Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Sozialrechtliche Abteilungen U 390/2006
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U 390/06

Arrêt du 17 septembre 2007
Ire Cour de droit social

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger et Frésard.
Greffière: Mme von Zwehl.

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne,
recourante,

contre

S.________,
intimé, représenté par Me Christian Favre, avocat,
rue de la Paix 4, 1003 Lausanne.

Assurance-accidents,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal des assurances
du canton de Vaud du 22 juin 2006.

Faits:

A.
Le 3 mars 1998, S.________, maçon, né en 1956, a été victime d'un accident
professionnel. La Caisse nationale suisse en cas d'accidents (CNA), auprès de
laquelle il était assuré, a pris en charge le cas et versé des prestations
d'assurance.

Après avoir procédé aux mesures d'instruction nécessaires, la CNA a considéré
que l'assuré était encore à même de travailler à 100 % dans une activité
adaptée. Par décision du 23 août 2002, confirmée sur op-position le 5 mars
2003, elle lui a octroyé une rente d'invalidité, fondée sur une incapacité de
gain de 28 %, avec effet au 1er janvier 2002, ainsi qu'une indemnité pour
atteinte à l'intégrité d'un taux de 10 %. Cette décision est entrée en force
à la suite d'un jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 28
juin 2004 (cause AA 47/03).

Parallèlement, le 18 octobre 2002, l'Office AI pour le canton de Vaud
(ci-après : l'office AI) a pris une décision par laquelle il a nié le droit
de S.________ à une rente AI, le degré d'invalidité étant inférieur à 40 %.
Le prénommé a également porté cette décision devant le Tribunal des
assurances du canton de Vaud, qui a rendu son jugement le 29 décembre 2005
(cause AI 434/02).

Dans l'intervalle, le 28 octobre 2002, l'employeur de S.________ a annoncé à
la CNA une rechute de l'accident du 3 mars 1998. Par déci-sion du 17 janvier
2003, celle-ci a informé l'intéressé qu'elle refusait d'allouer d'autres
prestations que la rente, considérant qu'il n'y avait pas d'aggravation des
séquelles de l'accident et que la reprise d'un traitement médical ne se
justifiait pas non plus. S.________ et sa caisse-maladie Philos ont tous deux
formé opposition à cette décision. Le 13 juin 2003, la CNA a écarté ces
oppositions.

B.
S.________ a déféré cette dernière décision au Tribunal des assurances du
canton de Vaud, en demandant la mise en oeuvre d'une expertise médicale
(cause AA 79/03).

Après avoir chargé le docteur R.________ de procéder à une expertise et
requis l'apport du dossier AI, le tribunal cantonal a admis le recours et
réformé la décision litigieuse "en ce sens que le recourant a droit à une
rente correspondant à une incapacité de gain de 53 % à partir du 1er octobre
2002" (jugement du 22 juin 2006). En bref, les premiers juges ont suivi
l'opinion de l'expert judiciaire et retenu que la capacité de travail
résiduelle de l'assuré dans une activité adaptée s'élevait à 65 % seulement.

C.
La CNA interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
elle requiert l'annulation.

S. ________ conclut au rejet du recours, sous suite de dépens.   L'Office
fédéral de la santé publique a, de son côté, renoncé à se dé-terminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 395 consid. 1.2).

2.
La recourante fait tout d'abord valoir une violation de son droit d'être
entendue. En effet, la juridiction cantonale s'était non seulement réfé-rée
au rapport d'expertise judiciaire (du 21 avril 2005), mais également à deux
autres avis complémentaires (des 2 et 15 novembre 2005) que le même expert
avait établis à l'intention de ladite juridiction dans le cadre de la
procédure opposant S.________ et l'office AI, et qui ne lui avaient jamais
été communiqués. Sur le fond, elle rappelle que le taux d'invalidité d'un
bénéficiaire de rente ne peut être modifié qu'aux conditions de l'art. 17
LPGA et soutient qu'il n'existe, dans le cas de l'intimé, aucun motif de
révision susceptible de justifier une augmentation de la rente accordée dans
sa décision du 5 mars 2003.

3.
3.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), en
particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une
décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant
aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès
au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre
connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 132 V 368 consid. 3.1
p. 370 et les références).
Une condition nécessaire du droit de consulter le dossier est que
l'au-torité, lorsqu'elle verse au dossier de nouvelles pièces dont elle
en-tend se prévaloir dans son jugement, soit tenue d'en aviser les parties.
Encore qu'elle ne soit pas obligée de les renseigner sur chaque pro-duction
de pièces, car il suffit qu'elle tienne le dossier à leur disposition
(ATF 128 V 272 consid. 5b/bb p. 278 et les références).

3.2 Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de carac-tère
formel, dont la violation doit en principe entraîner l'annulation de la
décision attaquée indépendamment des chances de succès du re-courant sur le
fond (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa p. 437).
Selon la jurisprudence, toutefois, la violation du droit d'être entendu est
réparée - à titre exceptionnel et pour autant qu'elle ne soit pas d'une
gravité particulière - lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer
devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 127
V 431 consid. 3d/aa p. 437, 126 I 68 consid. 2 p. 72, 126 V 130 consid. 2b p.
132 et les références).

4.
En l'espèce, on doit constater que seules les pièces de la procédure
administrative AI ont été versées au dossier de procédure cantonale (cause AA
79/03), et soumises pour consultation à la recourante. Les avis
complémentaires (des 2 et 15 novembre 2005) que l'expert judi-ciaire avait
adressés au tribunal cantonal dans le cadre de la cause parallèle AI 434/02
n'y figurent en revanche pas. Dans la mesure où ce tribunal en a tenu compte
pour statuer sur le litige dont il était saisi (voir page 21 du jugement
entrepris), il aurait dû les mettre à disposition des parties pour
consultation et déterminations éventuelles. Ne l'ayant pas fait, il y a lieu
d'admettre une violation du droit d'être entendue de la CNA. Contrairement à
ce que prétend l'intimé, ce vice ne peut être considéré comme étant réparé
puisque la CNA n'a jamais eu l'occasion de s'exprimer à leur sujet, ni en
instance cantonale, ni a fortiori en instance fédérale. Cette violation
entraîne l'annulation du jugement attaqué sans examen de la cause au fond et
le renvoi du dossier au tribunal cantonal pour qu'il rende un nouveau
jugement, après avoir donné la possibilité à la recourante de se déterminer
sur ces avis.

Le recours est bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal des assurances du
canton de Vaud du 22 juin 2006 est annulé.

2.
La cause est renvoyée audit tribunal pour qu'il procède conformément aux
considérants.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 17 septembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière: