conduire au refus de l'entraide judiciaire.
L'existence d'un motif politique à la base de la procédure pénale n'était pas
non plus démontrée. Les autres infractions fiscales retenues avaient un
caractère pénal.
Sous l'angle de la proportionnalité, l'implication des sociétés suisses
actives dans le domaine de l'apatite était confirmée, de même que
l'implication de Khodorkovski et de Lebedev. Interpellée par le MPC,
l'autorité requérante avait persisté dans sa demande, indiquant que la
procédure se poursuivait notamment contre le dénommé Gorbachev; la
documentation recueillie en Suisse devait permettre de définir le montant du
préjudice et de développer l'instruction en matière de blanchiment: la
condamnation était limitée à l'année 2002 alors que les plus importants
transferts avaient été réalisés en 2003. Les investigations concernant les
ventes de produits pétroliers nécessitaient également la documentation saisie
en Suisse.

J.
Par acte du 18 janvier 2007, C.________, L.________, E.________, F.________
et G.________ SA forment un recours de droit administratif contre
l'ordonnance de clôture et les décisions incidentes antérieures des 20
février 2004, 4 mars 2004 et 23 février 2005. Elles concluent à
l'irrecevabilité ou au rejet de la demande d'entraide et de ses compléments,
subsidiairement au renvoi de la cause au MPC afin qu'il procède au tri des
pièces avec le concours des recourantes.
Le MPC conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la justice conclut de
même, en relevant notamment que seules les personnes physiques ont qualité
pour se prévaloir des art. 2 CEEJ et 2 EIMP.
Les recourantes ont par la suite produit des extraits des procédures
pendantes devant la CourEDH.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Conformément aux art. 132 al. 1 LTF et 110b EIMP, les procédures de recours
contre des décisions rendues, comme en l'espèce, avant l'entrée en vigueur de
la nouvelle réglementation sont soumises à l'ancien droit.

1.1 Le recours de droit administratif est interjeté en temps utile contre une
décision prise par l'autorité fédérale d'exécution, relative à la clôture
partielle de la procédure d'entraide judiciaire (art. 80g al. 1 de la loi
fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale - EIMP, RS 351.1).
1.2 Dans son arrêt du 4 janvier 2006, le Tribunal fédéral a reconnu la
qualité pour agir des recourantes, en tant que titulaire des comptes visés et
sociétés dont le directeur avait été entendu, respectivement en tant que
fiduciaires et société d'archivage détentrices de documents saisis. Il n'y a
pas lieu de s'écarter de cette appréciation.

1.3 Le recours peut être formé contre la décision de clôture, ainsi que
contre les décisions incidentes rendues précédemment, en particulier la
décision de séquestre des fonds du 23 février 2005 dont les effets doivent
s'étendre au-delà de la clôture de la procédure d'entraide.

2.
Sur le fond, les recourantes reprennent les motifs qui ont conduit à
l'annulation des premières ordonnances de clôture. Elles soutiennent qu'en
dépit des nombreuses occasions qui lui ont été données de parfaire ses
démarches, l'autorité requérante n'aurait toujours pas fourni d'état de fait
satisfaisant. La procédure serait définitivement achevée à l'égard de
Khodorkovski et Lebedev, et une procédure de confiscation ne serait plus
possible. Invoquant les art. 2 CEEJ et 2 EIMP - que le Tribunal fédéral
devrait appliquer d'office -, les recourantes estiment que les procédures
ouvertes en Russie seraient discriminatoires, et en réalité motivées par des
raisons politiques et économiques: Khodorkovski et Lebedev seraient
poursuivis en raison de leur qualité d'"oligarches", considérés comme une
menace pour le pouvoir en place en Russie, et en raison d'une politique de
reprise par l'Etat du contrôle des ressources énergétiques du pays. Ce
caractère discriminatoire de la procédure aurait conduit au rejet, par les
autorités britanniques et du Liechtenstein, de demandes russes d'entraide et
d'extradition. L'absence d'indépendance des juges serait particulièrement
évidente dans le procès dirigé contre Khodorkovski et Lebedev, au cours
duquel les droits de la défense auraient été systématiquement bafoués. Les
conditions d'incarcération des condamnés confirmeraient cette appréciation.

2.1 L'OFJ rappelle la jurisprudence selon laquelle les personnes morales
n'ont en principe pas qualité pour soulever les griefs relatifs au respect
des droits de l'homme dans l'Etat requérant (ATF 130 II 217 consid. 8.2 p.
227-228). Les recourantes estiment pour leur part que les mesures d'entraide
porteraient atteinte à des droits fondamentaux dont elles seraient titulaires
(soit la protection de la sphère privée et la garantie de la propriété, en
relation avec les saisies de documents et de valeurs), et que ces atteintes
ne seraient pas justifiées par l'intérêt public qui sous-tend habituellement
les procédures pénales. Le principe de célérité leur permettrait également
d'intervenir.
Point n'est besoin de se prononcer sur le bien-fondé de ces arguments. En
effet, si les personnes morales n'ont en principe pas qualité pour se
prévaloir de violations des droits dont seules sont titulaires les personnes
poursuivies dans l'Etat requérant (ATF 133 IV 40 consid. 7.2 p. 47; (ATF 125
II 356 consid. 8b p. 365), elles peuvent en revanche se plaindre de la nature
(notamment politique ou fiscale) de la procédure. Or, comme cela est relevé
ci-dessous, les violations alléguées des droits des prévenus ne viennent que
renforcer - au même titre que l'insuffisance de l'état de fait - les soupçons
concernant le caractère essentiellement politique de la procédure étrangère.
Par ailleurs, pour des motifs de cohérence et d'opportunité (déjà évoqués
dans l'arrêt du 4 janvier 2006, consid. 1.6), il ne se justifie pas que
l'entraide judiciaire puisse être refusée en application de l'art. 2 EIMP à
l'égard des personnes physiques poursuivies à l'étranger, mais que les
renseignements concernant les sociétés soient néanmoins remis à l'Etat
requérant. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur l'argumentation des
recourantes.

2.2 Dans son arrêt du 4 janvier 2006, le Tribunal fédéral a déjà relevé le
contexte particulier dans lequel s'inscrivait la demande d'entraide: la
complexité des faits, présentés dans une certaine confusion, les soupçons
d'ordre fiscal fréquemment évoqués et les réserves émises dans le cadre du
Conseil de l'Europe à propos des poursuites intentées contre les dirigeants
du groupe Yukos imposaient à l'autorité suisse de se départir de sa réserve
particulière dans l'examen de l'état de fait présenté par l'autorité
requérante. Dans sa résolution 1416 (2005), l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe avait retenu que les circonstances ayant entouré
l'arrestation et l'inculpation des dirigeants de Yukos (soit notamment
Khodorkovski et Lebedev) suggéraient fortement qu'elles n'étaient pas en
conformité avec le principe de l'Etat de droit et que ces personnes avaient
été prises pour cibles par les autorités en violation du principle d'égalité.
Cette résolution fait aussi référence à l'arrêt de la CourEDH du 19 mai 2004
dans la cause Gusinskiy, qui fait état d'une instrumentalisation de la
procédure pénale à des fins d'intimidation. Cette résolution insistait sur la
nécessité de garantir l'indépendance de la justice et le respect des
garanties de procédure; elle reposait sur le constat de nombreuses violations
des droits de la défense; l'accumulation de ces irrégularités, la
dépossession des dirigeants de Yukos par des redressements massifs d'impôts,
le soutien financier de Khodorkovski à des groupes d'opposition ainsi que la
campagne d'intimidation menée par les organes de l'Etat permettaient de
penser que l'action de celui-ci ne se limitait pas à la simple poursuite de
la justice pénale, mais incluait des éléments tels que "l'affaiblissement
d'un adversaire politique déclaré, l'intimidation d'autres personnes riches
et la reprise du contrôle d'actifs économiques stratégiques". Dans son
premier arrêt, le Tribunal fédéral a ainsi estimé que la connexité des faits
présentés dans la demande d'entraide avec l'affaire Yukos justifiait que
l'exposé des faits, ainsi que la procédure ayant abouti à la condamnation des
prévenus fassent l'objet d'un "examen critique".

2.3 Les réserves exprimées dans cet arrêt tenaient essentiellement à
l'arrière-plan politique de la procédure étrangère. En effet, si les
infractions reprochées ne s'inscrivent pas directement dans le cadre de la
lutte pour le pouvoir (art. 3 EIMP), la demande d'entraide posait un problème
évident sous l'angle de l'art. 2 let. b et c EIMP. Selon ces dispositions, la
demande est irrecevable s'il y a lieu d'admettre que la procédure dans l'Etat
requérant, apparemment motivée par des délits de droit commun, tend en
réalité à poursuivre une personne en raison de ses opinions politiques, de
son appartenance à un groupe social déterminé, de sa race, de sa confession
ou de sa nationalité, ou lorsque la procédure risque d'aggraver la situation
de la personne poursuivie pour l'une de ces raisons.

2.4 L'art. 2 EIMP a pour but d'éviter que la Suisse ne prête son concours,
par le biais de l'entraide judiciaire ou de l'extradition, à des procédures
qui ne garantiraient pas à la personne poursuivie un standard de protection
minimal correspondant à celui offert par le droit des Etats démocratiques,
défini en particulier par la CEDH ou le Pacte ONU II, ou qui heurteraient des
normes reconnues comme appartenant à l'ordre public international (ATF 125 II
356 consid. 8a p. 364; 123 II 161 consid. 6a p. 166/167, 511 consid. 5a p.
517, 595 consid. 5c p. 608; 122 II 140 consid. 5a p. 142). L'examen des
conditions posées par l'art. 2 EIMP implique un jugement de valeur sur les
affaires internes de l'Etat requérant, en particulier sur son régime
politique, sur ses institutions, sur sa conception des droits fondamentaux et
leur respect effectif, et sur l'indépendance et l'impartialité du pouvoir
judiciaire (ATF 126 II 324 consid. 4 p. 326; 125 II 356 consid. 8a p. 364;
123 II 161 consid. 6b p. 167, 511 consid. 5b p. 517; 111 Ib 138 consid. 4
p. 142). Même s'il est douteux que l'art. 2 EIMP soit directement applicable,
comme tel, à l'égard d'un Etat partie à la CEEJ, la jurisprudence considère
que les garanties de procédure offertes par la CEDH et le Pacte ONU II
appartiennent à l'ordre public international et que la Suisse contreviendrait
à ses obligations internationales en collaborant à une procédure pénale
présentant un risque de traitement contraire à ces garanties, notamment un
traitement discriminatoire (ATF 130 II 217 consid. 8.1 p. 227 et les arrêts
cités; cf. arrêt Olaechea Cahuas c/ Espagne du 10 août 2006, par. 59-61 et la
référence à l'arrêt Soering c/ Royaume-Uni du 7 juillet 1989, série A n° 161,
par. 89-91). Les motifs d'exclusion de la coopération énumérés à l'art. 2
let. a, b et c EIMP, ressortissent également à l'ordre public national,
opposable à la coopération régie par le traité (bilatéral ou multilatéral),
pour autant que celui-ci le prévoie (ATF 122 II 373 consid. 2d p. 379/380;
120 Ib 189 consid. 2a p. 191; 110 Ib 173 consid. 2 p. 176, et les arrêts
cités). Or, tel est précisément le cas de l'art. 2 let. b CEEJ (ATF 126 II
324 consid. 4c p. 327).

2.5 La demande d'entraide doit donc être écartée lorsqu'est rendue
vraisemblable l'existence d'un risque sérieux et objectif d'un traitement
discriminatoire prohibé (ATF 123 II 161 consid. 6b p. 167, 511 consid. 5b p.
517; 122 II 373 consid. 2a p. 377, et les arrêts cités). Dans ce contexte, il
ne suffit pas de prétendre que la procédure pénale ouverte à l'étranger
s'inscrirait dans le cadre d'un règlement de comptes, tendant à éliminer le
recourant de la scène politique (ATF 115 Ib 68 consid. 5a p. 85; 109 Ib 317
consid. 16c p. 338/339). Il faut au contraire apporter des éléments concrets
permettant de supposer qu'il serait poursuivi pour des motifs cachés, ayant
trait notamment à ses opinions politiques (ATF 129 II 268 consid. 6.3 p.
272).

2.6 De tels motifs existent dans le cas particulier, et les diverses prises
de position de l'autorité requérante après les arrêts du mois de janvier 2006
n'apportent aucun démenti crédible sur ce point. La volonté du pouvoir en
place en Russie de lutter contre la prééminence des riches oligarches est
désormais attestée. Le MPC lui-même n'a pas méconnu cet aspect, puisqu'il
relève dans sa décision que la démarche de l'Etat requérant a effectivement
pour cadre la lutte contre le contrôle oligarchique résultant des
privatisations survenues dans des circonstances obscures. La décision
attaquée rappelle également que dans son rapport du 3 juin 2005, la
Commission de suivi pour le respect des obligations et engagements des Etats
membres du Conseil de l'Europe a salué les efforts déployés par les autorités
russes pour lutter contre ces problèmes, tout en rappelant la nécessité
d'adopter des solutions conformes aux normes et principes contraignants,
juridiquement et politiquement, du Conseil de l'Europe. Dans sa résolution
1523 (2006) du 6 octobre 2006, l'Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe a rappelé ses résolutions et recommandations précédentes, en
regrettant que les développements subséquents aient démontré tant le
bien-fondé des critiques émises que leur absence de prises en compte par les
autorités russes compétentes (n° 21).
Il n'appartient certes pas à l'autorité suisse d'entraide de se prononcer sur
la légitimité des réformes entreprises dans l'Etat requérant. Toutefois, la
collaboration doit être refusée lorsqu'il apparaît que la procédure pénale
pour laquelle elle est requise présente un tel arrière-plan politique.

3.
Le caractère politique et discriminatoire de la procédure suivie en Russie se
trouve encore renforcé par les violations des garanties relatives aux droits
de l'homme et de la défense qui ont apparemment été commises tout au long de
la procédure, ainsi que par l'exposé des faits, qui demeure obscur en dépit
même des jugements définitifs rendus dans l'Etat requérant.

3.1 Selon le rapport 2006 d'Amnesty International, l'instruction et le procès
de Khodorkovski et Lebedev ont été entachés de diverses atteintes aux normes
d'équité. Nombre d'observateurs estimaient que ce procès avait été avant tout
politique. Cette affaire avait mis en évidence les graves problèmes que
connaissait la justice russe: manque d'indépendance du pouvoir judiciaire,
contacts limités entre les accusés et leurs avocats, mauvaises conditions de
détention et recours à la torture ou aux mauvais traitements pour obtenir des
aveux. Selon le rapport 2006 d'Human Rights Watch, Khodorkovski et Lebedev
avaient été poursuivi essentiellement parce que le Kremlin les considérait
comme une menace politique. International Helsinki Federation for Human
Rights relève également, dans son rapport 2006, que le procès Yukos était
politiquement motivé.

3.2 Une première requête a été déposée par Lebedev auprès de la CourEDH,
concernant son arrestation et les conditions de sa détention préventive
uniquement. Dans ses décisions des 25 novembre 2004 et 18 mai 2006, La Cour a
considéré les griefs suivants comme recevables: absence de décision
judiciaire relative à la période de détention du 31 mars au 6 avril 2004;
absence de publicité des audiences du Tribunal de Basmanyi des 3 juillet et
26 décembre 2003; empêchement des avocats de participer à l'audience du 3
juillet 2003; examen tardif des recours formés contre les décisions des 23
décembre 2003 et 6 avril 2004; non-convocation à l'audience du 8 juin 2004;
les griefs relatifs à l'équité du procès dans son ensemble ont été jugés
prématurés, et ceux qui concernaient le harcèlement financier subi par Yukos
ont été écartés pour défaut de légitimation. Cela étant, les griefs déclarés
recevables apparaissent suffisamment nombreux, et ne portent pas sur des
aspects accessoires de la procédure. L'on ne saurait donc considérer, comme
l'a fait le MPC, que les dénonciations sur la nature discriminatoire de la
procédure auraient été "mises à mal" par les décisions de la CourEDH.

3.3 D'autres requêtes, portant sur le procès lui-même, ont été formées par
Khodorkovski et Lebedev. Ceux-ci s'y plaignent du manque de temps pour
préparer leur défense, tant en première instance qu'en appel, des entraves à
la communication avec leurs avocats, d'avoir comparu au procès en étant
maintenus enfermés dans une cage, d'avoir été jugés par un Tribunal
incompétent, de n'avoir pu interroger les experts et témoins de l'accusation,
de n'avoir pu produire différents avis à décharge, d'avoir subi divers
procédés déloyaux de la part de l'accusation, non sanctionnés par le
tribunal; sont aussi invoqués les principes de légalité, de non-rétroactivité
de la loi pénale et de non-discrimination. Ces requêtes n'ont pas été
examinées, et ne le seront vraisemblablement pas avant plusieurs années.
Interpellée par le MPC, l'autorité requérante a pour sa part estimé prématuré
de s'exprimer à ce sujet. Cela étant, l'examen critique auquel le MPC était
enjoint de procéder ne pouvait se fonder uniquement sur les réfutations de
l'autorité requérante.

3.4 Aux griefs concernant la procédure proprement dite s'ajoutent les
réserves concernant les conditions d'exécution de la peine. Khodorkovski et
Lebedev ont en effet été envoyés dans des camps de prisonniers situés en
Sibérie, alors que, selon le droit russe, le lieu de détention devrait se
trouver à proximité du lieu de résidence ou de l'endroit où le procès s'est
tenu. Ce choix du lieu de détention, dénué de motivation objective, ne peut
être compris que comme une mesure d'éloignement (cf. la résolution du
Parlement européen P6_TA(2006) 0270 du 15 juin 2006, relative au sommet
UE-Russie du 25 mai 2006).

3.5 S'agissant des faits invoqués à l'appui de la demande d'entraide, force
est d'admettre que même après le prononcé et la confirmation de la
condamnation, et après avoir bénéficié de nombreuses occasions de préciser sa
démarche, l'autorité requérante n'a pas été en mesure d'apporter les
précisions exigées dans l'arrêt du Tribunal fédéral du 6 janvier 2006.
La prise de position du 4 juillet 2006 n'apporte que des réponses éparses et
évasives aux questions posées par le MPC. Pour l'essentiel, l'autorité
requérante y reprend largement ses précédents exposés. Le MPC a alors adressé
à l'autorité requérante un catalogue de questions précises en insistant sur
la nécessité de réponses exhaustives. Or, il apparaît que les réponses
apportées par l'autorité requérante ne sont toujours pas satisfaisantes.
Ainsi, à la question de savoir si la société OAO Apatit ou ses actionnaires
avaient pâti des détournements reprochés aux accusés, l'autorité requérante
n'a pas fourni de réponse; elle explique - comme précédemment - que les
actionnaires ont été frustrés d'un dividende, et la société privée de
bénéfices qui auraient pu être réinvestis, sans apporter aucun élément
permettant d'affirmer l'existence d'un droit à la distribution de dividendes;
la décision à ce sujet était prise par la majorité des actionnaires, soit les
inculpés, et on ignore toujours, par ailleurs, si la société OAO Apatit s'est
trouvée en difficulté en raison des détournements allégués. S'agissant des
personnes qui feraient encore l'objet d'une procédure pénale, l'autorité
requérante mentionne Tchernychova et Goloubovitch (s'agissant de
l'acquisition en 1994 de 20% des actions Apatit), alors que l'extradition de
ces deux personnes a été refusée par le Royaume-Uni et l'Italie. L'autorité
requérante mentionne aussi Brudno et Gorbachev, puis se limite à ce dernier,
sans préciser que celui-ci s'est réfugié au Royaume-Uni et que son
extradition a également été refusée en raison des motifs politiques de la
procédure. L'autorité requérante prétend vouloir disposer des renseignements
provenant de la Suisse pour établir le montant du dommage, mais il ressort du
jugement rendu en Russie que ce montant a été considéré comme établi sur la
base d'éléments de preuve jugés suffisants. S'agissant enfin du sort des
avoirs séquestrés en Suisse, l'autorité requérante ne fournit aucune
indication; elle ne mentionne ni procédure de confiscation (les condamnations
déjà prononcées ne sont pas assorties d'une telle mesure en rapport avec le
commerce d'apatite) ni procès civil, et précise que la législation russe ne
prévoit pas de procédure de confiscation.
Les indications fournies ne répondent que très incomplètement aux questions,
pourtant détaillées, formulées par le MPC. Elles ne permettent pas de lever
les incertitudes relevées dans les arrêts du mois de janvier 2006.

4.
L'ensemble de ces éléments corrobore clairement le soupçon selon lequel la
procédure pénale serait en l'occurrence instrumentalisée par le pouvoir en
place, dans le but de mettre au pas la classe des riches "oligarches" et
d'écarter des adversaires politiques potentiels ou déclarés. Il s'ensuit que
l'entraide judiciaire ne peut être accordée, conformément à l'art. 2 EIMP,
sans qu'il y ait à s'interroger sur les autres conditions d'octroi (double
incrimination, proportionnalité, infractions fiscales), et sur les divers
autres griefs soulevés.

5.
Le recours de droit administratif est par conséquent admis, et la décision de
clôture du 18 décembre 2006 est annulée, de même que les décisions d'entrée
en matière et d'exécution rendues les 20 février, 4 mars 2004 et 23 février
2005. L'entraide judiciaire, selon la demande du 15 août 2003 et ses
compléments, est refusée en ce qui concerne les recourantes. Celles-ci ont
droit à l'allocation de dépens, mis à la charge du MPC. Il n'est pas perçu
d'émolument judiciaire.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision de clôture partielle du 18 décembre 2006
est annulée, de même que les décisions d'entrée en matière, d'exécution et de
saisie des 20 février, 4 et 25 mars 2004 et 23 février 2005. L'entraide
judiciaire est refusée en ce qui concerne les recourantes.

2.
Une indemnité de dépens de 4000 fr. est allouée aux recourantes, à la charge
du MPC.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des recourantes et
au Ministère public de la Confédération ainsi qu'à l'Office fédéral de la
justice (B 144 708).

Lausanne, le 13 août 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: