Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 1A.14/2007
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{T 0/2}
1A.14/2007
1P.42/2007 /col

Arrêt du 27 avril 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Rittener.

Pharmacie A.________,
B.________, C.________,
recourants,
tous les trois représentés par Me Werner Gautschi, avocat,

contre

Conseil communal de la ville de La Chaux-de-Fonds, 2300 La Chaux-de-Fonds,
Chemins de fer fédéraux SA, CFF immobilier,
place de la Gare 1, 1001 Lausanne,
Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel,
Service juridique, 2001 Neuchâtel 1,
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel,
case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.

opposition à une demande de permis de construire,

recours de droit administratif (1A.14/2007) et recours de droit public
(1P.42/2007) contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel
du 14 décembre 2006.

Faits:

A.
Le 7 juillet 2005, la société Chemins de fer fédéraux SA, par son département
"CFF Immobilier Région Ouest", (ci-après: les CFF) a déposé une demande de
permis de construire pour la transformation du secteur est du bâtiment de la
gare de La Chaux-de-Fonds, sise sur la parcelle n° 15595 du registre foncier
de cette ville, en zone à bâtir. Le projet mis à l'enquête comprend notamment
la création de surfaces commerciales. Il a suscité l'opposition de la société
Droguerie A.________ (devenue Pharmacie A.________), de B.________, titulaire
de la raison individuelle "Pharmacie A.________" et de C.________, pharmacien
à La Chaux-de-Fonds. Par décision du 24 octobre 2005, le Conseil communal de
La Chaux-de-Fonds a rejeté l'opposition. La Droguerie A.________ ainsi que
B.________ et C.________ ont recouru contre cette décision, en invoquant
diverses violations du droit cantonal des constructions. Le 3 mai 2006, le
Conseil d'Etat a déclaré le recours irrecevable, faute de qualité pour agir
des intéressés.

B.
La Pharmacie A.________ ainsi que B.________ et C.________ ont recouru contre
cette décision devant le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel
(ci-après: le Tribunal administratif), en faisant notamment valoir qu'ils
avaient un intérêt digne de protection à contester l'implantation d'une
pharmacie dans la gare, dès lors que ce nouveau concurrent bénéficierait de
règles plus favorables en matière d'heures d'ouverture. Ils se plaignaient
également du fait que les plans mis à l'enquête publique ne permettaient pas
de connaître l'affectation des futures surfaces commerciales. Le Tribunal
administratif a rejeté ce recours par arrêt du 14 décembre 2006. Il a
considéré en substance que les intéressés n'étaient pas dans une relation de
concurrence directe avec les CFF - qui n'envisageaient pas d'exploiter une
pharmacie dans la gare concernée - et que la location d'une surface
commerciale à une entreprise qui exploiterait une pharmacie ne suffirait pas
à créer une telle relation. De plus, une éventuelle admission du recours par
le Conseil d'Etat pour les motifs de droit des constructions invoqués ne
permettrait pas de supprimer le désavantage de nature économique causé par
l'implantation d'une pharmacie concurrente dans la gare. Les intéressés
n'avaient donc pas la qualité pour agir.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif (1A.14/2007) et par
celle du recours de droit public (1P.42/2007), la Pharmacie A.________ ainsi
que B.________ et C.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet
arrêt. A l'appui de leur recours de droit administratif, ils invoquent l'art.
33 al. 1 let. a de la loi sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979
(LAT; RS 700). Dans le cadre de leur recours de droit public, ils se
plaignent d'une violation de leur droit d'être entendus (art. 29 al. 2 Cst.)
et ils invoquent l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.), la liberté
économique (art. 27 Cst.) et la primauté du droit fédéral (art. 49 Cst.). Ils
requièrent en outre l'octroi de l'effet suspensif. Le Tribunal administratif
a renoncé à formuler des observations. Le Conseil d'Etat du canton de
Neuchâtel s'est déterminé; il conclut au rejet des recours. Le Conseil
communal de La Chaux-de-Fonds et les CFF en ont fait de même; ils concluent à
l'irrecevabilité des recours, subsidiairement à leur rejet.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Il y a lieu de joindre le recours de droit administratif 1A.14/2007 et le
recours de droit public 1P.42/2007 pour statuer en un seul arrêt.

2.
La décision attaquée ayant été rendue avant le 1er janvier 2007, la loi
fédérale d'organisation judiciaire (OJ) demeure applicable à la présente
procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF). Les anciens art. 33 al. 3 let. a
et 34 LAT, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2006, demeurent  eux aussi
applicables dans la présente procédure (cf. art. 53 al. 1 de la loi sur le
Tribunal administratif fédéral [LTAF; RS 173.32], en relation avec le ch. 64
de l'annexe de cette loi).

3.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 132 I 140 consid. 1.1 p. 142; 131 II 571 consid. 1
p. 573; 130 I 312 consid. 1 p. 317 et les arrêts cités). En raison de la
règle de la subsidiarité du recours de droit public (art. 84 al. 2 OJ), la
recevabilité du recours de droit administratif doit être examinée en premier
lieu.

3.1 Les recourants attaquent une décision cantonale d'irrecevabilité en
invoquant une violation de l'art. 33 al. 3 let. a LAT, dans son ancienne
teneur (ci-après: aLAT). Un tel grief ne peut être présenté dans le cadre
d'un recours de droit administratif que si cette voie est ouverte sur le fond
en vertu de l'art. 34 al. 1 aLAT et de la jurisprudence y relative (ATF 125
II 10 consid. 2b p. 14 et les références). Dans la mesure où l'arrêt attaqué
concerne une procédure d'autorisation de construire en zone à bâtir, il ne
peut en principe faire l'objet que d'un recours de droit public en vertu de
l'art. 34 al. 3 aLAT. Selon la jurisprudence, la voie du recours de droit
administratif est cependant ouverte lorsque l'application de certaines
prescriptions de droit fédéral, notamment en matière de protection de
l'environnement, est en jeu; cette voie de recours permet alors de soulever
également des griefs concernant l'application du droit constitutionnel
fédéral ou des normes cantonales autonomes, pour autant qu'il existe un
rapport suffisamment étroit avec l'application du droit fédéral (cf. ATF 132
II 209 consid. 2 p. 211; 128 I 46 consid. 1b/aa p. 49; 125 II 10 consid. 2a
p. 13; 123 II 359 consid. 1a/aa p. 361; 121 II 72 consid. 1b p. 75 et les
références; arrêt 1A.68/2005 du 26 janvier 2006 consid. 2).

3.2 En l'occurrence, les seules normes de droit fédéral mentionnées par les
recourants sont l'art. 39 de la loi sur les chemins de fer du 20 décembre
1957 (LCdF; RS 742.101) et l'art. 27 al. 1 (recte: 27 al. 1ter) de la loi sur
le travail du 13 mars 1964 (RS 822.11). Ces dispositions concernent
l'installation dans les gares de services accessoires répondant aux besoins
des usagers et les heures d'ouverture de ces services, respectivement la
possibilité d'y employer des travailleurs le dimanche; elles sont donc
étrangères à l'objet du litige, qui porte sur une autorisation de construire.
Pour le surplus, les griefs soulevés par les recourants devant les autorités
cantonales relèvent exclusivement du droit cantonal des constructions et il
n'apparaît pas que l'application d'autres normes de droit fédéral soit en
jeu. Il s'ensuit que seule la voie du recours de droit public est ouverte en
l'espèce, de sorte que le recours de droit administratif doit être déclaré
irrecevable.

4.
Par la voie du recours de droit public, les recourants exposent d'abord que
le fait de leur avoir dénié la qualité pour agir au niveau cantonal serait
contraire à la primauté du droit fédéral (art. 49 Cst. en relation avec
l'art. 33 al. 3 let. a LAT). Ce grief ayant trait à leurs droits de parties,
ils ont la qualité pour recourir (art. 88 OJ) à cet égard.

4.1 Aux termes de l'art. 33 al. 2 LAT, le droit cantonal prévoit au moins une
voie de recours contre les décisions et les plans d'affectation fondés sur la
LAT et sur les dispositions cantonales et fédérales d'exécution. Selon l'art.
33 al. 3 let. a aLAT, la qualité pour recourir est alors reconnue dans les
mêmes limites qu'en matière de recours de droit administratif. Aux termes
l'art. 103 let. a OJ, un tel recours est ouvert à quiconque est atteint par
la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit
annulée ou modifiée. Selon la jurisprudence, le recourant doit être touché
dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des
administrés et l'intérêt invoqué - qui n'est pas nécessairement un intérêt
juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait - doit se
trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et
digne d'être pris en considération. Il faut donc que l'admission du recours
procure au recourant un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale
(ATF 121 II 39 consid. 2c/aa p. 43, 171 consid. 2b p. 174; 120 Ib 48 consid.
2a p. 51, 379 consid. 4b p. 386 et les arrêts cités).

4.2 Les recourants ne se plaignent pas du fait que les règles cantonales sur
la base desquelles la qualité pour recourir leur a été déniée seraient plus
restrictives que l'art. 103 let. a OJ. Cette qualité est d'ailleurs définie
en droit cantonal neuchâtelois de la même manière que pour le recours de
droit administratif, puisque l'art. 32 let. a de la loi cantonale sur la
procédure et la juridiction administratives du 27 juin 1979 (LPJA; RS/NE
152.130) reconnaît la qualité pour recourir à toute personne touchée par la
décision attaquée et ayant un intérêt digne de protection à ce que celle-ci
soit annulée ou modifiée. Le Tribunal administratif n'a pas donné à la notion
d'intérêt digne de protection une portée plus restrictive qu'en matière de
recours de droit administratif, dès lors qu'il s'est fondé sur la
jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral concernant la qualité pour
recourir selon l'art. 103 al. 1 let. a OJ. Le grief relatif à la primauté du
droit fédéral doit donc être rejeté.

4.3 Pour le surplus, les recourants se bornent à affirmer que leur qualité de
concurrents et de voisins relativement proches suffirait à leur conférer la
qualité pour recourir, mais ils n'invoquent pas une application arbitraire du
droit cantonal de procédure, comme il leur appartenait de le faire au regard
des exigences d'allégation et de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf.
ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261, 26 consid. 2.1 p. 31; 125 I 71 consid. 1c
p. 76; sur la notion d'arbitraire, cf. ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17).
L'application de la procédure cantonale n'apparaît au demeurant pas
insoutenable. En effet, les recourants ne font pas valoir que le projet
litigieux les toucherait en leur qualité de voisins, mais ils se plaignent
seulement du fait que l'installation d'une pharmacie dans la gare
provoquerait une concurrence accrue et faussée par des conditions plus
favorables en matière d'heures d'ouverture. Or, comme le Tribunal
administratif l'a relevé à juste titre, la jurisprudence relative à l'art.
103 al. 1 let. a OJ ne reconnaît un intérêt digne de protection aux
concurrents de la même branche économique que s'ils se trouvent, en raison de
réglementations de politique économique ou d'autres normes spéciales, dans
une relation particulièrement étroite (par exemple dans des domaines où le
droit prévoit un contingentement); tel n'est pas le cas de celui qui craint
simplement que l'autorisation donnée à un tiers ne l'expose à une concurrence
accrue (ATF 127 II 264 consid. 2c p. 269; arrêt 1A.205/ 2003 du 19 mars 2004,
consid. 1.4). En l'occurrence, c'est sans arbitraire que l'autorité intimée a
considéré que les recourants ne se trouvaient pas dans une telle relation
avec les CFF et qu'ils n'avaient pas d'intérêt digne de protection à
l'annulation de la décision litigieuse.

5.
Les recourants se plaignent également d'une violation de leur droit d'être
entendus (art. 29 al. 2 Cst). Pour autant qu'il ait trait à la décision leur
déniant la qualité pour agir, ce grief n'a pas de portée propre par rapport
au précédent, étant précisé que les intéressés ont eu tout loisir de
s'exprimer sur cette question devant le Tribunal administratif. Dans la
mesure où les recourants mentionnent à cet égard des dispositions de la loi
cantonale sur les constructions, il leur appartenait d'invoquer et de
démontrer une application arbitraire de ces normes, ce qu'il n'ont pas fait.
Il n'y a donc pas lieu d'entrer en matière sur ce grief, qui ne répond pas
aux exigences de motivation susmentionnées (cf. supra consid. 4.3). Quant à
l'invocation sommaire de l'arbitraire au terme du recours, elle ne respecte
pas non plus ces exigences minimales de motivation. Enfin, le grief relatif à
la liberté économique semble étranger à l'objet du litige, qui concerne à ce
stade une procédure d'autorisation de construire. Il constitue au demeurant
une question de fond que le Tribunal fédéral n'a pas à trancher, la présente
cause étant limitée à la question de la qualité pour agir. Ce grief est par
conséquent irrecevable.

6.
Il s'ensuit que le recours de droit public doit être rejeté dans la mesure où
il est recevable, ce qui rend sans objet la requête d'effet suspensif
présentée par les recourants. Les frais de la présente procédure sont mis à
la charge des recourants, qui succombent (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ). Il
n'y a pas lieu d'octroyer des dépens aux CFF ni à la commune de
La-Chaux-de-Fonds, qui n'ont pas procédé par l'entremise d'un avocat, cette
dernière étant d'ailleurs réputée disposer d'un service juridique suffisant
dès lors qu'elle compte plus de 10'000 habitants (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 1A.14/2007 et 1P.42/2007 sont jointes.

2.
Le recours de droit administratif est irrecevable.

3.
Le recours de droit public est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

4.
Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge des recourants.

5.
Il n'est pas alloué de dépens.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, au
Conseil communal de la ville de La Chaux-de-Fonds, aux Chemins de fer
fédéraux SA, CFF immobilier, au Conseil d'Etat et au Tribunal administratif
du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 27 avril 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: