Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Sozialrechtliche Abteilungen U 397/2006
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U 397/06

Arrêt du 27 septembre 2007
Ire Cour de droit social

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Widmer et Frésard.
Greffier: M. Métral.

D. ________,
recourant, représenté par Me Stéphane Boillat, avocat, place du Marché 5,
2610 St-Imier,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne,
intimée.

Assurance-accidents,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal administratif
du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, du 27 juin 2006.

Faits:

A.
D. ________, né en 1953, travaillait comme maçon pour l'entreprise
V.________. Le 24 octobre 2001, sur un chantier, il est tombé d'une hauteur
de 3 mètres avec un choc direct sur l'épaule gauche. Le lendemain, l'épaule
était encore douloureuse et il ne parvenait pas à la mouvoir, de sorte qu'il
a consulté son médecin traitant, le docteur C.________. Ce dernier a constaté
une tuméfaction de l'épaule gauche avec des douleurs spontanées et une
mobilité très réduite; le poignet gauche était tuméfié et le patient
éprouvait également des douleurs au niveau de la hanche gauche. Une imagerie
par résonance magnétique pratiquée le 26 octobre 2001 par le docteur
H.________ a mis en évidence une atteinte partielle de la partie externe du
tendon du sus-épineux, R.________uisant une tendinopathie et/ou une rupture
intratendineuse partielle du sus-épineux. Le docteur C.________ a prescrit un
traitement anti-inflammatoire et une physiothérapie; il a attesté une
incapacité de travail totale pour une durée indéterminée (rapport du 31
octobre 2001). L'accident a été annoncé à la Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents (ci-après : CNA), auprès de laquelle
D.________ était assuré. La CNA a pris en charge le traitement médical et a
alloué des indemnités journalières.

Par la suite, l'assuré a subi des examens complémentaires à l'Hôpital de
l'Ile, à Berne, où les docteurs S.________ et W.________ ont posé le
diagnostic de périarthropathie scapulo-humérale après un traumatisme de
l'épaule. L'évolution de l'état santé était normale et une reprise du travail
pouvait être envisagée à la mi-décembre. Le 21 décembre 2001, le docteur
C.________ a toutefois attesté une incapacité de travail dans l'activité de
maçon, dès lors qu'une limitation des mouvements d'abduction, avec charge,
était encore présente; le patient était cependant parvenu à récupérer de la
mobilité, surtout dans les mouvements de rotation. Lors d'un examen pratiqué
le 15 janvier 2002, le docteur E.________, médecin d'arrondissement de la
CNA, a constaté que l'abduction et l'antépulsion étaient conservées des deux
côtés, avec toutefois un arc douloureux à gauche, témoin d'un conflit
sous-acromial. Les douleurs se manifestaient essentiellement lors de
mouvements éloignés du corps et contrariés. Le docteur E.________ a proposé
une reprise du travail à but thérapeuthique, c'est-à-dire sans rendement
imposé et en limitant les charges à 10 kilos au maximum; l'activité pratiquée
ne devrait pas nécessiter de mouvements d'abduction et d'antépulsion
supérieurs à 60 degrés, surtout de manière contrariée ou avec charge (rapport
du 15 janvier 2002).

Le 12 février 2002, D.________ a consulté le docteur T.________, spécialiste
en chirurgie orthopédique à l'Hôpital X.________. Il a fait état de douleurs
permanentes même au repos, régulièrement insomniantes, perturbant les gestes
quotidiens les plus simples, mais surtout les mouvements combinant abduction
et rotation. Le docteur T.________ a procédé à une infiltration de l'espace
sous-acromial. Après ce traitement, et une reprise du travail dans les
conditions proposées par le docteur E.________, la situation s'est améliorée.
En avril 2002, la mobilité active de l'épaule était complète et les arcs
douloureux constatés par le docteur T.________ avaient disparu. Les signes de
conflit étaient minimes et les seules plaintes persistantes portaient sur le
manque de force et de résistance de l'épaule gauche (rapport du 11 avril 2002
du docteur T.________). Pour sa part, le docteur E.________ constatait, le 21
mai 2002, que l'assuré décrivait encore des douleurs lors de mouvements
éloignés du corps et contrariés, douleurs qui s'amenuisaient au repos et ne
dérangeaient pas le sommeil. D'un point de vue médico-théorique, le docteur
E.________ considérait que l'assuré disposait d'une pleine capacité de
travail dans une activité légère, ne nécessitant pas de mouvements
d'abduction ou d'antépulsion effectués de manière contrariée, avec une charge
ou au-dessus de l'horizontale. Dans un rapport du 5 novembre 2002, le docteur
K.________, médecin à l'Hôpital Y.________, décrivait des examens cliniques
de l'épaule gauche pour l'essentiel sans particularité, hormis une discrète
diminution de la force musculaire. Une arthroscopie de l'épaule gauche était
envisageable, mais n'était pas recommandée, en l'absence de constatations
cliniques démontrant une atteinte plus grave à la santé.

Entre-temps, l'assuré a adressé une demande de prestations à l'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Berne, qui l'a convoqué pour un stage
d'observation au Centre neuchâtelois d'intégration professionnelle (CNIP). Le
stage s'est déroulé du 9 au 27 septembre 2002. Selon le rapport de stage
établi le 20 décembre 2002, l'assuré ne pouvait que très légèrement utiliser
son bras gauche et, en règle générale, évitait complètement de le mettre à
contribution. En travaillant d'une main, il obtenait un rendement d'environ
50 %. La qualité du travail était suffisante dans un domaine très spécifique,
à savoir le câblage de puissance. Les exercices plus fins ne convenaient pas
en raison d'une mauvaise vue et d'un manque de finesse dans les doigts. En
résumé, l'assuré ne pouvait plus travailler que dans un cadre très restreint
et avec un rendement d'environ 50 %. Les travaux effectués pendant les trois
mois de stage ne démontraient pas l'utilité d'une formation plus longue, la
plupart des limites semblant d'ores et déjà atteintes. A la suite de ce
rapport, l'assurance-invalidité a renoncé à d'autres mesures de reclassement
qu'un placement en entreprise, refusé par l'assuré.

Le 10 février 2003, le docteur E.________ a procédé à un nouvel examen
médical. Au niveau de l'épaule gauche, l'assuré évoquait des douleurs lors
des mouvements éloignés du corps et contrariés, celles-ci s'amendant au
repos; elles pouvaient déranger le sommeil selon la position. L'abduction
active atteignait l'horizontale, l'antépulsion les 140 degrés. A la
mobilisation passive, le médecin obtenait les mêmes valeurs, avec évocation
d'omalgies gauches. Les rotations étaient conservées et la main gauche
pouvait être portée derrière la nuque et la ceinture sans difficulté. La
capacité de travail était identique à celle déjà décrite dans le rapport du
21 mai 2002. Le docteur E.________ proposait de retenir une atteinte de 5 % à
l'intégrité corporelle, assimilable à une périarthrite scapulo-humérale de
degré léger à moyen.

Du 27 mars au 17 avril 2003, D.________ a suivi une cure de réhabilitation à
la Clinique rhumatologique et de réhabilitation Z.________, sans succès. Les
docteurs R.________ et I.________ y ont constaté une nette limitation de la
mobilité de l'épaule gauche (flexion jusqu'à 130 degrés, abduction jusqu'à 80
à 100 degrés, avec une augmentation marquée des douleurs) ainsi qu'une
diminution de la force. Ils ont attesté une incapacité de travail totale dans
l'activité de maçon et une capacité résiduelle de travail de 50 % dans une
activité adaptée (rapport du 27 juin 2003).

Le 27 juin 2003, la CNA a informé l'assuré qu'elle mettrait fin au paiement
des indemnités journalières et à la prise en charge du traitement médical dès
le 30 juin 2003 au soir. Après avoir complété le dossier par des
renseignements recueillis auprès de l'ancien employeur de l'assuré et par
cinq descriptions de postes de travail dans des entreprises de la région
jurassienne, elle lui a alloué une rente fondée sur un taux d'invalidité de
30 %, avec effet dès le 1er juillet 2003, et une indemnité pour une atteinte
à l'intégrité de 5 % (décision du 29 janvier 2004 et décision sur opposition
du 10 mars 2004). Avant l'entrée en force de cette dernière décision, la CNA
a toutefois décidé de réexaminer le cas et de statuer à nouveau sur le droit
à la rente. En effet, un rapport établi le 5 mars 2004 par le docteur
M.________, médecin au Centre psychiatrique de Tavannes, lui était parvenu.
Ce médecin attestait un état dépressif réactionnel, greffé sur une structure
de personnalité de type névrotique à composantes phobiques. Cette affection
entraînait une incapacité de travail de 50 % et l'accident en était la cause
déclenchante.

Le 26 juillet 2004, la CNA a derechef décidé d'allouer à l'assuré une rente
fondée sur un taux d'invalidité de 30 %, avec effet dès le 1er juillet 2003.
Par décision sur opposition du 29 octobre 2004, elle a maintenu sans
changement les prestations allouées.

B.
D.________ a déféré la cause au Tribunal administratif du canton de Berne. A
l'appui de ses conclusions tendant au rejet du recours, l'assurance-accidents
a produit un nouveau rapport médical établi le 28 octobre 2005 par le docteur
U.________, spécialiste en chirurgie, membre de la division de médecine des
assurances de la CNA. Selon ce médecin, l'assuré disposait d'une pleine
capacité de travail dans toute activité ne nécessitant pas de lever le bras
gauche au-delà de 80 degrés, ni de le lever de manière répétée jusqu'à 80
degrés. Il ne pouvait soulever ou porter des charges avec la main gauche ou
les deux mains qu'à proximité du corps et ne pouvait les soulever au-delà du
niveau de la poitrine (avec la main gauche : jusqu'à 5 kg; avec les deux
mains : jusqu'à 15 kg).

Par jugement du 27 juin 2006, le Tribunal administratif du canton de Berne a
rejeté le recours de l'assuré.

C.
Ce dernier a interjeté un recours contre ce jugement, dont il demande
l'annulation. Il conclut au renvoi de la cause à l'intimée pour instruction
complémentaire et nouvelle décision. Subsidiairement, il demande au tribunal
de statuer sur son droit à la rente. La CNA conclut au rejet du recours,
alors que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée
en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué ayant été
rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1
LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
Le litige porte sur le droit du recourant à une rente de
l'assurance-accidents. Le jugement entrepris expose les règles légales et la
jurisprudence relatives aux conditions du droit à la rente de
l'assurance-accidents. Il présente en particulier la notion d'invalidité et
les règles concernant la manière d'évaluer le taux d'invalidité, ainsi que
les exigences relatives à l'existence d'un rapport de causalité naturelle et
adéquate entre l'accident assuré et les atteintes à la santé entraînant
l'invalidité. Sur ces points, il convient d'y renvoyer.

3.
3.1 La juridiction cantonale a considéré qu'eu égard aux atteintes à la santé
physique consécutives à l'accident, l'assuré ne pouvait plus exercer la
profession de maçon. Elle a tenu pour établi, en revanche, qu'il disposait
encore d'une pleine capacité de travail dans une activité adaptée telle que
décrite par les docteurs E.________ et U.________. Le recourant conteste ces
faits et se réfère aux rapports du CNIP et des docteurs R.________ et
I.________ (Clinique rhumatologique et de réhabilitation Z.________), d'après
lesquels il ne disposerait que d'une capacité de travail résiduelle de 50 %
dans une activité adaptée. Le recourant expose également qu'alléguer une
capacité de travail dans une activité adaptée au handicap revient à affirmer
une évidence, la question étant plutôt de savoir si une telle activité
correspond à un emploi «ordinaire, normal, possible.» Tel ne serait pas le
cas des activités envisageables eu égard aux handicaps dont il souffre.

3.2 Ces critiques sont infondées. En se référant aux rapports des docteurs
E.________ et U.________, la juridiction cantonale a clairement précisé
qu'une pleine capacité de travail pouvait être retenue dans une activité
adaptée telle que décrites par ces médecins. Les docteurs E.________ et
U.________ ont décrit de manière précise quels mouvements ne pouvaient plus
être exigés du recourant et les restrictions concernant le port de charges.
Les premiers juges ne sont donc pas bornés à affirmer une évidence sans
pertinence, mais ont constaté les faits déterminants.
Par ailleurs, ils se sont écartés à juste titre des constatations du CNIP et
des docteurs R.________ et I.________ relatives à une capacité de travail
limitée à 50 % dans une activité adaptée. D'une part, les constatations des
docteurs E.________ et U.________ sont présentées au terme de rapports dûment
motivés et revêtant une pleine valeur probante; elles sont également
corroborées par les constatations des docteurs T.________, S.________ et
W.________. D'autre part, les constatations des docteurs R.________ et
I.________ relatives aux limitations fonctionnelles du recourant ne divergent
pas véritablement de celles des docteurs E.________ et U.________. En
particulier, ces derniers ont restreint les possibilités d'abduction et
d'antépulsion à 80 degrés, comme les docteurs R.________ et I.________, et
ont très fortement limité le port de charge (voir en particulier le rapport
du docteur U.________ du 28 octobre 2005). En réalité, l'incapacité de
travail de 50 % attestée par les docteurs R.________ et I.________ ne résulte
pas d'une divergence relative aux limitations fonctionnelles dont souffre le
recourant, mais traduisent plutôt l'opinion non convaincante de ces médecins
- et du recourant - d'après laquelle ces limitations entraînent forcément une
diminution de rendement de 50 % dans toute activité professionnelle. Enfin,
le rapport de CNIP prend en considération le fait que le recourant
n'utilisait que très légèrement son bras gauche et qu'il évitait généralement
de le mettre à contribution; il est pourtant raisonnablement exigible qu'il
mette davantage ce bras à contribution, selon les constatations médicales
probantes des docteurs E.________ et U.________.

Dans ces conditions, les constatations des premiers juges relatives à la
capacité de travail résiduelle du recourant eu égard aux seules atteintes à
sa santé physique ne sont pas critiquables.

4.
Le recourant fait grief aux premiers juges de n'avoir pas pris en
considération les troubles psychiques dont il souffre pour évaluer son taux
d'invalidité et fixer le droit à la rente. Compte tenu du rapport établi le 5
mars 2004 par le docteur M.________, il convenait au moins d'ordonner une
expertise pluridisciplinaire avant de se prononcer.

La juridiction cantonale a toutefois nié l'existence d'un rapport de
causalité adéquate entre les troubles psychiques présentés par le recourant
et l'accident assuré. Sur ce point également, le jugement entrepris est bien
fondé. L'accident subi était de gravité moyenne et ne s'est pas déroulé dans
des circonstances particulièrement impressionnantes ou dramatiques. L'assuré
a suivi un traitement conservateur, sans complications, et son état de santé
s'est stabilisé relativement rapidement, en mai 2002 déjà. L'assuré a
également retrouvé une capacité de travail entière dans une activité adaptée.
Il a, certes, conservé une atteinte limitée à son intégrité physique et ne
peut plus exercer son ancienne activité professionnelle de maçon. Ces
dernières circonstances ne suffisent toutefois pas à tenir pour établi
l'existence d'un rapport de causalité adéquate entre l'accident subi et les
atteintes à la santé psychiques décrites par le docteur M.________, eu égard
aux critères posés par la jurisprudence en la matière (cf. ATF 115 V 133
consid. 6c/aa p. 140, 403 consid. 5c/aa p. 409). Il s'ensuit que ces
atteintes n'ouvrent aucun droit aux prestations de l'assurance-accidents et
qu'un rapport d'expertise complémentaire destiné à établir un rapport de
causalité naturelle est superflu.

5.
Les premiers juges ont procédé à une comparaison du revenu que pourrait
réaliser le recourant dans son ancienne profession, sans invalidité, avec
celui qu'il pourrait obtenir dans une activité adaptée, telle que décrite par
les docteurs E.________ et U.________, exercée à plein temps et plein
rendement. Ils se sont fondés à juste titre, d'une part, sur les
renseignements fournis par l'ancien employeur du recourant, et d'autre part,
sur les données résultant de l'Enquête suisse sur la structure des salaires,
publiées par l'Office fédéral de la statistique (cf. ATF 126 V 75). Le
recourant ne soulève d'ailleurs aucun grief sur cet aspect du jugement
entrepris. Cette comparaison de revenus corrobore le taux d'invalidité de 30
% fixé par l'intimée en se référant à des descriptions de postes de travail
dans des entreprises de la région jurassienne. Partant, il n'est pas
nécessaire d'examiner si, comme le soutient le recourant, l'un ou l'autre des
postes de travail décrits ne correspond pas à une activité adaptée aux
limitations fonctionnelles décrites par les docteurs E.________ et U.________
ou à ses capacités manuelles ou intellectuelles.

6.
Le recourant voit ses conclusions rejetées, de sorte qu'il ne peut prétendre
de dépens à la charge de l'intimée (art. 159 al. 1 OJ). La procédure est par
ailleurs gratuite, dès lors qu'elle porte sur l'octroi ou le refus de
prestations d'assurances (art. 134 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Berne, Cour des affaires de langue française, et à l'Office fédéral
de la santé publique.

Lucerne, le 27 septembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

p. le Président: Le Greffier: