Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 591/2006
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U 591/06

Arrêt du 11 octobre 2007
Ire Cour de droit social

MM. les Juges Ursprung, Président,
Frésard et Geiser, Juge suppléant.
Greffière: Mme Berset.

M.________,
recourante, représentée par Me Marc Bellon, avocat,
rue Saint-Laurent 2, 1207 Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne,
intimée.

Assurance-accidents,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève du 19 octobre 2006.

Faits:

A.
M.________, ressortissante étrangère née en 1952, a travaillé en qualité de
nettoyeuse à temps partiel au service de l'entreprise X.________ à
G.________. A ce titre, elle était assurée contre le risque d'accidents
professionnels et non-professionnels auprès de la Caisse nationale suisse
d'assurance contre les accidents (CNA). Le 29 juin 2002, elle a subi un
écrasement de l'index de la main droite, alors que son mari refermait une
porte à leur domicile. Il en est résulté une fracture ouverte de la phalange
moyenne de ce doigt ayant nécessité, le même jour, une intervention
chirurgicale à l'unité de la chirurgie de la main de l'Hôpital Z.________.
Les broches posées à cette occasion ont été retirées le 3 septembre 2002. Un
traitement physiothérapeutique intensif a été prescrit à l'assurée pour
traiter un enraidissement marqué de l'articulation interphalangienne
proximale (IPP). A la suite de l'opération de l'index, M.________ s'est
plainte d'une douleur à l'épaule droite. Une échographie a mis en évidence
une petite inflammation de la bourse sous-acromio-deltoïdienne qui a été
traitée par infiltration.

Sur proposition du docteur A.________, médecin-conseil de la CNA, l'assurée a
séjourné à la Clinique Y.________ du 4 au 26 février 2003. Dans leur rapport
de sortie du 13 mars 2003, les docteurs L.________ et V.________ ont relevé
que la mobilité de l'épaule et dans une moindre mesure de l'index de
l'assurée était améliorée, mais que le déficit d'intégration du membre
supérieur droit restait marqué. Selon le consilium psychiatrique recueilli à
la Clinique Y.________, M.________ ne présentait pas de comorbidité
psychiatrique; en revanche, on observait chez elle une certaine passivité, un
fatalisme important et des croyances liées à sa culture d'origine. Les
docteurs L.________ et V.________ ont fixé la capacité de travail de
l'assurée à 50 %, selon des modalités de reprise à discuter, compte tenu
d'une limitation pour le port de charges lourdes et les travaux avec les
mains au-dessus du niveau des épaules. Dans un rapport du 14 avril 2003, le
docteur A.________ a déclaré que l'état de l'intéressée n'était pas stabilisé
et qu'une amputation, évoquée semble-t-il par un confrère, n'était pas
indiquée. Il a cependant proposé de soumettre le cas à un spécialiste en
chirurgie de la main. Mandaté en cette qualité, le docteur C.________ a
constaté que M.________ présentait des séquelles algodystrophiques à la suite
d'une fracture de la deuxième phalange de l'index droit, ayant consolidé avec
une déviation cubitale de 25° et qu'elle avait une attitude théâtrale avec
vraisemblablement une exagération de ses plaintes. Une nouvelle intervention
chirurgicale lui a paru dangereuse (rapport du 11 juin 2003). Le diagnostic
d'algodystrophie a cependant été infirmé par le docteur B.________, médecin
traitant de l'assurée, au regard d'une scintigraphie pratiquée en décembre
2002 (rapport du 31 octobre 2003).

Après avoir procédé à l'examen médical final de M.________ le 1er décembre
2003, le docteur A.________ a noté qu'environ un an et demi après l'accident,
cette dernière était toujours suivie par le docteur B.________, qu'elle
éprouvait toujours des douleurs à l'épaule, au coude et à la main droite et
qu'elle n'avait pas repris le travail. Il a constaté une réduction de la
mobilité active de l'index droit, meilleure en passif, avec des troubles
dysesthésiques. Le médecin-conseil de la CNA a considéré que l'état devait
être tenu pour stabilisé et que la poursuite d'un traitement régulier ne
s'avérait plus nécessaire tant au niveau de la main que de l'épaule. Il a
estimé que, dans le cadre d'une activité à temps partiel de dix heures par
semaines en qualité de nettoyeuse, l'état de santé de l'intéressée n'avait
pas de répercussion sur sa capacité de travail et qu'elle pouvait
théoriquement reprendre une telle activité. Le docteur A.________ a évalué
l'atteinte à l'intégrité subie par l'assurée au taux de 5 %.

Par lettre du 16 décembre 2003, la CNA a informé M.________ qu'elle mettait
fin à la prise en charge des frais médicaux avec effet immédiat et qu'elle
fixait la reprise du travail au 1er janvier 2004; elle a précisé que plus
aucune indemnité journalière ne serait versée après la fin de l'année 2003.
Par décision du même jour, l'assureur-accidents a alloué à la prénommée une
indemnité pour atteinte à l'intégrité de 5'340 frs, calculée au taux retenu
par son médecin-conseil. Par décision formelle du 22 mars 2004, la CNA a
confirmé le contenu de sa lettre du 16 décembre précédent.

Après avoir soumis M.________ à une expertise de son service de médecine des
assurances (docteur K.________; rapport du 10 août 2004), la CNA a rejeté, le
1er octobre 2004, les oppositions que la prénommée avait formées contre les
décisions des 16 décembre 2003 et 22 mars 2004.

B.
Par jugement du 19 octobre 2006, le Tribunal cantonal des assurances sociales
du canton de Genève a rejeté le recours de M.________ contre la décision sur
opposition de la CNA.

C.
M.________ a interjeté un recours de droit administratif contre ce jugement
dont elle a demandé l'annulation, en concluant au renvoi de la cause aux
premiers juges pour complément d'instruction et nouvelle décision. La
recourante fait grief à la cour cantonale d'avoir violé son droit d'être
entendue en refusant d'administrer diverses mesures probatoires qu'elle avait
proposées. A l'appui de son recours, elle a déposé trois rapports médicaux
établis postérieurement au prononcé du jugement entrepris.

La CNA a produit une appréciation complémentaire du docteur K.________ du 24
janvier 2007 et proposé le rejet du recours. L'Office fédéral de la santé
publique a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (Art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393, consid. 1.2 p. 395).

2.
M.________ se plaint de ce que la cour cantonale aurait procédé à une
instruction insuffisante de la cause, violant ainsi son droit d'être
entendue, dans le cadre du litige qui porte sur le droit de la prénommée à
des prestations de l'assurance-accidents au-delà du 31 décembre 2003.

3.
3.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), en
particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une
décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant
aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès
au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre
connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 132 V 368 consid. 3.1
p. 370 et les références).

3.2 Si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation
consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils
doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits présentent un
degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne
pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer
d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves; Kieser, Das
Verwaltungsverfahren in der Sozialversicherung, p. 212, n° 450; Kölz/Häner,
Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., p. 39,
n° 111 et p. 117, n° 320; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p.
274; cf. aussi ATF 122 II 469 consid. 4a, 122 III 223 consid. 3c, 120 Ib 229
consid. 2b, 119 V 344 consid. 3c et la référence). Une telle manière de
procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 Cst.
(SVR 2001 IV n° 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l'empire
de l'art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 94 consid. 4b, 122 V 162
consid. 1d et l'arrêt cité).

4.
4.1 Devant la cour cantonale, la recourante a contesté la valeur probante du
rapport du docteur K.________ sur lequel la CNA s'est fondée pour refuser ses
prestations postérieurement au 31 décembre 2003.

Dans son rapport du 10 août 2004, le docteur K.________ a retenu que
l'assurée présente un cal vicieux de la phalange moyenne de l'index droit
avec déviation cubitale au niveau de l'IPP. Selon ce spécialiste, cette
affection résulte de l'accident du 29 juin 2002, elle ne nécessite plus de
traitement et n'empêche pas l'intéressée d'exercer l'activité de nettoyeuse à
temps partiel. Par ailleurs, le docteur K.________ a conclu que M.________
était atteinte d'un « idiopathic arm pain », soit de douleurs du bras droit
d'origine idiopathique, avec des signes d'épargne se manifestant par une
enflure de la main et du poignet (ou pseudodystrophie). Il a indiqué que
cette affection provoque un handicap important et que la littérature médicale
désigne à son origine des facteurs psychologiques et sociologiques
d'importance décisive. Le docteur K.________ a nié tout lien de causalité
naturelle entre l'accident en cause et cette atteinte à la santé de
l'assurée. D'autres diagnostics, sans lien avec l'accident en question, ont
encore été mentionnés par le docteur K.________. Seul le diagnostic de
pseudodystrophie a été remis en cause par la recourante. Se référant au
résultat de la scintigraphie osseuse (du 5 décembre 2002) et à divers
articles de littérature médicale, M.________ a soutenu que le diagnostic
d'algodystrophie devait être retenu dans son cas. Elle a proposé à la cour
cantonale de recueillir le témoignage du docteur W.________, chef de clinique
à la division de médecine nucléaire de l'Hôpital Z.________.

4.2 Considérant que le rapport du docteur K.________ se fondait sur des
anamnèses fouillées, un examen clinique précis, la prise en compte des
plaintes de l'assurée, sur les éléments d'imagerie les plus importants,
notamment la scintigraphie osseuse invoquée par la recourante, ainsi que sur
des références étendues à la littérature médicale, le tribunal cantonal des
assurances lui a reconnu pleine valeur probante. Il a évalué la cohérence des
déductions de ce médecin et relevé que ce dernier avait écarté le diagnostic
d'algodystrophie sur des signes cliniques observés chez l'assurée. Ce
diagnostic était d'ailleurs exclu également par la scintigraphie du
5 décembre 2002, quoi qu'en dise la recourante. De toute manière, la
scintigraphie osseuse n'avait constitué pour le docteur K.________ qu'un
élément secondaire d'appréciation, dans la mesure où plusieurs études
médicales mettent en évidence le manque de spécificité de cet examen pour
diagnostiquer une algodystrophie.

Au demeurant, l'analyse de nombreuses pièces médicales a conduit les premiers
juges à constater que plusieurs médecins ont conclu à  l'absence
d'algodystrophie. Si cette appréciation peut être partagée en ce qui concerne
les docteurs W.________ et S.________ (rapport du 6 décembre 2002 sur la
scintigraphie du 5 décembre 2002), D.________ et F.________ (rapport du 7
avril 2003) et surtout U.________ (rapport du 24 novembre 2005), on ne
saurait être aussi affirmatif s'agissant du docteur B.________ (rapports des
28 et 31 octobre 2003). Ce dernier fait état de complication de type
algoneurodystrophie, mais, dès lors qu'il ne formule pas de diagnostic
motivé, son avis n'est pas susceptible de jeter le doute sur les conclusions,
dûment étayées et cohérentes, du docteur K.________. La même considération
s'impose, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, en ce qui
concerne l'avis du docteur C.________ de juin 2003 (rapports du 11 juin 2003)
et la lettre du docteur F.________ à l'office AI du 30 juillet 2003. Certes,
le jugement attaqué n'indique pas expressément pourquoi la cour cantonale a
renoncé à l'audition du docteur W.________ comme témoin. Toutefois, les
considérations qui viennent d'être évoquées tiennent lieu de motivation
implicite. Au demeurant, ce témoignage s'imposait d'autant moins que, dans
son rapport du 6 décembre 2002 sur la scintigraphie osseuse en question, ce
médecin avait formulé une conclusion claire, exprimant l'absence d'arguments
typiques en faveur d'une algoneurodystrophie, sans pouvoir l'exclure
formellement.

4.3 En l'occurrence, la cour cantonale a estimé que les nombreuses citations
du conseil de la recourante empruntées à la littérature médicale ne
constituaient pas des diagnostics, mais des évocations non motivées qui ne
suffisaient pas à invalider le diagnostic du docteur K.________ (jugement
attaqué, consid.10, p.11 avant dernier paragraphe). Sur ce point, elle peut
être suivie également.

En effet, selon la jurisprudence constante, le juge doit les examiner de
manière objective, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les
documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit
litigieux. Si les rapports médicaux sont contradictoires, il ne peut liquider
l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons
pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une
autre. C'est ainsi qu'il importe, pour conférer pleine valeur probante à un
rapport médical, que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude
circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il
prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne
examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la
description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale
soient claires et enfin que les conclusions soient dûment motivées (ATF 125 V
351 consid. 3a p. 352 et les références; VSI 2001 p. 108 consid. 3a [arrêt du
24 janvier 2000, I 128/98]).

En l'espèce, le juge des assurances sociales ne saurait, sans motifs
impératifs, en se fondant sur les éléments de littérature médicale résultant
d'études étrangères au cas concret, s'écarter des conclusions d'un
spécialiste qui s'est prononcé spécifiquement sur ce cas. Ces principes
valent au demeurant quelles que soient les qualifications de la partie
concernée ou de son conseil.

4.4 Les pièces déposées par la recourante devant le Tribunal fédéral ne sont
pas de nature à conduire à une appréciation différente, dès l'instant où
elles n'établissent rien d'autre que le handicap dont souffre l'intéressée,
sans en indiquer la cause de façon motivée.

5.
En procédure fédérale, la recourante ne remet en cause aucun autre point du
jugement attaqué, en particulier, elle ne conteste pas l'appréciation faite
par la cour cantonale en ce qui concerne l'absence de causalité adéquate
entre l'accident du 29 juin 2002 et l'affection du bras droit dont elle
souffre.

6.
Dans ces conditions, les actes du dossier se révélaient suffisants pour
statuer en pleine connaissance de cause, sans que l'administration d'autres
preuves ne s'impose. Les premiers juges pouvaient s'en dispenser par
appréciation anticipée des preuves. Partant le droit d'être entendu de la
recourante n'a pas été violé et le recours doit être rejeté. Vu la nature du
litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office
fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 11 octobre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière: