Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 573/2006
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{T 7}
U 573/06

Arrêt du 1er mars 2007
Ire Cour de droit social

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger et Frésard.
Greffier: M. Métral.

A. ________, recourant, représenté par Me François Berger, avocat, rue de
l'Hôpital 7, 2000 Neuchâtel,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne, intimée.

Assurance-accidents,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal des assurances
du canton de Vaud du 20 juillet 2006.

Faits:

A.
A.a A.________, exerçait la profession de soudeur pour l'entreprise
D.________ SA. A ce titre, il était assuré contre les accidents par la Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).

Le 25 avril 1997, le prénommé est tombé d'une hauteur de trois mètres à trois
mètres cinquante et a subi une distorsion de la cheville droite ainsi qu'une
fracture par tassement de la vertèbre lombaire L3, avec cunéiformisation
antérieure de dix degrés. Il a été traité à l'Hôpital X.________ par
immobilisation au lit strict avec corset 3 points et antalgiques, jusqu'au
1er mai 1997. Le port d'une attelle «air cast» a été prescrit. La CNA a pris
en charge les suites de cet accident.

Malgré une évolution relativement favorable d'un point de vue objectif, les
symptômes présentés par l'assuré se sont amplifiés après sa sortie d'hôpital,
le 6 mai 1997. Le 15 octobre 1997, il a consulté le docteur C.________,
spécialiste en neurologie, auquel il a décrit des céphalées, nausées,
troubles du sommeil, manque de sensibilité dans les membres, tachycardies et
cervicalgies; il se déplaçait avec des cannes anglaises en raison de douleurs
à la cheville droite et n'avait pas pu abandonner le corset trois points. Le
docteur C.________ a également constaté l'apparition d'un état dépressif,
tout en faisant état d'une évolution radiologique favorable de la fracture.
L'examen neurologique n'avait rien révélé de particulier hormis un éventuel
syndrome radiculaire irritatif fruste des membres inférieurs. Qualifiant
l'évolution de surprenante, avec une sorte d'état régressif, le docteur
C.________ a suggéré un séjour à la Clinique de réhabilitation
Y.________(rapport du 17 octobre 1997).

A la suite de ce rapport, l'assuré a été admis à la Clinique de
réhabilitation Y.________, le 22 octobre 1997, où il a suivi un traitement
essentiellement physiothérapeutique et psychothérapeutique. A.________ a
interrompu prématurément le traitement, le 26 novembre 1997, sans qu'il ait
été possible de le sevrer de ses cannes anglaises et du corset trois points.
Son état psychique avait considérablement entravé la physiothérapie (rapport
de sortie du 27 novembre 1997). La CNA a ensuite confié au docteur
M.________, chirurgien orthopédiste, le soin de réaliser une expertise. Ce
médecin a précisé qu'une imagerie par résonnance magnétique réalisée en
janvier 1998 avec confirmé la consolidation du plateau supérieur de L3 avec
une cunéiformisation d'environ 10 degrés. Il a également constaté une
discopathie L5-S1, avec hernie discale L5-S1 gauche sans signe de compression
radiculaire, et une surcharge psychogène majeure. L'assuré risquait une
invalidité définitive, largement générée par le problème psychique. Les
seules séquelles organiques de l'accident, qualifiées de faibles par le
docteur M.________, n'étaient pas incompatibles avec la reprise d'une
activité professionnelle et correspondaient à un taux d'atteinte à
l'intégrité de 10 % (rapports des 23 mars, 13 octobre et 28 octobre 1998 du
docteur M.________). Une hospitalisation au Centre hospitalier Z.________ a
été écourtée après deux jours, en juin 1998, le patient refusant de
participer aux différentes approches thérapeutiques, même extrêmement douces,
et refusant toute discussion avec un psychologue (rapport du 29 juin 1998 du
docteur F.________, médecin associé au Service d'orthopédie et de
traumatologie de l'appareil moteur du Centre hospitalier Z.________).

Par décision du 14 janvier 1999 et décision sur opposition du 15 juin 1999,
la CNA a mis fin à l'ensemble de ses prestations, en considérant notamment
que les troubles psychiques présentés par l'assuré n'étaient pas en relation
de causalité adéquate avec l'accident du 25 avril 1997. Elle ne s'est
toutefois pas prononcée sur le droit à une indemnité pour atteinte à
l'intégrité. Le Tribunal des assurances du canton de Vaud a rejeté le recours
de l'assuré contre la décision sur opposition, par jugement du 7 septembre
2000. A.________ a déféré la cause au Tribunal fédéral des assurances en
concluant à l'annulation du jugement entrepris, au motif que les premiers
juges auraient dû se récuser. Le Tribunal fédéral des assurances a rejeté le
recours, dans la mesure où il était recevable (arrêt U 488/00 du 29 janvier
2001).

A.b Le 23 septembre 2004, A.________ a demandé à la CNA de réexaminer le
droit aux prestations, en produisant divers rapports établis par le docteur
W.________, spécialiste en chirurgie orthopédique (rapports des 1er septembre
et 5 octobre 2004), ainsi que par le docteur I.________,
psychiatre-psychothérapeute, et par E.________, psychologue-psychothérapeute
(rapports des 10 septembre 2004, 18 novembre 2004 et 16 mars 2005). Selon ces
derniers, l'assuré souffrait d'un état dépressif majeur, d'un état d'anxiété
généralisé et présentait une personnalité paranoïaque. Il existait un lien
direct entre ces atteintes à la santé psychique et l'accident du 25 avril
1997. Le docteur W.________ a pour sa part mis en évidence que le patient
était entré dans un cercle vicieux à la suite de l'accident, avec des
douleurs engendrant des contractures musculaires, provoquant elles-même de
nouvelles douleurs. A son avis, un traitement adéquat à l'époque aurait pu
éviter ces difficultés. Le traitement suivi n'était pas approprié et avait
provoqué une évolution psychique défavorable. En ce qui concerne la cheville,
le docteur W.________ a mentionné une instabilité subjective nette et
objective modérée (baillement de trois degrés).

Par lettres des 12 novembre 2004 et 25 janvier 2005, l'assuré a précisé à la
CNA que ses démarches ne constituaient pas une demande de révision de la
décision sur opposition du 15 juin 1999, mais une demande de prestation en
raison d'une rechute ou de séquelles tardives. La CNA l'a convoqué pour un
examen par le docteur H.________, médecin d'arrondissement, le 5 avril 2005.
Ce dernier a décrit des constatations largement superposables à celles
effectuées en 1999, sur le plan organique, l'état de santé psychique semblant
s'être largement amendé (rapport du 26 avril 2005).

Le 29 avril 2005, la CNA a rejeté la demande de prestations, en tant qu'elle
était fondée sur l'allégation d'une rechute ou de séquelles tardives de
l'accident; elle a précisé qu'elle n'entrait pas en matière sur une
éventuelle demande de révision procédurale de sa décision sur opposition du
15 juin 1999 et laissait à l'assuré le soin d'adresser une demande de
révision au tribunal compétent. A.________ s'est opposé à cette décision, en
produisant un rapport du 16 novembre 2004 du docteur N.________, médecin au
Service d'orthopédie et de traumatologie de l'appareil moteur du Centre
hospitalier Z.________. Selon ce dernier, le traitement initial auquel avait
été soumis l'assuré était effectivement inapproprié, provoquant à la fois une
évolution physique et psychique défavorable. Le docteur N.________ précisait
toutefois qu'il ne pouvait pas être aussi catégorique que son confrère
W.________ et que d'autres facteurs avaient également joué un rôle dans
l'évolution de l'état de santé de l'assuré. Il évaluait à 20 % le taux
d'atteinte à l'intégrité. La CNA a maintenu son refus de prestations, par
décision sur opposition du 6 juillet 2005, en réservant toutefois une
prochaine décision sur la question de l'indemnité pour atteinte à
l'intégrité. Par décision du 19 juillet 2005 et décision sur opposition du 31
août 2005, elle a alloué à l'assuré une indemnité pour une atteinte à
l'intégrité de 10 %, nonobstant un rapport du 9 août 2004 du docteur
N.________, attestant un taux d'atteinte à l'intégrité de 20 %.

B.
Par acte du 12 octobre 2005, A.________ a demandé au Tribunal des assurances
du canton de Vaud de procéder à une révision du jugement du 7 septembre 2000.
Il a par ailleurs recouru devant la même juridiction contre les décisions sur
opposition des 6 juillet et 31 août 2005, en produisant notamment des
rapports des 9 novembre 2005 et 28 février 2006 du docteur W.________, ainsi
qu'un rapport du 6 mars 2006 du docteur N.________. La CNA a pour sa part
produit des déterminations de sa division de médecine des assurances
(rapports des 11 février et 28 mars 2006 du docteur S.________, spécialiste
en chirurgie).

Le 9 mai 2006, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a rejeté la
demande de révision du jugement du 7 septembre 2000 et le recours de l'assuré
contre la décision sur opposition du 6 juillet 2005 (prestations pour rechute
ou séquelles tardives). Le 20 juillet suivant, il a rejeté le recours contre
la décision sur opposition du 31 août 2005 (indemnité pour atteinte à
l'intégrité).

C.
A.________ interjette un recours de droit administratif contre le jugement du
20 juillet 2006, dont il demande l'annulation. En substance, il conclut à
l'octroi d'une indemnité pour une atteinte à l'intégrité de 20 %, sous suite
de dépens. L'intimée conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral
de la santé publique a renoncé à se déterminer.

L'assuré a également interjeté un recours de droit administratif contre le
jugement du 9 mai 2006 du Tribunal des assurances du canton de Vaud. Ce
recours a fait l'objet d'une procédure séparée (U 437/06) et a été rejeté,
par arrêt de ce jour.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L' acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 395 consid. 1.2).

2.
Le litige porte sur le droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité. Le
jugement entrepris expose les règles légales et la jurisprudence applicables
en la matière, de sorte que sur ce point, il convient d'y renvoyer.

3.
Les premiers juges se sont référés aux constatations des docteurs H.________
et M.________, ainsi qu'aux déterminations du docteur S.________. Ces
médecins font état d'une atteinte à l'intégrité de 10 % en raison des
troubles du rachis présentés par l'assuré et consécutifs à l'accident du 25
avril 1997. Selon la table 7 (affections de la colonne vertébrale) établie
par la CNA pour l'évaluation des atteintes à l'intégrité, ce taux correspond
à un trouble statique segmentaire jusqu'à 10 degrés, après fracture, pour des
douleurs minimes permanentes, même au repos, accentuées par les efforts (++ :
5-10 %), voire pour des douleurs permanentes plus ou moins intenses,
également la nuit et au repos (+++ : 10-20 %).

Le recourant conteste ce taux d'atteinte à l'intégrité en se référant aux
rapports établis par les docteurs W.________ et N.________. Selon le docteur
W.________ (rapport du 9 novembre 2005), il présente une atteinte à
l'intégrité de l'appareil locomoteur de 20 à 25 % (0-5 % «pour la vertèbre»,
10-15 % «pour la fonction diminuée», 5-10 % «pour la cheville droite»). Pour
sa part, le docteur N.________ atteste un taux d'atteinte à l'intégrité de 20
% en raison des douleurs dorsales (10-20 % pour une atteinte de gravité ++selon
la table 7 établie par la CNA pour l'évaluation des atteintes à
l'intégrité) et à la cheville droite (5-10 % pour instabilité modérée;
rapport du 6 mars 2006).

4.
4.1 Les docteurs M.________, H.________ et S.________ n'ont pas pris en
considération les limitations fonctionnelles et douleurs dorsales résultant
des troubles psychiques de l'assuré, alors que les docteurs W.________ et
N.________ en ont tenu compte, considérant que l'ensemble des atteintes à la
santé présentées par le recourant étaient en relation de causalité avec
l'accident assuré. Cela explique en partie les divergences entre ces
différents médecins, le docteur W.________ admettant lui-même que les
atteintes purement anatomiques équivalent à une atteinte à l'intégrité de 5 %
au maximum (rapport du 9 novembre 2005). Dans ce contexte, et sous réserve de
ce qui suit (consid. 4.2), les premiers juges ont exposé à juste titre qu'il
y avait lieu de se fonder sur les rapports établis par les docteurs
M.________, H.________ et S.________, dès lors que le rapport de causalité
adéquat entre les troubles psychiques du recourant et l'accident assuré avait
été nié par jugement du 7 septembre 2000, entré en force.

4.2
4.2.1 Les divergences entre les constatations des docteurs M.________,
H.________ et S.________, d'une part, et W.________ et N.________, d'autre
part, résultent également du fait que le docteur W.________ a constaté une
instabilité de la cheville droite et soutient que l'assuré a subi une
déchirure totale du ligament péronéo-astragalien antérieur droit, alors que
les docteurs M.________, H.________ et S.________ n'ont pas pris en
considération d'atteinte à la cheville droite. Le docteur W.________ fonde
ses constatations sur la sensation d'instabilité et les douleurs alléguées
par le recourant, ainsi que sur des radiographies sous anesthésie révélant un
baillement de 5 degrés à droite, pour 0 degré à gauche. Dans un premier
temps, le docteur N.________ n'a pas constaté d'instabilité de la cheville
(rapport du 9 août 2004); il semble par la suite avoir simplement repris le
diagnostic posé par le docteur W.________, sans autre explication (rapport du
6 mars 2006).

4.2.2 Après avoir eu connaissance des soupçons émis par le docteur
W.________, relativement à une instabilité de la cheville droite, le docteur
H.________ a procédé à un nouvel examen clinique, en prêtant une attention
particulière à cette cheville, mais sans constater de laxité pathologique
(rapport du 26 avril 2005). Le docteur H.________ s'est également référé à
une imagerie par résonance magnétique réalisée le 15 juillet 2004 par le
docteur T.________, ainsi qu'à des radiographies réalisées le 11 juin 2004
par le docteur B.________. Le docteur T.________ a constaté que le ligament
péronéo-calcanéen n'était pas rompu, son signal étant toutefois augmenté et
légèrement épaissi dans sa portion supérieure, cet élément pouvant témoigner
de séquelles d'entorse. Une discrète accentuation de signal était également
constatée sur les chefs obliques du ligament collatéral interne, ce qui
évoquait le diagnostic différentiel de séquelle de lésion traumatique, mais
il n'y avait pas de discontinuité (rapport du 19 juillet 2004). Pour sa part,
le docteur B.________ n'a pas décelé de lésion traumatique fraîche ou
ancienne (rapport du 11 juin 2004). Enfin, le docteur S.________ a contesté
qu'on puisse conclure à une instabilité ligamentaire significative en raison
d'un baillement de trois à cinq degrés, en l'absence de constatations
cliniques confirmant ce diagnostic. Les radiographies ne mettaient par
ailleurs pas en évidence de signes d'arthrose post-traumatique, ce qui, près
de neuf ans après l'accident, rendait également peu vraisemblable la
survenance d'une déchirure ligamentaire le 25 avril 1997 (rapports des 1er
février et 28 mars 2006).

Hormis les docteurs W.________ et N.________, ce dernier ne motivant
quasiment pas son appréciation relative à l'instabilité de la cheville, force
est de constater que l'ensemble des médecins appelés à se prononcer sur
l'état de la cheville droite de l'assuré ont nié l'existence d'une atteinte à
l'intégrité significative, d'origine post-traumatique. Leurs avis sont
motivés et réfutent de manière d'autant plus convaincante l'argumentation du
docteur W.________ que les atteintes à la cheville droite sont comprises,
avec celles du rachis, dans le taux de 5 % au maximum mentionné par ce
praticien pour «l'atteinte purement anatomique» à l'intégrité de l'assuré.
Pour le reste, ce médecin fonde essentiellement son appréciation sur des
troubles fonctionnels largement conditionnés par l'état de santé psychique de
l'assuré, comme on l'a vu pour les troubles du rachis (consid. 4.1 supra).
Les premiers juges ont donc renoncé à juste titre à mettre en oeuvre une
nouvelle expertise et rejeté les conclusions du recourant tendant à l'octroi
d'une indemnité pour une atteinte à l'intégrité supérieure à 10 %.

5.
Vu ce qui précède, les conclusions du recourant sont mal fondées, de sorte
qu'il ne peut prétendre de dépens (art. 159 OJ). La procédure est par
ailleurs gratuite (art. 134 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 1er mars 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier: