Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen K 147/2006
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K 147/06

Arrêt du 9 janvier 2008
IIe Cour de droit social

MM. les Juges U. Meyer, Président,
Lustenberger, Borella, Kernen et Seiler.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

SWICA Assurance-maladie, boulevard de Grancy 39, 1001 Lausanne,
recourant,

contre

S.________,
intimé, représenté par X.________.

Assurance-maladie,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et Canton de Genève du 7 novembre 2006.

Faits:

A.
S. ________, né en 1967, est assuré auprès de Swica Assurances-maladies SA
(ci-après: Swica) pour l'assurance obligatoire des soins depuis janvier 1996.
Depuis de nombreuses années, il est soigné pour un SIDA et présente
différentes pathologies qui l'empêchent de travailler; il exerce une activité
bénévole auprès de X.________.

En raison de la trithérapie suivie, l'assuré a développé à partir de 2000 une
lipodystrophie secondaire (redistribution du tissu adipeux sous-cutané) avec
une altération du visage, accentuée par le caractère longiligne de la face et
la taille des oreilles. Le 18 mars 2005, il a demandé à Swica la prise en
charge d'un traitement au moyen du produit «New Fill», soit des injections
d'un produit à base d'acide polylactique entièrement résorbable, qui permet
de pallier à l'amincissement du tissu adipeux en entraînant un épaississement
du derme et qui est utilisé généralement pour le comblement de rides. Par
décision du 3 mai 2004 [recte: 2005], la caisse-maladie a refusé de prendre
en charge le traitement au motif que le produit n'était pas enregistré auprès
de Swissmedic. Saisi d'une opposition, elle a soumis l'assuré à un examen
auprès de son médecin-conseil, le docteur L.________. Le 15 septembre 2005,
Swica a confirmé sa position, considérant que le produit «New Fill» ne
figurait pas sur la liste des spécialités.

B.
S. ________ a déféré la décision sur opposition du 15 septembre 2005 au
Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de
Genève. Lors de l'instruction, au cours de laquelle le tribunal a ordonné
l'audition des parties et du docteur L.________, l'assuré a précisé que le
traitement consistait dans son cas en quatre séances d'injection de 6 ml du
produit «New Fill», d'un coût global de 3'660 fr.

Par jugement du 7 novembre 2006, la juridiction cantonale a admis le recours
et condamné Swica à la prise en charge du traitement au moyen du produit «New
Fill».

C.
Swica a interjeté un recours de droit administratif contre ce jugement, dont
elle a demandé l'annulation.

S. ________ et l'Office fédéral de la santé publique ont conclu au rejet du
recours.

Considérant en droit:

1.
La loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée
en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué ayant été
rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1
LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
Le litige porte sur la prise en charge par l'assurance obligatoire des soins
du traitement de la lipodystrophie secondaire dont est atteint l'intimé au
moyen du produit «New Fill».

3.
3.1 L'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des
prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses
séquelles (art. 25 al. 1 LAMal). Est réputée maladie, toute atteinte à la
santé physique, mentale ou psychique qui n'est pas due à un accident et qui
exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de
travail (art. 3 al. 1 LPGA). La notion de maladie suppose, d'une part, une
atteinte à la santé physique, mentale ou psychique dans le sens d'un état
physique, psychique ou mental qui s'écarte de la norme et, d'autre part, la
nécessité d'un examen ou d'un traitement médical (Gebhard Eugster,
Krankenversicherung [E], in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR],
Soziale Sicherheit, 2e éd., p. 477 ch. 248). La prise en charge des
conséquences d'une maladie suppose également que celles-ci relèvent d'une
altération de la santé et puissent ainsi être qualifiées de maladie (ATF 129
V 32 consid. 4.2.1 p. 38).

3.2 L'intimé est atteint d'une lipodystrophie secondaire (redistribution du
tissu adipeux sous-cutané; code E88.10 du CIM-10, sous le titre anomalie du
métabolisme), liée à la prise d'antirétroviraux pour le traitement du SIDA.
Selon le rapport du docteur L.________ du 14 juillet 2005, cette atteinte a
provoqué une altération du visage (pommettes creusées) due à une régression
du tissus adipeux sous-cutané au niveau de chacune des joues, le patient
présentant également une atteinte narcissique secondaire.
Au regard de ces constatations, on peut se demander si l'atteinte en cause et
ses effets - altération du visage et atteinte narcissique secondaire -, qui
n'entraînent ni limitation fonctionnelle, ni douleurs, ont valeur de maladie
ou s'ils relèvent seulement d'un défaut esthétique. Il est vrai, comme l'ont
relevé les premiers juges, que la jurisprudence reconnaît à certaines
conditions qu'une intervention chirurgicale servant à la correction
d'altérations externes de certaines parties du corps visibles et spécialement
sensibles sur le plan esthétique est prise en charge par l'assurance
obligatoire de soins (ATF 121 V 119, 111 V 229 consid. 1c p. 232, 102 V 69
consid. 3 p. 71). Il n'est toutefois pas nécessaire, dans le cas d'espèce,
d'examiner plus avant si l'atteinte en question peut être qualifiée de
maladie ou, dans la négative, si les conditions de la prise en charge d'une
correction de défauts esthétiques sont remplies. L'obligation de prester de
l'assureur-maladie doit en effet être niée pour les motifs exposés ci-après.

4.
4.1 Conformément à l'art. 25 al. 2 LAMal, les prestations dont les coûts sont
pris en charge par l'assurance obligatoire des soins (art. 25 al. 1 LAMal)
comprennent (notamment) les examens, traitements et soins dispensés sous
forme ambulatoire par des médecins (art. 25 al. 2 let. a ch. 1 LAMal), ainsi
que les analyses, médicaments, moyens et appareils diagnostiques ou
thérapeutiques prescrits par un médecin ou, dans les limites fixées par le
Conseil fédéral, par un chiropraticien (art. 25 al. 2 let. b LAMal).

Pour garantir que les prestations prises en charge par l'assurance maladie
obligatoire remplissent les exigences de l'efficacité, l'adéquation et le
caractère économique, posées par l'art. 32 al. 1 LAMal, l'art. 33 LAMal
prévoit un système pour désigner les prestations susceptibles d'être prises
en charge. Ce système distingue selon le type de fournisseurs de prestations
et/ou selon la nature de la prestation dispensée et est concrétisé par l'art.
33 OAMal (ATF 129 V 167 consid. 3.2 p. 170). En ce qui concerne les
prestations énumérées à l'art. 25 al. 2 let. b LAMal (analyses, médicaments,
moyens et appareils diagnostiques), le législateur a prévu un système dit de
liste positive, à la différence du catalogue de certaines prestations
fournies par les médecins de l'Annexe 1 à l'OPAS (cf. ATF 129 V 167 consid.
3.4 p. 172). Tant la liste des analyses (LAna; art. 25 al. 2 let. b, 52 al. 1
let. a ch. 1 LAMal, 34 et 60 à 62 OAMal, 28 OPAS et Annexe 3 de l'OPAS), que
la liste des appareils et moyens (art. 25 al. 2 let. b, 52 al. 1 let. a ch.
3, 33 let. e OAMal, 20 à 24 OPAS et Annexe 2 de l'OPAS) et la liste des
spécialités, soit la liste des préparations pharmaceutiques et des
médicaments confectionnés, avec prix (art. 25 al. 2 let. b, 52 al. 1 let. b
LAMal, 34 et 64 à 75 OAMal, 30 à 38 OPAS) constituent des listes positives de
prestations. Celles-ci ont pour caractéristique d'être à la fois exhaustives
et contraignantes, parce que les assureurs-maladie ne peuvent, en vertu de
l'art. 34 al. 1 LAMal, prendre en charge que les prestations prévues aux art.
25 à 33 LAMal (arrêt K 55/05 du 24 octobre 2005). La prise en charge par
l'assurance-maladie obligatoire d'une prestation correspondant à une analyse,
un appareil ou un moyen, ou encore un produit thérapeutique suppose en
principe que l'analyse, respectivement le moyen, l'appareil ou le médicament
en cause, figure dans la LAna, respectivement la LiMA ou la liste des
spécialités. En d'autres termes, le système légal exclut la prise en charge
par l'assurance obligatoire des soins d'une prestation sous forme d'analyse,
d'appareil ou de moyen, ou encore de produit thérapeutique, qui n'est pas
mentionnée dans la LAna, respectivement la LiMA ou la liste des spécialités:
(arrêt K 55/05 du 24 octobre 2005, consid. 1.2.2 [pour les analyses]; RAMA
2002 n° KV 196 p. 7 (K 157/00) consid. 3, p. 8 [pour les appareils et
moyens]; ATF 130 V 532, consid. 3.4 p. 540, RAMA 2004 n° KV 272 p. 109 [K
156/01] consid. 3.2.1, 2003 n° KV 260 p. 299 [K 63/03] consid. 3.2 [pour les
médicaments]). En particulier, même si un médicament, qui ne figure pas sur
la liste des spécialités (ou la liste des médicaments avec tarif) est
prescrit par un médecin et est efficace, approprié et économique (au sens de
l'art. 32 al. 1 LAMal), il n'a pas à être pris en charge par l'assurance
obligatoire des soins (cf. Eugster, op. cit., p. 513 ch. 347). De même, un
nouveau moyen ou nouvel appareil doit être inclus dans la LiMA pour
constituer une prestation à charge de l'assurance-maladie obligatoire (arrêt
K 157/00 cité, consid. 3b/aa).

4.2 La prestation ici en cause consiste en l'administration (par injection)
du produit «New Fill» prescrit par un médecin. Pas plus que dans la LAna ou
la LiMA, la substance «New Fill» ne figure dans la liste des spécialités. En
conséquence, compte tenu du caractère positif et exhaustif de ces trois
listes, ce produit ne correspond pas à une prestation à la charge de
l'assurance-maladie obligatoire.

Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, qui ont encore examiné
si le produit «New Fill» remplissait les exigences d'efficacité, d'adéquation
et du caractère économique de l'art. 32 al. 1 LAMal, il n'y a pas lieu
d'appliquer la présomption légale posée par cette disposition. En tant que la
prestation ici en cause constitue en l'administration d'un produit (l'acte
médical se limitant à l'injection de celui-ci), correspondant ainsi à la
catégorie de prestations visée par l'art. 25 al. 2 let. b LAMal, mais ne
figure pas sur l'une des trois listes positives concrétisant ces prestations
(LAna, LiMA et liste des spécialités), l'assureur-maladie est en droit
d'opposer un refus à l'assuré au seul motif que le produit n'est pas
mentionné dans ces listes. Considérer ce produit comme un traitement dispensé
sous forme ambulatoire au sens de l'art. 25 al. 2 let. a LAMal (alors que
l'acte médical se confond avec l'injection du «New Fill») et lui appliquer la
présomption légale de l'art. 32 al. 1 LAMal - comme ce serait le cas pour une
prestation au sens des art. 33 al. 3 LAMal et 33 let. c OAMal qui n'aurait
pas été soumise à l'avis de la Commission des prestations (ATF 129 V 169
consid. 4 p. 173) - reviendrait à contourner le système de la liste
exhaustive et contraignante prévue pour les prestations relevant d'une
analyse, d'un appareil ou moyen, ou encore d'un produit thérapeutique.

Il importe peu à cet égard de savoir si «New Fill» constitue un dispositif
médical, comme l'ont retenu les premiers juges, ou - compte tenu de l'action
sur l'organisme du produit, qui induit apparemment une néocollagénose
naturelle (Richard N. Sherman, Sculptra: the New Three-Dimensional Filler,
Clinics in Plastic Surgery 33/2006 p. 539 ss.) - un médicament (sur ces
notions et leurs différences, cf. art. 4 al. 1 let. a et b de la Loi sur les
produits thérapeutiques, LPTh; RS 812.21; Ursula Eggenberger Stöckli, Basler
Kommentar zum Heilmittelgesetz, Bâle/Genève/Munich 2006, ad art. 4, n. 51 s.
p. 55; Kieser, Heilmittel, in: T. Poledna/U. Kieser, Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Gesundheitsrecht, vol. 8, p. 160 et 175). Dès
lors que ce produit ne figure pas comme médicament dans la liste des
spécialités, respectivement, en tant que dispositif médical comme moyen ou
appareil dans la LiMA, il ne fait pas partie des prestations au sens de
l'art. 25 al. 2 let. b LAMal à la charge de l'assurance obligatoire des
soins.

4.3 En conséquence de ce qui précède, le recours est bien fondé, ce qui
conduit à l'annulation du jugement entrepris.

5.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). L'intimé qui
succombe n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 en corrélation avec
l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est admis et le jugement du Tribunal
cantonal des assurances sociales de la République et Canton de Genève du
7 novembre 2006 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et Canton de Genève et à l'Office
fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 9 janvier 2008

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:

Meyer Moser-Szeless