Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 282/2006
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Arrêt du 4 juin 2007
Ire Cour de droit social

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard.
Greffier: M. Beauverd.

O. _________, Etats-Unis, ayant élu domicile c/o Maître Alec Reymond, rue
Ferdinand Hodler 15, 1207 Genève, recourant,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne, intimée.

Assurance-accidents,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève du 19 avril 2006.

Faits:

A.
O. _________, né en 1967, a travaillé en qualité de project manager au
service de S._______ SA jusqu'au 30 juin 2002. A partir du 1er juillet
suivant, il a bénéficié d'indemnités de l'assurance-chômage. A ce titre, il
était assuré contre les accidents auprès de la Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents (CNA).

Le 18 juillet 2002, il a fait parvenir par l'intermédiaire de la Caisse
cantonale genevoise de chômage une déclaration d'accident LAA pour les
chômeurs en raison d'un événement survenu le 11 juillet 2002 au cours duquel
l'intéressé, en déplaçant un carton de livres, avait subi une « déchirure des
muscles du milieu du dos jusqu'au bas du dos ». Il a reçu les premiers soins
le même jour à la Permanence X.________ SA. Les médecins de la permanence ont
posé le diagnostic d'entorse du rachis lombaire; ils ont attesté une
incapacité de travail de 100 pour cent dès le 11 juillet 2002 et prévu une
reprise du travail à partir du 1er septembre suivant.

Invité par la CNA à expliciter dans un questionnaire les circonstances de
l'événement en question, l'assuré a répondu, le 22 août 2002: « I was lifting
a box full of books and I felt pain in my back, ripping muscles/strain in
back ». A la question de savoir s'il s'était passé quelque chose de
particulier (coups, chute etc..), il a répondu: « Lifting box from floor to
garbage bin + felt pain and injury on my back ». Cette version des faits a
encore été confirmée lors d'un entretien téléphonique du 26 août 2002 avec un
collaborateur de la CNA: l'assuré a affirmé qu'il n'y avait pas eu de chute
et qu'il était clair pour lui que le fait de soulever un carton de livres
était constitutif d'un accident. Par fax urgent transmis à la CNA le 27 août
2002, l'assuré est revenu sur les circonstances de l'accident en indiquant:
« I was lifting a box of books to throw away in garbage (ca 10-15 kg) and I
slipped and fell to the floor landing on my back. When I hit the floor I felt
terrible pain in my middle and lower back and could barely walk ». La CNA a
pris en charge le cas (traitement médical et indemnités journalières).
L'assuré a recouvré sa capacité de travail à 100 pour cent dès le 1er
septembre 2002.

Le 6 février 2003, l'assuré a annoncé une rechute. Il a exposé que le
8 janvier 2003, il marchait normalement à N.________ et avait subitement
tourné la tête en direction de quelqu'un qui l'appelait. Il avait alors
ressenti les mêmes douleurs dorsales qu'en juillet 2002 et avait dû être
transporté par ambulance à l'hôpital. Il a été suivi à N.________ par le
docteur M.________, neurochirurgien, avant d'être rapatrié en Suisse. La CNA
a pris en charge les conséquences de cette rechute.

Le 19 août 2003, alors qu'il se trouvait au salon-bar de l'hôtel R.________,
il a été agressé par un client de l'hôtel. Selon les déclarations de
l'assuré, son agresseur lui a donné un coup de poing sur l'épaule, l'a giflé
et précipité à terre avant de le frapper avec la boucle métallique de son
ceinturon.

Une imagerie par résonance magnétique lombaire (IRM) a été pratiquée le 23
septembre 2003. Cet examen a révélé, notamment, une discopathie avec
dégénérescence discale à l'étage dorsal inférieur, de multiples irrégularités
des plateaux vertébraux, une protrusion discale ostéophytaire en D10-D11, une
même protrusion en D11-D12, une dégénérescence discale en L4-L5 avec hernie
discale sous-ligamentaire, ainsi qu'une probable vertèbre de transition
lombo-sacrée (rapport du docteur B.________ du 24 septembre 2003). Selon une
attestation du docteur O.________ du 4 octobre 2004, l'agression a décompensé
les lombalgies occasionnelles dont souffrait l'assuré et qui répondaient
jusqu'alors bien à la physiothérapie simple.

Dans deux appréciations médicales des 22 octobre 2004 et 17 janvier 2005, le
docteur L.________, spécialiste FMH en chirurgie et médecin d'arrondissement
de la CNA, a fait le point de la situation. Il a confirmé qu'à la date de la
reprise du travail à partir du 1er septembre 2002, les conséquences délétères
de l'événement du 11 juillet 2002 étaient totalement éteintes. Quant à l'IRM
lombaire du 23 septembre 2003, elle n'avait révélé que des lésions de type
dégénératif. Aucune lésion traumatique n'avait été mise en évidence.

Par décision du 18 mars 2005, la CNA a considéré que la prise en charge des
troubles annoncés en 2002 et au début de l'année 2003, était manifestement
erronée, attendu que l'événement du 11 juillet 2002 ne revêtait pas les
caractéristiques d'un accident. Elle a décidé de mettre un terme à toute
prestation relative à cet événement et à ses suites au 15 mars 2005. Elle a
toutefois renoncé à exiger le remboursement par l'assuré des prestations déjà
versées en indiquant que cette question serait éventuellement réexaminée avec
les assureurs concernés. La CNA a relevé, au demeurant, que l'appréciation du
docteur L.________, fondée sur l'IRM lombaire pratiquée auparavant, montrait
la présence d'un important état dégénératif et d'une hernie discale
antérieure et, par voie de conséquence, l'absence de lésion à caractère
traumatique.

L'assuré a formé opposition. Par décision incidente du 28 juin 2005, la CNA a
refusé de restituer l'effet suspensif à l'opposition. Par décision du même
jour, elle a rejeté l'opposition formée par l'assuré contre la décision du 18
mars 2005.

B.
O._________ a recouru contre la décision sur opposition du 28 juin 2005 en
concluant à son annulation et à la poursuite du versement des prestations de
la CNA en relation avec son accident du 11 juillet 2002. Subsidiairement, il
a conclu à la mise en oeuvre d'une expertise médicale, ainsi qu'à l'audition
de son médecin traitant, le docteur S.________, de la Permanence
X.________SA.

Statuant le 19 avril 2006, le Tribunal cantonal des assurances sociales du
canton de Genève a rejeté le recours.

C.
O.________ a formé un recours de droit administratif dans lequel il conclut à
l'annulation du jugement attaqué et de la décision sur opposition du 28 juin
2005, et au versement de prestations au-delà du 15 mars 2005, cela en raison
de l'événement du 11 juillet 2002. Subsidiairement, il réitère sa requête
d'audition du docteur S.________ et demande également l'audition du docteur
M.________. Il demande également d'ordonner une expertise médicale neutre sur
sa personne, notamment en ce qui concerne le lien de causalité naturelle
entre son état de santé et l'événement du 11 juillet 2002.

La CNA renonce à déposer un mémoire et se réfère à ses précédentes écritures
ainsi qu'aux considérants de l'arrêt attaqué.

Quant à l'Office fédéral de la santé publique, il ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
Le litige porte sur le point de savoir si c'est à bon droit que la CNA a mis
fin à ses prestations pour les suites de l'événement du 11 juillet 2002, au
motif que celui-ci n'était pas constitutif d'un accident. Du moment qu'elle a
mis fin à ses prestations avec effet ex nunc et pro futuro, il n'y a pas lieu
d'examiner s'il existe ou non un motif de révocation (reconsidération ou
révision procédurale). Il suffit d'examiner si, selon une appréciation
correcte de la situation, l'événement en question pouvait ou non donner lieu
à prestations (ATF 130 V 380).

3.
3.1 En l'espèce, l'assuré a tout d'abord eu l'occasion, à trois reprises,
d'expliciter les circonstances de l'événement en question (dans sa
déclaration d'accident, dans le questionnaire rempli à l'intention de la CNA
et au cours d'un entretien téléphonique avec un collaborateur de la CNA).
Bien que la question lui fût expressément posée, il n'a pas fait état d'une
chute, mais a indiqué que c'est en soulevant un carton de livres qu'il avait
ressenti une forte douleur lombaire. Ce n'est que par fax du 27 août 2002
qu'il a fait état d'une glissade suivie d'une chute sur le sol. Dans de
telles circonstances, on doit appliquer la jurisprudence selon laquelle il
convient de retenir les premières affirmations de l'assuré, qui correspondent
généralement à celles que celui-ci a faites alors qu'il n'était pas encore
conscient des conséquences juridiques qu'elles auraient, les nouvelles
explications pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions
ultérieures (ATF 121 V 45 consid. 2a p. 47 et les références; RAMA 2004 no U
515 p. 420 consid. 1.2; VSI 2000 p. 201 consid. 2d).

3.2  Le fait pour un homme de subir une lésion en soulevant un carton de
livres de 10 à 15 kg ne répond à l'évidence pas à la définition de
l'accident, faute d'un facteur extérieur extraordinaire (voir par exemple ATF
116 V 136 consid. 3 p. 138 s.). Par ailleurs, on n'est pas non plus en
présence d'une lésion corporelle assimilée à un accident au sens de l'art. 9
al. 2 OLAA (cf. art. 6 al. 2 LAA), qui contient une liste exhaustive (ATF 116
V 136 consid. 4a p. 140). Par conséquent, on doit admettre que la CNA ne
répond pas des lésions subies lors de l'événement du 11 juillet 2002 et de la
rechute annoncée au mois de janvier 2003 (cette rechute n'ayant par ailleurs
elle-même aucun caractère accidentel). Pour cela, il n'était pas nécessaire,
contrairement à l'avis du recourant, de mettre en oeuvre une expertise au
sens de l'art. 44 LPGA: la notion d'accident est une notion juridique et non
médicale.

3.3  En ce qui concerne l'agression du 19 août 2003, elle n'a pas occasionné
de lésion traumatique. L'examen IRM a révélé  uniquement des lésions de
caractère dégénératif. Il est vrai que cet accident a exacerbé les lombalgies
de l'assuré. Avant cet événement, l'assuré souffrait toutefois d'importants
troubles dégénératifs au dos, comme en attestent d'ailleurs les pièces
médicales produites par le recourant, en particulier le rapport du docteur
M.________ du 29 janvier 2003. Alors qu'il était hospitalisé à N.________ une
hernie discale a été mise en évidence. On peut donc admettre qu'à la date où
la CNA a mis fin à ses prestations (15 mars 2005), la symptomatologie
douloureuse n'était plus en relation de causalité naturelle avec l'accident.
En effet, d'après la jurisprudence, l'aggravation significative et donc
durable d'une affection dégénérative préexistante de la colonne vertébrale
par suite d'un accident est prouvée seulement lorsque la radioscopie met en
évidence un tassement subit des vertèbres, ainsi que l'apparition ou
l'agrandissement de lésions après un traumatisme (RAMA 2000 no U 363 p. 46
consid. 3a). Or, l'IRM pratiquée au mois de septembre 2003 n'a pas permis de
mettre en évidence de telles lésions.

4.
Vu ce qui précède, le jugement attaqué n'apparaît pas critiquable et le
recours se révèle mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office
fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 4 juin 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier: