Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 547/2006
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{T 7}
U 547/06

Arrêt du 22 février 2007
Ire Cour de droit social

MM. les Juges Ursprung, Président,
Schön et Frésard.
Greffière: Mme Berset.

H. ________,
recourante, représentée par Me Florian Baier, avocat, rue Saint-Laurent 2,
1207 Genève,

contre

Winterthur Assurances, Société Suisse d'Assurances SA, General Guisan Strasse
40, 8401 Winterthur,
intimée, représentée par Me Jean-Claude Schweizer, avocat, avenue de la Gare
1 / Boine 2, 2000 Neuchâtel.

Assurance-accidents,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal administratif
de la République et canton de Genève du 10 octobre 2006.

Faits:

A.
H. ________, née en 1972, travaillait en qualité d'aide-soignante au service
de l'hôpital X.________. A ce titre, elle était assurée auprès de la
Winterhur assurances contre les accidents professionnels et non
professionnels.

Le 11 mars 2004, alors qu'elle aidait une patiente obèse à s'asseoir, son dos
s'est bloqué. Le service des urgences de l'hôpital X.________ a fait état de
des lombalgies post-traumatiques. La Winterthur assurances a pris le cas en
charge.

Le 19 septembre 2004, H.________ a chuté dans sa cuisine. Invité par
l'assureur à établir une expertise médicale, le docteur B.________,
spécialiste en chirurgie orthopédique, a diagnostiqué des lombo-sciatalgies
droites sur hernie discale L4-L5. L'assurée présentait une capacité de
travail de 50 % à partir du 11 septembre 2004 et de 100 % à partir du 11
novembre 2004 (rapport du 3 décembre 2004).

Se fondant sur l'avis du docteur B.________, l'assureur a mis fin au
versement des prestations LAA au 31 décembre 2004, au motif que les troubles
existants au-delà de cette date n'étaient plus en relation de causalité avec
les accidents des 11 mars et 19 septembre 2004 (par décision du 2 janvier
2005).

A la suite de l'opposition de H.________ à cette décision, la Winterthur
assurances a requis l'avis de son médecin-conseil, le docteur A.________,
lequel rendu ses conclusions le 26 avril 2005.

Par une nouvelle décision du 6 juin 2005, l'assureur a partiellement admis
l'opposition. Il a retenu que les atteintes à la santé de l'intéressée
étaient en relation de causalité pour une durée maximum de six mois après
chaque accident, soit jusqu'au 19 mars 2005. La décision du 26 janvier 2005
était réformée en ce sens que le statu quo sine a été atteint le 19 mars 2005
(en lieu et place du 31 décembre 2004).

B.
H.________ a déféré cette décision au Tribunal cantonal des assurances du
canton de Genève qui l'a déboutée par jugement du 10 octobre 2006.

C.
H.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
elle demande l'annulation en concluant, sous suite de frais et dépens, à
titre principal à ce que la Winterthur assurances lui verse les prestations
LAA (indemnités journalières et soins médicaux) au-delà du 19 mars 2005. A
titre subsidiaire, elle demande le renvoi de la cause à la juridiction
cantonale pour complément d'instruction, notamment par le biais d'une
expertise médicale. A titre préalable, elle sollicite le bénéfice de
l'assistance judiciaire.

La Winterthur assurances conclut au rejet du recours, tandis que l'Office
fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L' acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
La question est de savoir si l'intimée répond des troubles lombaires dont
souffre la recourante pour une période postérieure au 19 mars 2005. Ces
troubles se présentent sous la forme de lombo-sciatalgies droites sur hernie
discale L4-L5. Il est par ailleurs constant que l'intimée répond des deux
accidents successifs en cause.

3.
Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord,
entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la
santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y
a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait
pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il
n'est pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la cause unique ou
immédiate de l'atteinte à la santé; il faut et il suffit que l'événement
dommageable, associé éventuellement à d'autres facteurs, ait provoqué
l'atteinte à la santé physique ou psychique de l'assuré, c'est-à-dire qu'il
se présente comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir si
l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de
causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas
échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements
d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du
degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation
des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport
de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle
ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à
des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177
consid. 3.1 p. 181, 402 consid. 4.3.1. p. 406, 119 V 335 consid. 1. p. 337).

4.
Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon
laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la
suppression du droit (RAMA 2000 no U 363 p. 46 consid. 2) entre seulement en
considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe
inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de
fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité
(ATF 117 V 261 consid. 3b p. 264 et les références). La preuve de la
disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la
preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question
d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative qu'aucune atteinte à la
santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite
santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d'une
atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées
comme ayant disparues (arrêts U 389/04 du 27 octobre 2005, consid. 4.1, U
222/04 du 30 novembre 2004, consid. 1.3 et les références).

5.
Selon l'expérience médicale, pratiquement toutes les hernies discales
s'insèrent dans un contexte d'altération des disques intervertébraux
d'origine dégénérative, un événement accidentel n'apparaissant
qu'exceptionnellement, et pour autant que certaines conditions particulières
soient réalisées, comme la cause proprement dite d'une telle atteinte. Une
hernie discale peut être considérée comme étant due principalement à un
accident, lorsque celui-ci revêt une importance particulière, qu'il est de
nature à entraîner une lésion du disque intervertébral et que les symptômes
de la hernie discale (syndrome vertébral ou radiculaire) apparaissent
immédiatement, entraînant aussitôt une incapacité de travail. Dans de telles
circonstances, l'assureur-accidents doit, selon la jurisprudence, allouer ses
prestations également en cas de rechutes et pour des opérations éventuelles.
Si la hernie discale est seulement déclenchée, mais pas provoquée par
l'accident, l'assurance-accidents prend en charge le syndrome douloureux lié
à l'événement accidentel. En revanche, les conséquences de rechutes
éventuelles doivent être prises en charge seulement s'il existe des symptômes
évidents attestant d'une relation de continuité entre l'événement accidentel
et les rechutes (RAMA 2000 n° U 378 p. 190 consid. 3 [arrêt du 7 février
2000, U 149/99]; SZIER 2001 p. 346 consid. 3b et les arrêts cités [du 18 août
2000, U 4/00]; cf. également Debrunner/Ramseier, Die Begutachtung von
Rückenschäden, Berne 1990, p. 54 ss; voir également, pour une casuistique,
David Weiss, à propos de l'arrêt du 3 octobre 2005, U 163/05, in PJA 2006 p.
877)

6.
6.1 Dans son rapport du 3 décembre 2004, le docteur B.________, après avoir
fait l'anamnèse du traumatisme et de son évolution, parvient à la conclusion
que les plaintes actuelles de l'assurée sont seulement possiblement en
relation avec l'événement du 11 mars 2004. Même en considérant une évolution
excessivement défavorable d'un épisode de lombalgies, le « statu quo ante »
doit être atteint six mois après l'événement déclenchant. Cette réponse de
l'expert donne à penser que l'état de santé de l'assurée est similaire, après
ce laps de temps, à celui qui existait immédiatement avant l'accident. Elle
semble en contradiction avec la réponse négative que l'expert apporte à la
question de savoir si des maladies ou des accidents antérieurs ou
intercurrents jouent un rôle « pour autant que les suites de l'événement
invoqué soient en cause ». D'autre part, l'expertise apparaît lacunaire. Bien
qu'il signale l'existence de l'accident du 19 septembre 2004, en retenant
qu'il a amené « une péjoration de la situation qui n'était déjà pas très
bonne », l'expert ne se prononce, dans ses conclusions, que sur les suites de
l'accident du 11 mars 2004. On ne saurait certes lui en faire grief du moment
que les questions posées par l'assureur ne portaient que sur les conséquences
de cet accident. Il n'en reste pas moins que l'expertise ne permet pas une
approche globale de la situation, comme le retiennent avec raison les
premiers juges.

6.2 Aussi bien les premiers juges se sont-ils fondés sur le rapport du
docteur A.________ du 26 avril 2005. Ce médecin déclare se rallier à
l'appréciation du docteur B.________ quand celui-ci affirme, en ce qui
concerne l'événement accidentel du 11 mars 2004, que le statu quo sine a été
atteint après six-mois. En effet, on peut démontrer pratiquement avec
certitude que des états préexistants dégénératifs telle qu'une dessiccation
des disques intervertébraux entre L4 et S1 et des spondylarthroses L3-S1 sont
aptes de leur propre chef, lors d'un mouvement ou d'un effort légèrement hors
du commun, à entraîner une symptomatologie telle que celle que l'assurée
continuait à présenter six mois après l'accident. Du point du vue
biomécanique, l'événement n'est absolument pas en mesure de provoquer une
hernie discale. En revanche, toujours selon le docteur A.________, en
présence d'un tel état préexistant, l'événement est apte à déclencher la
symptomatologie pour la première fois; une aggravation durable est exclue. En
ce qui concerne la chute du 19 septembre 2004, avec contusion de la partie
droite du corps, le docteur A.________ estime qu'elle est apte, même en
l'absence d'un état préexistant pathologique dégénératif, à engendrer une
symptomatologie douloureuse lombaire, laquelle, selon l'expérience médicale,
guérit dans les six mois. Aussi bien le docteur A.________ considère-t-il que
ce deuxième événement est à même, indépendamment de l'état pathologique
dégénératif préexistant, à provoquer des troubles pendant six mois au plus.
Toutefois, comme les troubles ont certainement été influencés négativement
par l'état préexistant, dans la mesure où ce dernier a assumé, au fil du
temps, un rôle toujours plus important, le statu quo sine a été retrouvé six
mois après. Le docteur A.________ propose en conséquence de fixer le statu
quo sine à mi-mars 2005 environ.

6.3 Contrairement à ce que retiennent les premiers juges, on ne saurait sans
plus admettre, sur la base du seul rapport du docteur A.________, que la
causalité a été rompue six mois après le deuxième accident. En effet, on peut
tenir pour établi que l'accident du 11 mars 2004 a déclenché une hernie
discale, de sorte que celle-ci n'est pas d'origine purement dégénérative. Le
docteur A.________ se prononce in abstracto et en fonction de l'expérience
médicale sur le délai dans lequel la hernie discale serait de toute façon
survenue sans l'accident (statu quo sine), sans tenir compte de la situation
concrète de l'assuré. D'une manière tout aussi abstraite, il considère que le
deuxième accident est à l'origine d'une aggravation pendant une nouvelle
période de six mois. Si l'expérience médicale joue un rôle principalement
dans l'appréciation du lien de causalité adéquate, elle peut certes aussi
entrer en considération dans l'établissement de la causalité naturelle. Il
importe toutefois que les enseignements tirés de l'expérience médicale soit
confrontés à la réalité du cas concret. C'est la raison pour laquelle on ne
peut, sans autres vérifications, retenir que le statu quo sine était rétabli
après deux périodes successives de six mois. Par ailleurs, le docteur
A.________ semble attribuer le déclenchement de la hernie discale à des
facteurs dégénératifs antérieurs, alors que le docteur B.________ a exclu
l'existence de tels facteurs.

6.4 Dans ces conditions, il n'est pas possible de retenir au degré de la
vraisemblance prépondérante et pour ainsi dire de manière schématique que
l'accident du 11 mars 2004, aggravé par l'accident du 19 septembre 2004, ne
joue plus de rôle dans la symptomatologie douloureuse de l'assurée. Un
complément d'instruction sous la forme d'une expertise apparaît nécessaire.
Il convient en conséquence d'annuler le jugement attaqué, ainsi que la
décision sur opposition, et de renvoyer à cette fin la cause à l'assureur.

7.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). La
recourante, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de dépens
(art. 159 al. 1 OJ). Sa demande d'assistance-judiciaire est dès lors sans
objet

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement attaqué et la décision sur
opposition sont annulés, la cause étant renvoyée à la Winterthur Assurances
pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des motifs.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
La Winterthur Assurances versera à la recourante une indemnité de 2'500 fr.
(y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour la procédure
fédérale.

4.
Le Tribunal cantonal des assurances statuera sur les dépens de la procédure
cantonale au regard de l'issue définitive du litige.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif de la
République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 22 février 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière: