Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 269/2006
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2006
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2006


{T 7}
U 269/06

Arrêt du 27 mars 2007
Ire Cour de droit social

MM. les Juges Ursprung, Président,
Schön et Frésard.
Greffière: Mme von Zwehl.

S. ________,
recourante, ayant élu domicile c/o Ambassade de Suisse, Avda. Salaverry 3240,
Casilla 11-0210, Lima 11, San Isidro Lima 27, Pérou,

contre

Winterthur Assurances Direction générale, ch. de Primerose 11, 1002 Lausanne,
intimée,

Assurance-accidents,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève du 4 avril 2006.

Faits:

A.
En 1987, au cours de sa sixième année d'études de médecine, S.________, à
cette époque domiciliée en Suisse, a effectué un stage à la Clinique de
pédiatrie de l'Hôpital X.________. A ce titre, elle était assurée contre le
risque d'accidents et de maladie professionnelle auprès de la société suisse
d'assurances Winterthur (la Winterthur). Durant ce stage, elle a présenté des
troubles qui ont amené le professeur F.________ à signaler son comportement
au doyen de la Faculté de médecine. Deux expertises psychiatriques, établies
les 16 novembre 1988 et 21 septembre 1994, respectivement par le docteur
P.________ et par le professeur H.________, ont révélé l'existence chez
l'assurée de troubles psychiques l'empêchant d'exercer la profession médicale
(le premier médecin nommé a posé le diagnostic de troubles schizophréniques
de type désorganisés tandis que le second a fait état d'une affection
psychiatrique chronique grave probablement de type psychotique). En raison de
cette atteinte à la santé, un droit à une rente d'invalidité entière lui a
été reconnu depuis le 1er juin 1995 (voir l'arrêt du 25 janvier 2006 du
Tribunal fédéral des assurances dans la cause I 744/04).

Le 7 février 2000, à la demande de S.________, l'Hôpital X.________ a fait
parvenir à la Winterthur une déclaration de maladie professionnelle, selon
laquelle l'activité déployée par la prénommée auprès de leur établissement
serait à l'origine de son affection psychique. Par décision du 11 mai 2000,
la Winterthur a nié à l'assurée un droit aux prestations de ce chef. Saisie
d'une opposition, l'assureur-accidents a confirmé sa prise de position dans
une nouvelle décision du 20 juin 2000. Ces décisions ont également été
communiquées à la Caisse-maladie Intras.

B.
L'assurée a déféré la décision sur opposition de la Winterthur au Tri-bunal
administratif du canton de Genève. Par jugement du 4 avril 2006, celui-ci a,
préalablement, "[mis] hors de cause la Caisse-mala-die Intras" et, sur le
fond, rejeté le recours.

C.
S.________ interjette recours de droit administratif contre ce juge-ment, en
concluant notamment à ce que l'affection psychique dont elle souffre soit
considérée comme une maladie professionnelle.

La Winterthur conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé
publique a renoncé à se déterminer. La Caisse-maladie Intras, en sa qualité
d'intéressée, a conclu à ce qu'elle soit mise hors de cause comme en instance
cantonale.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 395 consid. 1.2).

2.
2.1 Est uniquement litigieux le droit de la recourante à des prestations au
titre de maladie professionnelle, à charge de l'intimée. Dans la mesure où
les autres conclusions qu'elle a prises, pour autant qu'elles soient
compréhensibles, s'en écartent, celles-ci doivent être déclarées irrecevables
car elles sortent de l'objet de la contestation déterminé par la décision sur
opposition du 20 juin 2000 (ATF 125 V 414 consid. 1a, 119 Ib 36 consid. 1b et
les références citées). On précisera également que la mise hors de cause de
la Caisse-maladie Intras, que les premiers juges ont appelée en cause, ne
préjuge en aucune ma-nière des droits éventuels que la recourante pourrait
faire valoir en-vers ladite caisse au titre de l'assurance-maladie.

2.2 Le jugement entrepris expose correctement les dispositions léga-les (art.
9 al. 1 et 2 LAA, dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 dé-cembre 2002)
ainsi que les principes jurisprudentiels régissant la no-tion de maladie
professionnelle. Il suffit d'y renvoyer.

2.3 A juste titre, la juridiction cantonale a examiné le litige dont elle
était saisie au regard des conditions posées par l'art. 9 al. 2 LAA, selon
lequel sont aussi réputées maladies professionnelles les autres maladies dont
il est prouvé qu'elles ont été causées exclusivement ou de manière nettement
prépondérante par l'exercice de l'activité profes-sionnelle (clause dite
générale) En effet, il est constant que la recou-rante n'a pas été exposée à
des substances nocives ou à certains travaux au sens de l'art. 9 al. 1 LAA.

3.
3.1 Se fondant notamment sur le rapport d'expertise du docteur P.________,
auquel ils ont reconnu une pleine valeur probante, les premiers juges ont
retenu que les troubles psychiques graves dont souffre S.________ étaient
largement antérieurs à son stage médical auprès de la Clinique de pédiatrie
de l'Hôpital X.________, si bien que la preuve d'une relation de causalité
qualifiée entre ce stage et l'atteinte à la santé n'était pas rapportée.
Quant aux autres événements évoqués par la recourante (un accident de ski en
1989 et un viol en 1990), ils étaient postérieurs à son affiliation auprès de
la Winterthur. La responsabilité de l'assureur-accidents n'était donc engagée
pour aucun des événements allégués.

3.2 Ce point de vue ne peut qu'être confirmé. Il ressort en effet des pièces
médicales versées au dossier (voir également la procédure AI) que si le stage
médical accompli par la recourante en 1987 a pu favo-riser l'apparition, à ce
moment-là, d'un état de décompensation psy-chiatrique, l'origine et le
développement de son atteinte à la santé psy-chique sont nettement liés à son
histoire familiale (père écrasant et despotique; mère cloîtrée à domicile et
entièrement sous la coupe de son mari; deux frères cadets, dont l'un, qui lui
servait de modèle et avec lequel elle vivait une relation fusionnelle, est
parti en 1986 aux Etats-Unis après avoir brillamment réussi ses études de
médecine  en Suisse, et dont l'autre est atteint d'autisme). La recourante
était d'ailleurs déjà suivie depuis 1985 par un médecin psychiatre (le
docteur G.________) pour des problèmes comportementaux, quand bien même son
parcours d'étudiante en médecine ne s'en trouvait pas encore affecté. Dans
ces conditions, on ne saurait admettre l'existence d'une relation exclusive
ou nettement prépondérante. On rappellera que cette exigence, qui s'apprécie
principalement au vu de données épidémiologiques médicalement reconnues,
n'est réalisée que si la maladie professionnelle a été causée à 75% au moins
par l'exercice de l'activité professionnelle (ATF 119 V 200 consid. 2b p.
201). Cela voudrait dire ici que les cas d'atteintes psychiques du type de la
recourante devraient être quatre fois plus nombreux chez les stagiaires en
médecine que ceux enregistrés dans la population en général. Or il n'existe
aucune donnée épidémiologique à ce sujet, et pour cause, si bien que la
preuve de la causalité qualifiée ne peut de toute manière pas être apportée
(voir à ce propos Jean-Maurice Frésard/Margit Moser-Szeless,
L'assurance-accidents obligatoire, in : Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], 2ème éd., no 113 ss).
Le jugement attaqué n'est donc pas critiquable et le recours se révèle mal
fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à INTRAS Caisse- maladie,
Administration Centrale, Carouge, au Tribunal cantonal des assurances
sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la
santé publique.

Lucerne, le 27 mars 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: p. la Greffière: