Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 177/2006
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Cause {T 7}
U 177/06

Arrêt du 30 mai 2006
IVe Chambre

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffière : Mme
Berset

C.________, recourant, représenté par Me Philippe Nordmann, avocat, place
Pépinet 4, 1003 Lausanne,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne, intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 8 septembre 2005)

Faits:

A.
C. ________, né en 1955, travaillait comme monteur en échafaudages au service
de la société X.________ SA. Le 31 mars 1995, il a été victime d'un accident.
Alors qu'il était occupé au chargement d'un camion et qu'il portait une
charge d'environ 45 kilos, il est tombé au sol après avoir glissé. Il a subi
une déchirure post-traumatique du ligament croisé antérieur gauche ainsi
qu'une lésion partielle du ligament interne gauche. Les séquelles de cette
entorse au genou ont nécessité, le 17 octobre 1995, une ménisectomie
partielle interne par arthroscopie et, le 12 avril 1996, une ligamentoplastie
du croisé antérieur.

C. ________ a repris le travail à 50 pour cent du 6 juin 1995 au 24 septembre
1995. Dès le 30 janvier 1996, il a repris le travail à 100 pour cent, mais
avec un rendement réduit de 25 pour cent. Dès le 25 mars 1996, sa capacité de
travail a diminué de 50 pour cent. A partir du 11 avril 1996, il a été
totalement incapable de travailler.

La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) a pris en
charge le traitement médical et versé les indemnités journalières légales.
Après la plastie subie le 12 avril 1996, l'assuré a continué à se plaindre de
douleurs, surtout à la descente avec lâchage, éventuellement antalgiques, et
d'une douleur continuelle au niveau du genou à la face antéro-externe et du
creux poplité (rapport établi le 8 août 1996 par le docteur G.________,
spécialiste en chirurgie et médecin d'arrondissement de la CNA).

L'assuré a séjourné à la Clinique Y.________ du 21 octobre 1996 au 6 novembre
1996. Selon le rapport de sortie établi par les médecins de cet
établissement, des examens ont montré une rupture de la ligamentoplastie. Il
subsistait chez l'assuré une instabilité antérieure, clinique et
radiologique, qui limitait l'intéressé dans la marche et la station debout
prolongée. Il était apparu, également, que le patient se trouvait dans un
processus de deuil à cause de la limitation de ses performances due à sa
blessure ainsi qu'en raison de sa situation familiale plus difficile. Il a
été vu à la clinique par une psychothérapeute. Une prise en charge
psychologique était indiquée en cas de persistance du déficit de ses
performances.

Le 21 février 1997, l'assuré a été examiné par le docteur G.________.
Celui-ci a proposé une scintigraphie osseuse, qui a été pratiquée par les
docteurs B.________ et M.________, du service de médecine nucléaire du Centre
hospitalier Z.________. Ces médecins ont conclu à une hyperhémie des tissus
mous entourant le genou gauche associée à une hypercaptation diffuse des os
participant aux articulations du genou gauche, particulièrement sur leur
versant articulaire faisant suspecter une maladie de Sudeck; il n'existait
aucune autre altération scintigraphique osseuse des membres inférieurs ou du
bassin (rapport du 17 mars 1997).

Dans un rapport du 19 août 1997, le médecin traitant de l'assuré, le docteur
A.________, a signalé une péjoration de la symptomatologie douloureuse tant
au niveau du genou qu'au niveau dorso-lombaire. Il a également attesté une
aggravation de l'état dépressif réactionnel, déjà signalé auparavant. Le 2
septembre 1997, l'assuré a de nouveau été examiné par le docteur G.________
qui a constaté la persistance d'une instabilité; les radiographies et
l'examen clinique ne mettaient pas en évidence une maladie de Sudeck,
suspectée à l'occasion de l'examen par scintigraphie du 17 mars 1997; l'état
dépressif était par ailleurs manifeste et semblait se détériorer. Un nouveau
rapport du docteur A.________, du 15 novembre 1997, faisait mention,
subjectivement, d'une péjoration progressive du blocage fonctionnel
douloureux du genou gauche et, objectivement, d'un état stationnaire.

Le 26 mars 1998, le médecin d'arrondissement indiquait que l'envergure des
plaintes, le caractère de l'expression de celles-ci et leur localisation
parlaient fortement pour une non-organicité, au moins partielle. Les médecins
du Centre hospitalier Z.________ ont procédé à un nouvel examen
scintigraphique le 28 mai 1998. Par rapport à l'examen précédent du 13 mars
1997, ils ont constaté un remaniement osseux plus important qui se traduisait
par une augmentation de l'hyperactivité de la rotule gauche et l'apparition
d'hyperactivités linéaires sous-périostées (partie distale du fémur gauche à
son versant interne et versant externe du tibia gauche). Il n'y avait plus de
signes scintigraphiques caractéristiques d'une algo-neuro-dystrophie.

Dans une appréciation médicale du 15 juin 1998, le docteur G.________ a
estimé que la scintigraphie osseuse du 28 mai 1998 avait permis d'écarter
définitivement le diagnostic, pendant longtemps suspecté,
d'algo-neuro-dystrophie de Sudeck. Il a exprimé l'avis qu'il n'y avait pas de
substrat organique démontrable pour les douleurs continuelles alléguées par
le patient. Cet état douloureux devait être considéré sous l'angle d'une
chronicisation, phénomène qui devait être considéré comme une pathologie
indépendante de l'événement accidentel. Selon le médecin d'arrondissement, le
patient ne pouvait plus faire face aux exigences de son ancien métier à un
taux d'activité suffisant. En revanche, dans une activité sédentaire, avec
des stations debout de courte durée et de courts déplacements, sans transport
de charges importantes, il était apte à travailler en plein (par exemple des
activités de montage et de démontage, de remplissage et vidanges, de
surveillance, de contrôles de toute sorte et autres activités sédentaires de
surveillance).
Par décision du 12 juillet 2000, la CNA a alloué à son assuré une rente
d'invalidité fondée sur un taux d'incapacité de gain de 25 pour cent, ainsi
qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 15 pour cent. L'assuré a
formé opposition. Il a alors été examiné le 27 avril 2001 par le docteur
E.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et rattaché au service de
médecine des accidents de la CNA. Selon les constatations de ce médecin, il
n'y avait pas d'aggravation par rapport à la situation de 1999. Quant aux
conséquences de l'accident du 31 mars 1995, il subsistait une instabilité du
genou qui n'était pas propre à justifier l'intensité des douleurs et du
handicap alléguée par le patient. Des lombalgies diagnostiquées n'étaient pas
en relation avec l'accident. Une activité sédentaire à plein temps était
exigible. L'assuré a produit ensuite un rapport du 5 juillet 2001 établi par
le docteur S.________ médecin-orthopédiste, selon lequel il existe chez
l'assuré une atrophie du quadriceps et une diminution de la mobilité du
genou; l'intéressé marche avec difficulté, ne peut rien porter, éprouve des
problèmes d'équilibre et ne supporte pas les stations debout prolongées. Ce
médecin a posé le diagnostic d'arthrose au stade avancé. Le patient n'était
pas apte à accomplir des travaux soumis à des exigences physiques. Après que
le docteur E.________ se fut à nouveau prononcé (rapport du 17 septembre
2001), la CNA a rejeté l'opposition par une nouvelle décision, du 5 décembre
2001.

Entre-temps, l'assurance-invalidité a accordé à l'assuré une demi-rente dès
le 1er mars 1996, puis une rente entière dès le 1er juin 1996.

B.
C.________ a recouru contre la décision sur opposition de la CNA en concluant
au versement d'une rente entière d'invalidité, rente éventuellement calculée
comme rente complémentaire, à partir du 1er août 1998.
Statuant le 8 septembre 2005, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a
rejeté le recours.

C.
C.________ interjette un recours de droit administratif dans lequel il
conclut à la réforme du jugement cantonal en ce sens qu'une rente entière
d'invalidité lui soit allouée par la CNA. Subsidiairement, il conclut à
l'annulation du jugement attaqué. La CNA conclut au rejet du recours, tandis
que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte l'étendue du droit à une rente d'invalidité de
l'assurance-accidents, singulièrement sur le taux de l'incapacité de gain,
fixé à 25 pour cent par la CNA et les premiers juges.

2.
Les premiers juges retiennent que l'état dépressif du recourant n'est pas en
relation de causalité adéquate avec l'accident. Quant à l'atteinte au genou
gauche, elle n'empêche pas l'exercice à plein temps d'une activité
professionnelle sédentaire, permettant l'alternance des positions assise et
debout. Les termes de la comparaison des revenus (56'000 fr./42'000 fr.)
conduisent à retenir un taux d'invalidité de 25 pour cent.

3.
Le recourant reproche principalement aux premiers juges d'avoir nié
l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et les troubles
psychiques dont il est atteint.

3.1 Le point de savoir si l'atteinte à la santé psychique diagnostiquée par
les médecins (savoir un état dépressif réactionnel) est en rapport de
causalité naturelle avec l'accident assuré n'a pas été tranché par la
juridiction cantonale. Cette question peut en effet demeurer ouverte, dès
lors que le rapport de causalité adéquate doit, quoi qu'il en soit, être nié
sur le vu des critères objectifs développés par la jurisprudence (ATF 115 V
140 consid. 6c/aa et 409 consid. 5c/aa).

3.2 Dans le cas particulier, on est en présence d'un accident de gravité
moyenne (glissade à la marche en portant un poids, suivie d'une chute sur le
sol). Les circonstances de l'accident sont dépourvues de caractère dramatique
ou impressionnant. Les lésions subies ne peuvent pas être qualifiées de
particulièrement graves. Le traitement médical, comme tel, a consisté
principalement en une ménisectomie (17 octobre 1995) et une ligamentoplastie
(12 avril 1996). Parallèlement, l'assuré a suivi un traitement de
physiothérapie et médicamenteux. Diverses mesures diagnostiques ont été
nécessaires (examens IRM, scintigraphies). Le traitement, bien qu'il se soit
déroulé sur une période relativement étendue, n'apparaît pas pour autant
anormalement long. On ne saurait voir une complication dans le seul fait que
le soupçon de maladie de Sudeck a nécessité plusieurs mesures diagnostiques
pour être finalement écarté avec certitude. Quant au fait que l'on a observé
pendant le séjour à la Clinique Y.________ une rupture de la
ligamentoplastie, il ne peut pas non plus être considéré comme une
complication notable, dès lors qu'une nouvelle intervention n'a pas été jugée
nécessaire.

3.3 Le recourant fait valoir que les douleurs, présentes des années durant,
s'expliquent par les lésions physiques, ainsi que par les suites des
opérations qu'il a subies. En outre, ce sont ces mêmes lésions physiques qui
sont à l'origine de son incapacité de travail de longue durée.

Aucun élément au dossier ne vient toutefois donner un appui de ces
affirmations. Les douleurs de l'assuré n'ont pas trouvé d'explication d'un
point de vue organique. Des problèmes psycho-sociaux (processus de deuil à
cause d'une limitation des performances, situation familiale difficile)
justifiant une prise en charge psychologique ont été relevés lors du séjour
de l'assuré à la Clinique Y.________. Un traitement antidépresseur a été mis
en oeuvre par le docteur A.________. La discordance entre les plaintes de
l'assuré et les constatations cliniques et radiologiques est devenue de plus
en plus manifeste avec le temps. Elle a coïncidé avec une péjoration
progressive de l'état dépressif réactionnel. Cette péjoration était attestée
par le docteur A.________ dans son rapport du 19 août 1997. A la même époque,
l'assuré faisait état de « douleurs atroces » au genou gauche et dans le bas
du dos; les douleurs étaient exacerbées par le moindre geste, au point que le
patient, toujours au bord des larmes, était devenu pratiquement
« inexaminable » (rapport du docteur G.________ du 2 septembre 1997). Par la
suite, l'assuré a déclaré que la situation s'était encore aggravée (examen
par le médecin d'arrondissement du 25 mars 1998). Aucun substrat organique ne
permettait pourtant d'expliquer les plaintes de l'intéressé.
Sur la base de ces éléments, il y a lieu de constater que le critère des
douleurs physiques persistantes n'est pas rempli. Il en va de même en ce qui
concerne la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques.
L'incapacité de travail a évolué parallèlement à la discordance relevée
ci-dessus. C'est ainsi que l'assuré a pu reprendre le travail à 50 pour cent
en juin 1995. Après une interruption en septembre 1995, il a retravaillé,
cette fois, à 100 pour cent, à partir de janvier 1996. Dès le mois de mars
1996, il a travaillé à 50 pour cent, avant de cesser définitivement toute
activité professionnelle. Cette évolution tend à montrer que l'état de santé
du recourant a été assez rapidement et de manière prépondérante influencé par
des facteurs psychiques. Or seuls le degré et la durée de l'incapacité de
travail due aux lésions physiques entrent en ligne de compte parmi les
critères objectifs à considérer (ATF 115 V 140 consid. 6c/aa, 409
consid. 5c/aa).

3.4 C'est ainsi à juste titre, en conclusion, que les premiers juges ont nié
l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et les troubles
psychiques dont souffre le recourant.

4.
Le recourant fait encore valoir que même si l'on ne devait pas retenir la
causalité naturelle et adéquate entre l'accident et l'incapacité totale de
travail liée à des facteurs psychiques, il conviendrait alors d'augmenter le
degré d'incapacité de gain pour les seules séquelles somatiques de
l'accident.

Il n'y a toutefois pas de raison de s'écarter des avis médicaux selon
lesquels le recourant, d'un point de vue somatique, est capable d'exercer une
activité sédentaire à plein temps. A cet égard, les appréciations émises par
les médecins de la CNA sont convaincantes. Du reste, elles ne sont pas
démenties par l'avis exprimé par le docteur S.________, qui exclut - à
l'instar des médecins de la CNA - un travail soumis à des contraintes
physiques. Quant à la comparaison des revenus opérée par la CNA et confirmée
par les premiers juges, elle n'est pas discutée en tant que telle et ne prête
au demeurant pas le flanc à la critique.

5.
Il suit de là de le recours doit être rejeté sans qu'il soit nécessaire, au
préalable de compléter l'instruction.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 30 mai 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre: La Greffière: