Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 324/2006
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U 324/06

Arrêt du 22 août 2007
Ire Cour de droit social

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Leuzinger et Frésard.
Greffier: M. Métral.

S. ________,
recourant, représenté par Me Pierre Seidler, avocat, avenue de la Gare 42,
2800 Delémont,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne,
intimée.

Assurance-accidents,

recours de droit administratif contre le jugement de la Cour des assurances
sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg du 18 mai 2006.

Faits:

A.
A.a Le 27 janvier 1999, S.________ a perdu le contrôle de son automobile et a
percuté un mur de jardin ainsi qu'une glissière de sécurité. Légèrement
blessé, il a fait état après l'accident de douleurs cervicales et lombaires.
Un traitement médicamenteux et le port d'une collerette cervicale lui ont été
prescrits, mais le médecin traitant, le docteur I.________, n'a décelé aucune
fracture. L'événement a été annoncé à la Caisse nationale suisse d'assurance
en cas d'accidents (ci-après : CNA).

Dès le 3 mars 1999, S.________ a été engagé et a commencé à travailler au
service de l'entreprise R.________ SA, comme monteur d'échafaudage. Le 4 mars
1999, il a heurté de la tête une barre métallique sur son lieu de travail. Il
portait un casque et l'accident n'a pas laissé de marque ou de plaie au
front. Selon ses déclarations, S.________ a senti sa tête repoussée en
arrière sous l'effet du choc et s'est trouvé «groggy», avec une sorte de
voile noir devant les yeux. Après être descendu avec l'aide d'un tiers de
l'échafaudage sur lequel il travaillait, il a vomi. Une demi-heure plus tard,
il s'est rendu à l'hôpital X.________, où le docteur M.________ a constaté
qu'il présentait une certaine raideur de la nuque et de la colonne cervicale,
sans fracture visible, avant de poser le diagnostic de traumatisme
cranio-cérébral (rapport du 7 avril 1999). Ce second accident a également été
annoncé à la CNA.

Près d'un mois plus tard, l'assuré faisait toujours état de douleurs à la
nuque, de nausées et de vertiges. Le docteur I.________ décrivait une perte
de poids de huit kilos, ainsi que des limitations de la mobilité de la nuque,
et posait le diagnostic de contusion frontale, de nucalgies post-traumatiques
et d'état dépressif réactionnel larvé (rapport du 13 avril 1999); il a depuis
lors régulièrement attesté une incapacité de travail totale de l'assuré. Pour
sa part, le docteur G.________, médecin d'arrondissement de la CNA, a examiné
l'assuré le 21 mai 1999 et n'a pas constaté d'atteinte à la santé physique
pouvant expliquer ses plaintes (rapport du 26 mai 1999).

Sur la suggestion de son médecin d'arrondissement, la CNA a confié une
expertise au docteur U.________, spécialiste en neurologie. Ce praticien a
dressé un bilan neurologique sans anomalie significative, en dépit d'une
limitation majeure et caricaturale de la mobilité du rachis
cervico-dorso-lombaire, avant de nier l'existence d'une incapacité de travail
de l'assuré en relation de causalité naturelle avec l'accident du 4 mars 1999
(rapports des 21 juin et 10 août 1999).

Par décision du 25 août 1999 et décision sur opposition du 19 janvier 2000,
la CNA a mis fin, avec effet au 31 août 1999, à l'ensemble des prestations
allouées jusqu'alors à S.________ (soins médicaux et indemnités
journalières). Elle a considéré que les éventuelles atteintes à la santé dont
il souffrait encore à cette date n'étaient pas en relation de causalité
naturelle ou adéquate avec l'accident du 4 mars 1999; elle ne s'est pas
prononcée sur les suites de l'accident du 27 janvier 1999.

L'assuré a déféré la cause au Tribunal administratif du canton de Fribourg.
Entre-temps, il avait adressé une demande de prestations à l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Fribourg. Ce dernier avait notamment
confié une expertise psychiatrique au docteur H.________, qui a fait état
d'une dépression réactionnelle modérée, sans influence sur la capacité de
travail résiduelle de l'assuré (rapport du 29 janvier 2001).

Le 18 octobre 2001, le Tribunal administratif du canton de Fribourg a rejeté
le recours de l'assuré. Par arrêt du 17 décembre 2002, le Tribunal fédéral
des assurances a toutefois annulé le jugement cantonal et renvoyé la cause à
la CNA pour qu'elle complète l'instruction de la cause et statue sur les
suites des deux accidents survenus les 27 janvier et 4 mars 1999.

A.b A réception de l'arrêt du 17 décembre 2002, la CNA a confié au docteur
F.________ le soin de réaliser une expertise neurologique. Celui-ci a exposé
que l'assuré avait présenté une incapacité de travail totale jusqu'en mars
2001 au plus tard, en raison d'atteintes à la santé consécutives aux
accidents subis les 27 janvier et 4 mars 1999. Pour la période postérieure,
on pouvait tout au plus retenir un «comportement douloureux» dans le cadre de
difficultés liées à l'environnement social et familial de l'assuré (CIM-10 :
Z 60.3 et Z 60.8). La poursuite d'un soutien médical pouvait se justifier
dans ce contexte (rapport du 4 novembre 2003).

En se fondant sur cette expertise, la CNA a reconnu le droit de l'assuré aux
prestations d'assurance jusqu'au 4 mars 2001 et a mis fin à ses prestations
pour la période postérieure, par décision du 10 février 2004 et décision sur
opposition du 4 novembre 2004.

B.
S.________ a recouru devant le Tribunal administratif du canton de Fribourg,
qui a rejeté son recours par jugement du 18 mai 2006.

C.
L'assuré a interjeté un recours contre ce jugement, dont il demande
l'annulation. En substance, il conclut à la condamnation de la CNA à la prise
en charge du traitement médical et au paiement de prestations en espèces pour
la période postérieure au 4 mars 2001. A l'appui de ses conclusions, il
produit un rapport établi le 16 janvier 2006 par le docteur E.________,
psychiatre. Selon ce médecin, l'assuré l'a consulté dès le 3 octobre 2001 en
raison de troubles psychologiques en relation avec les douleurs persistantes
consécutives aux accidents des 27 janvier et 4 mars 1999 (cervicalgies, avec
des nausées et des vomissements, lombalgies avec des irradiations dans le
membre inférieur gauche, voire le blocage de la jambe). Ces troubles allaient
en s'aggravant et comportaient des symptômes tels que nervosité, insomnie,
ralentissement psychomoteur, fatigabilité, sentiment d'indignité, et, plus
récemment, des troubles de persécution, voire des hallucinations. Le docteur
E.________ attestait une incapacité de travail totale en raison de l'ensemble
des symptômes présentés par l'assuré.

L'intimée conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral de la santé
publique a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
Le litige porte sur le droit à la prise en charge du traitement médical et à
des prestations en espèces de la CNA pour la période postérieure au 4 mars
2001. Le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral n'est pas limité à la violation
du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation -
mais s'étend à l'opportunité de la décision attaquée. Le tribunal n'est pas
lié par l'état de fait constaté par la juridiction inférieure et peut
s'écarter des conclusions des parties à l'avantage ou au détriment de
celles-ci (art. 132 OJ).

3.
Le recourant soutient avoir été victime d'une distorsion cervicale, le
27 janvier 1999, puis d'un traumatisme cranio-cérébral, le 4 mars suivant,
dont il subit encore les séquelles. Celles-ci se présentent sous la forme de
cervicalgies chroniques, lombalgies, tête lourde, douleurs au niveau
bi-temporal, troubles du sommeil, irritabilité, fatigabilité, anxiété,
découragements et dépression légère. Il se réfère sur ce point aux
constatations du docteur F.________, dont il conteste toutefois les
conclusions relatives à l'absence de rapport de causalité entre les troubles
en question et les accidents assurés, plus de deux ans après le second
accident. Il se réfère également au rapport du docteur E.________.

3.1
3.1.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en
cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel ou de maladie
professionnelle. Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré
suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et
l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est
remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le
dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de
la même manière. Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont
liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que
l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant
essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être
tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante,
appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale
(cf. ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181, 402 consid. 4.3 p. 406).

3.1.2 Si l'on peut admettre qu'un accident n'a fait que déclencher un
processus qui serait de toute façon survenu sans cet événement, le lien de
causalité naturelle entre les symptômes présentés par l'assuré et l'accident
doit être nié lorsque l'état maladif antérieur est revenu au stade où il se
trouvait avant l'accident (statu quo ante) ou s'il est parvenu au stade
d'évolution qu'il aurait atteint sans l'accident (statu quo sine; RAMA 1992
no U 142 p. 75, consid. 4b; Frésard/Moser-Szeless, L'assurance-accidents
obligatoire, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale
Sicherheit, 2ème éd., n. 80). Le seul fait que des symptômes douloureux ne se
sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir
un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement «post hoc,
ergo propter hoc»; cf. ATF 119 V 335 consid. 2b/bb p. 341 sv.; RAMA 1999 n. U
341 p. 408 sv., consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher
l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de
causalité avec l'événement assuré. Cela étant, en matière de lésions du
rachis cervical par accident de type «coup du lapin», de traumatisme analogue
ou de traumatisme cranio-cérébral, sans preuve d'un déficit fonctionnel
organique, l'existence d'un lien de causalité naturelle entre l'accident et
l'incapacité de travail ou de gain doit en principe être reconnue en présence
d'un tableau clinique typique présentant de multiples plaintes (maux de têtes
diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées,
fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du
caractère, etc.). Encore faut-il que l'existence d'un tel traumatisme et de
ses suites soit dûment attestée par des renseignements médicaux fiables (ATF
119 V 335 consid. 1 p. 337 sv., 117 V 359 consid. 4b p. 360 sv.).
3.2 En l'occurrence, trois experts ont été successivement invités à examiner
l'assuré en vue de constater d'éventuelles atteintes à la santé d'origine
accidentelle. Le docteur U.________ et le docteur F.________ ont tous deux
constaté l'absence de séquelles accidentelles, en tout cas plus de deux ans
après l'accident du 4 mars 1999. Pour sa part, le docteur H.________ a
attesté une dépression réactionnelle modérée, dont les effets se faisaient
sentir occasionnellement et n'entraînaient pas d'incapacité de travail ; une
psychothérapie n'était pas nécessaire. Aucun des experts n'a attesté la
persistance de séquelles d'un traumatisme cranio-cérébral ou d'une distorsion
cervicale plus de deux ans après l'accident, les docteurs U.________ et
F.________ l'ayant même expressément niée. Indépendamment de ces experts, le
docteur G.________ a lui aussi nié l'existence de séquelles accidentelles.

Eu égard aux expertises mentionnées et aux constatations du docteur
G.________, il convient de nier un lien de causalité naturelle entre les
accidents assurés et d'éventuelles atteintes à la santé présentées par
l'assuré plus de deux ans après le second accident. Dans ce contexte, le seul
fait que le recourant présente certains symptômes appartenant au tableau
clinique d'un traumatisme cranio-cérébral ou d'une distorsion cervicale ne
permet pas de considérer qu'il souffre des séquelles d'un tel traumatisme,
contre l'avis des trois experts consultés et en l'absence d'un autre avis
médical probant dans ce sens. Malgré l'absence d'atteinte à la santé physique
objectivable, il présente d'ailleurs d'autres symptômes qui sortent assez
largement du cadre d'un tel traumatisme (lombalgies avec irradiation dans la
jambe gauche, voire des épisodes de blocage de cette jambe, selon le docteur
E.________ ; incapacité à porter même les plus petites charges, selon les
déclarations du recourant au docteur F.________ ; déplacement le tronc penché
en avant, à petits pas très algiques, selon les observations cliniques des
docteurs G.________ et U.________). Il n'y a pas davantage lieu d'attribuer
ces symptômes à des troubles psychiques en relation de causalité naturelle
avec les accidents assurés, compte tenu des constatations du docteur
H.________.

3.3 En instance fédérale, le recourant a, certes, produit un rapport du
docteur E.________ attestant l'existence de tels troubles psychiques ainsi
que leur origine accidentelle. Ce rapport est toutefois insuffisamment
probant pour remettre en cause les constatations des experts précédemment
consultés. Le docteur E.________ se limite, pour l'essentiel, a décrire les
symptômes présentés par l'assuré, sans poser de diagnostic clair, et semble
tenir d'emblée le rapport de causalité pour établi, sans autre explication.

Au demeurant, même si l'existence d'affections psychiques en relation de
causalité naturelle avec les accidents assurés était établie, il conviendrait
de nier le droit aux prestations en raison de l'absence de rapport de
causalité adéquate. Sur ce point, il convient de renvoyer le recourant au
jugement entrepris (consid. 2c), qui présente la notion de causalité adéquate
et la jurisprudence applicable lorsqu'une affection psychique fait suite à un
accident assuré (cf. ATF 115 V 133). Dans ce contexte, on précisera que les
accidents subis étaient de gravité moyenne (à la limite d'un accident bénin,
en ce qui concerne celui du 4 mars 1999) et se sont déroulés dans des
circonstances relativement banales. Les premiers juges ont par ailleurs nié à
juste titre - à tout le moins si l'on prend en considération les conséquences
des seules atteintes à la santé physique - que les critères de la persistance
de longues douleurs, d'une longue incapacité de travail et de longs
traitements médicaux fussent remplis.

4.
Compte tenu de ce qui précède, les conclusions du recourant sont mal fondées.
La procédure porte sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, de
sorte qu'elle est gratuite (art. 134 OJ). Elle ne donne pas lieu à des
dépens, vu le sort des conclusions du recourant, d'une part (art. 159 al. 1
OJ), et les tâches de droit public dont l'intimée est chargée, d'autre part
(art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Cour des assurances
sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg et à l'Office
fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 22 août 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier: