Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 15/2006
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Cause {T 7}
U 15/06

Arrêt du 12 septembre 2006
IIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffier : M.
Cretton

M.________, recourante,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

(Jugement du 8 décembre 2005)

Faits:

A.
M.________ est née en 1955. Elle travaillait en qualité d'employée de bureau
dans l'entreprise de son mari et était assurée facultativement contre les
accidents par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents
(CNA); aucun contrat d'assurance ne couvrait l'activité de
propriétaire/gérante d'une garderie pour enfants qu'elle exerçait trois
demi-journées par semaine. Victime d'un accident de la circulation routière
le 12 août 2001, elle a souffert d'une fracture de la première vertèbre
lombaire (rapport du docteur B.________, assistant au Centre hospitalier
X.________, du 17 août 2001). Le cas a été pris en charge par la CNA.

Hospitalisée du 12 au 19 août 2001, l'assurée a porté un corset plâtré
jusqu'au 8 novembre suivant, puis a bénéficié de séances de physiothérapie et
de cures thermales. Unanimes quant au diagnostic et à l'incapacité totale de
travail engendrée, les premiers médecins consultés ont constaté une évolution
sans complication, ralentie, mais favorable; chacun préconisait un retour
plus ou moins rapide à la vie active (rapports des docteurs L.________,
service d'orthopédie de l'Hôpital Y.________, G.________, médecin
généraliste, S.________ et C.________, assistantes au Centre hospitalier
X.________, E.________, groupe de chirurgie orthopédique et traumatologique
de W.________, R.________, médecin traitant, O.________, Hôpital orthopédique
Z.________, des 12, 20 octobre, 21 novembre et 19 décembre 2001; 13 juin, 14
juillet et 3 septembre 2002). L'intéressée s'est malgré tout plainte de
dorso-lombalgies, puis de fatigues, de céphalées, de troubles de l'humeur et
de la concentration.

Le docteur A.________, médecin d'arrondissement de la CNA, a ausculté
M.________ à deux reprises et a abouti à des conclusions à chaque fois
identiques : syndrome dorso-vertébral avec limitation fonctionnelle
partielle, sans déficit périphérique manifeste à l'examen neurologique, ainsi
que lombalgies pouvant irradier dans les membres inférieurs et les segments
dorso-cervicaux. Relevant en outre la stabilisation des paramètres
médico-assécurologiques lors de son dernier examen, il en déduisait la
possibilité d'exercer une activité légère ne comportant pas de positions
vicieuses ou figées du rachis, en sollicitation alternée, la patiente devant
pouvoir changer de positions et se dégourdir à sa guise, avec la nécessité de
pauses prolongées quantifiables par une baisse globale du temps de présence
de 20 %; l'atteinte à l'intégrité a été évaluée à 17 % (rapports des 15 mars
2002 et 13 mai 2003).

L'assureur-accident a donc mis un terme au versement de l'indemnité
journalière et à la prise en charge du traitement médical dès le 30 juin
2003, puis a octroyé à l'assurée une rente d'invalidité fondée sur un taux
d'incapacité de gain de 20 %, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à
l'intégrité (décision du 24 septembre 2003). L'assurée s'est opposée à la
décision.

La CNA s'est alors procuré une copie des pièces collectées par l'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel. Y figurent notamment une
appréciation du cas par le docteur F.________, médecin-conseil de l'AI, pour
qui les répercussions psychiques l'emportaient sur les séquelles
orthopédiques objectivement mineures (avis du 18 décembre 2002), ainsi qu'une
expertise pluridisciplinaire réalisée par le docteur U.________, médecin
interniste et rhumatologue, titulaire d'un diplôme en médecine
psychosomatique et psychosociale; celui-ci concluait à une parfaite normalité
du status lombaire et de médecine générale, ainsi qu'à l'absence d'anomalies
significatives sur le plan rhumatologique. Il ne relevait par ailleurs aucune
maladie psychique, ni troubles de la personnalité ou syndrome de stress
post-traumatique, seulement une crise consécutive à un traumatisme ayant
entraîné d'importantes modifications dans la vie personnelle de la patiente
(rapport du 15 novembre 2003). Tous deux estimaient que cette dernière était
apte à reprendre ses activités antérieures.

L'assureur-accident a également mandaté la doctoresse I.________, neurologue,
qui, d'un status complet et minutieux normal et de l'absence de gêne
engendrée par les séquelles de la fracture, a déduit une capacité de travail
d'au moins 80 % dans l'ancienne profession; elle faisait état de céphalées
d'origine vasomotrice ou migraineuse, de douleurs à la ceinture scapulaire
sans élément objectivable et de fatigues (troubles de l'attention, de la
concentration, etc.) probablement liées à un syndrome dépressif larvé dû aux
difficultés existentielles et intrafamiliales, ainsi qu'aux problèmes
financiers de l'entreprise du mari (rapport d'expertise du 3 juin 2004).

La CNA a confirmé sa décision du 24 septembre 2003 (décision sur opposition
du 4 août 2004).

B.
M.________ a déféré la décision sur opposition au Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel qui l'a déboutée par jugement du 8 décembre 2005; la
juridiction cantonale reconnaissait une pleine valeur probante aux rapports
des docteur A.________ et I.________ et niait l'existence d'un lien de
causalité adéquate entre les troubles psychiques et l'accident.

C.
L'assurée interjette recours de droit administratif contre ce jugement  dont
elle requiert implicitement la réforme. Elle conclut en substance à l'octroi
d'une rente d'invalidité fondée sur un taux d'incapacité de gain de 80 %,
ainsi qu'à la reconnaissance d'un lien de causalité entre les événements du
12 août 2001 et les affections dont elle souffre.

L'assureur-accident conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé
publique a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d'invalidité de
l'assurance-accident, singulièrement sur le taux à la base de cette
prestation et sur l'existence d'une relation de causalité adéquate entre
l'événement accidentel et les différents troubles présents lors de la
décision litigieuse.

1.2 La loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des
assurances sociales (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine
de l'assurance-accidents. Conformément au principe selon lequel les règles
applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement
déterminants se sont produits (ATF 130 V 446 sv. consid. 1.2.1, 127 V 467
consid. 1, 126 V 165 consid. 4b), le droit litigieux doit être examiné à
l'aune des dispositions de la LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, pour
la période courant jusqu'à cette date, puis à celle de la nouvelle
réglementation pour la période postérieure.

1.3 Le jugement entrepris expose correctement les normes (dans leur teneur en
vigueur à partir du 1er janvier 2003) et la jurisprudence relatives à la
définition de l'invalidité (art. 18 al. 1 LAA et 8 al. 1 LPGA) et de
l'incapacité de gain (art. 7 LPGA), ainsi qu'au calcul de comparaison des
revenus (art. 16 LPGA). Dès lors que ces notions n'ont pas été modifiées par
l'entrée en vigueur de la LPGA (cf. ATF 130 V 343, 119 V 470 consid. 2b; SVR
2003 IV n° 35 p. 107; RAMA 2001 n°U 410 p. 73) ou ne diffèrent de leur
version antérieure que sur le plan rédactionnel, il suffit de renvoyer aux
considérants des premiers juges sur ces points. Il en va de même des
principes jurisprudentiels applicables à la valeur probante des rapports
médicaux (y compris ceux émanant des médecins liés à l'assureur), au rôle de
ces derniers en matière d'invalidité et aux notions de causalité naturelle ou
adéquate (cf. art. 6 al. 1 LAA; arrêt non publié N. du 13 février 2006, U
462/04, consid. 1.1 et les références).

2.
Il convient en premier lieu de déterminer si les troubles psychiques
mentionnés par la doctoresse I.________ trouvent leur origine dans l'accident
du 12 août 2001, comme le prétend l'intéressée contrairement à ce qu'a retenu
la juridiction cantonale.

2.1 Les premiers juges ont admis l'existence de troubles psychiques en se
fondant sur le rapport de la doctoresse I.________. D'après celle-ci, les
différents symptômes rapportés par la recourante (fatigue générale, troubles
de la concentration et de la mémoire, stress, etc.) étaient essentiellement
liés à un syndrome dépressif larvé dû en grande partie à des difficultés
existentielles, intrafamiliales et financières; ils ne lui paraissaient pas
devoir être mis en relation de causalité avec les événements du 12 août 2001.
Par ailleurs, les céphalées étaient décrites par l'experte comme étant en
partie d'origine vasomotrice et en partie à composante migraineuse (migraines
intenses présentes dès la jeunesse durant les périodes périmenstruelles et
parfois durant les périodes intermédiaires), l'électroencéphalogramme
pratiqué n'ayant rien décelé de particulier.

On notera encore que le seul médecin ayant également abordé ce sujet est le
docteur U.________. Au terme d'une analyse détaillée du discours et du
comportement de l'intéressée, celui-ci ne relevait aucune maladie psychique,
ni trouble de la personnalité ou syndrome de stress post-traumatique (pas
d'humeur dépressive pathognomonique, pas de tristesse pathologique exprimée,
pas de douleurs morales, d'inhibition ou de ralentissement psychomoteur, pas
de troubles de l'attention ou de la concentration, ni de l'estime de soi, pas
de perte de sommeil). Il constatait par contre d'importantes modifications de
la vie personnelle de la recourante à la suite du traumatisme subi
(réaménagement de la vie quotidienne, prises de conscience douloureuses,
notamment par rapport à la vie conjugale [violence physique], nouveaux choix
personnels) correspondant à une véritable crise de milieu de vie, ce qui ne
constituait pas une maladie psychique en soi, mais un phénomène psychologique
naturel (réaction normale de toute personne se trouvant dans la même
situation).

2.2 On remarquera dès lors que le raisonnement des experts est pour
l'essentiel identique (crise de milieu de vie ou difficultés existentielles),
celui du docteur U.________ étant plus développé que celui de la doctoresse
I.________ qui n'en demeure pas moins clair et convaincant, et que même si
les deux praticiens aboutissent à des conclusions différentes quant à
l'existence ou non d'un trouble psychique, il apparaît que lesdites
conclusions concordent dans la mesure ou la doctoresse I.________ n'en déduit
aucune répercussion sur la capacité de travail.

2.3 Quoiqu'il en soit, les conditions mises par la jurisprudence à la
reconnaissance d'une relation de causalité adéquate dans une telle situation,
ainsi que l'ont justement rappelé et démontré les premiers juges, ne sont pas
remplies. On précisera à ce propos que la durée du traitement médical
n'apparaît pas anormalement longue dans la mesure où il consistait en des
séances de physiothérapie et des cures thermales prescrites sur demandes
instantes de l'intéressée pour traiter des douleurs subjectives ne reposant
sur aucun substrat organique objectivable. Dans de telles circonstances, la
juridiction cantonale était fondée à nier l'existence d'un rapport de
causalité adéquate.

3.
Reste à déterminer si les premiers juges pouvaient retenir une incapacité de
travail de 20 % sur la base des éléments médicaux figurant au dossier.

3.1 A la suite des événements du 12 août 2001, la recourante a souffert d'une
fracture de la première vertèbre lombaire (fracture-tassement des plateaux du
mur antérieur de L1); aucun des médecins consultés, ni l'intéressée, n'a mis
en doute le bien-fondé de ce diagnostic.

Le docteur E.________ estimait que la fracture était consolidée en été 2002,
tandis que le docteur A.________ arrivait à la même conclusion au printemps
2003. Les séquelles subsistantes consistaient donc un syndrome
lombo-vertébral sans déficit neurologique, ce qui était confirmé par la
doctoresse I.________ (status normal de la nuque, des membres supérieurs et
inférieurs, de la colonne dorso-lombaire, absence de gêne engendrée par les
séquelles de la fracture, douleurs à la ceinture scapulaire sans élément
objectivable). Le docteur U.________ avait en outre observé la recourante
durant son examen, dont les résultats étaient normaux au demeurant. Celle-ci
se relevait rapidement, marchait sans boiterie et restait assise une heure
sans se plaindre, ni adopter de posture antalgique; son port de tête était
libre; elle se dévêtait sans limitation; en position horizontale, elle
pouvait lever les jambes plus de dix secondes, ce qu'un lombalgique avéré ne
peut pas faire; elle était également capable de se mettre assise sans l'aide
de ses mains, ce qui impliquait une bonne musculature abdominale.

3.2 Au regard de ce qui précède, le cas était largement stabilisé au moment
de l'examen final pratiqué par le docteur A.________. A ce stade, seules
demeuraient des dorso-lombalgies dont l'incidence sur la capacité de travail
avait été évaluée à 20 % par ce médecin et la doctoresse I.________ et à 0 %
par le docteur U.________.

Tous les autres praticiens qui s'étaient exprimés sur la question l'avaient
fait antérieurement, à des stades de la procédure où le traitement n'était
pas si avancé, et s'étaient contentés d'articuler un taux de capacité de
travail nul, sans motivation, de sorte que leur avis sur le sujet peut sans
autre être écarté.

3.3 A l'exception de la capacité de travail, il apparaît que l'analyse de
l'état de santé de l'intéressée par les trois médecins mentionnés est
concordante et abouti à des conclusions essentiellement identiques. Leurs
rapports ont par ailleurs été établis en pleine connaissance de l'anamnèse;
la description et l'appréciation de la situation médicale sont claires; leurs
conclusions sont dûment motivées (cf. ATF 125 V 352 consid. 3a). Il n'y a
donc pas de raisons de s'en écarter, d'autant plus que la doctoresse
I.________ a parfaitement répondu aux questions posées par la recourante
(origine des céphalées, de la fatigue, des troubles de la concentration,
etc.) et que l'argumentation de cette dernière ne consiste qu'en une
interprétation personnelle des faits ne reposant sur aucun fondement. Le
recours est donc en tous points mal fondé.

4.
Dans une lettre adressée à l'assureur intimé peu avant que celui-ci ne rende
sa décision sur opposition, l'intéressée a décrit pour la première fois son
activité antérieure en mentionnant des tâches qui n'avaient rien à voir avec
la profession d'employée de bureau. On notera que la question lui avait été
posée à plusieurs reprises au cours de l'instruction du dossier et que ses
réponses n'avaient pas varié. C'est seulement au moment où elle a pris
conscience des conséquences juridiques possibles de ses affirmations que la
recourante a modifié sa version des faits. Dans de telles circonstances, le
Tribunal fédéral des assurances estime qu'il faut s'en tenir aux premières
déclarations (ATF 121 V 47 consid. 2a et les références; VSI 2000 p. 201
consid. 2d; voir également le commentaire de Kieser/Pribnow, paru in PJA 2000
p. 1195).

5.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ, dans sa
teneur en vigueur jusqu'au 30 juin 2006).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 12 septembre 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIe Chambre: Le Greffier: