Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen M 1/2006
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{T 7}
M 1/06

Arrêt du 27 février 2007
Ire Cour de droit social

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger et Frésard.
Greffière: Mme von Zwehl.

A. ________,
recourant, représenté par Me Urbain Lambercy, avocat, chemin du Closelet 2,
1001 Lausanne,

contre

SUVA Genève, Assurance militaire,
rue Jacques-Grosselin 8, 1227 Carouge GE,
intimé.

Assurance militaire,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal des assurances
du canton de Vaud du 14 mars 2006.

Faits:

A.
A.a A.________, a travaillé en qualité de représentant de commerce au service
de la société X.________ jusqu'en août 1997, date à laquelle il a cessé
définitivement de travailler. La cessation de son activité est liée à une
gonarthrose tricompartimentale du genou droit, elle-même consécutive à une
entorse du genou survenue durant une période de service militaire en 1976.
Par décision du 30 mai 2001, entrée en force, l'Office fédéral de l'assurance
militaire (aujourd'hui faisant partie de la Caisse nationale suisse en cas
d'accidents [CNA]; ci-après : l'OFAM) a alloué au prénommé, à partir du 1er
mai 2001 et pour une durée indéterminée, une rente mensuelle de 3'689 fr. 15
fondée sur un degré d'invalidité de 50% et un gain annuel assuré de 93'200
fr.

A.b Entre-temps, A.________ s'est annoncé à l'assurance-invalidité. Retenant,
à l'issue de l'instruction, l'existence d'une capacité de travail résiduelle
de 50% dans un poste d'employé de bureau, l'Office AI pour le canton de Vaud
(ci-après : l'office AI) lui a octroyé une rente entière fondée sur un taux
d'invalidité de 69% depuis le 1er juin 1998 (sauf pour la période courant du
1er août 2002 au 31 mars 2003), assortie de rentes pour enfants et d'une
rente complémentaire pour l'épouse (décisions des 7 octobre et 11 novembre
2003). Saisi d'une opposition, l'office AI l'a rejetée, en exposant que
l'assuré serait en mesure de réaliser un salaire annuel de 30'740 fr. tandis
qu'il aurait pu gagner 99'911 fr. sans l'atteinte à la santé (décision sur
opposition du 22 avril 2004). Le 28 mai 2004, l'office AI a rendu deux
nouvelles décisions, par lesquelles il a remplacé les rentes entières par des
trois quarts de rentes dès le 1er janvier 2004. L'intéressé a interjeté
recours jusqu'au Tribunal fédéral des assurances qui a partiellement admis
ses conclusions en ce sens que le taux d'invalidité a été porté de 69% à 75%
à compter du 1er juin 1998 (arrêt du 26 octobre 2006; cause I 864/05).

A.c Le 23 janvier 2004, l'OFAM a rendu une décision par laquelle il informait
A.________ que les prestations de l'assurance militaire (indemnité
journalière et rente) devaient être réduites pour cause de surindemnisation.
Sur la période allant du 1er juin 1998 au 1er novembre 2003, il en résultait
un montant versé en trop de 188'888 fr. qui était compensé avec les paiements
rétroactifs de l'AI; dès le 1er décembre 2003, le montant de la rente réduite
s'élevait à 2'116 fr. 80. Cette décision n'a pas été attaquée. Le 21 juillet
suivant, l'OFAM a rendu une nouvelle décision de surindemnisation, confirmée
sur opposition le 4 octobre 2004, pour tenir compte de la réduction des
rentes AI dès le 1er janvier 2004; en considération d'un gain assuré de
94'692 fr., le montant de la rente mensuelle de l'assurance militaire a été
fixée à 2'946 fr. 80.

B.
Par jugement du 14 mars 2006, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a
rejeté le recours formé par l'assuré contre la décision sur opposition du
4 octobre 2004.

C.
A.________ a interjeté recours de droit administratif. Sous suite de dépens,
il conclut, principalement, à l'annulation du jugement cantonal et au renvoi
de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle instruction et nouvelle
décision dans le sens des considérants et, subsidiairement, à la réforme du
jugement cantonal en ce sens que l'autorité intimée doit lui verser
mensuellement une rente de 3'748 fr. 25 dès le 1er janvier 2004.

La CNA, division assurance militaire, conclut au rejet du recours, tandis que
l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
Est litigieuse la réduction, à partir du 1er janvier 2004, de la rente
d'invalidité de l'assurance militaire pour cause de surindemnisation.

3.
Dans sa décision sur opposition (du 4 octobre 2004), l'OFAM a effectué le
calcul de réduction suivant :
Rente de l'assurance militaire 3'748 fr. 25
Rentes de l'assurance-invalidité  [1'469 fr. + 441 fr. + 588 fr.] 2'498
fr.
Revenu d'une activité lucrative en fonction de la capacité de gain
(31% de 94'692 fr. : 12)   2'446 fr. 20
_________
TOTAL :  8'692 fr. 45
Gain en cas d'entière capacité de gagner déterminant pour le calcul
de la réduction (94'692 fr. : 12)  7'891 fr.
_________
EXCÉDENT (MONTANT DE LA RÉDUCTION) 801 fr. 45
Rente mensuelle de l'assurance militaire 3'748 fr. 25
Montant de la réduction 801 fr. 45
_________
MONTANT DE LA RENTE RÉDUITE, PAR MOIS 2'946 fr. 80

4.
Le recourant conteste tout d'abord le montant de son gain annuel assuré
(94'692 fr.) pris en considération pour déterminer une éventuelle
surindemnisation. Selon lui, le montant à retenir à ce titre doit
correspondre au "gain assuré" de 99'911 fr. fixé par les organes de l'AI pour
l'évaluation de son degré d'invalidité. Se référant aux règles de
coordination contenues dans la LPGA, il soutient que l'OFAM ne saurait
procéder à une interprétation autonome des notions de surindemnisation et de
gain annuel assuré en vertu des dispositions de l'assurance militaire. Par
ailleurs, il prétend que le calcul de surindemnisation doit uniquement tenir
compte de sa propre rente AI et faire abstraction des rentes AI
complémentaires.

5.
5.1 Aux termes de l'art. 69 al. 1 LPGA, le concours de prestations des
différentes assurances sociales ne doit pas conduire à une surindemnisation
de l'ayant droit (1ère phrase); ne sont prises en compte dans le calcul de la
surindemnisation que des prestations en nature et de but identiques qui sont
accordées à l'assuré en raison de l'événement dommageable (2ème phrase). Il y
a surindemnisation dans la mesure où les prestations sociales légalement dues
dépassent, du fait de la réalisation du risque, à la fois le gain dont
l'assuré est présumé avoir été privé, les frais supplémentaires et les
éventuelles diminutions de revenu subies par les proches (art. 69 al. 2
LPGA).

Par "gain dont l'assuré est présumé avoir été privé", il faut entendre le
gain que la personne assurée aurait vraisemblablement réalisé sans
l'événement dommageable (Kieser, Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des
Sozialversicherungsrechts [ATSG], in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht
[SBVR], Soziale Sicherheit, 2ème éd., no 252).

5.2 L'al. 1er de l'art. 32 OAM, dans sa teneur en vigueur depuis le
1er janvier 2003, prévoit qu'en cas de cumul d'une rente de l'assurance
militaire avec une rente de l'assurance-vieillesse et survivants, de
l'assurance-invalidité ou de l'assurance-accidents, sont entièrement pris en
considération, sous réserve des al. 2 et 3 :
a.les rentes de l'assurance-vieillesse et survivants et de
l'assurance-invalidité ainsi que de l'assurance-accidents lorsqu'elles sont
en concours avec les rentes de l'assurance militaire; les rentes de veuves ou
de veufs et d'orphelins sont cumulées;
b.les allocations de renchérissement;
c.les revenus d'une activité lucrative que le bénéficiaire d'une rente de
l'assurance militaire et de l'assurance-invalidité ou de
l'assurance-accidents touche ou pourrait encore toucher en vertu de sa
capacité de gain partielle.
Le gain annuel qui sert de base à la rente de l'assurance militaire est
déterminant pour le calcul de la réduction (cf. art. 32 al. 2 OAM, 1ère
phrase). En cas d'invalidité totale, la rente annuelle d'invalidité
correspond à 95% du gain annuel assuré; en cas d'invalidité partielle, la
rente est réduite d'autant (cf. art. 40 LAM al. 2, dans sa teneur en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2005). Est assuré le gain annuel que l'assuré aurait
probablement pu réaliser pendant la durée de l'invalidité sans l'affection
assurée (art. 40 al. 3 LAM, 1ère phrase, dans sa teneur en vigueur depuis le
1er janvier 2003). Le gain annuel servant de base aux rentes de durée
indéterminée des assurés n'ayant pas atteint l'âge de bénéficier de l'AVS est
régulièrement adapté à l'indice des salaires nominaux; la limite de réduction
suit cette adaptation (art. 32 al. 2 OAM, 2ème phrase, en relation avec
l'art. 43 LAM).

6.
L'application des dispositions topiques citées ci-dessus devrait conduire à
des chiffres généralement concordants entre le gain dont l'assuré est présumé
avoir été privé selon la LPGA et le gain annuel assuré servant de base à la
rente militaire (art. 32 OAM en relation avec l'art. 40 al. LAM),
respectivement le revenu sans invalidité déterminant pour l'évaluation de
l'invalidité dans l'AI - et non pas le "gain assuré" comme l'a mentionné le
recourant dans son écriture -(voir cependant SZS 2005 p. 557). En effet,
toutes ces notions se réfèrent au salaire hypothétique que l'assuré aurait pu
vraisemblablement obtenir s'il n'était pas invalide. En l'espèce, tant l'OFAM
que l'office AI se sont fondés sur le dernier revenu réalisé par le recourant
avant son atteinte à la santé (1996) en tenant compte de l'évolution des
salaires. Toutefois, alors que dans le cadre de la procédure AI, la société
X.________ a fait état d'un salaire annuel de 93'768 fr. (questionnaire pour
l'employeur du 27 octobre 1997; consid. 2.5 de l'arrêt du Tribunal fédéral
des assurances du 26 octobre 2006, cause I 864/05), la même société a déclaré
un gain annuel de 91'374 fr. aux organes de l'assurance militaire
(questionnaire pour employeurs du 25 mars 1997), montant qui n'aurait pas
évolué de 1996 à 2000 toujours selon ses indications. La différence entre les
montants en cause dont se plaint le recourant résulte donc bien plutôt de
déclarations contradictoires de l'employeur que d'une application incorrecte
du droit par l'assureur militaire. Dès lors que A.________ n'a recouru ni
contre la décision d'allocation de rente de l'OFAM du 30 mai 2001 fixant pour
la première fois son gain annuel assuré, ni contre la décision de
surindemnisation du 23 janvier 2004 (alors que les montants en jeu étaient
importants), et qu'à ce jour, il n'a pas non plus fourni de pièce susceptible
d'établir que le salaire hypothétique retenu en matière AI serait plus proche
de la réalité que celui sur lequel s'est appuyé l'assureur militaire, on ne
voit pas de motif de s'en écarter. Enfin, en vertu du principe dit de
concordance des droits consacré par l'art. 69 al. 1er 2ème phrase LPGA, c'est
à juste titre que l'OFAM a pris en compte les rentes complémentaires AI dans
le calcul de surindemnisation du recourant. Ces prestations sont en effet de
même nature que la rente AI dont elles suivent le sort et visent à soutenir
l'assuré dans son obligation légale d'entretien envers sa famille en raison
de son incapacité de gain (voir également sous l'ancien droit Jürg Maeschi,
Kommentar zum Bundesgesetz über die Militärversicherung [MVG] vom 19. Juni
1992, Berne 2000, p. 530 no 13; en matière de prévoyance professionnelle :
ATF 126 V 468). Qu'elles soient directement versées en mains de la femme
divorcée n'y change rien.

7.
Cela étant, le prononcé de l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances qui
porte le degré d'invalidé du recourant de 69% à 75% à compter du 1er juin
1998 (cause I 864/05) devrait, logiquement, donner lieu à un nouveau calcul
de surindemnisation de la part de l'assureur militaire.

7.1 En ce qui concerne la période s'étendant du 1er juin 1998 au 31 décembre
2003, le taux d'invalidité nouvellement fixé est en effet de nature à
modifier le montant retenu au titre de la capacité de gain résiduelle de
l'assuré. La question de savoir si cela justifie ou non la révision de la
décision de l'OFAM du 23 janvier 2004 sort du cadre du litige, de sorte qu'il
n'y a pas lieu de l'examiner plus avant.

7.2 S'agissant de la période courant dès le 1er janvier 2004, ce taux
entraîne également un changement dans le montant des prestations AI à prendre
en compte pour le calcul de surindemnisation, puisque le droit du recourant à
une rente d'invalidité entière a été maintenu après l'entrée en vigueur de la
4ème révision de la LAI.

Il convient par conséquent de limiter la portée du présent arrêt à la
confirmation des points de la décision sur opposition litigieuse suivants :
le montant du gain annuel assuré et la prise en compte de la totalité des
prestations AI, rentes complémentaires comprises. Dans cette mesure, le
recourant doit être débouté de toutes ses conclusions. Est réservé le droit
de l'intimée de procéder à un nouveau calcul de surindemnisation dès le 1er
janvier 2004 compte tenu de l'arrêt du 26 octobre 2006 du Tribunal fédéral
des assurances.

8.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Le
recourant, qui n'obtient pas gain de cause, n'a pas droit à des dépens (art.
159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté aux sens des considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice, ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 27 février 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: p. la Greffière: