Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 150/2006
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{T 7}
U 150/06

Arrêt du 7 février 2007
Ire Cour de droit social

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger et Frésard.
Greffière: Mme von Zwehl.

D. ________,
recourant, représenté par Me Pierre Seidler, avocat, avenue de la Gare 42,
2800 Delémont 1,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne,
intimée.

Assurance-accidents,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, du 9 février 2006.

Faits:

A.
D. ________, entrepreneur, exploite un atelier en mécanique sous la raison
sociale X.________ SA. A ce titre, il est assuré notamment contre le risque
d'accidents auprès de la Caisse nationale suisse en cas d'accidents (CNA).

Le 9 juillet 2002, il a été victime d'un accident de la circulation : alors
qu'il se trouvait encore à l'arrêt devant un passage pour piétons, sa voiture
a été percutée à l'arrière par un autre véhicule. Constatant  l'apparition de
douleurs à la nuque ainsi qu'une inhabituelle sensation de chaleur,
D.________ s'est rendu le même jour à l'Hôpital Y.________ où le diagnostic
de "coup du lapin" a été posé. La CNA a pris en charge le cas.

Malgré la pose d'une minerve, la prescription d'antalgiques et des séances
physiothérapie, l'assuré s'est plaint d'une aggravation des douleurs
cervicales. Il a repris son travail, le 12 août 2002, mais à un taux réduit
(50 %). Des examens complémentaires ont mis en évidence des troubles
dégénératifs. Selon une évaluation biomécanique requise par la CNA auprès de
son groupe de travail sur la mécanique des accidents, l'accélération subie
par le véhicule de l'assuré avait été peu importante (de l'ordre de 10 à 15
km/h); au regard de l'âge de l'intéressé (57 ans), les douleurs ressenties
paraissaient néanmoins "plutôt explicables". Mandaté par la CNA, le
professeur B.________, du service de neurologie du Centre hospitalier
Z.________, a conclu à l'absence de lien de causalité entre les troubles
présentés et l'accident du 9 juillet 2002 (rapport d'expertise du 14 juin
2004). L'assuré ayant contesté ces conclusions, la CNA a soumis le cas pour
appréciation au docteur K.________, membre de son équipe médicale, qui a
déclaré partager cet avis (appréciation médicale du 5 août 2004). Le 30 août
suivant, l'assureur-accidents a rendu une décision par laquelle il a mis fin
aux prestations d'assurance (indemnités journalières et frais de traitement).
Saisie d'une opposition, il l'a rejetée dans une nouvelle décision du
26 novembre 2004.

B.
Par jugement du 9 février 2006, la Chambre des assurances du Tribunal
cantonal de la République et canton du Jura a rejeté le recours formé par
l'assuré contre la décision sur opposition de la CNA.

C.
D.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il requiert l'annulation sous suite de frais et dépens. Il conclut,
principalement, à ce que la CNA soit condamnée à lui verser les prestations
d'assurance légales découlant de la LAA (indemnités journalières, rente
d'invalidité et indemnité pour atteinte à l'intégrité) au-delà du 31 août
2004; subsidiairement, à ce que le dossier de la cause soit renvoyé à
l'assureur-accidents pour complément d'instruction et mise sur pied d'une
nouvelle expertise médicale pluridisciplinaire.

La CNA conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santé
publique a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 395 consid. 1.2).

2.
2.1 Le jugement entrepris expose de manière exacte et complète les
dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs à la
nécessité d'une atteinte à la santé et d'un rapport de causalité naturelle et
adéquate entre celle-ci et un accident assuré pour que l'assureur-accidents
soit tenu à fournir des prestations (cf. ATF 129 V 181 consid. 3.1, 406
consid. 4.3.1, 119 V 337 consid. 1, 118 V 289 consid. 1b et les références);
il rappelle également les règles de preuve régissant l'existence d'un
traumatisme de type «coup du lapin» à la colonne cervicale ou d'un
traumatisme analogue (cf. ATF 119 V 337 sv. consid. 1, 117 V 360 sv. consid
4b).

2.2 On ajoutera que lorsqu'un un état maladif antérieur est aggravé ou, de
manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de
l'assureur-accidents d'allouer des prestations cesse lorsque l'état de santé
de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant
l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même
sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (cf.
RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b; Jean-Maurice Frésard/ Margit
Moser-Szeless, L'assurance-accidents obligatoire, in : Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2ème éd., n° 80).

3.
Pour le recourant, l'intimée n'aurait pas démontré la disparition du
caractère causal de l'accident du 9 juillet 2002 en ce qui concerne le
syndrome cervical dont il est affecté. Il ne conteste pas qu'il présente des
troubles dégénératifs à la colonne cervicale mais fait valoir que ces
troubles étaient asymptomatiques avant l'événement assuré. Il était par
ailleurs établi qu'il avait subi un traumatisme du type "coup du lapin". A
l'appui de son recours, il produit une expertise privée du 1er mars 2006 du
docteur M.________, spécialiste FMH en neurologie, selon lequel l'accident
est, au degré de la vraisemblance prépondérante, la cause au moins partielle
de l'évolution et de l'état actuel de ses problèmes de santé, de sorte qu'il
existe un rapport de causalité naturelle.

4.
Aussi bien le professeur B.________ et que le docteur M.________ ont fondé
leurs conclusions sur les faits suivants : D.________ a subi une distorsion
cervicale du type "coup du lapin" sans perte de connaissance; consécutivement
à cet accident, il a développé des cervicalgies qui se sont aggravées au fil
du temps et qui se sont étendues aux épaules et aux membres supérieurs, des
céphalées et une fatigabilité plus grande; une lésion post-traumatique de la
colonne cervicale a pu être exclue; enfin, il existait des altérations
dégénératives assez importantes (protrusion discale en C3/4, spondylarthrose
et uncarthrose étagées C3/C7).
Sur la question de la causalité, le premier médecin s'est exprimé comme suit
: "Le plus grand nombre des patients victimes d'un phénomène du coup du lapin
reprennent une activité personnelle et professionnelle habituelle après
quelques semaines. Restent quelques patients invalidés professionnellement.
Il a été établi par de nombreuses études que l'état prémorbide antérieur, le
milieu socio-professionnel jouaient un rôle dans la persistance des symptômes
douloureux après un accident mineur (réf 1-2). L'ensemble des troubles
présentés ne sont actuellement plus en relation avec l'accident datant du
9.7.2002" (page 4 de son rapport d'expertise). Pour sa part, le docteur
M.________, a estimé que le cas de D.________ se différenciait de la
normalité du fait justement des atteintes dégénératives dont celui-ci était
affecté; il était reconnu que dans un tel cas de figure, le risque de
développer des douleurs évoluant vers un état douloureux chronique après un
accident de type du coup du lapin était plus élevé; on ne pouvait cependant
pas non plus dire que la situation se serait développée de la même manière
sans l'accident puisque l'assuré, ancien champion de judo, pratiquait ce
sport une fois par semaine sans que cela ne lui ait jamais posé de problèmes;
compte tenu du type d'activité exercée, l'incapacité de travail due aux
troubles cervicaux pouvait être évaluée à 25 %. Quant au docteur K.________,
il a déclaré que le point de vue du professeur B.________ concordait avec la
littérature récente en matière de coup du lapin; dès lors que le choc avait
été mineur et que l'examen neurologique excluait "toute séquelle radiculaire,
myélopathique voire intracérébrale de l'accident", il était "licite [...]
d'invoquer dans le phénomène de chronicité d'autres facteurs que l'atteinte
traumatique initiale, ayant pris la relève au fil du temps" (pages 6 in fine
et 7 de son appréciation médicale).

5.
Il convient de rappeler tout d'abord que l'on se trouve dans un contexte de
suppression du droit à des prestations dans lequel prévaut la règle selon
laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la
suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46 consid. 2 et la référence).
S'il n'est pas question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative
qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est
dorénavant en parfaite santé, celui-ci doit à tout le moins établir au degré
de la vraisemblance prépondérante que les causes accidentelles d'une atteinte
à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme
ayant disparu (arrêts B. du 30 novembre 2004, U 222/04, C. du 14 octobre
2004, U 66/04, et N. du 4 octobre 2004, U 159/04).

En l'espèce, aucun des médecins qui se sont prononcés sur le cas ne remet en
cause le fait que le "coup du lapin" est le facteur déclencheur des
cervicalgies du recourant. Que les troubles dégénératifs aient aussi joué un
rôle dans l'apparition et le maintien de cette symptomatologie est un constat
partagé par les mêmes médecins. Mais cela ne suffit pas pour admettre que
l'assureur-accidents était fondé à mettre un terme à son obligation de
prester au 31 août 2004. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges,
la mesure du rôle aggravant joué par ces troubles ne ressort pas clairement
des conclusions du professeur B.________, ni d'ailleurs de celles du docteur
K.________. En particulier, on ne peut en déduire à partir de quand on est en
droit, dans le cas du recourant, de considérer que le statu quo sine a été
atteint au degré de la vraisemblance prépondérante. A la lumière des
observations du docteur M.________ et compte tenu du fait que l'assuré était
complètement asymptomatique jusqu'à l'événement accidentel (voir
l'attestation du 7 mars 2006 du docteur R.________, médecin traitant), l'avis
de ces médecins, qui repose davantage sur des considérations d'ordre général
(l'expérience médicale et le cours ordinaire des choses) que sur les données
individuelles du cas - même si ces considérations ne sont pas dénuées
d'importance dans une évaluation médicale -, n'emporte pas entièrement la
conviction.

Il y a lieu partant de renvoyer la cause à l'intimée afin qu'elle mettre en
oeuvre une nouvelle expertise relative à la causalité entre les troubles dont
se plaint le recourant et l'accident dont il a été victime le 9 juillet 2002
(y compris la question du statu quo sine). Après quoi, l'intimée réexaminera
le droit aux prestations. Le recours se révèle ainsi bien fondé dans sa
conclusion subsidiaire.

6.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). En outre, le
recourant, qui obtient gain de cause, a droit à des dépens à la charge de
l'intimée (art. 159 al. 1 OJ en relation avec art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du 9 février 2006 de la
Chambre des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du
Jura et la décision sur opposition du 26 novembre 2004 de la CNA sont
annulés, la cause étant renvoyée à l'assureur-accidents pour qu'il procède
conformément aux considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
La CNA versera au recourant une indemnité de dépens (y compris la taxe à la
valeur ajoutée) de 2'500 fr. pour l'instance fédérale.

4.
La Chambre des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du
Jura statuera sur les dépens pour la procédure de première instance au regard
de l'issue du procès de dernière instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, et à l'Office fédéral
de la santé publique.

Lucerne, le 7 février 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La greffière: