Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 312/2006
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U 312/06

Arrêt du 9 mai 2007
Ire Cour de droit social

MM. les Juges Ursprung, Président,
Schön et Frésard.
Greffier: M. Métral.

T. ________, 1985,
recourant, représenté par Me Pierre Gabus, avocat, boulevard des Tranchées
46, 1206 Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne,
intimée.

Assurance-accidents,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève du 3 mai 2006.

Faits:

A.
Le 11 novembre 2002, T.________, , alors apprenti ébéniste, a été victime
d'un accident de la circulation : alors qu'il circulait à moto, il a été
percuté par un scooter et a chuté sur la chaussée. Le docteur B.________,
chirurgien-orthopédiste FMH, a posé le diagnostic de contusions lombaires et
de spondylolisthésis L5-S1 du premier degré. Il a prescrit un traitement
conservateur par anti-inflammatoires, myorelaxants et physiothérapie, ainsi
que le port d'un corset lombaire. Il a attesté une incapacité de travail de
100 % dès la date de l'accident (rapport du 20 décembre 2002). La Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) a pris en charge le
cas.

Le 16 mai 2003, le docteur B.________ a pratiqué une spondylodèse
inter-somatique par voie postérieure. Dans un premier temps, l'évolution a
été favorable. Le 7 novembre 2003, à la suite d'un faux mouvement, le patient
a de nouveau ressenti des douleurs au niveau lombaire. Plusieurs tentatives
de reprise du travail se sont révélées infructueuses.

Le 14 juin 2004, l'assuré a été victime d'un nouvel accident de circulation
(le véhicule qu'il conduisait ayant été percuté par l'arrière). Cet accident
a provoqué des cervicalgies et l'exacerbation des lombalgies présentes depuis
la spondylodèse L5/S1.

L'assuré a séjourné à l'Hôpital X.________ du 8 septembre 2004 au 1er octobre
2004. Les médecins de la clinique ont posé les diagnostics de lombalgies
chroniques, de spondylolisthésis de grade I de L5-S1, de spondylolise L5
bilatérale. Ils ont estimé que d'un point de vue strictement biomédical et
biomécanique, l'intéressé était capable d'assumer les efforts à fournir dans
une vie professionnelle et récréative normale. Le montage chirurgical était
anatomiquement parfait et tout à fait stable. A priori, rien n'indiquait
qu'il y eût des limitations dans les activités physiques et les observations
faites au cours du séjour allaient dans ce sens. Les médecins n'ont cependant
pas remis en cause la réalité des douleurs invoquées par l'assuré. Ils ont
reconnu à celui-ci une incapacité totale de travail comme apprenti-ébéniste,
mais une pleine capacité de travail dans une autre activité, par exemple
celle de ferblantier-appareilleur (que l'assuré aurait déclaré vouloir
exercer), ce à partir du 11 octobre 2004 (rapport du 19 octobre 2004).

Une IRM de la colonne lombaire a été pratiquée le 26 janvier 2005. Elle a
montré une intégrité de la chirurgie de stabilisation L5-S1 réalisée sans
conflit disco-radiculaire et sans anomalie prothétique. Elle a révélé, à
l'étage L4-L5, une suspicion de rupture du ligament commun vertébral
postérieur avec une petite hernie discale protrusive inférieure à un tiers du
canal médiane. Une discographie L4-L5 a en outre été pratiquée le 9 février
2005. Le médecin examinateur a conclu à une «responsabilité probable du
disque L4-L5 sans instabilité décelée».

Se fondant sur le résultat de ces deux examens, le docteur B.________ a
exprimé l'avis, dans une lettre au médecin-conseil de la CNA du 11 mars 2005,
que l'on était maintenant en présence d'une décompensation du disque
susjacent à la spondylodèse. Il ne s'agissait pas d'une conséquence directe
de l'accident, mais il fallait cependant examiner la possibilité d'une
nouvelle intervention qui viserait à prolonger la spondylodèse d'un niveau
vers le haut. Il pourrait s'agir, toujours selon le docteur B.________, d'une
stabilisation de type dynamique sans greffe osseuse.

La CNA a soumis le cas à l'appréciation du docteur K.________, spécialiste
FMH en chirurgie orthopédique et rattaché à sa division de médecine des
assurances. En conclusion d'un rapport du 30 mars 2005, ce médecin déclarait
ne pas pouvoir se rallier à la proposition du docteur B.________ de soumettre
le patient à une nouvelle intervention sur le rachis : il y avait trop de
points obscurs sur l'évolution future et d'incertitudes quant aux résultats
que l'on pouvait attendre des suites de cette deuxième opération, après une
première intervention qui s'était déjà soldée par un échec subjectif
retentissant.

Par décision du 6 avril 2005, la CNA a refusé de prendre en charge
l'opération préconisée par le docteur B.________. Saisie d'une opposition de
l'assuré, elle l'a rejetée par une nouvelle décision, du 30 mai 2005.

B.
T.________ a recouru contre cette décision. Il a produit une attestation du
27 septembre 2005 du docteur S.________, spécialiste FMH en chirurgie
orthopédique. Statuant le 3 mai 2006, le Tribunal cantonal des assurances
sociales du canton de Genève a rejeté le recours.

C.
T.________ a interjeté un recours de droit administratif dans lequel il a
conclu à l'annulation de ce jugement et à la prise en charge par la CNA de
l'opération litigieuse. Subsidiairement, il a conclu au renvoi de la cause à
l'autorité cantonale pour complément d'instruction et nouvelle décision.

La CNA a conclu au rejet du recours. Quant à l'Office fédéral de la santé
publique, il ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
La seule question litigieuse est de savoir si le recourant a droit à la prise
en charge par l'intimée de l'opération chirurgicale préconisée par le docteur
B.________.

3.
3.1 A juste titre, les premiers juges ont examiné le cas sous l'angle de
l'art. 10 LAA relatif au droit de l'assuré à un traitement médical approprié
des lésions résultant de l'accident. Dans l'éventualité visée par cette
disposition, un traitement doit être pris en charge lorsqu'il est propre à
entraîner une amélioration de l'état de santé ou à éviter une péjoration de
cet état. Il n'est pas nécessaire qu'il soit de nature à rétablir ou à
augmenter la capacité de gain (voir par exemple l'arrêt U 252/01 du 17 juin
2002). La simple possibilité d'une amélioration à plus ou moins long terme ne
suffit pas pour fonder le droit à un traitement déterminé (Alfred Maurer,
Schweizerisches Unfall-versicherungsrecht, Berne 1984, p. 274). Il en va de
même de la persistance de douleurs si l'on ne peut attendre du traitement une
amélioration sensible (André Ghélew/Olivier Ramelet/Jean-Baptiste Ritter,
Commentaire de la loi sur l'assurance-accidents, p. 72, avec un renvoi à la
jurisprudence).

3.2 En l'espèce, il n'y a pas de motifs de s'écarter de l'appréciation
convaincante du docteur K.________. Ce médecin expose que la discographie est
une méthode des plus controversées pour éprouver l'indication à la pratique
d'une spondylodèse. En outre l'IRM de la colonne lombaire réalisée le 26
janvier 2005 est plutôt réconfortante: le disque L4/L5 n'est ni gris, ni noir
et il n'y a pas au niveau des plateaux vertébraux de signes inflammatoires.
Ces éléments suggèrent que la thèse d'une discopathie symptomatique L4/L5 est
insuffisamment étayée pour permettre de poser l'indication d'une nouvelle
spondylodèse. Le docteur K.________ rappelle d'autre part que les douleurs
lombaires éprouvées par l'assuré après la chute du 11 novembre 2002 étaient
restées les mêmes après l'opération. Il est de ce fait encore plus aléatoire
d'impliquer les disques L4/L5 à leur source. S'il est exact qu'un disque
adjacent à une spondylodèse peut être victime d'une dégénérescence qui est
parfois symptomatique, il ne s'agit pas d'un phénomène immédiat. Cette
discopathie se produit plus fréquemment s'il y a un déséquilibre sagittal du
rachis qui n'est cependant pas démontrable chez l'intéressé. Aussi bien le
docteur K.________ suggère-t-il plutôt une prise en charge par
l'assurance-invalidité afin que des spécialistes évaluent les facultés
physiques et intellectuelles du patient en vue de l'apprentissage d'une
nouvelle activité. Les observations qui seraient faites à cette occasion, par
exemple sur les facteurs aggravants ou lénifiants des douleurs ou sur
d'autres éléments comportementaux, permettraient d'avoir une meilleure vue
d'ensemble du patient.

Quant au docteur S.________ - auquel le recourant s'est adressé pour obtenir
un deuxième avis médical - il s'est montré pour le moins circonspect. Selon
ce médecin, les éléments radiographiques à disposition conduisent
progressivement à accepter le rôle du segment mobile L4-L5 dans les plaintes
actuelles. Si l'on considère que ce segment est à la source des douleurs
depuis l'automne 2003, un nouveau traitement chirurgical pourrait être
envisagé qu'il soit sous la forme d'une augmentation de la fixation jusqu'à
L4 ou la mise en place d'une prothèse discale L4-L5. Dans les deux cas, il
s'agit d'une intervention majeure. L'extension de la stabilisation à l'étage
L4-L5 risque d'être la source d'une décompensation au long terme de l'étage
susjacent L3-L4. On sait en effet qu'à dix ans d'une spondylodèse, on observe
parfois jusqu'à 30 % de décompensation susjacente. D'un autre côté, le
patient est jeune. Or, les connaissances quant à la survie d'une prothèse
discale ne sont actuellement pas connues à plus de dix ans. Dans 1 % des cas
on observe une éjaculation rétrograde qui peut être la source d'une
stérilité. Lors d'une discussion avec le patient, ce médecin a envisagé la
possibilité du port d'un corset lombaire sur une longue période (six mois)
afin d'espérer que la situation se stabilise d'elle-même. Le patient s'est
toutefois montré réticent à cette idée.

Enfin on note qu'auparavant les médecins de l'Hôpital X.________ avaient
exprimé l'avis qu'il convenait de renoncer à «une piste biomédicale et
chirurgicale» pour faire face aux problèmes posés par les maux de dos du
patient, les examens cliniques et radiologiques étant «tout à fait
rassurants» (lettre du docteur F.________ à l'assuré du 1er octobre 2004).

3.3 Sur la base de ces appréciations, on retiendra que l'opération
litigieuse, si elle n'est pas formellement contre-indiquée, n'est pas de
nature à entraîner une amélioration de l'état de santé (ou à éviter une
péjoration de cet état). Elle présente même à terme un risque d'aggravation.
En l'état elle paraît en tout cas prématurée. Une première opération n'a pas
apporté de résultats significatifs. D'autres mesures (notamment le port d'un
corset lombaire) doivent être au préalable tentées et l'opération ne devrait
éventuellement intervenir qu'à titre d'ultima ratio.

Dans ces conditions, la CNA était fondée à refuser de prendre en charge
l'opération en cause.

4.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Le recourant
a demandé à bénéficier de l'assistance judiciaire. Cette demande n'a d'objet
que pour la prise en charge par le tribunal des honoraires de son avocat. En
l'espèce la solution du litige ressortait clairement du jugement attaqué. Le
recours était d'emblée dénué de chances de succès de sorte que la requête
doit être rejetée (art. 152 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office
fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 9 mai 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier: